Philosophie de l`ostéopathie - Approche tissulaire de l`ostéopathie

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Philosophie de l’ostéopathie
Naissance et développement d’un concept
Pierre Tricot DO MRO(F)1
« Depuis que l'ostéopathie est devenue un fait établi, beaucoup de mes amis se sont souciés de me voir
écrire un traité sur la science. Mais je n'étais pas du tout convaincu que le temps fût venu pour une telle
présentation, et aujourd'hui encore, je me demande si ce n'est pas un peu prématuré.2 L'ostéopathie est
encore dans l'enfance, c'est une grande mer inconnue venant d'être découverte, dont nous ne connais-
sons aujourd'hui que l'étendue du rivage.
En voyant que certains, ayant tout juste effleuré la surface de la science, ont pris le stylo pour écrire
des livres sur l'ostéopathie et, après avoir attentivement examiné leurs présentations, découvert qu'ils
buvaient aux fontaines des vieilles écoles des drogues, tirant la science en arrière vers les systèmes
mêmes dont je me suis séparé il y a tant d'années, et réalisant que des étudiants affamés étaient prêts à
gober ce poison mental et tout le danger qu'il représente, je me suis convaincu de la nécessité d'écrire
une littérature ostéopathique destinée à ceux qui désirent être informés.
Ce livre ne comporte aucune citation émanant d'auteurs médicaux et diverge de leurs opinions sur la
plupart des questions importantes. Je ne m'attends pas à rencontrer leur approbation ; une telle chose
serait non naturelle et impossible.
Mon objectif dans ce travail est d'enseigner les principes tels que je les comprends et non pas des rè-
gles. Je ne me propose pas d'instruire l'étudiant à taper ou tirer certains os, nerfs ou muscles en fonc-
tion de telle maladie, mais avec une connaissance du normal et de l'anormal, j'espère proposer un sa-
voir précis applicable à toutes les maladies.
Ce travail a été rédigé progressivement au cours des années, dans les moments que j'ai pu distraire
d'autres préoccupations pour m'y consacrer. J'ai compilé attentivement ces pensées dans un traité. Cha-
que principe ici présenté a été honnêtement testé et éprouvé par moi-même.
Ce livre a été écrit par moi, à ma façon, sans aucune ambition de belle écriture, mais pour donner au
monde une introduction à une philosophie pouvant servir de guide dans le futur. »3
En 1899 il y a cent ans , deux années après l’Autobiographie, Still publie son second livre, la
Philosophie de l’Ostéopathie (Philosophy of Osteopathy).
Still a 71 ans et sa santé décline. D’anciens élèves commencent à publier des ouvrages. Ainsi,
Elmer Barber a publié en 1898 Osteopathy Complete,4 un premier livre traitant de la technique
ostéopathique. Carl McConnel, publie en 1899 The Practice of Osteopathy : Designed for the use
of Practitioners and Students of Osteopathy.5 Still n’est pas du tout satisfait du livre de McCon-
nel, regrettant que l’essentiel soit tiré des « anciens auteurs médicaux, » et le considérant comme
« la faillite totale d’un ostéopathe. »6 Il lui reproche essentiellement de ne pas respecter le
concept ostéopathique et d’aborder les problèmes de santé avec la démarche symptomatique ty-
pique du médecin. Dès lors, il se sent pressé par l’urgence de consigner l’essentiel ostéopathique.
1 Texte paru dans la revue de l’Académie d’Ostéopathie de France, Apostill n°3, Mars 1999, pp. 4-9.
2 Nous sommes en 1899 (N.d.T.).
3 Extrait de la préface écrite par A. T. Still pour Philosophie de l’Ostéopathie.
4 Elmer Barber : Osteopathy Complete (Ostéopathie complète).
5 Carl McConnel : The Practice of Osteopathy : Designed for the use of Practitioners and Students of Osteopathy.
(La pratique de l’ostéopathie, destiné à l’usage des praticiens et étudiants en ostéopathie). Chicago: W. B. Con-
key, 1899.
6 Lettre de Still, à Me H. Orshel, Livingston, Montana, 2 janvier 1900. Fragment appartenant à Me M. E. Still, A.
T. Still Memorial Library, KCOM. in C. Trowbridge, A. T. Still, 1828-1917, Thomas Jefferson University Press,
Kirksville, Mo, 1992, p. 187.
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Philosophie de l’ostéopathie est donc le premier ouvrage écrit par Still avec cet objectif en tête.
Pour bien comprendre l’ouvrage, il nous semble important de rappeler quelle était la médecine et
sa pratique dans le Middle West américain à l’époque de Still, d’évaluer quel était le niveau de
connaissances du temps concernant les sciences de l’homme, et de présenter enfin certains élé-
ments de l’histoire du collège de Kirksville et du développement de l’ostéopathie, jouant un rôle
important dans l’état d’esprit de Still à cette époque.
Le contexte médical de l’époque
L’évocation du contexte médical de l’époque et du lieu nous permettra de comprendre son che-
minement mais également sa sévérité vis à vis des médecins et des systèmes médicaux : dans les
états pionniers, la pratique de la médecine n'est pas réglementée. Elle ne le sera que progressive-
ment à partir des années 1870. Cette médecine est probablement plus proche des descriptions de
Molière que de la médecine actuelle et, bien entendu, elle est le plus souvent impuissante. Il l'ap-
pellera lui-même médecine de l'à-peu-près, ou du viser-rater.7
À l’époque, la médecine s’apprenait auprès d’un praticien déjà en exercice, ce savoir pratique
étant complété par la lecture des ouvrages de médecine que pouvait posséder le praticien. Ainsi,
Still apprendra la médecine auprès de son père, pasteur méthodiste et médecin, au contact des
indiens shawnee et de leurs pratiques.
Dans les années 1860, désirant parfaire sa formation médicale, il tentera d’intégrer un enseigne-
ment plus formel : « ...Plus tard, il dira qu'en intégrant le Kansas City School of Physicians and
Surgeons, immédiatement après la guerre de Sécession, il fut dégoûté par les enseignements et
n'alla pas jusqu'au diplôme. Si ce n'est la possession d'un diplôme formel à accrocher au mur du
cabinet, un diplôme d'école médicale ne signifiait évidemment pas grand chose dans les années
1860. Les exigences requises pour intégrer ces écoles essentiellement commerciales, dirigées par
des médecins, étaient minimes. Il suffisait habituellement de pouvoir payer les frais de scolarité.
L'étudiant devait assister à un cycle de conférences étalées sur deux ans, de novembre à février, la
seconde année présentant les mêmes matériaux que la première, sans aucune pratique clinique.
De plus, beaucoup d'étudiants étant illettrés, l'examen final se réduisait à une simple interrogation
orale. » 8
Son intérêt pour la mécanique le conduira à rapprocher ses trouvailles de l'organisation de la
structure humaine et à se plonger dans l'anatomie, qu'il étudiera sur les squelettes indiens. Il sera
ainsi révolutionnaire en émettant l'idée d'une relation entre l'anatomie et la fonction. Cette étude,
lui fournissant un support réel de connaissance, lui permettra également de sortir de l'empirisme
médical de l'époque. En combinant une connaissance anatomique et physiologique à la logique
d’un raisonnement, il fut pionnier dans l’approche scientifique de la maladie et de la médecine.
Les connaissances médicales du temps de Still
L’évaluation des connaissances médicales du temps est également indispensable pour compren-
dre les propos que Still tient dans Philosophie de l’Ostéopathie. Nous sommes en 1899. Ignace
Semmelweis (1818-1865), obstétricien hongrois a découvert l’origine infectieuse de la fièvre
puerpérale et préconise l’asepsie, mais il est combattu par les médecins de l’époque et ses travaux
7 « Par conséquent, un traité essayant de dire aux gens comment traiter la maladie à l'aide de nos méthodes serait
pire qu'inutile pour toute personne n'ayant pas été entraînée en anatomie. C'est de la philosophie de l'ostéopathie
dont l'opérateur a besoin. Par conséquent, il est indispensable que vous connaissiez cette philosophie sinon, vous
échouerez sévèrement et n'irez pas plus loin que le charlatanisme du ‘viser rater.’ » Autobiographie, p. 144.
8 Carol Trowbridge : A. T. Still, 1828-1917, The Thomas Jefferson University Press, Kirksville, Mo, 1992, p. 96.
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ne sont pas diffusés. En France, Claude Bernard (1813-1878) vient de jeter les bases de la méde-
cine expérimentale, fondement de la médecine actuelle. Louis Pasteur (1822-1895) et ses travaux
commencent seulement à être reconnus. En Angleterre, Joseph Lister (1827-1912) lutte pour im-
poser la notion d’asepsie. En Allemagne, Robert Koch (1823-1910) découvre le bacille de la tu-
berculose (1882), aboutissant à la découverte de la tuberculine.
Toutes ces recherches qui constituent le point de départ de la médecine scientifique moderne, ne
sont peut-être pas encore connues de Still, ou bien la méfiance qu’il a développée à l’égard de
tout ce qui est médical le rend très circonspect à leur égard. Il raisonne donc à partir de son ni-
veau de connaissance en anatomie et en physiologie et formule des hypothèses par rapport à ce
qu’il observe ou aux résultats qu’il obtient. Dans beaucoup de cas, nos connaissances
d’aujourd’hui sont venues invalider ces hypothèses, apportant d’autres explications. Pourtant, le
bon sens, la faculté d’observer, l’aptitude à résoudre les difficultés et les résultats obtenus nous
obligent à admettre que malgré cela, l’ostéopathie demeure une approche véridique et efficace,
même si Still nous déroute souvent.
Le collège de Kirksville et le développement de l’ostéopathie
L’histoire du collège et du développement de l’ostéopathie nous donnera enfin quelques ultimes
lumières. Jusqu’en 1896, le collège de Kirksville a été la seule institution de formation à
l’ostéopathie. Still a pu assez facilement contrôler le développement et les orientations prises par
le mouvement, mais à partir de 1896, d’autres collèges se sont créés (entre 1896 et 1899, treize
collèges légitimes se sont ouverts). Dès lors, il ne contrôle plus le mouvement et sent
l’ostéopathie lui échapper, prendre des orientations qu’il ne souhaitait pas, et il en souffre : « Ils
me citèrent comme le fondateur et le créateur de la plus grande science jamais donnée à l'homme.
Mais quand vint le moment de dire ce qui était meilleur dans l'intérêt de l'école et de son futur,
alors ils n'eurent que faire de mon savoir ou de mon avis. Ils coururent vers d'étranges Dieux.
Mon cœur en fut attristé. Comme une poule rassemble les siens sous son aile, j'aurais voulu vous
rassembler, vous, mes enfants, mais vous n'avez pas voulu… » 9
Au sein même du collège de Kirksville existent des conflits dans les orientations de
l’enseignement, notamment entre Still d’une part, et William Smith,10 enseignant de la première
heure au collège et les frères Littlejohn, d’autre part, tous écossais et médecins. Les frères Little-
john sont arrivés aux États-Unis vers les années 1890. J. Martin Littlejohn celui là même qui
fondera la British School of Osteopathy à Londres en 1913 , était diplômé de l’université de
Glasgow, James était chirurgien et docteur en médecine et David détenait un diplôme en scien-
ces.11 Souffrant de problèmes de nuque et de gorge, J. Martin se rendit à Kirksville en 1897 pour
9 Note manuscrite non datée, non paginée trouvée au dos d’un autre manuscrit, « How to be a Great Thinker. » in
C. Trowbridge, A. T. Still, 1828-1917, Thomas Jefferson University Press, Kirksville, Mo, 1992, p. 198.
10 William Smith : Diplômé de l’université d’Édimbourg en 1889, également détenteur de certificats du collège
royal de médecine d’Édimbourg, du collège royal de chirurgie et de la faculté de médecine et de chirurgie de
Glasgow. Il avait émigré aux USA et vendait du matériel chirurgical. Poussé par les médecins qu’il démarchait, il
rencontra Still à Kirksville avec l’idée de le confondre comme charlatan. Il fit plus tard le récit de leur entrevue :
« Ce qu'il me dit semblait tellement éloigné de tout ce qu'on m'avait enseigné dans les écoles médicales, si com-
plètement absurde et chimérique que je lui demandais des preuves de ce qu'il avançait. Les preuves me furent
données par les quelques seize patients qui témoignèrent de leur condition lors de leur arrivée à Kirksville et de
leur état consécutif au traitement. » Il fut tellement séduit par les propos et les démonstrations de Still qu’il devint
fervent partisan de l’ostéopathie, participa à la création du premier collège en 1892 et y enseigna l’anatomie pen-
dant de nombreuses années. Still raconte à sa manière leur première entrevue dans l’Autobiographie (pp. 113-
117).
11 J. Martin Littlejohn (1865-1947) s’inscrivit à l’université de Glasgow où il étudia la théologie. Bien que non
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y recevoir un traitement ostéopathique. Il recouvra la santé et fut recruté pour donner des cours à
l’ASO 12 sur son sujet favori, la physiologie. En 1898, il devint doyen de la faculté et professeur
de physiologie à l’ASO, tout en suivant les classes d’ostéopathie. James et David suivirent leur
frère à Kirksville où ils enseignèrent également, tout en étudiant l’ostéopathie.13
William Smith et les Littlejohn étaient médecins et fervents partisans de la médecine scientifique
qui commençait à se développer. Martin préférait une ostéopathie largement fondée sur la physio-
logie plutôt que sur l’anatomie. Bien qu’il fut attiré par les principes naturalistes sous-jacents à la
science de Still, croyant à l’approche sans drogue, Littlejohn défendait ardemment que tout ce qui
fait partie de la science médicale excepté la matière médicale , devait être inclus dans le pro-
gramme d’étude et de pratique.14 Ainsi, sous l’action conjuguée de William Smith et des frères
Littlejohn, le caractère de l’ASO commença de changer ce qui aboutit à d’inévitables heurts avec
Still.
Emmons R. Booth, un des premiers ostéopathes, évoque ces conflits : « en plusieurs occasions,
Still ferma l’école pour discuter avec les enseignants de la compatibilité du diagnostic médical et
de l’ostéopathie. Un étudiant se rappela Still faisant irruption furieux dans une salle de classe,
écrivant frénétiquement au tableau : ‘Pas de physiologie !’ » 15 Ceci est important pour nous per-
mettre de comprendre l’attitude de Still et les propos qu’il tient dans Philosophie de
l’Ostéopathie. Il y défend une conception presque purement anatomique, accordant peu de place
aux connaissances en physiologie et autres sciences médicales naissantes.
On peut être surpris de l’attitude de Still face aux avancées des sciences médicales de son temps.
De la part d’un homme qui a toujours été favorable au progrès, cette attitude étonne. N’écrivait-il
pas dans l’Autobiographie : « Mon père était un fermier progressiste, et il était toujours prêt à
laisser de côté un vieille charrue s'il pouvait la remplacer par une autre mieux adaptée à son tra-
encore diplômé, il fut ordonné en 1886 et enseigna déjà cette année là. En 1889, il retourna à l’université où il re-
çut le diplôme de professeur en arts de langues classiques. Il reçut le diplôme de licencié en théologie en 1890 et
pendant les deux années qui suivirent, étudia la loi, jusqu’au diplôme de sciences légales obtenu en 1892. Pendant
ce parcours, il reçut un diplôme universitaire de médecine, ce qui lui permit sans doute d’acquérir sa connais-
sance en anatomie et en physiologie. En 1892, Littlejohn émigra en Amérique et s’inscrivit à la Columbia Uni-
versity de New York. Il y termina son doctorat en philosophie en 1894. Cette année là, il fut élu président du col-
lège Amity, à College Spring, dans l’Iowa, un collège mixte d’enseignement libre des arts. Après avoir quitté
l’ASO, Littlejohn et ses frères fondèrent le Littlejohn College of Osteopathy à Chicago. Là, J. Martin s’inscrivit
aux collèges médicaux de Dunham et Hering et reçut son diplôme de docteur en médecine. Il retourna en Angle-
terre en 1913 et y fonda la British School of Osteopathy (BSO).
12 ASO : Acronyme pour American School of Osteopathy (Collège Américain d’Ostéopathie), fondé en 1892.
13 James Buchanan Littlejohn (1869-1947) était diplômé en médecine et chirurgie de l’université de Glasgow.
Pendant quatre années, il fut chirurgien pour le service du gouvernement anglais. Lorsque J. Martin retourna en
Angleterre, James assura l’administration du collège de Chicago et eut un rôle actif dans le domaine de la profes-
sion ostéopathique. Peut-être qu’après son expérience avec l’ASO, James s’inscrivit l’école de droit du Kent dont
il fut diplômé.
David Littlejohn (1876-1955) suivit dans les années 1891-92 les cours du collège de sciences de Kensington à
Londres. Puis, de 1893 jusque 1896, il suivit les cours de l’université de Glasgow et pendant cette période, ensei-
gna la chimie à la Western Medical School of Glasgow. En 1896, il vogua lui aussi vers l’Amérique. David reçut
le diplôme de théologie au collège Amiti dans l’Iowa puis le diplôme de docteur en médecine au Central Michi-
gan College de Saint Joseph dans le Michigan. Il partit pour Chicago avec ses frères, mais son intérêt pour la san-
té publique et l’hygiène lui firent prendre d’autres chemins.
14 J. Martin Littlejohn, « The Prophylactic and Curative Value of the Science of Osteopathy, » allocution présentée
devant la Société Royale de Littérature de Londres, réédité dans le Journal of Osteopathy 6 (Février 1900) : 365-
84.
15 E. R. Booth, History of Osteopathy and Twentieth Century Medicine, p. 493.
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vail. Durant toute ma vie, j'ai toujours été prêt à acheter une meilleure charrue » ? 16 Il est proba-
ble que les raisons profondes expliquant une telle attitude sont multiples et diffuses. Pour Still, le
danger principal de la recherche médicale, vient de l’assimilation de tous les nouveaux aspects
apportés en un tout : mélange de la physiologie avec les autres disciplines telles que la pharmaco-
logie et la symptomatologie, parties de la médecine qu’il rejette avec force. On sait à quel point il
a toujours été hostile à l’utilisation des drogues : « j'ai appris que les drogues sont dangereuses
pour le corps et que la science de la médecine n'est comme l’admettent certains grands prati-
ciens, qu'une hypocrisie. » 17 Quant à la symptomatologie, il dévoile le fond de sa pensée lors-
qu’il présente l’ostéopathie : « Cette méthode d'exploration n'est pas dirigée par le son des cornes
de brume de la non fiable et insatisfaisante symptomatologie. »18 Il ressent donc un danger à ac-
cepter ce que peuvent apporter les développements médicaux de l’époque avec le risque de voir
s’émousser l’identité, l’originalité et la pureté de l’ostéopathie. Les difficultés actuelles de
l’ostéopathie américaine nous prouvent la justesse de son pressentiment.
Enfin, bien que cela soit très difficile à apprécier, il est probable qu’il y eut conflit d’influence
avec J. M. Littlejohn, souvent présenté comme un homme ambitieux et qui, sans doute aussi sûr
de sa position que l’était Still de la sienne, fut certainement malhabile à la faire accepter.
Pour terminer, n’oublions pas que malgré la grande ouverture d’esprit dont il a fait preuve toute
sa vie, Still est maintenant âgé de 71 ans. L’accumulation des certitudes amassées au cours d’un
long exercice professionnel, couronné de nombreux succès, lui a donné une conviction absolue
quant à la véracité de ses théories. De plus, ces certitudes ont été acquises dans la souffrance, face
à un ostracisme médical et religieux difficile à imaginer. Cela, associé à sa personnalité peu en-
cline à la souplesse et au compromis et à la rigidité que confère souvent l’âge, nous permet de
comprendre que les propos ne soient pas mesurés.
Still, un philosophe
Dans cet ouvrage, Still ne nous parle que de philosophie, c’est-à-dire qu’il nous indique quel
état d’esprit adopter, comment évaluer l’organisme en partant du normal afin de comprendre
l’anormal. Il nous montre sans cesse dans quel esprit doit observer et travailler l’ostéopathe. Il ne
fournit aucune technique. Il en fournira d’ailleurs très peu dans ses ouvrages. Il semble que cela
ait été de sa part délibéré : « Je désire exprimer clairement qu'il existe de nombreux moyens pour
ajuster les os. Et lorsqu'un praticien n'utilise pas la même méthode qu'un autre, cela ne démontre
aucunement de l'ignorance criminelle de la part de l'un ou de l'autre, mais simplement deux
moyens différents pour obtenir le même résultat... Chaque praticien devrait utiliser son jugement
personnel et choisir sa propre méthode pour ajuster tous les os du corps. Le problème n'est pas
d'imiter ce que font avec succès quelques praticiens, mais de ramener un os de l'anormal au nor-
mal. »19
L’ostéopathie, une approche vraiment différente
Enfin, à la lecture de Philosophie de l’Ostéopathie, nul doute que nous serons souvent déroutés.
Tel fut le cas de William Smith, lorsqu’il visita Still pour la première fois et que celui-ci lui parla
d’ostéopathie. Smith sut adopter une attitude juste d’observateur : « Laissez moi vous dire que
l'ostéopathie ne peut être évaluée que par un esprit clair et sans préjugé. Si un homme, un méde-
16 A. T. Still: Autobiographie, p. 168.
17 Ibid., p. 41.
18 A. T. Still : Philosophy of Osteopathy, p. 32.
19 A. T. Still : Osteopathy Research and Practice, p. 29.
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