L'Autobiographie de Still enfin accessible – page 3/3
précise des fonctions aux conditions changeantes du milieu, par l'intégration toujours plus grande des
parties au tout et par la diversification des relations sociales. Dans Premiers Principes (1862) et
Principes de biologie (1864), A. T. Still trouvera les formulations des lois de cause et effet et surtout
l'énoncé des notions de structure et de fonction ainsi que l'expression de leur relation mutuelle, pierre
angulaire de la philosophie ostéo- pathique.
AA: Tu parles de lente maturation, pourtant, dans l'Autobiographie, Still évoque une illumination qu'il
aurait eue le 22 juin 1874 affirmant qu'elle correspond à la naissance de l'ostéopathie.
PT : Les deux ne sont pas incompatibles. L'illumination dont parle Still ressemble à ces moments de
prise de conscience soudaine dans lesquels un ensemble de faits, de connaissances, d'expériences
apparemment disparates s'intègrent tout à coup en un tout cohérent, apportant instantanément une
compréhension évidente à un problème jusqu'alors non résolu. La soudaineté et la profondeur de la
prise de conscience peuvent être tellement submergeantes qu'on leur accorde une dimension divine,
mais cet instant a sans doute été préparé par de longues périodes de recherches, de
questionnements, d'expérimentations et de tâtonnements.
Nous n'avons pas de certitude absolue nous indiquant que la révélation du 22 juin 1874 soit
directement reliée à la lecture de Premiers Principes, mais la relation que fait Still de ce moment peut
nous le suggérer : « Il y a vingt deux ans aujourd'hui, à midi, je fus touché – non pas au cœur, mais
au pôle de la raison. Ce pôle était alors dans une bien mauvaise condition pour recevoir une flèche
chargée de principes philosophiques. Depuis, je me suis toujours souvenu de ce jour mémorable,
et le célèbre… »7
AA : Le doute plane toujours en France : Still était-il médecin ou non ?
PT : Il était médecin, mais nous ne pouvons comparer la situation des états pionniers d'Amérique des
années 1840-70 à ce que nous connaissons aujourd'hui. À cette époque, la médecine ne s'apprenait
pas dans des écoles, sauf sans doute dans les états du Nord et de l'Est des Etats-Unis, nettement
plus avancés dans leur civilisation. Dans sa biographie de Still, Carol Trowbridge écrit : « Andrew
Taylor Still pratiquait la médecine avec son père depuis 1849, sa formation se faisant par
apprentissage direct, comme pour la plupart des médecins américains de l'époque. Pendant une
période d'environs deux ans, les étudiants médecins mélangeaient les médecines, observaient les
patients et apprenaient la thérapeutique. Cette expérience pratique était soutenue par la lecture de
livres de médecine se trouvant dans la bibliothèque du médecin. Des dons d'observation, une
connaissance en histoire naturelle et une connaissance de l'environnement du foyer du patient ainsi
que du climat local, constituaient des éléments importants dans l'enseignement informel du médecin
du dix neuvième siècle. [...] Aucun entraînement formel n'était requis pour une personne voulant
accrocher une plaque de médecin car aucune loi réglementant l'exercice de la médecine n'exista
avant les années 1870 et 1880 »8
Immédiatement après la guerre de Sécession, Still tentera d'intégrer une école mais, « il fut dégoûté
par les enseignements et n'alla pas jusqu'au diplôme.9 Evidemment, un diplôme d'une école médicale
de l'époque ne signifiait pas grand chose, si ce n'est un papier à accrocher au mur. Les conditions
exigées pour entrer dans ces entreprises pour la plupart commerciales se réduisaient généralement à
la capacité de payer les frais de scolarité. L'étudiant devait assister à un cours de deux années de
conférences échelonnées de novembre à février, la seconde année présentant le même programme
que la première, sans entraînement clinique et comme beaucoup d'étudiants étaient illettrés, seul un
bref examen oral était requis pour obtenir le diplôme »10
AA : Still a-t-il laissé la description de techniques de traitement, expliqué la manière dont il établissait
son diagnostic ostéopathique ?
PT : Still n'a laissé pratiquement aucune description de techniques. Il mettait l'accent sur la
philosophie et la compréhension du cas du patient. Une fois que le problème était compris, il estimait
7Ibid., p. 237 Discours de Still dans le Memorial Hall du collège de Kirksville, le 22 juin 1895.
8Carol Trowbridge : A. T. Still 1828-1917, p. 54-54, Thomas Jefferson University Press, Kirksville, Mo, 1992.
9George M. Laughlin, “ Demande si seulement A. T. Still était docteur, ” Osteopathic Physician 15 (January
1909) : 8. Bien que ni l'existence de l'école de Kansas City à cette époque, ni la présence de Still n'aient été
vérifiées, étant donné le respect de la famille pour l'instruction formelle, il est possible que Still se soit
effectivement inscrit à quelque école. Son frère James reçut un diplôme médical du Collège médical Rush en
1864.
10Ibid. p. 96.