UE Spécifique Odontologie
Université Montpellier I
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LES BIOFILMS
I. Présentation
- L’étude des micro-organismes dans leur environnement naturel, in vivo, contrairement
des conditions plus uniformes constatées in vitro en laboratoire, montre une organisation
en communautés structurées, de composition tout aussi homogène qu’hétérogène dans
l’espace comme le temps et liées à une matrice d’exopolyméres (EPS).
- Tous les micro-organismes se développent non isolément sous la forme de microcolonies,
de taille, forme, densité et organisation diverses : en agrégat, en monocouche, ou
multicouche, en suspension dans les gaz, les liquides ou adhérent à une surface.
- Dans les suspensions liquides, la plupart de ces micro-organismes, souvent regroupés en
amas mobiles sont animés par des mouvements browniens et sont dépourvues de toutes
attaches à une surface : on parle d’état planctonique.
- Sur les surfaces naturelles, ou synthétiques, la plupart de ces micro-organismes forment
des amas adhérents en remaniement permanent : on parle d’état sessile.
- Toutes ces formes de communautés vivantes plus ou moins organisées sont regroupées
sous le vocable de « Biofilm »
(Costerton JW, Stewardt PS, Greenberg EP. Bacterial biofilms : a common
cause of peristent infections. Science 1999 – 384 : 1318-1322 / Donlan RM. Biofilms : microbial life on
surfaces.Emerging Infectious Diseases . 2002 – 8 : 881- 890)
.
- Les biofilms constituent la première forme de vie organisée sur la terre depuis environ
3,5 milliards d’années qui se retrouvent dans l’environnement terrestre à tous les niveaux,
même dans les environnements extrêmes (pores au sein des glaciers, les fumeurs noirs des
abysses sous des pressions de 100 MPa, eau à haute concentration saline, milieu irradié,
etc..).
- Ces formations vivantes constituent des processus de colonisation des environnements
associés à des processus de survie et d’adaptation à des conditions environnementales
diverses.
- C’est ainsi que ces biofilms se développent en santé sur des très nombreuses surfaces
(cathéters, valves, implants, tissus biologiques, peau, muqueuses, dents, yeux poumons,
nez, oreilles, etc..) et dans des conditions tout aussi physiologiques que pathologique.
- 65% des infections bactériennes chez l’homme sont liées à des biofilms
(Chicurel M. Bacterial
biofilms and infections. Slimebusters. Nature 2000 – 408 : 284-286)
.
II. Définition et Critères généraux
II.1.1 Définition
- La définition de W.G. CHARACKLIS est la précise : « Un biofilm est une communauté
microbienne adhérente à une surface et fréquemment incluse dans une matrice de
polymères exocellulaires ».
Cette matrice est aussi appelée « couche muqueuse »
(Biofilms : basis for an interdisciplinary
approach. In : Characklis W.G. Marshall K.C. (eds). Biofilms. John Wiley and Sons New-York January 1990 :
3-15)
- Les biofilms sont des couches de micro-organismes associés à un type de surface et
constitués d’un seul type ou de plusieurs types de micro-organismes (levures, bactéries,
protozoaires ou des combinaisons de toutes ces espèces).
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II.1.1 Principaux critères
- L’importance des microorganismes est de 15% contre 85% pour la matrice extracellulaire.
- Un biofilm est une structure qui a un âge et une densité avec une limite de visibilité
considérée en dessous du seuil de 10
4
cellules/cm
2
et au-dessus de celui de 10
8
cellules
/cm
2
).
- Les biofilms se développent souvent de manière hétérogène sous la forme de
microcolonies discontinues, séparées par des espaces circule des liquides, des
molécules librement.
- Les biofilms se développent parfois de manière homogène lorsqu’ils sont organisés par
des champs de forces et le plus souvent dans des conditions expérimentales.
- La structure des biofilms dépend non seulement des micro-organismes qui le composent,
des molécules engagées dans leur formation et des variations physico-chimiques de leur
environnement.
- L’exemple type du biofilm pathogène est celui de Pseudomonas aeruginosa, une bactérie
pathogène de l’homme, mis en évidence par Karin SAUER en 2002
(Sauer K., Camper A.K.,
Ehrlich G.D., Costerton W.J., Davies D.G. Pseudomonas aeruginosa displays multiple phenotypes during
development in a biofilm Journal of Bacteriology 2002 184 : 1140-1154)
et qui montra que le
développement de ce biofilm passait par 5 stades impliquant l’expression de gènes
différents et successifs depuis l’origine avec l’adhésion primaire à une surface jusqu’à la
dispersion des bactéries.
III. Bases de l’adhésion
- L’adhésion est une accumulation de micro-organismes et de matériel extracellulaire sur
une surface solide.
- C’est un processus s’effectuant en plusieurs étapes :
Transport vers la surface,
Adhésion non spécifique ou réversible
Adhésion spécifique ou irréversible.
- L’adhésion est un phénomène purement physico-chimique qui est suivi de phénomènes
biologiques.
C’est un processus au cours duquel on constate :
Des modifications génétiques, phénotypiques et métabolique
Toutes les souches bactériennes n’ont pas la même capacité d’adhésion aux surfaces et
des différences intra-espèces existent
Des variations d’adhésion selon la nature et l’état de surface
Des variations de la rugosité et des altérations des surfaces (corrosion, usure) modifient
la formation des biofilms
Des variations d’adhésion selon les conditions physico-chimique et biologique
La concentration locale en cations divalents (Ca++, Mn++, Mg++..) facilite plus ou moins
l’adhésion
Les Surfaces modifiées par du poly-éthylène glycol (PEG) ou les groupements Arg-Gly-
Asp (RGD) facilite le degré d’adhésion.
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III.1. Adhésion non spécifique et spécifique
III.1.1 Adhésion non spécifique
- L’adhésion des microorganismes est décrite au travers de la théorie DVLO, du nom des
auteurs de cette théorie (Dejarguin-Landau-Verwey-Overbeek)
(Derjarguin B. & Landau L. -
Theory of the stability of strongly charged lyophobic sols and of the adhesion of strongly charged particles in
solution of electrolytes - Acta Physicochim. 1941 – 14 : 633-62)
et
(Verwey E.J.W. et Overbeek J.T.G. – 1948 -
Theory of the Stability of Lyophobic Colloids, Elsevier Pub. Co. Inc.).
- Elle consiste dans un premier temps en l’interaction des charges en milieu liquide avec
une surface solide. Elle combine les effets d’attraction de forces de Van der Walls et les
effets de répulsion nérés par la double couche formée en surface par des ions chargés.
La théorie DVLO prend en compte la variation d’énergie entre l’énergie d’attraction (V
A
LONDON Van der Waals) dues aux interactions dipolaires intermoléculaires et l’énergie de
répulsion (V
R
électrostatique) en fonction de la distance entre deux particules. La somme
des deux énergies V
A
et V
R
donne l’énergie totale d’interaction V.
- Les cations polyvalents augmentent l’adhésion entre les cellules et la surface chargées
souvent négativement. Un pont intermoléculaire entre la bactérie et la cellule hôte par
interaction électrostatique à tous les deux.
- La répulsion électrostatique est fortement influencée par la concentration ionique de la
solution : plus la concentration ionique est importante, plus on diminue la force de
répulsion électrostatique et plus on réduit la distance entre les cellules et la surface.
- Elle présente en général un maximum et deux minima.
III.1.2.Adhésion spécifique
- L’adhésion spécifique est le fait des structures moléculaires à la surface des micro-
organismes (phospholipides, acides teichoïques, LPS, résidus d’acides gras) et d’appendices
filamenteux ou organelles propres aux microorganismes (pili ou fimbriae et flagelles).
III.1.2.1. Structure des pili (pilus = poil) ou fimbriae (=frange)
- Il existe deux types de pili (fimbriae): les pili communs d’attachements courts qui sont
nombreux sur la surface bactérienne et les pilis dits « sexuels », longs, de conjugaison,
appelés aussi pili F, qui sont en petit nombre et souvent polaire sur la surface bactérienne.
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- Les pili et fimbriae communs sont composés de la polymérisation de structures
protéiques tubulaires fines, dites pilines assemblées à des polypeptides comme l’adhésine.
L’assemblage protéique de chaque pilus forme un tube creux composé de pilines
polymérisées et réparties le long du pilus. Ces pilines se divisent en plusieurs types de
protéines structurales distinctes dont le nombre varie selon l’espèce bactérienne.
- A l’extrémité du tube, on a une structure protéique, l’adhésine, ayant une conformation
moléculaire capable d’interagir et de fixer aux récepteurs hydrocarbonés (glycolipides ou
glycoprotéines) de la cellule eucaryote.
- Ils se répartissent à la surface des microorganismes bactériens gram négatifs, rarement
grams positifs et sont principalement à l’origine d’une stabilisation du processus
d’adhésion aux surfaces ou aux cellules entre-elles.
- Ils sont suffisamment mince (3-10 µm épais/0,3 à 2 µm long) pour que les cellules
surmontent la répulsion électrostatique.
- L’organisation structurale du P-pilus chez Escherichia Coli est représentée.
III.1.2.2. Fonction des pili ou fimbriae
- Les microorganismes bactériens mobiles disposent aussi de ces pili communs pour leur
mobilité au sein de systèmes de ciliatures divers :
Ciliature monotriche pour un seul pili à un pôle.
Ciliature péritriche pour une cellule bactérienne entourée de pili.
Ciliature amphitriche pour une cellule bactérienne avec un pili à chaque pôle opposé.
Ciliature lophotriche pour une cellule bactérienne avec plusieurs pili sur un même pôle.
- Les pili courts d’attachement ou fimbriae sont des organelles d’adhésion pour la
colonisation des surfaces de l’environnement et la résistance aux flux.
- Les pili sexuels en nombre plus limité, porteur d’un facteur de transfert de matériel
génétique, dit F, permettant l’échange génétique entre les cellules lors de la conjugaison.
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III.1.2.3. L’adhésion spécifique intercellulaire :
- L’un des éléments essentiels à la formation d ‘un biofilm et son maintien à la surface d’un
tissu cellulaire réside dans la liaison spécifique qui relie les micro-organismes bactériens et
la surface cellulaire.
- Cette liaison spécifique due à des récepteurs aux conformations complémentaires varie
selon le type de tissu (épithélium urinaire, gastro-intestinal, surfaces dentaires, co-
agrégation inter-bactérienne) et de bactéries.
- Différents récepteurs cellulaires entre en interaction avec les protéines d’adhésion des
pili ou adhésines de manière spécifique :
- Selon cette spécificité, des colonisations de biofilms peuvent se faire en intra ou inter
espèces. Ainsi la colonisation par Escherichia. coli CFA/I et CFA/II reste limitée à l’homme,
alors que celle avec Escherichia. coli K88 infecte le porcs et E. coli K99 les agneaux
(de GRAAF
Frits K., Gaastra W. Fimbriae of enterotoxigenic Escherichia coli. In Fimbriae : Adhesion, Genetics,
Biogenesis and Vaccines - Edited by Klemm. Boca Raton: CRC Press - 1994 – pp. 57-88)
.
IV. Formation du biofilm
- Trois critères influencent la formation d’un biofilm :
Le phénotype et le métabolisme bactérien
Le type et l’état de surface
L’environnement physico-chimique et biologique.
- Cinq étapes :
L’adhésion initiale (non spécifique) des micro-organismes avec une entrée en contact
avec la surface. Cette adhésion est réversible.
L’adhésion irréversible avec la formation de colonie à la surface avec des attachements
par leurs organelles.
La colonisation avec deux étapes de maturation :
Une maturation primaire marquée par une croissance en surface, la formation d’une
matrice d’exopolymères sur laquelle se développe une fine monocouche de biofilm (10
µm)
Une maturation secondaire marquée par une croissance en multicouches donnant
un biofilm important (100 µm)
La dispersion/dissolution par rupture des liaisons inter-cellulaires et avec la matrice
d’exopolymères.
- La formation, la croissance du biofilm comme la dissociation du biofilm sont dépendant
de l’équilibre et du gradient des molécules biologiques circulantes autour et au sein du
biofilm sous la forme :
de gradients de molécules signals bactériennes assurant la croissance de certaines
espèces (notion de quorum sensing)
d’interactions entre molécules signals bactériennes d’espèces diverses limitant ou
favorisant la croissance (notion de quorum quenching)
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