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3 Avril 2017
Tunisie versus pays scandinaves et asiatiques :
masse salariale des fonctionnaires élevée mais qualité des
services publics antagonistes
La Tunisie a connu depuis 2011 des augmentations importantes
de la masse salariale dans le secteur public suite à des revendica-
tions syndicales. Elle a passé de 10,8 % du PIB en 2010 à 14.4 % en
2016. Selon le FMI ce ratio est un des plus élevés au monde. Il est
en fait le 10ème le plus élevé par rapport à 153 pays derrière la
Libye (50.3%), la Micronésie (22.0%), le Lesotho (21.6%), l’ile Marshal
(20.7%), l’Arabie Saoudite (17.8%), l’Irak (17.1%), le Zimbabwe (16,5%),
le Danemark (16.4%) et le Koweït (16.3%)2 . En dépit de cette évolu-
tion rapide et excessive, ce ratio n’a pas conduit ni à l’amélioration de
la qualité ni à l’augmentation de la productivité des services de l’ad-
ministration publique. En effet, selon les données statistiques de la
Banque Mondiale (Doing Business 2016), la Tunisie occupe la 77ème
place sur les 190 pays pour la facilité de faire des affaires, 103ème
place pour la création d’entreprise, 101ème place pour l’obtention
de prêt, 118ème place pour la protection des investisseurs minori-
taires, 106ème pour le paiement des taxes et impôts et 76ème pour
l’exécution des contrats (voir le tableau 3). Cette divergence entre un
ratio de la masse salariale par rapport au PIB élevé et une qualité des
services faible a entrainé une réduction de la performance de l’éco-
nomie tunisienne et des déséquilibres des indicateurs macroécono-
miques. Les pays scandinaves comme le Danemark et la Norvège
ont certes un ratio élevé des salaires mais ont aussi en compensa-
tion une des meilleures qualité des services publics au monde avec
respectivement un 3ème et 6ème rang pour la facilité de faire des
affaires, 24ème et 21ème rang pour la création d’entreprise, 6ème
et 43ème rang pour l’octroi de permis de construire et 1er et 22ème
rang pour le commerce transfrontalier.
Les pays directement concurrents à la Tunisie comme le Maroc,
l’Egypte, l’Algérie et la Turquie ont certes des ratios de salaire rela-
tivement faibles mais un mauvais rang relatif aux indicateurs de la
qualité des services publics (voir tableau 3). Par exemple le Maroc
a relativement fait mieux que les autres et a profité de la crise de la
Tunisie pour imposer un ratio de salaire de 12.6 % ayant le 23ème
grand ratio dans le monde mais en contrepartie les marocains ont
amélioré la qualité des services publics. Il occupe en 2016 la 68ème
place pour la facilité de faire des affaires, 40ème place pour la créa-
tion d’entreprise, 18ème place pour l’octroi de permis de construc-
tion, 57ème place pour le raccordement à l’électricité, 87ème place
pour la protection des investisseurs minoritaires, 41ème pour le
paiement des taxes et impôts et 52ème pour l’exécution des contrats
(voir le tableau 3).
En dépit de la crise économique en Grèce, le gouvernement socialiste
est arrivé à fixer un ratio de la masse salariale par rapport au PIB
relativement faible à 11.2% correspondant au 37ème pays ayant le
plus important ratio dans le monde. En compensation, le pays dis-
pose d’un classement du climat des affaires relativement bon.
La Malaisie est un cas intéressant à étudier puisqu’elle dispose
à la fois d’un ratio de salaire faible évalué à 5.8% soit le 123ème
ratio le plus élevé ou le 34ème ratio le plus faible au monde
et surtout un bon classement du climat des affaires proche des
pays scandinaves ce qui explique la performance de l’administra-
tion publique de ce pays et son succès à attirer les IDE.
L’analyse précédente montre que l’économie tunisienne est
enfermée dans son environnement réglementaire suffocant qui
l’a classée dans les derniers rangs en termes de bureaucratie,
de qualité de services publics et d’une administration publique
inefficace malgré que le nombre de fonctionnaires soit important
et que le ratio de la masse salariale par rapport au PIB soit un
des plus élevés dans le monde. Cette mauvaise qualité des ser-
vices publics touche presque toutes les activités et surtout une
partie du secteur des services comme les télécommunications,
le transport, la santé, l’éducation, la formation, les services pro-
fessionnels, la douane, les collectivités locales, la justice etc. Le
résultat inéluctable est l’augmentation des prix de ces services.
A titre d’exemple, citons les prix des appels téléphoniques in-
ternationaux qui sont 5 fois plus élevés que ceux dans les pays
avancés, les billets d’avion de la compagnie nationale, Tunis Air,
plus de 30 % plus chers que celui des autres compagnies, le prix
du transport de marchandise (tonne/km), les honoraires d’un
comptable ou d’un avocat qui sont proches de ceux des pays
avancés, le temps mis pour dédouaner les marchandises des
ports qui est 10 fois plus lents que celui des pays asiatiques, le
coût des crédits important etc. Ces réglementations handicapent
l’entrée de nouveaux acteurs sur les marchés, ce qui entraine une
concurrence monopolistique ou oligopolistique nuisible au bon
fonctionnement des marchés : augmentation des prix de l’output,
détérioration de la qualité des produits et de la productivité des
entreprises « onshore » et « offshore »3 .
En effet, ces entreprises restent handicapées par l’utilisation de
ces services comme inputs diminuant ainsi leur productivité et
les condamnant à se spécialiser dans la production des biens à
faible valeur ajoutée dans des activités de l’assemblage et de la
sous-traitance. Ce mécanisme réduit les impôts collectés auprès
de ces entreprises, augmente le déficit budgétaire et la dette pu-
blique, baisse la compétitivité de l’économie, augmente le déficit
du commerce extérieur et réduit ainsi la croissance économique
et l’emploi. Pour sortir de ce cycle dangereux pour l’économie, il
est essentiel de ramener à terme la masse salariale sous la barre
de 10% du PIB dans l’objectif de s’approcher des normes inter-
nationales et celles des pays concurrents et de laisser à l’Etat
des fonds pour financer l’investissement public et développer
un climat des affaires propice à l’investissement privé (infras-
tructure, éducation, formation, politique fiscale, politique sociale,
politiques agricole et industrielle etc.). Dans ce cadre, une réforme
globale du système de rémunération dans la fonction publique
s’imposera et devra privilégier l’équité et le mérite tout en pré-
servant les équilibres macroéconomiques.
(2) “Managing Government Compensation and Employment - Institutions, Policies, and Reform Chal-
lenges”, IMF Board Paper, April 2016.
(3) Rapport de la Banque Mondiale (2015) : La révolution inachevée.