PARIS.
IMPRIMERIE IMPÉRIALE.
M DCCC LX%11.
L'ÉGLISE
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LES PREMIERS ROIS DE BOURGOGNE,
PAR M. B. ITÀUHÉAU.
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L'ÉGLISE ET L'ÉTAT
n
SOUS LES PREMIERS ROIS DE BOURGOGNE.
Les. Bourguignons, originaires de là Germanie, étaient
venus d'abord, en des temps obscurs', s'établir aux fron-
tières de la Gaule et aux sources du Rhin, sur les terres des
Helvétiens et des Séquanais. Plus tard, vers l'année 450,
cette date même n'est pas précise, ils levaient de nouveau
leurs tentes souvent inquiétées, franchissaient les Alpes Pen-
nines, et descendaient vers le pays des-Salasses, sur la rive
droite de l'Isère; On les voit ensuite définitivement fixés sur
ce territoire, qui sera leur dernière patrie, s'avancer de là
vers le nord jusqu'à
a Langres, vers l'ouest
j
usqu'à
.
Nevers, vers
le sud jusqu'à Marseille, et dominer quelque temps sur une
vaste étendue de la' Gaule, où étaient de grandes et opulentes
cités : Dijon, Besançon, Autun, Mâcon, Genève, Lyon,
Vienne, Embrun, Arles et Montpellier.
Les historiens quLnous font assister à ce rapide dévelop-
pement dé la puissance bourguignonne ne pai1ent guère
En l'année
373,
suivant la Chronique de saint Jérôme;
Rer. Gallic.
scripL t.
I.
p.
6i'.
-
L'Église et l'Étal.
-2—
de dévastations, de massacres. Nos Gaulois, en particulier
ceux de la noblesse, amollis et même corrompus par le goût
ét la recherche de toutes ]es élégances, s'accoutumèrent dif-
• licdement, cela n'étonne guère, au contact de ces rustiques
étrangers. Sidoine Apollinaire nous les représente comme
des géants,
gigantes,
ou du moins des hommes de sept pieds,
sepiipecles,
inondant de beurre rance leur luxuriante chevelure,
infundens acido comam butyro,
et offensant les narines gau-
loises par une forte odeur d'ail et d'oignon'. Ainsi notre évê-
que délicat et bel esprit ne pardonne pas à une nation de
forestiers, de bûcherons, d'avoir conservé sa vigueur et ses
moeurs natives
,
eri quittant ses tanières des montagnes noi-
res; niais il n'a rien de plus dur à dire contre elle, même en
vers, même dans une épître confidentielle à un ami. II est
Gaulois, il al'orgueii de sa race: il déteste et fuit tous les bar-
bares, sans discerner, comme 111e confesse à Philagrius, les
bons des méchants. Quoi qu'il en soit, il n'accuse pas, lui
min plus, les Bourguignons d'avoir eu, comme d'autres bar-
bares, le goût du meurtre, et d'avoir marqué leur passage dans
les Gaules par une longue trace de sang.
Alors mêtiie qu'ils habitaient leurs forêts et leurs cavernes,
ces géants,, qui n'étaient pas des guerriers nomades, mais des
artisans sédentaires, ne s'étaient fait connaître dans le monde
latin- que par leur humeur paisible. L'historien Socrate dit sim-
plement sur les Bourguignons :
«
lis mènent une vie toujours
u tranquille
2
.» Paul Orose, instruit, vers l'année 416, de leurs
bons rapports avec les Gaulois rhénans, nous atteste qu'ils les
traitaient, après avoir conquis leur pays, non comme des vain-
cus, mais comme des frères chrétiens, avec la plus grande
Carme,, cd Cauzllinum. -
Hist.
eccics. tib. Vii, c. xxx.
-3----.
douccur,blana'e, mansuete,
sansjamais leur faire aucune offense,
innocenLer .
il
est d'aillèhrs connu qu'un décret impérial leur
attribua, dès qu'ils pénétrèrent dans la plus florissante région
de la Gaule, une part considérable des esclaves et des terres'.
Ce qui a permis de supposer que les Romains, résignés, de-
puis qu'ils sentaient le déclin de leurs forces, à pactiser même
avec les barbares, avaient eux-mêmes appelé sur la frontière.
clés Alpes les robustes, vaillants, mais pacifiques Bourgui-
gnons, pour opposer cet obstacle aux bandes féroces des Francs
et des liuns-
Si les rois bourguignons rencontrèrent d'abord dans les
Gaules une résistance dont les anciens auteurs ne parlent pas,
ils eurent, on le reconnatt, la sagesse de se concilier assez vite,
et du moins pour quelque temps, la plèbe gauloise et son 'clergé.
Cependant ils étaient ariens.
Orose dit que, de son temps, ils étaient catholiques. Ce qui
semble douteux à
(1011)
Bouquet. Aussi fait-il observer qu'ils
ne tardèrent pas trop, après la mort d'Orose, à changer de
religion. « Catholiques, dit M. Fauriel, dans leurs premières
«stations
• entre le Rhin et les Vosges, ils étaieit arrivés ou
o brusquement devenus ariens dans leurs stations définitives
entre le Rhôie et les Alpes'. o On ne s'explique pas la brus-
querie en une telle affaire. Un peuple vaincu se soumet, et
se convertit ensuite, avec plus ou moins de facilité, à la reli-
gion de ses vainqueurs; mais un peuple qui marche de con-
quêtes en conquêtes, conduit par des chefs entreprenants et
habiles, ne rejette pas brusquement sa religion, lorsqu'elle est
celle du pays où il s'implante, où il veut vivre en paix, pour
P. Orosii
Hist.
11h. VII, e. xxxii.
Les deux tiers des terres et le tiers
(les esclaves. (Augustin Thierry,
Lettres sur
l'histoire de France,
lettre 6. -
Hist.
de la Gaule rndrid.
t. I, p
.
b.
M
t
—IL--
adapter précisément celle que ce pays déteste le plus. Cela est
au moins invraisemblable. Ne sJpposet_on pas plus volontiers
que Paul Orose, prêtre espagnol, qui passa toute sa -vie hors
d'Espagne, en Afrique, en Asie, qui n'a raconté, comme il l'a'-
voue, que sur des rapports, des rapports très-peu fidèles, les
principaux événements dont l'Espagne elle-même fut alors le
-théâtre, s'est .trompé sur la religion d'une peuplade barbare
nouvellement établie aux frontières de la Gaule, et dont la
mansuétude arienne ne pouvait êt?e comprise par un catho-
lique de son temps?
L'opinion de dom Plancher est que la conversion des Bour-
guignons à l'arianisme fut moinsbrusque, c'est-à-dire beau-
coup pins tardive. Non-seulement, en effet, il prétend que ce
peuple, gagné très-anciennement par des apôtrçs latins, on
ne sait lesquels, à la religion catholique, ignorait la thèse
même d'Anus lorsqu'il pénétra dans le coeur de la Gaule, et
vint se mêler sur les champs de bataille aux trop subtils
Wisigoths; mais il ajoute que les premiers rois de notre Bour-
gogne, Gundiokb et Chilpéric, vécurent fermement attachés
à la croyance de leurs ancêtres, et que l'arianisme infecta leur
nation après eux; ce 'qui est une autre hypothèse, encore
moins admissible, à notre avis, que la première.'.
Il est vrai que Gundiokh et Chilpéric se présentent à nous,
dans les légendes, avec un tout autre visage que celui de ces
farouches sectaires,- l'un arien, l'autre catholique, Euric et
Clovis. Ils accueillent avec faveur-les moines gaulois, se plai-
sent à les entretenir, leur donnent de riches domaines, et con-
tribuent avec une bienveillance persévérante à la fondation
Dans sa thèse remarquable quia pour
celte opinion de dom Plancher; mais il la
titre
De l'arianisme des peuples gernuini-
propose plutôt qu'il n'essaye de la justi-
ques, M. Charles Revillout Paraît adopter
fier.
-t,
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