La création et la suppression des SP

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Pierre BRUNET
Fiche de niveau 3. Droit public de l’économie / Les services publics /
2007
La création et la suppression des SP
La création comme la suppression des services publics met en balance deux principes
antagonistes sous le contrôle du juge administratif et du juge constitutionnel. La
tendance récente est toutefois à une limitation du pouvoir de création des services
publics du fait de l’opposabilité du droit de la concurrence aux personnes publiques.
On distinguera les règles relatives à la compétence des personnes publiques en matière
de création et de suppression des services publics, puis les limites au pouvoir de création
et de suppression.
I. Les règles de compétence en matière de création ou de
suppression des services publics
A. La nécessité d'un acte émanant d'une personne publique
Une personne privée ne peut s’investir elle-même d'une mission de service public. Un
acte d’une personne publique est toujours nécessaire. Cette affirmation semble encore
plus actuelle depuis que le juge administratif a jugé que :
« une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme
assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l’intérêt général de son
activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement,
aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les
objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui
confier une telle mission » (CE, Sect., 22 février 2007, Association du personnel relevant
des établissements pour inadaptés (APREI), N°264541).
Mais l’absence d’acte de dévolution n’est pas une condition dirimante : d’autres éléments
peuvent pallier cette absence et justifier que l’activité soit reconnue de service public : le
contrôle et le financement par une personne publique d’une activité prise en charge par
une personne privée. Ainsi, le Conseil d’État a récemment reconnu que :
« lorsqu’une personne privée exerce, sous sa responsabilité et sans qu’une personne
publique en détermine le contenu, une activité dont elle a pris l’initiative, elle ne peut, en
tout état de cause, être regardée comme bénéficiant de la part d’une personne publique
de la dévolution d’une mission de service public ; que son activité peut cependant se voir
reconnaître un caractère de service public (…) si une personne publique, en raison de
l’intérêt général qui s’y attache et de l’importance qu’elle revêt à ses yeux, exerce un
droit de regard sur son organisation et, le cas échéant, lui accorde, dès lors qu’aucune
règle ni aucun principe n’y font obstacle, des financements » (CE, Sect., 6 avril 2007,
Cne d’Aix en Provence, N°284736).
B. L'autorité compétente au sein de la personne publique
Il faut ici distinguer la situation de l’État et celle des autres collectivités.
La Constitution de 1958 ne désigne aucune autorité chargée de créer les services publics.
Ce sont donc les articles 34 et 37 qui sont appliqués. La compétence de principe est
normalement celle de l'exécutif.
Mais la compétence du Parlement en matière de services publics est très étendue en
raison d'une interprétation très extensive de l'article 34 de la Constitution par le Conseil
Constitutionnel (décision n°82-143 DC du 30 juillet 1982, Blocage des prix et des
revenus, Rec. 57).
De plus, le gouvernement peut agir par voie d'ordonnance dès lors qu'il y est habilité par
le Parlement. Si la création d'un service public engendre une atteinte à une liberté
publique (la liberté du commerce et de l'industrie, par exemple) seul le législateur
peut le créer (cf. Article 34 et article 4 de la DDHC de 1789).
Quand le mode de gestion choisi est celui de l'établissement public, il est fréquent
que le législateur soit seul compétent. En effet, l'article 34 prévoit la compétence du
Parlement pour créer toute nouvelle catégorie d'établissement public.
Le Parlement est également compétent lorsque le service public porte sur certains
domaines qui relèvent du législateur en vertu de la Constitution (article 34). Sont
concernés, par exemple, la justice, les réformes qui touchent aux principes
fondamentaux de la sécurité sociale.
Pour les collectivités locales, la décision de création ou de suppression relève
exclusivement de l'organe délibérant. La seule exception est constituée des
établissements publics territoriaux. Les décisions de création sont dans ce cas prises
par les organes délibérants dans lesquels siègent des conseillers municipaux élus par les
conseils municipaux des communes membres.
II. L'étendue du pouvoir de décision et de création
Les pouvoirs publics disposent en matière de création de services publics d'un pouvoir
discrétionnaire, qui n'est pas un pouvoir arbitraire. Ils peuvent donc apprécier
l'opportunité de la décision mais tout en respectant un certain nombre de règles, qui sont
d’ordre législatif et réglementaire.
A. Les contraintes juridiques limitant l'étendue du pouvoir de décision
Pour l’État, certains services sont de création obligatoire et de suppression impossible v.
les services publics constitutionnels)
Pour les collectivités territoriales, seule la loi impose la création de services publics. Les
collectivités territoriales sont dans certains cas tenues d'assurer certains services publics
pour le compte de l’État (état civil, par exemple). De même, la loi impose parfois aux
collectivités locales une participation financière à des services publics créés et gérés par
d'autres collectivités locales qu'elles-mêmes. Une obligation de créer un service public
s'accompagne d'une obligation de le financer.
B. Les limites à la création
1. L'obligation de respecter les domaines de compétence
L'État n'est pas soumis au principe de spécialité. Sous réserve des cas dans lesquels le
Parlement porterait atteinte à des règles de fond, il peut définir librement les domaines
dans lesquels il intervient pour créer des services publics. Selon la jurisprudence du
Conseil Constitutionnel, l'État ne peut se dessaisir de certaines de ses compétences au
profit des collectivités locales. C'est le cas pour les services publics qui correspondent aux
activités de souveraineté. En vertu du caractère indivisible de la République, l'État ne
peut transférer aux collectivités locales une compétence normative (v. Conseil
constitutionnel, 82-137 DC du 25 février 1982, Loi relative aux droits et libertés des
communes, des départements et des région, Rec. 38 et 82-138 DC du 25 février 1982,
Loi portant statut particulier de la région de Corse, Rec. 31).
Les compétences des collectivités locales sont fixées par le législateur et le principe de
limitation des domaines de compétences réside dans l’intérêt public local.
Elles ne peuvent créer des services publics qui relèvent du domaine de compétence de
l'État. Elle doivent aussi respecter le domaine de compétences des établissements publics
Enfin, les établissements publics sont limités par le principe de spécialité : ils ne
peuvent outrepasser leur mission spécifique définie par le texte qui les institue.
2. L'obligation de respecter les règles de fond
Les règles de fond qui s’imposent aux personnes publiques lorsqu’elles créent un service
public sont, principalement, la liberté du commerce et de l’industrie ; le droit de la
concurrence et le droit de la consommation.
Consacré par l’arrêt Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers (CE, Sect., 30
mai 1930, Rec. 583), le principe de la liberté du commerce et de l’industrie impose
aux communes de subordonner la création des services publics à un intérêt public et sous
réserve de circonstances particulières de temps et de lieu. Ce principe est donc
l'expression juridique du libéralisme économique. Il est difficilement opposable à l’État.
Ce principe cède désormais la place au droit de la concurrence qui s’impose aux
personnes publiques en vertu du droit communautaire (art. 4 du Traité de Rome) et de la
loi nationale dès lors que ces dernières se livrent à des opérations de « production, de
distribution ou de service » (cf. art. L. 410-1 du Code de commerce, livre IV). Le terme
« service » s’entend au sens de « service commercial ». Sur le fondement d’une
jurisprudence de la CJCE, le Conseil d’État a fini pas intégrer le principe de libre
concurrence à ce que l’on appelle le « bloc de légalité » administrative : l’administration
doit désormais veiller, lorsqu’elle exerce un service public, à ne pas porter atteinte à la
libre concurrence. Ce principe s’impose lorsqu’elle agit sur un marché mais aussi
lorsqu’elle exerce ses prérogatives de puissance publique : l’administration doit alors
veiller à ce que ses actes « n’aient pas pour effet de conduire à empêcher, restreindre ou
fausser le jeu de la concurrence sur un marché » (v. CE, Sect., 3 novembre 1997, Soc.
Million et Marais, Rec. 406, à propos d’un contrat passé par une commune et accordant à
la société des Pompes Funèbres Générales la concession du service extérieur des pompes
funèbres dans cette commune ; CE Avis, Sect., 22 novembre 2000, Sté L&P Publicité
SARL, à propos du pouvoir du maire en matière de la police de l’affichage et de la
réglementation des zones de publicité restreinte).
Enfin, le Conseil d’État a également imposé à l’administration le respect du droit de la
consommation et notamment les dispositions relatives aux clauses abusives (CE, Sect.
11 juillet 2001, Société des eaux du Nord.
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