Le sujet est double.
Il s’agit premièrement d’approfondir la question de l’existence de cette pratique instituée par
le CGRA à l’égard de ce « groupe » déterminé de réfugiés en Belgique. Il s’agira d’aborder
les fondements de cette pratique et d’envisager les objectifs qui lui sont assignés. Cela
justifiera un examen du cadre juridique dans lequel elle s’inscrit, puisqu’elle pose des
exigences spécifiques aux parents concernés : la signature d’une attestation d’engagement et
la production d’un certificat médical exclusivement aux fillettes qui reçoivent la qualité de
réfugié sur la base du risque de mutilation génitale féminine (ci-après, « MGF ») en cas de
retour dans le pays d’origine. Dans ce cas, nous l’avons dit, les parents des « fillettes à
risque » doivent produire annuellement un certificat médical d’intégrité. Le CGRA justifie
cette pratique en termes de prévention des « MGF », la prévention étant présentée par ce
dernier comme une déclinaison de sa mission générale de protection. Cette exigence de
production d’un certificat médical semble inspirée de la Résolution européenne du Parlement
européen du 24 mars 2009 sur la lutte contre les mutilations sexuelles féminines pratiquées
dans l'UE (2008/2071 (INI)). Le Parlement européen recommande aux Etats membres de
l’UE de veiller à ce que les femmes et les fillettes qui se voient accorder l’asile parce qu’elles
sont menacées de MGF bénéficient, à titre préventif, d’examens de santé réguliers destinés à
les protéger au cas où elles risqueraient de subir une MGF pratiquée sur le territoire de
l’Union européenne.
S’il ne fait aucun doute que l’intention du CGRA soit la protection des fillettes contre les
MGF, il s’agira toutefois d’évaluer la légitimité et l’efficacité du dispositif mis en œuvre à
l’aune de l’objectif protectionnel avancé.
Au nom d’une pluralité de droits fondamentaux, il importera parallèlement de se demander si
cette protection des fillettes ne doit pas s’opérer dans un autre cadre que celui du CGRA, au
niveau national ou communautaire. Mais il convient également de s’interroger sur une
question plus large : est-il possible de faire bénéficier de cet objectif protectionnel à
l’ensemble des fillettes « à risque » concernées
et pas uniquement à celles reconnues
réfugiées ? Il nous appartiendra ainsi d’interroger la légalité de cette exigence de production
de certificat médical au regard des discriminations qu’elle pourrait générer vis-à-vis d’autres
catégories de « fillettes à risque » et de leur famille qui auraient obtenu la qualité de réfugié
sur une autre base que celle du risque de MGF ou qui se seraient vues octroyer un droit de
séjour sur la base du regroupement familial, de la régularisation,…Il faudra également se
demander, in fine, si la généralisation éventuelle d’un examen médical annuel pour toutes les
fillettes « à risque » ne porterait pas une atteinte disproportionnée aux droits à l’intégrité
physique et à la vie privée des enfants concernés, et d’envisager dès lors des outils
protectionnels alternatifs.
Deuxièmement, il sera question d’analyser si l’objectif protectionnel visé par cette pratique
est en adéquation avec les sanctions encourues en cas de non-respect des engagements pris, à
savoir la découverte par le CGRA d’une MGF sur la fillette concernée. Il est prévu dans la
Par « fillettes à risque », on entend grossièrement l’ensemble « des petites filles, nées en Belgique ou nées à
l’étranger et vivant avec leurs parents sur le territoire, (qui) sont considérées à risque de subir une MGF si la
mère ou le père sont originaires d’un pays ou d’une ethnie qui pratique les MGF » et ce quel que soit leur statut
de séjour. Voy. SPF Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement et GAMS Belgique,
Mutilations Génitales Féminines : guide à l'usage des professions concernées, Bruxelles, 2011, p. 88. Voy.
également infra, II, 1., a), pour une définition affinée.