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Le modèle de la banque d'affaires que l'on appelle en anglais : « originate and distribute » et qui 
consiste à vendre des crédits et à en transférer le risque à d'autres est un modèle qui s'est ajouté au 
modèle classique qui consiste à faire crédit et à porter le risque. Or, ce modèle est doublement pervers, 
sauf si on lui impose des contraintes réglementaires. Il est pervers, car celui qui accorde un crédit en 
sachant  qu'il  va  transférer le  risque, voire  revendre  le  crédit  lui-même, n'a  aucune  raison  de  bien 
évaluer ce risque, parce que c'est une opération qui coûte cher ! Il est pervers parce que, fondant son 
évaluation du risque sur un modèle statistique, le banquier n'étudie plus les dossiers individuels de 
demande de prêt. Il en résulte une dégradation du processus même de l'évaluation du crédit qui va 
contribuer à augmenter la quantité de crédits accordés. Le volume de crédit prime désormais sur la 
qualité des prêts. 
Les banques d'affaires ont massivement appliqué ce modèle au marché de l'immobilier. C'est ce qui a 
déclenché le désordre, et l'instabilité financière et qui, aux États-Unis, a été à l’origine de la crise des 
subprimes (…), c'est-à-dire des crédits hypothécaires destinés aux emprunteurs à risque et gagés sur 
leurs logements. 
C'est  aux  États-Unis,  en  effet,  qu'est  née  la  crise.  Et  Wall  Street  en  est  l'épicentre.  Les  banques 
d'affaires américaines ont massivement racheté des crédits immobiliers. Elles les ont regroupés dans 
des lots de créances de nature similaire, transformés en titres cédés ensuite à des structures financières 
ad hoc, appelées conduits et véhicules spéciaux, qui en finançaient le prix d'achat avec des dettes à 
court terme. Ces titres devaient être placés auprès d'investis seurs. 
Le processus de titrisation est né de crédits individuels vendus par des banques régionales, mais aussi 
par  des officines  de toute  nature  et  par  des  courtiers  (brokers) qui  démarchent les  gens  pour leur 
proposer des crédits hypothécaires. Ces ventes sont souvent réalisées en dehors de tout contrôle. La 
banque  d'affaires  rachète ces  prêts et  constitue des  pools, c'est-à-dire  des lots  de  1  000  ou  2  000 
crédits. Elle fait en sorte que la composition en soit diversifiée en regroupant notamment des crédits en 
provenance  de  différentes  régions  géographiques.  La  banque  d'affaires  considère  que  le  risque 
constitué par les pools de crédits est très inférieur à celui de chaque crédit individuel. Elle estime que, 
du fait de la loi des grands nombres, ces pools de crédits individuels non corrélés entre eux auront 
globalement  un  rendement  moins  variable  que  pris  chacun  individuellement.  Autrement  dit,  le 
banquier espère prévenir de la sorte des variations de performance. 
Mais  la  chaîne ne  s'arrête pas  là  !  Une  fois  que le  pool  a  été  constitué, la  banque  va chercher  à 
transférer le risque que comporte cet ensemble. Elle émet alors des titres qui sont les contreparties de 
ce pool. Mais ces titres n'en sont pas cependant l'exact reflet. La banque introduit astucieusement ce 
que  l'on  appelle  un  principe  de  subordination,  c'est-à-dire  une  hiérarchie  dans  les  titres  émis  en 
contrepartie du pool. Elle constitue des tranches de titres plus ou moins risqués. Une première tranche, 
dite tranche inférieure, sera à haut risque. Une tranche intermédiaire présentera un risque plus réduit. 
Au sommet, une tranche constituée des meilleurs titres sera considérée comme particulièrement sûre. 
Ce que l'on appelle les tranches super senior ou senior sont ainsi protégées par celles qui sont en 
dessous  et  semblent  parfaitement  garanties  contre  tout  accident,  sauf  pertes  colossales  !  Si  la 
probabilité des pertes du pool augmente, en effet, ce sont les tranches inférieures qui vont absorber les 
pertes. Au bas de l'échelle, la tranche equity assume les premiers risques, au sommet, la tranche senior 
les derniers. En cas de perte, les investisseurs sur la tranche equity sont les premiers touchés. 
Ce sont les agences de notation (elles sont au nombre de trois) qui définissent la structuration des 
titres, c'est-à-dire l'épaisseur des tranches en sorte que les tranches supérieures aient la meilleure note. 
Si, en effet, la banque d'affaires veut faire beaucoup de crédit et néanmoins transférer le risque, il faut 
que ce soient de gros investisseurs qui achètent ce risque. Ces derniers, compagnies d'assurance ou 
fonds de pension, exigent des titres bénéficiant de très bonnes notes (triple A). La banque d'affaires 
s'efforce donc, par cette alchimie complexe de la titrisation, de proposer des titres bien notés. Afin de 
rendre  ceux-ci  plus  attractifs encore,  elle  fait  en  sorte  que  les  tranches  supérieures  bénéficient  de 
garanties supplémentaires apportées par des assureurs de crédits qui sont des compagnies d'assurance 
spécialisées. Si la tranche senior a des problèmes, c'est théoriquement l'assureur qui paiera, et non pas 
l'investisseur.