Chapitre 3 : La di¤érenciation verticale des produits
Armel JACQUES
Première mise en ligne : 22 octobre 2006
Cette version : 21 octobre 2015
1 Introduction
Ce chapitre examine principalement deux questions : la détermination des prix avec di¤érenciation verticale
des produits et le choix de qualité dans des oligopoles.
On observe que, sur beaucoup de marchés, des biens de qualités di¤érentes sont vendus. Tous les con-
sommateurs ne choisissent, donc, pas la même qualité. Ces di¤érences de choix peuvent s’expliquer de deux
façons : par des di¤érences de revenus ou/et par des di¤érences de préférences. Il existe deux familles de
modèles qui explorent ces deux explications. Dans le premier groupe de modèles, tous les consommateurs
ont les mêmes préférences, mais ils ne disposent pas du même niveau de revenu. Les biens de qualités élevées
sont acquis par les consommateurs les plus riches tandis que les consommateurs moins riches doivent se
contenter de biens de qualités inférieures et, parfois, renoncent à acheter le bien. Dans le second groupe de
modèles, tous les consommateurs disposent du même revenu mais ils di¤èrent par leurs préférences. Tous
les consommateurs sont unanimes sur le classement des biens. Tous préfèreraient, donc, consommer le bien
de qualité supérieure. Mais, la somme supplémentaire que les consommateurs sont prêts à dépenser pour
un bien de meilleure qualité di¤ère d’un consommateur à l’autre. Tous les consommateurs pensent qu’une
Ferrari est supérieure à une Clio, mais, certains consommateurs seulement estiment que la di¤érence de
qualité justi…e un prix dix fois supérieur.
Les deux groupes de modèles conduisent à des résultats qualitativement assez semblables.
2 Dérences de goût
On commence par présenter les modèles dans lesquels les consommateurs disposent du même niveau de
revenu mais di¤èrent par leurs préférences.
Les préférences des consommateurs sont décrites par U=s psi le consommateur consomme une unité
de qualité set paie le prix p, et par U= 0 autrement. , paramètre de goût pour la qualité, est uniformément
distribué dans la population entre 0et =+ 1. La densité est égale à 1.
CEMOI, Université de La Réunion, Faculté de Droit et dEconomie, 15, avenue René Cassin, 97715 Saint-Denis messag
cedex 9. Email : Armel.Jacques@univ-reunion.fr.
1
Il y a deux …rmes. La …rme iproduit un bien de qualité si, avec s1> s2. Le coût unitaire de production
est c. Ce coût est le même pour tous les niveaux de qualité possibles. Cette hypothèse n’est pas toujours très
réaliste, mais elle permet de plus facilement interpréter les résultats obtenus. Notamment, si une …rme décide
de produire une qualité inférieure à la qualité maximale, ce n’est pas pour réduire son coût de production,
mais uniquement pour se di¤érencier de la …rme concurrente.
On considère un jeu à deux étapes, dans lequel les …rmes choisissent simultanément la qualité de leur
produit (une seule par …rme), puis se livrent une concurrence en prix.
Résoudre le modèle pour toutes les valeurs des paramètres possibles est assez fastidieux car il faut
distinguer plusieurs sous cas. On va, donc, poser des restrictions sur les paramètres et n’étudier que les deux
sous cas les plus intéressants.
2.1 Marché couvert
Le premier sous cas est tiré de Tirole (1988).
On pose les hypothèses additionnelles suivantes :
2et c+2
3(s1s2)s2
La première hypothèse assure qu’à l’équilibre les deux …rmes ont des parts de marché strictement positives.
La seconde hypothèse assure qu’aux prix d’équilibre le marché est couvert. Ce qui signi…e que tous les
consommateurs (y compris le consommateur ) achètent une unité du bien à l’une des …rmes.
On suppose, de plus, que sidoit appartenir à [s; s], où set ssatisfont la seconde hypothèse ci-dessus.
2.1.1 Seconde étape
A la seconde étape, les …rmes choisissent simultanément leur prix de vente. On procède comme pour la
di¤érenciation horizontale. On commence par rechercher le consommateur marginal qui est indi¤érent entre
les biens vendus par les deux …rmes. Ce consommateur est dé…ni par la condition :
e
s1p1=e
s2p2,e
(s1s2) = p1p2,e
=p1p2
s1s2
La demande qui s’adresse à la …rme 1 est égale à D1=e
, tandis que celle qui s’adresse à la …rme 2
est égale à D2=e
.
Les pro…ts des …rmes sont donc les suivants :
1(p1; p2)=(p1c)D1(p1; p2) = (p1c)p1p2
s1s2
2(p1; p2)=(p2c)D2(p1; p2) = (p2c)p1p2
s1s2
2
Les conditions de premier ordre de maximisation des pro…ts des …rmes sont :
@1(p1; p2)
@p1
= 0 ,p1p2
s1s2
+ (p1c)1
s1s2= 0
@2(p1; p2)
@p2
= 0 ,p1p2
s1s2+ (p2c)1
s1s2= 0
On en déduit les prix d’équilibre en fonction des niveaux de qualité :
8
<
:
p1p2
s1s2+ (p1c)1
s1s2= 0
p1p2
s1s2+ (p2c)1
s1s2= 0 9
=
;,(s1s2)p1+p2p1+c= 0
p1p2(s1s2)p2+c= 0
,2p1=(s1s2) + p2+c
p1= 2p2c+(s1s2),4p22c+ 2(s1s2) = (s1s2) + p2+c
p1= 2p2c+(s1s2)
,3p2= 3c+(s1s2)2(s1s2)
p1= 2p2c+(s1s2),(p2=c+2
3(s1s2)
p1= 2c+24
3(s1s2)c+(s1s2))
On a donc :
p1=c+2
3(s1s2)et p2=c+2
3(s1s2)
Si s1=s2, on retrouve p1=p2=c. Si s16=s2, les prix sont strictement supérieurs à c. On remarque
que les prix des deux …rmes sont des fonctions croissantes de la di¤érenciation entre les qualités des deux
rmes (s1s2). Une réduction de la qualité de la …rme 2 permet à cette …rme de vendre son bien plus cher.
Cela semble un peu contre-intuitif. Ce résultat est dû au fait que l’augmentation de la di¤érenciation des
qualités permet d’atténuer la concurrence entre les deux …rmes. Cet e¤et domine le fait que la propension à
payer des consommateurs diminue lorsque la qualité diminue.
On remarque que l’hypothèse 2est nécessaire pour avoir p2c. Avec  < 2, les formules
précédentes donneraient p2< c. On aurait une solution de coin, dans laquelle la …rme 2 aurait une demande
nulle à l’équilibre. On serait dans une situation de monopole naturel1.
Les demandes des …rmes deviennent :
D1=e
=p1p2
s1s2
=c+2
3(s1s2)c2
3(s1s2)
s1s2
=+
3=2
3
D2=e
=+
3=2
3
Les pro…ts des …rmes sont égaux à :
1= (p1c)D1=2
3(s1s2)2
3=22
9(s1s2)
2= (p2c)D2=2
3(s1s2)2
3=22
9(s1s2)
1On reviendra sur ce point dans la section 3.2.
3
La …rme de qualité élevée fait payer un prix plus fort que le producteur de faible qualité. Elle fait aussi
un pro…t plus élevé2.
2.1.2 Première étape
On s’intéresse maintenant au choix de qualité des …rmes. On a supposé que les qualités devaient être choisies
dans l’intervalle [s; s].
@1(s1; s2)
@s1
=22
9>0et @2(s1; s2)
@s2
=22
9<0
Sur l’intervalle [s; s], le pro…t de la …rme 1 est une fonction croissante de la qualité de son produit. Sur le
même intervalle, le pro…t de la …rme 2 est une fonction décroissante de la qualité de son produit. Les …rmes
choisissent, donc, les deux niveaux de qualité extrêmes :
s
1=set s
2=s
Le choix de la …rme 1 paraît assez intuitif. En augmentant la qualité de son produit, elle le rend plus
attractif pour les consommateurs et ses coûts de production restent identiques. Elle a, donc, intérêt à
produire la qualité la plus élevée possible. Le choix de qualité de la …rme 2 est, nettement, moins intuitif.
Bien que les coûts de production soient indépendants de la qualité, la …rme 2 choisit la qualité la plus faible
disponible. Elle choisit, donc, délibérément de rendre son produit peu attractif pour les consommateurs.
La raison de ce choix s’explique par le souhait des …rmes de limiter l’intensité de la concurrence en prix en
di¤érenciant leurs produits. La …rme 2 en choisissant une qualité faible "abandonne" les consommateurs
ayant un fort attrait pour la qualité à la …rme 1 et incite ainsi la …rme 1 à …xer un prix élevé. Pour pouvoir
attirer ces consommateurs, la …rme 2 devrait …xer un prix beaucoup plus faible que la …rme 1, ce qui ne
serait pas rentable pour elle. En contrepartie, la …rme 2 peut attirer les consommateurs ayant peu d’attrait
pour la qualité tout en …xant un prix supérieur à son coût marginal.
Avec les restrictions sur les valeurs des paramètres posées dans cet exemple, si les choix de qualité des
rmes étaient séquentiels, la …rme leader choisirait la qualité maximale set la …rme "follower" choisirait la
qualité minimale s.
2.2 Marché non couvert
Le second sous-cas est traité par Choi et Shin (1992).
On reprend le modèle précédent, mais, on considère des valeurs faibles de . Plus précisément, on va
poser < 1=7. Lorsque est faible, les …rmes ont intérêt à ne pas vendre aux consommateurs qui ont un
2Lehmann-Grube (1997) a montré que ce résultat était robuste. La …rme vendant la qualité la plus élevée réalise un prot
plus élevé que la rme vendant la qualité faible même si l’on introduit un ct …xe qui est une fonction convexe du niveau de
la qualité choisi par la …rme.
4
très faible attrait pour la qualité et le marché n’est pas couvert. Les hypothèses sur les choix de qualité des
rmes sont aussi un peu di¤érentes. Les …rmes choisissent leur qualité séquentiellement et la …rme 2 est
contrainte de choisir une qualité inférieure à celle choisie par la …rme 1. La …rme 1 choisit, donc, s12[0; s].
Après avoir observé s1, la …rme 2 choisit s22[0; s1]. Les …rmes choisissent, en…n, leurs prix simultanément.
Les coûts de production sont supposés indépendants des choix de qualité et ils sont normalisés à 0.
2.2.1 Troisième étape
Comme dans l’exemple précédent, le consommateur indi¤érent entre acheter à la …rme 1 ou à la …rme 2 est
dé…ni par :
e
=p1p2
s1s2
Le consommateur indi¤érent entre acheter une unité du bien à la …rme 2 et ne pas acheter est dé…ni par
:
b
s2p2= 0 ,b
s2=p2,b
=p2
s2
La demande qui s’adresse à la …rme 1 est égale à D1=e
tandis que celle qui s’adresse à la …rme 2
est égale à D2=e
b
.
Les pro…ts des …rmes sont donc les suivants :
1(p1; p2) = p1D1(p1; p2) = p1p1p2
s1s2
2(p1; p2) = p2D2(p1; p2) = p2p1p2
s1s2p2
s2
Les conditions de premier ordre de maximisation des pro…ts des …rmes sont :
@1(p1; p2)
@p1
= 0 ,p1p2
s1s2
+p11
s1s2= 0
@2(p1; p2)
@p2
= 0 ,p1p2
s1s2p2
s2
+p21
s1s21
s2= 0
En résolvant ce système, on obtient les prix d’équilibre en fonction des qualités3:
p1=2s1(s1s2)
4s1s2
et p2=s2(s1s2)
4s1s2
3Détails des calculs :
8
<
:
p1p2
s1s2+p11
s1s2= 0
p1p2
s1s2
p2
s2+p21
s1s2
1
s2= 0 9
=
;,((s1s2)p1+p2p1= 0
p1
s1s2+ 2p21
s1s2
1
s2= 0 )
,8
<
:
p1=1
2hp2+(s1s2)i
1
2
p2+(s1s2)
s1s2+ 2p21
s1s2
1
s2= 0 9
=
;,8
<
:
p1=1
2hp2+(s1s2)i
1
2
(s1s2)
s1s2+p21
2
1
s1s2
2
s1s2
2
s2= 0 9
=
;
,8
<
:
p1=1
2hp2+(s1s2)i
p23
2
1
s1s2+2
s2=1
29
=
;,8
<
:
p1=1
2hp2+(s1s2)i
p21
2
3s2+4(s1s2)
(s1s2)s2=1
29
=
;
5
1 / 22 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !