Zouchuqu: l’IDÉ entre économie et politique Christian Constantin, UBC Depuis la seconde moitié de la décennie 1990, la communauté internationale s’est habituée à voir la République populaire de Chine trôner en tête des destinations des flux d’investissements directs étrangers mondiaux. Cette position, après deux décennies de réformes, est un peu surprenante, mais a été amplement décrite. L’apparition de flux inverses est une situation nouvelle qui va à l’encontre des théories concevant les flux financiers mondiaux en terme d’avantages comparatifs. Si les IDÉ en provenance de la Chine demeurent limités en terme de quantité et de secteurs (ressources naturelles, industrie légère), ils s’inscrivent néanmoins dans une stratégie gouvernementale bien enracinée qui encourage les entreprises chinoises à affronter la concurrence internationale sur les marchés mondiaux. La politique de « Zouchuqu » (go-out) fait en effet partie intégrante de la stratégie d’insertion dans l’économie internationale poursuivie depuis que l’accueil du pays dans l’OMC lui a été garanti. Cette politique vise d’abord et avant tout à amener les grandes entreprises (publiques, pour la plupart) à quitter l’environnement relativement protégé du marché chinois pour obtenir les techniques de gestion, les technologies et le savoir-faire qui assureront la compétitivité de ces entreprises une fois les exigences de l’OMC mises en place et qui, éventuellement, produiront des « champions nationaux » capables de représenter la Chine sur les marchés internationaux. Ces entreprises sont donc appelées à s’implanter à l’étranger, à participer à des joint venture à l’extérieur du territoire national, ou à prendre carrément le contrôle de certaines entreprises étrangères. En échange, elles se voient garantir un certain niveau de soutien (financement préférentiel, rabais fiscaux, accès aux places boursières étrangères, etc.) par l’État chinois. Après une dizaine d’années de « zouchuqu », force est de constater que cette stratégie n’a eu que des succès limités : peu d’entreprises chinoises sont réellement des multinationales, les technologies et les ressources obtenues par l’investissement auraient pu l’être plus simplement et à moindre coût sur les marchés internationaux et les entreprises qui ont bénéficié de cette politique ne sont pas, en général, parmi les plus concurrentielles de Chine. Pourquoi ces résultats mitigés? Je démontrerai dans cette présentation que l’inclusion d’objectifs politiques dans les décisions d’IDÉ a amené les autorités chinoises à encourager les mauvaises entreprises à investir dans les mauvais secteurs. Ainsi, des préoccupations d’ordre diplomatique ou ayant trait à la sécurité économique du pays ont fait en sorte que beaucoup de ces IDÉ n’ont qu’une rentabilité limitée. J’illustrerai cet état de fait par des exemples provenant (1) de la stratégie d’expansion des pétrolières chinoises et (2) des investissements manufacturiers chinois en Asie du Sud-Est.