Complément C1 inhibiteur Le complément C1 estérase inhibiteur ou C1 inhibiteur (C1 INH) est une protéine sérique ayant pour rôle majeur la régulation de la voie classique du complément, en inhibant le C1r activé et le C1s activé. Il possède aussi un rôle d’inhibiteur dans la coagulation, la fibrinolyse et le système des kinines, en agissant sur la kallicréine, la plasmine, la trypsine, la chymotrypsine, le facteur Hageman activé (XII) et le facteur XI activé. Le déficit en C1 INH est responsable de l’angiœdème, qui peut atteindre n’importe quelle partie de l’organisme, mais dont la localisation laryngée est la plus redoutable pour le pronostic vital. On observe aussi des formes sous-cutanées et/ou muqueuses, ou encore viscérales, où la survenue d’œdème déclenche sur plusieurs jours des symptômes digestifs tels que vomissements, douleurs abdominales sans fièvre ni leucocytose. Lors de l’apparition d’œdème sans urticaire, une histoire familiale ou un contexte de lymphome ou de connectivite doivent faire évoquer un déficit en C1 inhibiteur. Le déclenchement de la crise est lié à l’activation de la C1 estérase. Or cette activité estérasique est stable dans l’organisme, et si celle-ci n’est pas contrôlée par son inhibiteur naturel, la C1 estérase peut s’emballer et agir sur ses substrats spécifiques C4 et C2. Dans un bilan sérique classique de l’étude du complément comportant sur un complément hémolytique total (CH50) et les dosages des protéines C3 et C4, la mise en évidence d’une diminution du CH50 et de la protéine C4, même en l’absence de symptômes, doit faire évoquer un déficit en C1 inhibiteur, et le dosage de cette protéine (dosage pondéral et/ou fonctionnel) confirmera le déficit. La protéine C2, autre substrat de la C1 estérase, est généralement comprise dans les normes chez le patient asymptomatique, mais diminue au moment de la crise. Le dosage sérique du C1 INH antigène s’effectue par immunonéphélémétrie, et son taux usuel est de 0,15 à 0,35 g/l. Son dosage en activité s’effectue par immunodiffusion radiale, technique hémolytique ou enzymatique. Le déficit en C1 INH peut être héréditaire par mutation d’un gène du C1 inhibiteur (on parle alors d’œdème angioneurotique héréditaire), ou bien acquis par consommation, et dans chacun de ces deux groupes les anomalies sont classées en type I et type II. Dans les déficits héréditaires, la maladie évolue par poussées déclenchées par des facteurs psychologiques ou traumatiques, et débute souvent avant l’âge de 10 ans. On distingue : • le déficit héréditaire de type I, qui représente 80 à 85 % des patients ayant un déficit héréditaire, se transmet sur le mode autosomique dominant, donc s’exprime chez les hétérozygotes. Le gène muté induit une diminution en protéine C1 inhibiteur, qui est effondrée au moment des crises ; • le déficit héréditaire de type II, une forme plus rare (15 à 20 % des cas de déficit héréditaire), qui correspond également à une anomalie autosomique dominante, mais dans laquelle la mutation conduit à la synthèse d’une protéine présente à taux normal ou même élevé, mais non fonctionnelle. Le dosage fonctionnel de C1 inhibiteur confirmera le diagnostic. Le déficit acquis en C1 inhibiteur, qui survient plutôt chez l’adulte (> 40 ans), se divise en deux formes : • le déficit acquis de type I, plus rare que le déficit acquis de type II, se définit comme un déficit acquis en C1 inhibiteur non lié à la présence d’un anticorps anti-C1 inhibiteur. Il peut être associé à un syndrome lymphoprolifératif B (leucémie lymphoïde chronique, myélome multiple, maladie de Waldenström), à la cryoglobulinémie essentielle, à une connectivite (lupus érythémateux disséminé) ou à un carcinome. La consommation en C1 inhibiteur est alors liée à différents mécanismes : – l’activation du C1 par des complexes immuns ; – l’interaction du C1 avec les antigènes de surface présentés par les cellules tumorales ; – la liaison d’anticorps anti-idiotypes à la surface des cellules B, dans le cas des lymphomes. Dans cette forme acquise du déficit, la consommation en protéines du complément induit une baisse du taux de C1q (à la différence des déficits héréditaires où le C1q est normal), et une diminution des protéines C4, C2 et C3. • le déficit acquis de type II, anomalie autoimmune avec présence dans la circulation d’autoanticorps dirigés contre le C1 inhibiteur. Dans la majorité des cas, cet anti-C1 inhibiteur est une immunoglobuline monoclonale, pouvant être d’isotype G, A ou M. Celle-ci peut correspondre à une hémopathie lymphoïde maligne ou à une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (GMSI). Ces patients ont des taux bas en C4, C1q et C1 inhibiteur en antigène et activité, sans histoire familiale. Ce type de déficit est caractérisé par la détection du produit de clivage du C1 inhibiteur, d’un poids moléculaire de 95 kDa par Tableau 25. Caractérisation des déficits en C1 inhibiteur C4 C1 INH protéine C1 INH activité C1q 95 kDa C1 INH Héréditaire type I a a a N – Héréditaire type II a N ou b aa N – Acquis type I a a a aa – Acquis type II aa a a aa + immunoblot. En effet, en présence de l’autoanticorps anti-C1 inhibiteur, le C1 inhibiteur, qui est lui-même le substrat d’une enzyme, est naturellement clivé et cette protéine inactive est retrouvée dans la circulation. L’effondrement du C1q est très spécifique du déficit acquis, de type I ou de type II (tableau 25). Les anomalies héréditaires et acquises du déficit en C1 inhibiteur (à l’exception de la forme à autoanticorps, type II) bénéficient de traitements efficaces : androgènes (danazol) ou antiplasmines (acide å aminocaproïque ou acide tranexamique). Dans la crise aiguë d’angiœdème, de l’épinéphrine doit être administrée, et du plasma frais congelé ou un concentré en C1 inhibiteur peuvent être perfusés. Dans la forme acquise de type II, on peut avoir recours à la plasmaphérèse en association avec les androgènes et antiplasmines. Les traitements permettent de normaliser le taux de protéine C4 tandis que le C1 inhibiteur doit pouvoir atteindre 25 % des valeurs usuelles. Nous devons aussi signaler le cas particulier des angiœdèmes liés aux estroprogestatifs et aux estrogènes, qui sont connus pour diminuer modérément le C1 inhibiteur antigène par diminution de synthèse. Des femmes prédisposées peuvent déclencher un angiœdème. À l’arrêt de l’estroprogestatif ou du traitement hormonal substitutif, le C1 inhibiteur se normalise. Autres protéines En dehors des crises : CH50 N C3 N C2 N Au moment des crises : CH50 a C3 N C2 a C2, C3 a Il ne faut pas oublier que l’angiœdème a de multiples autres étiologies, non liées à une anomalie du C1 inhibiteur. Les causes les plus fréquentes sont les suivantes : • l’angiœdème allergique, lié à un médicament, aliment, piqûre d’hyménoptère. Dans ce cas, l’angiœdème est souvent associé à une urticaire, parfois à un bronchospasme, ou à un choc anaphylactique ; • l’angiœdème médicamenteux : les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) sont fréquemment incriminés (0,1 à 0,7 % des patients traités), de même que les AINS qui, en inhibant la voie de la cycloxygénase, augmenteraient les métabolites de la voie de la lipoxygénase, provoquant une vasodilatation et un angiœdème ; • l’angiœdème lié à des facteurs physiques (vibrations, pression au froid, rayonnement solaire), souvent associé à une urticaire ; • l’angiœdème secondaire à une microvascularite (lupus, Gougerot-Sjögren, polymyosite, syndrome de MacDuffie) : un abaissement du C1q et la présence d’anticorps anti-C1q peuvent être retrouvés. ☞ ( Complément, Complément C1q, Complément hémolytique total Complément C4, Caubet JC, Vermeulen C, Hauser C. « Vrais » et « faux » angiœdèmes. Med Hyg 2003 ; 61/2433 : 799-802. Garcia-Hejl C, Harnois F, El Jahiri Y, Bigaillon C, Mennecier D, Ceppa F, Thiolet C, Fabre R. Un cas d’œdème angioneurotique acquis. Ann Biol Clin 2006 ; 64/2 : 166-169.