TOPIC Mars 2008 De meilleures normes en Chine ? Business ou développement durable : la Chine doit choisir ses normes. Entre le vert couleur « dollars » et le vert couleur « développement durable », le cœur des entreprises chinoises balance. Ce qui les a rendues si attractives (la compétitivité-prix sans contraintes) est aujourd’hui en train de se retourner contre elles. L’an dernier, on découvrait une série de scandales sur les produits « made in China » (voir TOPIC de décembre 2007) : dentifrices comprenant de l’antigel, boîtes d’aliments pour animaux contaminées par de la mélanine etc. Au Japon, ces derniers mois, l’affaire des jiaozis (raviolis) chinois, contaminés par des substances toxiques, a provoqué des mouvements de panique chez les consommateurs, qui refusent à présent de s’alimenter avec les produits en provenance de l’Empire du Milieu. Du côté du gouvernement central, le mot d’ordre en matière de sécurité alimentaire et d’environnement est maintenant lancé, avec plus ou moins de conviction. Plus de 25 lois pour la protection de l’environnement Le gouvernement porte une attention ont été adoptées depuis les années 1980. Son 11ème Plan Quinquennal (2006toute particulière à 2010) fixe des objectifs en matière de réduction de la consommation énergétique et des émissions polluantes. La notion de « développement la protection de scientifique » a même été incluse dans la constitution chinoise en octobre l’environnement. dernier. Sans oublier la SEPA (State Environment Protection Agency), agence d’Etat chargée de rédiger et mettre en application la politique environnementale. Bref, la volonté politique et les outils ne manquent pas, mais leur application si. La SEPA a vu progressivement ses responsabilités s’élargir, de même que sa visibilité. Elle surveille le développement des activités potentiellement polluantes, coordonne et oriente les autorités locales, et enfin La SEPA, agence d’Etat, est chargée formule les standards nationaux de qualité environnementale. Tout un programme ! Son talon d’Achille : l’application concrète de la politique de mettre en qu’elle prône. Les amendes affligées aux industries polluantes restent application la minimes en comparaison des coûts de mise aux normes environnementales. politique environnementale... Les pénalités peuvent atteindre la somme de 200.000 RMB pour la plupart des incidents polluants, et 1 Md. RMB pour les catastrophes environnementales de plus grande ampleur. En novembre 2005, PetroChina avait été condamnée à une amende d’1 Md. RMB pour avoir déversé accidentellement 100 tonnes de benzène dans la rivière Songhua, au Nord de la Chine - qui irrigue les villes de Harbin et Khabarovsk. Autre obstacle à la mise en application des normes … mais « le ciel est environnementales : un réseau de 2000 Bureaux de Protection de haut et l’empereur l’Environnement (EPB) répartis sur tout le territoire et chargés de mettre en pratique au niveau provincial et local la politique environnementale. Les est loin ». bureaux sont financés par les gouvernements locaux, ce qui rend délicat l’application des sanctions. On retrouve le vieux problème de l’exécution des règles nationales au niveau local. La SEPA a multiplié ces derniers temps les mesures incitatives et contraignantes… Pour tenter de peser sur la scène politique, la SEPA multiplie les mesures incitatives et contraignantes. En juillet 2007, elle publiait sa politique du « crédit vert », en partenariat avec la China Banking Regulatory Commission et la People’s Bank of China. Cette mesure devait permettre de lier l’éligibilité des entreprises pour les prêts bancaires à leur performance environnementale. Dans les faits, les banques locales n’en ont pas tenu compte, entre autres parce que très peu de banques ont des politiques environnementales indépendantes. Aujourd’hui, seules deux des trois grandes banques nationales – China Development Bank et China Eximbank – ont adopté des standards de financement environnementaux. En février 2008, la SEPA a annoncé deux autres mesures : les entreprises dans les industries lourdement polluantes (énergie, acier, ciment, aluminium etc.) doivent souscrire à une police d’assurance pollution ; pour celles qui souhaitent être introduites en bourse ou émettre de nouvelles actions, elles doivent passer un contrôle de leurs normes environnementales. Dix entreprises chinoises se sont vu recaler à l’examen de passage, dont la China Coal Energy Co., deuxième producteur de charbon en termes de production. … mais elles risquent de rester lettres mortes. Du côté des entreprises chinoises, l’argument « vert » est un bon outil marketing. Autre aspect du développement durable en Chine : les conditions de travail. La promotion de la SEPA au rang de ministère, fin mars 2008, devait lui attribuer l’aura qui lui faisait défaut et renforcer ses pouvoirs. Mais le coup est manqué : le nouveau Ministère de Protection de l’Environnement (MEP), s’il en a le titre, n’a toujours pas la main sur les agences locales de protection de l’environnement, vivement critiquées. Le MEP a hérité de l’appellation ironique de « tigre de papier » de son aïeule la SEPA, et sa politique « verte » risque fort de rester lettre morte. Pour les entreprises en revanche, l’argument « vert » est de plus en plus utilisé pour le marketing. China Mobile a ainsi lancé dernièrement sa « Green Initiative » pour réduire chez ses sous-traitants la quantité de matériaux utilisés et réduire la consommation énergétique des équipements. L’attrait des nouveaux consommateurs chinois pour l’environnement pourrait en faire aussi un marché alléchant. 70% des consommateurs chinois préfèreraient acheter des produits et des services issus d’entreprises « vertes », contre 42% aux Etats-Unis et moins de 30% en France, en Grande Bretagne, en Allemagne et au Japon (étude Ipsos/MORI, 2007). Mais pour l’instant, rares sont les entreprises chinoises qui publient des rapports sur leur politique en matière de « responsabilité sociale ». Depuis son entrée dans l’« économie socialiste de marché », la Chine est aussi tristement célèbre pour ses conditions de travail : ateliers clandestins, travail des mineurs, esclavage, non respect des règles de sécurité. Le dernier scandale en date : l’été dernier, la découverte – savamment orchestrée par la police locale – d’une centaine d’esclaves dans les briqueteries du Shanxi. Comme réponse à ces critiques, la Chine a trouvé la parade : la promulgation le 1er janvier dernier de la loi sur le travail, censée protéger La Chine cherche à davantage les employés. Parmi les dispositions imposées par ce texte, les employeurs doivent établir un contrat à durée indéterminée pour les salariés répondre aux critiques et fait des qui ont plus de dix ans d’ancienneté et pour ceux qui ont cumulé plus de deux efforts : sa dernière contrats à durée déterminée. Le holà des entreprises, inquiètes de voir les coûts des salaires augmenter et leur attractivité diminuer, n’a pourtant pas fait loi sur le travail devrait davantage fléchir le gouvernement. Les conséquences inattendues de cette loi ne se sont pas fait attendre. Plusieurs grandes entreprises, dont Huawei – qui prône par protéger les ailleurs la « citoyenneté de l’entreprise » -, ont incité leurs plus anciens employés. employés à démissionner avant la date fatidique du 31 décembre 2007 pour pouvoir les rembaucher à partir du 1er janvier et remettre ainsi les compteurs à zéro, ce qui n’a pas été sans un tollé majeur chez Huawei. Les entreprises taïwanaises ou coréennes (ou leurs contractants directs), quant à elles, ont encore beaucoup à faire. Les compagnies étrangères sont plus vigilantes sur les conditions de travail… Les multinationales étrangères, dont certaines ont connu d’importantes campagnes de boycott, sont plus vigilantes sur les conditions de travail dans leurs usines et chez leurs sous-traitants en Chine. Pour Nike, depuis divers scandales dans les années 1990, la transparence sur les conditions de travail chez ses sous-traitants est de mise. Un code de bonne conduite a été instauré et les contrôles-surprises sont régulièrement organisés pour éviter toute mauvaise publicité. Sous l’impulsion de leurs clients étrangers, certaines entreprises chinoises commencent à se plier timidement à ces nouvelles règles du jeu, en … et à leur contact, matière de protection de l’environnement comme d’amélioration des conditions de travail. Une Chinese Federation for Corporate Social les entreprises Responsability a même été lancée par 13 compagnies chinoises et étrangères, chinoises dont China Merchants Bank, IBM, Ping An Insurance, China Vanke commencent Company, Nokia, HP, TCL et Junyao Group. Mais il y a encore loin de la timidement à se plier aux nouvelles coupe aux lèvres. normes. La Chine va-t-elle de sitôt accepter - du sommet au terrain – des normes convenables, sinon de bonnes pratiques internationales ? Peut-être, si cela est bon pour son objectif prioritaire de croissance économique : l’environnement, le code du travail, la sécurité des produits sont dans cette catégorie. L’Empire du Milieu peut-il aller plus loin et alléger l’arbitraire qui règle la vie des Chinois - en matière de presse, de religion, de minorités, d’expression des injustices - face au regard que porte le monde sur elle à l’ère de la globalisation, regard qu’elle a souhaité amplifier à l’occasion de « ses » Jeux Olympiques ? Hélas ne rêvons pas trop vite. H.B. La Chine manque d’eau Disponibilité en eau par habitant Pékin 230 Nord de la Chine 700 SEUIL CRITIQUE FAO 1000 Inde 1750 Chine (Total) 2140 France 3370 Thaïlande 6460 10810 Vietnam 0 2000 4000 6000 8000 En m3 de réserves renouvelables 10000 Source: Aquastat, FAO Des ressources en eau limitées… Qualité de l’eau de surface (rivières, lacs, réservoirs) en 2006 I 3% >V 28% V 10% II 18% III 19% IV Du niveau I à III : bonne qualité de l’eau, peut être utilisée pour la consommation (eau potable, pêche etc.) Niveau IV à V : eau non potable, peut-être utilisée pour les besoins industriels, agricoles, jardinage. Source: Ministry of Water Resources