NOËL 
Un trop court moment de paix dans l’atrocité
des combats.
Cent ans après, quatre témoignages pour se
souvenir de cette nuit au cours de laquelle
les soldats ont fait place aux hommes, pour
commémorer ensemble une fête… sans
combat.
Dossier conçu par Henri Del Pup
Cette proposition concerne les professeurs des écoles et les professeurs
de lycée-collège, plus particulièrement le cours moyen et la classe de 3e.
Son objectif est :
– de faire une mise au point scientique sur la Grande Guerre,
– de proposer un exemple de progression et de séance pour chacun des niveaux,
– d’orir des pistes pour aller plus loin tant pour le professeur que pour les élèves.
Dossier pédagogique
Trêve de Noël 1914
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Sommaire
I. Le conit
a. Les grandes phases de la guerre
b. L’année 1914
c. La «course à la mer» : octobre-novembre 1914
II. Les débats et controverses
a. Le regard des Allemands en trois points
b. Le regard des Anglo-Saxons
c. Les remises en cause en France
III. Pistes pédagogiques
a. Le dossier documentaire : contexte historique et date
b. Proposition de séquence pour l’école primaire (avec développement d’une
séance)
c. Proposition de séquence pour le collège (avec développement d’une séance)
Courte bibliographie indicative
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I. Le conit
Cette guerre, qui oppose des armées de centaines de
milliers de soldats – des millions si l’on parle de l’ensemble
d’un front –, est marquée par trois moments singuliers au
sein desquels l’année 1914 est individualisable, avec une
place particulière pour le mois de décembre.
a. Les grandes phases de la guerre
L’année 1914 est marquée par une véritable guerre
de mouvement. Les états-majors doivent réviser leurs
stratégies après l’échec des plans initiaux. Sur le front
ouest, la bataille de la Marne, du 5 au 12 septembre
1914, est le tournant de cette «guerre de mouvement»
initiée par l’invasion de la Belgique avec la bataille des
Frontières, du 14 au 24 août 1914, et conclue par les furieux
combats autour d’Ypres et sur l’Yser entre novembre et
décembre 1914.
De 1915 au printemps 1918, le front est stabilisé. Il est
comme gé par le réseau inextricable des tranchées ;
immobilisé par les gaz asphyxiants et les lance-ammes ;
écrasé sous les obus de l’artillerie, les balles des
mitrailleuses. Verdun et la Somme sont des symboles de
cette «guerre de positions».
Avec le printemps 1918, le retrait de la Russie marque la
n des combats sur le front est et crée un déséquilibre des
forces à l’ouest, qui s’explique par le transfert d’une partie
des forces allemandes sur le front ouest. La «guerre de
mouvement » reprend après la seconde bataille de la
Marne. L’armistice, signé le 11 novembre 1918, sanctionne
l’impossibilité des troupes allemandes à simplement
tenir leurs positions et surtout l’eondrement des alliés
de l’Allemagne sur les autres fronts (Turquie, Bulgarie,
Autriche-Hongrie), menaçant le sud de l’Empire,
l’épuisement de la population et de l’économie allemande
en raison du blocus et l’inéluctabilité de la défaite avec la
montée en puissance des États-Unis.
b. L’année 1914
Le 3 août 1914, la guerre promet d’être courte. Les États
ont accumulé vivres et munitions pour quelques mois
seulement. L’état-major allemand s’appuie sur le plan
Schlieen-Moltke. Misant sur la supériorité supposée des
troupes allemandes sur les armées françaises et la lenteur
de la mobilisation russe, qui devrait permettre d’éviter la
guerre sur deux fronts, celui-ci vise d’une part à écraser les
forces françaises bloquées entre Champagne, Ardennes et
Vosges et d’autre part à envahir la Belgique – pourtant
neutre depuis 1851 – pour, par un vaste mouvement
enveloppant les plaines de Flandres, de Picardie et d’Île-
de-France, encercler les unités françaises.
Mettant en jeu une artillerie lourde de campagne d’un
demi-millier de pièces (548 canons lourds), l’Allemagne
pense que l’aaire devait être conclue en six semaines.
L’armée française, de son côté, a son plan XVII, actualisé
en 1913. Elle entend mener trois grandes oensives:
la première sur le plateau lorrain, entre Vosges et
Pays messin ;
la deuxième depuis Thionville, entre Metz et Luxem-
bourg ;
la dernière en haute Alsace, vers Mulhouse, Colmar
et, au-delà, Strasbourg.
L’oensive immédiate paraît surprenante mais tient
compte:
du déséquilibre démographique entre la France et
l’Allemagne, qui ne peut qu’aller en s’accentuant si
on laisse aux réserves le temps de se former ;
du peu de conance de l’état-major dans la qualité
de ses réservistes ;
de la nécessité de permettre aux Russes de mobiliser
leurs troupes en attirant le maximum d’eectifs
allemands ;
de l’impossibilité morale et économique d’admettre
le moindre recul aux frontières, zones densément
peuplées et fortement industrialisées ;
Le 3 août 1914 commence un conit que tout le monde croit limité à quelques
semaines, mais qui va devenir la Grande Guerre et faire quelque 10 millions de morts :
du jamais-vu !
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d’une croyance dans la nécessité des oensives
stratégiques (non pas tactiques) pour remporter la
victoire.
Les soldats regagneraient leurs foyers pour les ven-
danges ou, au plus tard, pour Noël.
Le semestre suivant dément ces calculs. Côté alle-
mand, la petite armée belge (117 000 hommes) résiste au-
delà des prévisions. Pour vaincre devant Liège (4-17 août),
qui bloque 39 000 de ses soldats, l’état-major a besoin
de 60 000 hommes supplémentaires. Le Corps expédi-
tionnaire britannique (BECD : 70 000 hommes), dont
l’intervention n’est pas prévue ou est supposée être
négligeable, échappe à tout encerclement. La «bataille
des Frontières » est plus dicile à gagner que prévu.
Au siège de Maubeuge (28 août-8 septembre), Karl von
Bülow doit immobiliser 60 000 hommes.
De son côté, l’armée française se replie dans l’ordre
en dépit de ses défaites. Les succès initiaux en haute
Alsace restent sans lendemain. Le Sundgau et Mulhouse,
contrôlés du 9 au 25 août par les Français, retombent
sous tutelle allemande. Il en est de même en Lorraine.
L’attaque lancée le 14 août est arrêtée le 20, et les
troupes reculent jusqu’à la « trouée de Charmes » où
elles se cramponnent à partir du 24. La «bataille des
Frontières », qui s’étend du 14 au 24 août, est aussi
un échec. À la n août, Paris estime ses pertes à plus de
206 500 hommes, contre 136 400 pour Berlin. Lors de
la seule journée du 22 août, entre 20 000 et 25 000
Fran çais sont tués ainsi que quelque 15 000 Allemands.
C’est quatre fois plus qu’à Waterloo !
La bataille de la Marne, du 6 au 12 septembre, et
l’installation des Allemands sur l’Aisne entre le 13 et le
28 septembre marquent, de fait, l’abandon des stratégies
initiales. Les Allemands ont conscience que la France
ne peut être vaincue en six semaines. Moltke est relevé,
remplacé par Erich von Falkenhayn, et l’état-major
français réalise que ce n’est ni en Alsace ni en Lorraine
que la victoire peut être remportée. Sur 250 km, 2 millions
de soldats se sont battus, 250 000 d’entre eux sont morts
entre Nanteuil-le-Haudouin et Dombasle-en-Argonne
(en particulier sur l’Ourcq, le Grand et le Petit Morin et
les marais de Saint-Gond). Mais, repliés sur les hauteurs
de l’Aisne (et déjà sur le chemin des Dames et à Craonne),
les Allemands cassent la contre-attaque de Jore. Les
armées s’enterrent.
c. La «course à la mer»: octobre-
novembre 1914
Les états-majors n’ont aucune autre option, pour
vaincre sans délai, que contourner l’armée adverse par
les ancs (« déborder par les ailes »), en particulier
à l’ouest. S’engage alors une « course à la mer ». Elle
se conclut par de violents combats : en Flandres sur
l’Yser (à la mi-octobre), marqués par l’ouverture des
digues et l’inondation des polders, autour de Dixmude
(seconde moitié d’octobre), illustrés par l’héroïsme des
fusiliers marins bretons de l’amiral Ronarc’h, et dans
la région d’Ypres (pendant pratiquement tout le mois
de novembre). Payant le prix de pertes importantes,
les troupes britanniques et franco-belges réussissent
à former une ligne de front continue de Bixschoote
à Armentières.
Dès lors, le front se stabilise de la mer du Nord aux
Vosges. Quatre millions de soldats se font face. Toute
opération de contournement de l’ennemi est devenue
impossible. Il faut soit percer par de sanglantes attaques
frontales, comme sur le front ouest: la Somme, Verdun,
chemin des Dames/Craonne ; soit repenser toute la
stratégie, comme le fera Foch à la n du printemps 1918,
de la seconde bataille de la Marne à la signature de
l’armistice.
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II. Les débats et controverses
Ce conit se sera avéré long pour la France, puisqu’il
aura duré d’août 1914 à novembre 1918, coûteux en vies
humaines (1,4 million de tués [10,5 % des mobilisés mais
un tiers des 3,7 à 4 millions de combattants véritables qui
ont au moins passé trois mois au front] et 4,3 millions de
blessés et de «gueules cassées») et même ruineux avec
11 ans d’investissements (au niveau 1913).
Paradoxalement, cela a très vite généré une forme de
consensus historiographique dont les grandes lignes ont
été xées:
en politique avec Pierre Renouvin, Les Origines
immédiates de la guerre (1925 – en fait plus tôt,
puisque c’est l’édition d’un cours professé en Sor-
bonne dès 1922-23) ;
en littérature avec Henri Barbusse, Le Feu (1916),
Roland Dorgelès, Les Croix de bois (1919), et surtout
Maurice Genevoix, un authentique «poilu» rescapé
de Verdun, devenu LE grand écrivain de cette guerre.
Ceux de 14 (1949) est une compilation de textes
antérieurs: Sous Verdun (avril 1916), Nuits de guerre
(décembre 1916), La Boue (février 1921) et Les Éparges
(écrit en 1921, mais publié en 1923).
Le discours tenu peut se résumer en trois propositions:
• Le conit aurait pu rester localisé, même avec le cas
d’un soutien russe aux Serbes, si l’Allemagne avait su
retenir son alliée, l’Autriche-Hongrie, ce qu’elle semblait
faire jusqu’au 28 juillet, en lui conseillant une simple
prise de gages le temps de l’enquête judiciaire ;
À partir du 30 juillet, l’Allemagne change d’attitude
et laisse faire l’Autriche-Hongrie, qui exige que sa police
mène elle-même, en territoire serbe, l’enquête sur
l’assassinat de son archiduc, connaissant les réactions de
la Serbie et de la Russie ;
Enn, le gouvernement allemand passe la main à
l’état-major, qui estime que, pour vaincre, il doit mettre
en œuvre sans délai le plan Schlieen-Moltke. La Bel-
gique neutre, est alors envahie.
Il faut attendre un réexamen de cette mémoire
consensuelle pour faire du «poilu» un héros de tragédie
grecque victime du Destin sous les regards extérieurs
allemand et, surtout, anglo-saxon.
a. Le regard des Allemands en trois points
Dans les mois qui suivent l’armistice, le point de
vue de l’Allemagne, secouée par des révolutions et en
gestation d’une république, est proche de celui de la
France. LAllemagne a conscience de la responsabilité
qu’elle a eue dans la guerre qui vient de se terminer.
Karl Kautsky constatait, dans Comment s’est déclenchée
la guerre mondiale (1919 ; traduit en français en 1921),
que «pendant plusieurs de ces années, la politique des
puissances centrales était déjà telle que la paix n’avait
pas été maintenue par elles, mais seulement malgré
elles ». Même si, selon lui, les vrais responsables sont
les militaires, les gouvernements et non les peuples :
«LAutriche-Hongrie combattait, en Croatie et en Bosnie,
les tendances à une liberté plus grande, non seulement
par un régime de terreur, mais aussi par une série de
procès et une propagande sans scrupules […], sous
l’égide du comte Forgach, qui devait prendre une part
funeste à l’ultimatum adressé à la Serbie en 1914 et
au déchaînement de la guerre mondiale. Pires encore
furent les “conquêtes morales” de l’Allemagne, lors de
l’aaire de Saverne, en novembre 1913, immédiatement
avant la guerre, aaire qui prouva à l’évidence que, dans
l’Empire allemand, la population civile était hors la loi
en face de l’armée, et que celle-ci dominait entièrement
le gouvernement civil.»
La crise, tant politique, économique que sociale, qui
secoue les premières années de la jeune république
de Weimar conduit à une remise en cause de cette
analyse. Le traité de Versailles est qualié de diktat.
Son article 231: «Les gouvernements alliés et associés
déclarent, et l’Allemagne le reconnaît, que l’Allemagne
et ses alliés sont responsables pour les avoir causés,
de toutes les pertes et de tous les dommages subis par
les gouvernements alliés et associés et leurs nationaux
en conséquence de la guerre qui leur a été imposée par
l’agression de l’Allemagne et de ses alliés» est dénoncé
avec véhémence. LAllemagne n’aurait pas voulu la guerre
européenne, bien qu’elle n’ait pas été disposée à l’éviter
à tout prix. La Russie aurait aggravé la crise ouverte par
l’Autriche-Hongrie et la Serbie. Hermann Lutz, dans La
Politique européenne dans la crise de 1914 (écrit en 1926
et traduit en français en 1933), prépare le terrain à un
«négationnisme» qui réfute «la thèse versaillaise des
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