Prise en charge de l`obésité en 2012 : le point de vue d`un

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Résumé
L’obésité est une maladie du tissu adipeux associant une augmentation du volume
et/ou du nombre des adipocytes et une composante inflammatoire. Ses causes sont
multiples, avec d’une part des facteurs favorisants liés au mode de vie, des facteurs
prédisposants génétiques et épigénétiques, des facteurs déclenchants. La prise de poids
résulte d’une balance énergétique chroniquement positive. Le maintien du poids à un
niveau élevé est lié à des mécanismes d’adaptation, de même que la résistance à
l’amaigrissement.
La prise en charge de la personne obèse nécessite une bonne connaissance de cette
pathologie et une analyse sémiologique fine afin de distinguer les différentes formes
d’obésité dans leur expression, leurs causes et conséquences. Les objectifs doivent être bien
définis : le premier est de ne pas nuire, ce qui est souvent la résultante de régimes
inappropriés.
Institut Pasteur de Lille - Service de nutrition - 1 rue du Professeur Calmette - BP 245 -
59019 Lille cedex
CHRU de Lille - Hôpital Claude Huriez - Service de médecine interne - 59037 Lille cedex
Correspondance : jean-michel.lecerf@pasteur-lille.fr
Prise en charge de lobésité en 2012 :
le point de vue d’un médecin
nutritionniste
J.M. LECERF
(Lille)
Le poids n’est pas un objectif, c’est la conséquence des objectifs réels qui sont
d’apprendre à gérer son alimentation, de reprendre une activité physique. Ils pourront
permettre de perdre un peu de poids, mais surtout de ne plus en prendre. Il faut tenir
compte des dimensions psychologiques de cette pathologie et accompagner positivement ces
personnes pour leur permettre de retrouver confiance en elles. Traiter les pathologies
compliquant cette affection et réduire les facteurs de risque associés sont également un
objectif médical. La chirurgie bariatrique est la conséquence des échecs thérapeutiques liés
à la complexité de la maladie, dans son étiopathogénie et sa physiopathologie, et justifie
la prévention.
Mots clés : obésité, surpoids, tissu adipeux, régimes, diététique, chirurgie
bariatrique, prévention
Déclaration publique d’intérêt
L’auteur déclare ne pas avoir d’intérêt direct ou indirect (financier
ou en nature) avec un organisme privé, industriel ou commercial en
relation avec le sujet présenté.
L’obésité est une pathologie dont la prévalence augmente de façon
importante, dont les conséquences sont importantes en termes de santé,
et dont la thérapeutique reste aujourd’hui difficile. À la lumière d’une
expérience de trente ans, nous devons revoir aujourd’hui en 2012 nos
stratégies de prévention, nos objectifs thérapeutiques et les moyens à
mettre en œuvre.
Il est important de considérer en premier lieu l’hétérogénéité de
cette affection, dans ses causes, ses conséquences, de sorte qu’il faut
individualiser la prise en charge et rejeter toute approche systématique
globalisante dans les objectifs comme dans les moyens. Au même titre
que l’on doit parler des obésités et non pas de l’obésité, on parlera de
la prise en charge des personnes ayant un problème d’obésité.
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LECERF
I. LE CONTEXTE PATHOLOGIQUE
L’obésité se définit par l’augmentation de la masse grasse, qui dans
la grande majorité des cas est bien corrélée à l’indice de masse corporelle
considéré aujourd’hui comme le repère le plus pratique et le plus
accessible pour établir le diagnostic d’obésité puisqu’il reflète le plus
souvent cette masse grasse, exception faite des excès de poids d’origine
œdémateuse et des sujets lourds mais sans excès de masse grasse (sport
de masse de type haltérophilie…). On parle d’obésité pour un IMC
(poids/taille2)à 30 kg/m2. En deçà de 30 kg/m2, entre 25 et 30 kg/m2
on parle de surpoids. En réalité le surpoids ou la surcharge pondérale
pourrait englober l’ensemble des sujets ayant un IMC > 25 kg/m2. Cette
séparation entre les 2 niveaux dexcès pondéral a un intérêt
épidémiologique, mais dans la réalité individuelle il existe un continuum.
La prévalence de l’obésité a considérablement augmenté depuis une
trentaine d’anes en France et dans le monde. En France la prévalence
de l’obésité atteint chez l’adulte de plus de 18 ans 15 % de la population
environ et la prévalence du surpoids environ 35 % de la population, soit
au total 50 % de la population adulte environ. C’est l’augmentation de
l’obésité sévère qui a été la plus forte, même si elle reste relativement peu
importante avec moins de 1 % de la population adulte, mais cette
prévalence a été multipliée par 3 à 4 en l’espace d’une douzaine
d’années. L’autre fait inquiétant est représenté par l’accroissement de la
prévalence de l’obésité infantile, qui semble cependant se ralentir dans
les classes sociales aisées depuis une dizaine d’années. Il faut noter que
non seulement la prévalence de l’obésité et du surpoids a augmenté, mais
que globalement les adultes comme les enfants sont tous, en moyenne,
plus lourds, plus gros que dans les générations précédentes.
L’obésité est une maladie chronique caractérisée par un excès de
masse grasse lié à une accumulation excessive de tissu adipeux, du fait
d’une balance énergétique chroniquement positive. L’augmentation de
masse corporelle induisant une augmentation des dépenses éner-
gétiques, la balance énergétique s’équilibre et la prise de poids cesse et
le poids se stabilise. Au-delà d’un certain stade si les dépenses
énergétiques diminuent et/ou les apports continuent à être chroni-
quement excessifs, le poids augmente à nouveau, en escalier, et ainsi
de suite. Au-delà d’un certain stade le tissu adipeux devient
pathologique, inflammatoire, et une résistance à lamaigrissement
s’installe se traduisant par une augmentation du poids de consigne
parallèle à l’augmentation du poids réel traduisant une perturbation du
pondérostat. Autrement dit le poids se règle à un niveau plus élevé au
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PRISE EN CHARGE DE LOSITÉ EN 2012 :LE POINT DE VUE DUN MÉDECIN NUTRITIONNISTE
fur et à mesure de l’évolution de la maladie. Les évènements théra-
peutiques tels que les régimes amaigrissants interfèrent avec cette
évolution réduisant le poids, masse grasse et masse maigre comprises,
ce qui conduit à une diminution de la dépense énergétique faisant le lit
de la reprise de poids souvent à un niveau plus élevé du fait de troubles
du comportement alimentaire associés. Petit à petit l’obésité s’accentue
spontanément car avec l’âge les dépenses liées à l’activité physique
diminuent et le métabolisme de base diminue du fait de la diminution
de masse maigre, mais également s’aggrave du fait des effets souvent
nocifs des régimes amaigrissants inappropriés. L’affection s’aggrave et
peut devenir irréversible. C’est à ce stade que le spécialiste endo-
crinologue et nutritionniste est amené à recevoir en consultation des
personnes obèses à un stade souvent trop tardif.
II. LES ÉTAPES DE LA PRISE EN CHARGE DE LOBÉSITÉ [1]
C’est d’abord une démarche médicale, qui nécessite plusieurs étapes,
et justifie une approche médicale experte. Compte tenu de la fréquence
de l’osité et du faible nombre de spécialistes médecins, il est souhaitable
que les médecins généralistes s’approprient cette comtence.
Il faudra d’abord analyser le poids et faire un état des lieux précis
de la surcharge. Il faudra ensuite essayer de déterminer les causes de
la prise de poids et de l’obésité. On déterminera ensuite précisément
les conséquences de l’affection avant de définir les objectifs puis les
moyens. La mise en œuvre sera bien sûr assortie d’un suivi au long
cours car il s’agit d’une pathologie chronique.
II.1. Analyser le poids
Il s’agit d’une affection dont l’évolution est dynamique et il faut
essayer de reconstituer la trajectoire pondérale du patient, et de voir où
en est cette dynamique : le poids est-il stable ou est-il sur une pente
descendante ou ascendante, ou dans un système yoyo ?
Le calcul de l’IMC permettra de classer l’obésité en 3 grades ou
stades :
– grade 1 IMC 30 à 35 kg/m2,
– grade 2 IMC 35 à 40 kg/m2,
grade 3 IMC > 40 kg/m2ou obésité massive ou obésité morbide.
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On peut parler de super-obésité pour un IMC > 50 kg/m2, les
chiffres pouvant atteindre parfois 60-70 kg/m2voire plus. L’IMC ne
résume pas l’obésité. Il faut également évaluer la répartition du tissu
adipeux, est-elle globale, à prédominance abdominale, ou à
prédominance fémorale ? La mesure du tour de taille et du tour de
hanche permet d’identifier un morphotype androïde lorsque le tour de
taille dépasse 88 cm chez les femmes et 102 cm chez les hommes avec
une mesure au centimètre de couturière en regard des épines iliaques
antérieures et supérieures. Dans ce cas le rapport taille/hanche est
supérieur à 1. En cas d’obésité gynoïde ce rapport est inférieur à 1, mais
surtout l’observation clinique permet d’objectiver une masse adipeuse
localisée prioritairement au niveau des hanches, des fesses, des cuisses.
Il existe souvent une lipodystrophie associée (associant cellulite,
œdèmes et/ou insuffisance veineuse). Le pourcentage de masse grasse
et de masse maigre peut s’apprécier par impédancemétrie plus
précisément que par une impression visuelle et tactile. Avec le temps,
avec l’âge, avec les régimes successifs, la masse maigre diminue
pouvant conduire à la sarcopénie. On évaluera aussi l’ossature de façon
palpatoire et visuelle avec 3 niveaux de squelette, squelette grêle,
squelette moyen ou normal, squelette important. Le poids maximum
antérieur (hors grossesse) permettra d’avoir une idée de la tendance
future ; le poids minimum antérieur (hors régime) après l’âge de 18 ou
20 ans représentera le poids en dessous duquel on ne peut pas
descendre. Le poids minimum sous régime s’il est inférieur à ce poids
minimum hors régime traduira un risque de reprise de poids ultérieur.
Le poids de forme peut être apprécié subjectivement. Le poids naturel
ou poids d’équilibre correspond au poids dans lequel le sujet peut se
maintenir spontanément sans trop de contraintes.
Il est important également de savoir si l’obésité a commencé très
tôt, ou tardivement ou de façon intermédiaire, par exemple après
l’adolescence. Les obésités sévères et très précoces correspondent
souvent à une prédisposition génétique importante.
II.2. Analyser les causes
Les causes de l’obésité sont multiples, et peuvent être divisées en
facteurs prédisposants, facteurs favorisants, et facteurs déclenchants.
On peut y rajouter les facteurs d’entretien, les évaluer aide consi-
dérablement à affiner la démarche diagnostique et thérapeutique.
Au préalable il convient d’éliminer une étiologie organique précise
qui entrerait dans le cadre d’une autre pathologie, notamment une
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PRISE EN CHARGE DE LOSITÉ EN 2012 :LE POINT DE VUE DUN MÉDECIN NUTRITIONNISTE
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