Série : la confiance. Conférence : 1 - La confiance. Il faut bien dire tout d'abord qu'aussi bien dans le domaine extérieur que dans le domaine intime, la confiance est indispensable pour permettre à la grâce d'aboutir en chacun d'entre-nous. Imaginez que vous arrivez au bord d'un fleuve trop large et trop violent pour être traversé. Vous avez parcouru de magnifiques campagnes avec une facilité printanière et vous arrivez devant cet obstacle; vous vous dites instantanément : “ah ! jamais ... impossible ... je m'en vais me noyer”. Vous raisonnez AVEC l'obstacle, et puis tout d'un coup sur l'autre berge, quelqu'un vous crie : “j'ai traversé, faites selon mes indications”, votre raisonnement opère un déplacement, un déplacement de pensée - au lieu de se focaliser sur l'obstacle, il se porte sur le victorieux de l'obstacle, ce qui vous fait dire pourquoi pas moi, d'autres ont passé avant moi, réflexion de Thérèse de Lisieux qui éclairée sur l'affectueuse puissance de Jésus, inépuisable en miséricorde et en bonté disait : “moi, j’aurais commis tous les péchés du monde, et ça veut dire quelque chose, j’irais tout simplement me jeter dans son coeur ça disparaîtrait comme une goutte d'eau dans le feu et je Lui dirais : je T’aime”. Déplacement du raisonnement de l'enfant passant du volume du péché à la fournaise de l'amour. Voilà la confiance. Et quand vous arrivez à persuader une âme que la confiance est le lot de quiconque quel que soit son état psychologique, vous avez sauvé cette âme parce que la confiance c'est la route qui vous assure la vision de Dieu. Alors je vais vous la localiser dans trois endroits. D'abord, le fait : la confiance est tellement étrangère aux situations modernes des événements sociaux, des événements de santé, des moyens à employer, que nous la ramenons à un souhait timide : “pourvu que je puisse ! pourvu que je tienne ! pourvu que ça ne s'empire pas !” Ce fil ténu, s'il en fut, auquel on n’ose pas attacher sa voiture par peur que ça craque, ça, ce n'est pas la confiance... Alors pour résoudre la situation, nous en appelons au risque, au coup de poker, à l'aveuglette, “on verra bien, tant pis, à la chance de Dieu, risquons le coup”, ça réussit, ça réussit pas , inch’Allah ! ... Mais on sait que la confiance existe sans pouvoir la localiser dans une attitude qui en réponde inébranlablement, elle existe, mais où estelle ? Ce que je vais essayer de vous montrer pour chacune d’entre-vous. Deuxième fait : elle est étrangère aux conditions qui président au gouvernement des nations que dans ce domaine la confiance est toujours remplacée par la méfiance entre les états et les chefs, les raisons d'agir ne s'inspirent que de calculs alors que la confiance présuppose l'absence de calculs. Le malaise universel qui en résulte démontre que la confiance pourrait exister entre les hommes, qu’elle devrait exister entre les chefs d'états et qu'elle n'existe pas alors qu'elle existe en elle-même. Une fois de plus : Où est-elle ? Troisième fait : dans le domaine secret des vies de conscience, la confiance se réfère à un état de vie spirituelle auquel on aspire et qui subit de drôles d'assauts, les assauts des “à quoi bon”, “il y a longtemps que ça dure”, “ça ne rime à rien”, “c’est toujours à recommencer”, “je n'en sortirai pas”, “inutile de continuer”, Pax vobie , que la paix soit avec vous ... dans cette tempête... Autant tout de suite se laisser couler disent beaucoup d'âmes, dans le repos, du moins apparent, du fatalisme, du renoncement, du mal accepté, du mal vécu, et en disparaissant dans les eaux du désespoir, on sait qu’on vient d'y noyer la confiance. Situations naturelles des évènements, situations mensongères des puissances d'ici-bas, situations désastreuses des secrets de l'homme - avouez que c'est une tragédie Shakespearienne, que de penser initialement qu'en tout la confiance décide du soleil des événements, du pays et des consciences, et qu’il pleut partout sans discontinuer. Et pourtant on sait que le soleil existe. Savoir, vouloir, décider de se servir de tout, extérieur et intérieur, dans l'existence pour en extraire la confiance comme on tire une étincelle du silex en le frappant au bon endroit. Non pas pour supprimer la dureté du silex, mais pour l'obliger à produire la douceur de la chaleur et la gaieté de la lumière. Quand il s'agit de nos désarrois humains ou bien c'est une gageure, ou bien c'est une absurdité, ou bien c'est une imbécillité sentimentale qui relève de l'inintelligence des faits, ou bien la confiance s'introduit calmement dans la tornade par une intelligence inattendue de la tornade, intelligence qui pousse l'audace jusqu'à y faire entrer la confiance précisément parcequ'il y a tornade. Voilà ce que c'est que participer à l'intelligence de Dieu. Pourquoi Notre Seigneur n'a-t-Il pas, dans son humanité, perdu un seul instant la confiance jusqu'à la Résurrection pascale ? Parcequ'Il a conservé sans arrêt, même sur la croix, l'intelligence, inattendue pour l'humanité, de la tornade permise par la divinité. Voyez-vous, c'est là peut-être, l'un des rôles les plus émouvants du prêtre, dont il ne parle jamais : essayer de toujours donner confiance de façon intelligente. Vous avez beaucoup d’âmes qui se dérobent parce qu'elles ont par l'intuition une intelligence aiguë du cortège de menaces qui accompagnent nécessairement une tornade et elles accueillent la menace de ces menaces de telle sorte qu'elles anticipent sur la catastrophe en lui préparant d'avance sa facilité d'expression par l'oubli du gouvernail. L'affolement qui laisse tomber les rames, le désarroi qui ne regarde plus dans le lointain la lumière des phares approchant de la barque et qui vous ramène au rivage; vaincues avant d'avoir expérimenté la confiance, voilà le lot de beaucoup d'âmes qui sont pourtant délicates. Or, remarquez bien, la confiance est indispensable à toute sainteté, il faut même aller jusqu'à dire que la sainteté a commencé quand Dieu a découvert chez une âme le cran de pouvoir passer par l'épreuve de la confiance obligatoire; à ce moment Il est le Maître; il faut donc ajouter à la tornade tout un élément d'intelligence que la tornade, elle, ne peut pas y ajouter; si nous savions dévisager nos tornades intérieures au point de déclencher les réflexes positifs de la confiance, cette grande compagne de la vie même quand on meurt - cette compagne de la vie qui regarde les mêmes réalités que nous mais jamais de la même manière et à qui notre affolement n'ose pas poser la question : “Toi qui pacifies ce que tu vois, comment vois-tu ma situation ?” La confiance pourrait nous répondre ceci : “Ta situation ? je la vois comme toi, avec les mêmes menaces, mais aussi je la vois mieux que toi, aux dépens des menaces irrémédiables pour toi et cause de victoire pour moi, toi tu regardes toujours les menaces ,tu dis Bon sang, les voilà, vite un fusil; c'est pas assez, vite un canon; c'est pas assez, vite une armée; c'est pas assez, je suis fichu, sauvons-nous - moi, je regarde avec la sérénité d’un chef qui est sûr de sa stratégie, toutes les menaces qui t'assaillent, en te demandant de t’inspirer de ma sérénité; comme Jésus réveillé dans la barque par les cris des apôtres, je regarde les menaces en leur intimant L'ORDRE de se taire, pas un souhait comme je le disais tout-à-l'heure, pas quelque chose d'un peu mou l’AUTORITE : “tacete” , taisez-vous. Il y a donc une autorité, une autorité de la confiance qui repose dans l'intelligence surnaturelle de la situation. Nous y voilà : avoir le sang-froid de se rappeler que dans toute situation, il réside pour notre intelligence une permission d'avoir autorité sur elle - ce miracle de la barque sur le lac de Tibériade nous montre l'apparition vivante de la confiance dans une situation plus que compromise, car les apôtres qui étaient pourtant des marins, qui étaient des pêcheurs, et bien, ils perdaient le Nord ... et cette autorité, elle existe sous l'influence du changement de direction des cris poussés par les apôtres. Première direction : la Tempête, ça va couler, la barque fait eau, l'épouvante s’augmente, il n'y a plus rien à faire. Deuxième direction : il y a quelqu'un qui dort dans la barque, il n’a pas encore pris conscience de ce qui se passe, il en a de la chance... si on dirigeait vers lui les cris d'affolement, “Domine, salvanos, perimus !!! Au lieu de s'augmenter en s'adressant avec épouvante à la tempête, les cris alimentés par un amour irrésistible s'augmentent en s'adressant au Maître de toute tempête. Ils s'adressent à une présence qui dort ... une présence qui dort mais dont ils connaissent la puissance réservée; La foi qui dort en chacune d'entre vous avec tous ses souvenirs d'intervention bienfaisante qui devraient vous rappeler qu'elle est capable de se réveiller quand ça ne va pas très bien. Cette puissance de réflexion qui ne met plus en cause la subtilité des raisonnements devenus impuissants mais le prestige d'une autorité qui dépasse en efficacité l'impuissance d'un raisonnement même quand il est subtil, c'est ce qui fait que nous ne pouvons pas comprendre certaines attitudes des saints qui nous paraissent déconcertantes ou extravagantes, comme Thomas Becket quand il fut condamné à mort et qui, tout tranquillement, répondit au juge qui venait lui proposer de lui sauver la vie à condition qu'il se mette d'accord avec la nouvelle Eglise : “Non... non... doucement... le problème est de savoir si vous et moi nous serons jugés par des Saints, pas par vous, c'est-à-dire par des hommes qui ont toujours une raison majeure, qui n’est plus temporelle, qui n'est plus sociale, qui n’est plus “organisée”, qui dépasse tout ça et leur donne et qui leur communique - dans leur coeur, leur intelligence - une pénétration de la situation qui est tellement aiguë, qu'ils la traversent pour lui dire “eh ! bien, je t’ai vaincue !!” Il y a toute une force de caractère dans la confiance. Il y a toute une force d’âme, une force de coeur. Telle est la confiance que nous allons étudier cette année. Le Christ a vaincu le monde par la confiance en la puissance Divine. Ce joli mot qu'Il a dit à ses apôtres quelques heures avant de mourir : “Croyez en Dieu, croyez aussi en Moi”, n'ayez pas peur, ne croyez pas qu'avoir confiance c'est supprimer l'obstacle, il n'y a que ça sur terre, mais c'est en extraire beaucoup plus que lui-même au point de se mettre à chanter là où les autres se mettent à pleurer. Ca suppose le sang-froid d'une certitude dont l'autorité gouverne un raisonnement en déroute; il ne faut pas faire de stoïcisme, il faut reconnaître le bien-fondé de la déroute pour une nature, il faut avoir la compassion de la déroute pour un coeur, mais il faut se rappeler que c'est la déroute elle-même qui peut fournir la remontée vers l'espérance; il faut donc admettre que les raisonnements en déroute invitent à vaincre leur déroute par autre chose qu'un raisonnement - moi, je plains beaucoup les rationalistes, il y a un moment où ils arrivent toujours à la limite de la permission d'espérer. Je plains beaucoup ceux qui ne disposent que de leur raison pour vivre une existence qui, lorsqu'on l'analyse subtilement, se révèle toujours bien au-delà de la raison. Alors, les malheureux, lorsqu'ils sont munis de données scientifiques, ou mathématiques et que ces données scientifiques ou mathématiques aboutissent à un certain jour, dans un certain deuil, dans une certaine épreuve, dans une catastrophe psychologique imprévue, à la nécessité de porter un jugement qu'on ne peut plus porter parce que ça n'est plus raisonnable, à une situation qu'on ne peut plus résoudre parce que ça n’est plus rationnel... eh ! bien, il reste le revolver, ... Voyez la nécessité de maintenir la confiance intelligente chez les enfants qui sont pris aujourd'hui dans une telle giration d'influences négatives, mauvaises, nocives, et qui ne savent plus les pauvres Petits, parce qu'ils n'ont pas encore assez fortifié leur coeur, leur âme, comment réagir dans cette giration, alors ils se laissent emporter, rouler comme des feuilles mortes, et, à la grâce de Dieu ... Pourquoi y a-t-il donc autre chose qu'un raisonnement à utiliser ? Parce que le raisonnement procède uniquement de ce que nous savons, et Dieu sait si nous sommes fiers de savoir, or précisément savoir, c'est aboutir à des choses qu'on ne peut pas comprendre. Quand on sait vraiment, quand on sait solidement, on sait qu'il y a des choses dans l'existence qu'on ne peut pas comprendre, et c'est déjà les comprendre que de savoir qu’on ne peut pas les comprendre. C'est les comprendre comme nous invitant à passer à un stade supérieur d'intelligence pour rentrer dans un domaine de vitalité intérieure qui va nous permettre de mettre en branle mieux que nous et plus que nous. Le raisonnement prend les éléments d'une situation comme on agence les pièces d'horlogerie pour leur faire dire l'heure, et encore la leur faire dire à notre manière, mais l'heure, en sonnant, ne change rien au climat dans lequel elle sonne; la plus belle horloge, fut-elle en argent, peut carillonner merveilleusement vingt quatre heures sans pouvoir pour autant faire cesser un orage, c'est d'un tout autre ordre; la confiance, elle, prend autorité sur le climat intérieur car le climat revenu au calme, au beau, allège des menaces de pluie, permet de continuer l'activité, d'aller et venir, sans avoir à écouter sonner l’horloge. Quelqu'un qui aurait l'obsession de ne se mettre en branle que quand l'horloge aura sonné, mais il serait toujours là devant l'horloge, il ne ferait rien , "Qu’est-ce que vous faites ? j'attends ...”. Comme me disait un de mes camarades de collège qui est mort il y a trois ans - je lui disais , à seize ans, mais enfin Jacques, tu as l'air triste... qu'est-ce que tu fais pour ça, pour être “défaitiste” ? il me dit “Moi ? j'attends la mort”. A Seize ans !... En effet, ça ne le mettait pas en état d'activité, total il n'a rien fichu, il a toujours attendu la mort, et elle est venue, stérile. La confiance procède d'un pouvoir intelligent de créer le climat, voilà notre responsabilité à tous, nous ne sommes pas responsables de la situation, nous sommes responsables du climat de la situation. Et voilà la forme de l'amour. Et quelquefois nous avons une envie folle de fermer les poings et de dire à Dieu : “Mais qu'est-ce que ça signifie cette situation ? Voilà des années que ça dure - il serait temps que ça finisse...”; et Jésus pourrait nous apparaître et nous répondre très doucement : “dis donc, et moi, qui pendant trente ans connaissais d'avance le situation - je n'ai pas demandé que ça finisse, j'ai simplement créé le climat, alors je suis sorti de mon tombeau”. Vous êtes responsables de votre climat psychologique, moral, spirituel, surnaturel. Si vous voulez y faire intervenir mieux que votre raisonnement, plus que vos calculs, infiniment plus fort que vos décisions personnelles, vous prendrez conscience que même dans les moments de tornade ou de tempête, la situation est capable d'engendrer la paix. “Pax vobis !” La paix soit avec vous. Voyez-vous, le problème n'est pas d'utiliser sa réflexion à composer les heures sur le cadran de notre destinée et de se dire : “voilà, il faut que ça sonne dix heures, il faut que ça sonne minuit”, non ... Laissez sonner n'importe quelle heure, mais placez l'horloge dans le climat qui vous permettra de ne pas sonner faux ou trop court, ou au-delà - mais juste - avec la conviction que vous, ça vous permet de vivre. Les horloges s’arrêtent dès qu'il y a des secousses sismiques, mais la vie ... elle n'en cherche que davantage à se préserver et à s’affirmer même dans les secousses sismiques; c'est l’heure de la confiance. Il faut insister sur cette fausse manoeuvre de beaucoup d’âmes qui consiste à raisonner jusqu’à l'absurde, l'aspect douloureux de leur situation prenant une caractéristique telle, que vraiment leur comportement devient absurde; pourquoi ? parce qu'elles aggravent la situation par une nouvelle situation qui se compose d'un défaitisme, d'un désespoir, d'une révolte - et parfois d'un suicide au moins psychologique que jamais la situation première ne légitimait - voulant se venger de l'insortable en lui faisant produire l'irrémédiable, au lieu de découvrir à l'insortable sa seule porte de sortie : La Confiance. “Convertimini ad Me”, comme c'est évocateur .... “et salvi eritis”, “retournezvous vers Moi, et vous serez sauvés”. Ce qui veut dire que quand on reste toujours dans l'axe de Dieu, on ne peut pas connaître la défaite définitive. Le retournement de notre être suppose qu'il se détourne de ce qui précisément ne peut pas nous fournir l'espérance que nous cherchons, ou alors qu'il se détourne de l'élément accablant qui s'en vient détériorer notre bonne volonté, notre premier mouvement de générosité, notre effort de résurrection, ou alors qu'il se détourne de cette espèce d'obsession de fausses lumières, comme les lumières artificielles qui sont dans nos villes aujourd'hui et qui fatiguent nos regards et qui sont toujours entrain de faire briller une réclame, une propagande, une annonce extraordinaire, mais ça ne fait pas une aurore ... Et nous avons toujours besoin d’une aurore ... Toujours ... Que ce soit dans la prédication, que ce soit au confessionnal, que ce soit en direction, le prêtre est le responsable des aurores ... Il y aurait beaucoup à dire. Mais ce n'est pas le lieu. Et si Jésus nous a communiqué, à nous, le sacerdoce qui, quoiqu'on en raconte aujourd'hui, nous différencie d'une façon irrémédiable et définitive d'avec les laïcs et - quoiqu'on en dise nous oblige à être séparés afin d'être davantage unis aux âmes désespérées, c'est parce que Jésus nous demande de prolonger dans notre sacerdoce cette attitude qu'Il a eue inépuisable et toujours rafraîchissante, de redonner aux âmes la raison majeure d'avoir confiance. Le seul qui ait fait la bêtise majeure, le seul , c'est : Judas. Il avait tout reçu, plus que d'autre, il avait été mis à part mieux que d'autres, il n'a pas compris le mot de Jésus : Amice ! Si coupable sois-tu : mon ami ... Il faut enfin admettre que la conscience humaine encerclée, assiégée, par des complexités psychologiques, morales, intellectuelles, même physiques, complexités qui sont traversées de courants spirituels, surnaturels, déterminants, se trouve aux prises avec des non-sens insolubles pour la raison. Alors qu’est-ce qu'il faut en conclure ? Il n'y a que deux conclusions possibles : puisque c'est insoluble pour la raison, je me suicide ... ou puisque c'est insoluble pour la raison, c'est donc qu'il est impossible de se dépêtrer tout seul de la situation : “Seigneur, à qui donc irions-nous ? sinon à Toi qui a les paroles de la vie éternelle”, donc les paroles de la résurrection et de la confiance. Il n'y a pas trois attitudes, il n’y en a que deux, il faut donc nous dépêtrer des barbelés dans lesquels notre intelligence est précisément enlacée par la vie moderne, tous les barbelés des discussions scientifiques, soit-disant hygiéniques, soit-disant médicales, soit-disant philosophiques, soit-disant qui finissent par mettre la raison en prison avec des barreaux dorés. Et c'est pour ça qu’aujourd’hui il y en a très peu qui vivent avec un chant d’espoir. Pour qui veut ne pas fausser la solution ni décider artificiellement des conclusions, le raisonnement, nous le verrons dans la suite, appelle un climat qui puisse lui assurer son libre fonctionnement; voilà le problème; conserver dans la tentation, la liberté de jugement, c’est pas facile ... Conserver dans les larmes la liberté du sourire, c'est difficile... Conserver dans l'appréhension la certitude de l'espérance, c'est pas commode, ça suppose beaucoup plus que nous. Il faut donc assurer au jugement son libre fonctionnement dont la caractéristique sera d’être toujours positif, lucide, plein de sang-froid, patient, persévérant, et en-dehors de la confiance ce climat ne peut pas exister. Comme il faut rendre confiance aux âmes... C'est un de mes scandales intimes : d’apprendre de beaucoup d’âmes combien elles se font bousculer au confessionnal ... Mais enfin ! Mais le confessionnal INTERDIT au prêtre la moindre parole qui puisse bousculer une âme... C'est vraiment la fontaine de rafraîchissement, de lumière et de paix. Si on ne peut pas trouver la confiance là, où la trouvera-t-on ? Et comme vous avez droit, je dirais, dans les tempêtes personnelles que toute âme connaît quand elle est chrétienne à être comprise et à être aidée. Parce qu'il y a autre chose qu'il faut vous dire : attendez-vous à ceci : plus vous aurez décidé d’être aimée, plus l'adversaire s'arrangera pour vous empêcher d'aimer. Or le seul argument qui lui donne victoire, c'est la perte de la confiance. Plus il s'aperçoit que l'âme a compris Dieu, aimé Dieu, veut aimer Dieu, veut comprendre Dieu, plus il mobilise, avec la subtilité d'une intelligence extraordinaire toutes les raisons qui vont pouvoir l'emprisonner dans des motifs de désespoir, de découragement, de révolte, parce que rien ne lui fait peur comme de voir une âme qui est aimée de Dieu. Le reste, ça lui est égal... Nos organisations sociales, je n'ose pas dire un mot trop militaire... mais il s'en fout... complètement... Ce qui l'intéresse, c’est d’empêcher une âme d’avoir confiance. Thérèse de Lisieux avait saisi ça, elle qui est passée par des crises de désespoir terribles. Alors, pas d’affolement : plus vous aurez décidé d'aimer, plus vous connaîtrez des crises naturellement pas drôles, mais souvenez-vous que ce sont des heures bénies pour mettre en cause ce qu'il y a de meilleur dans votre coeur : le sourire de l'espérance. Voilà vingt, vingt-cinq ans, j'ai connu une petite religieuse, qui était une sainte, qui m'est arrivée un jour complètement désespérée, elle pleurait, elle avait fait tous ses efforts pendant des années, elle était littéralement roulée par le découragement. Je lui dis : “Mais alors, c'est le désespoir ?” et, avec un sourire à travers ses larmes, elle a ouvert sa main et elle m’a montré son petit rosaire. Elle m'a dit : “Non, il reste ça...” et cela, je lui ai dit “utilisez-le presqu’insolemment, à fond, même en estimant que vous êtes perdue, utilisezle...”. Elle la fait, elle a été sauvée. Les grands instants d'agonie qui préparent les résurrections. Est-ce que ça ne fait pas écho à la jolie phrase de NotreSeigneur : “Vous tous qui n'en pouvez plus, venez à Moi, et je vous referai”. Il dit “vous tous qui n’en pouvez plus”, c’est donc au programme de ne plus en pouvoir, “venez à Moi”, pas à votre raisonnement, n'allez surtout pas à votre raisonnement, votre raisonnement qui veut comprendre, mais venez à Moi qui veut sauver, c'est-à-dire vous faire comprendre pourquoi on risque d’être écrasé, et comment on peut être sauvé de l'écrasement pour avoir compris que Je vous aime. N’ayez pas peur, approchez-vous, on va traverser la tornade à deux. Alors, qu'est-ce donc que la confiance ? Une éclaircie quand il pleut ? Oui, mais il pleut... Une fraîcheur en pleine canicule ? Oui, mais on transpire... Une récupération de la liberté d’esprit ? Oui, mais on récupère... Quand on est devenu prisonnier de conclusions fatales extérieures ou intérieures, avoir confiance c’est dépasser ces conclusions fabriquées par notre manière trop personnelle et trop composée d'un jugement auquel nous faisons une confiance qui est une injustice vis-a-vis de l'existence. Tenez -, je pense à un philosophe qui avait pourtant de bien belles dispositions, je pense à Nietzche. Nietzche a été, à mon avis, puni par la miséricorde divine d'avoir trop cru à la valeur implacable de ses raisonnements, qui étaient pourtant très justes... très incomplets quoique justes, car tout raisonnement isolé de la grâce de Dieu, de cette intervention divine qui montre qu'elle n'a pas besoin de raisonnements pour dire à un malade : “Lève-toi et marche”... “Je le veux : sois guéri”... tout raisonnement est court par définition et par nature. Il procède d'une intelligence qui n'épuise jamais la connaissance d’un fait. Prenez un festin : mais il peut très bien causer la mort... or connaître un festin c’est raisonner la joie... Prenez un malheur, il peut très bien décider d'une conversion, or passer par un malheur c'est entrer dans la tristesse. Prenez une grâce, elle peut très bien servir à fabriquer de l'orgueil, alors qu’une grâce doit fabriquer de l'humilité... Prenez une chute, elle peut très bien fabriquer une révolte, et pourtant elle est faite pour fabriquer de la sainteté. Nous ne savons rien de tout, et nous ne savons rien de rien. Nous sommes dominés par une intelligence mystérieuse qui ne livre pas le secret final de ce que nous comprenons parce qu'elle nous aime jusqu'à espérer que nous allons l'inviter à comprendre avec elle ce que nous ne comprenons pas sans elle. L’incompréhensible peut très bien décider de la révolte comme il peut décider de foncer en Dieu, ce oui nous fera comprendre à la mesure de notre décision de foncer. Un événement de conscience porte toujours plus que le raisonnement, que l'analyse, il ne supporte pas d’être raisonnablement analysé, ou alors c'est pour y découvrir le plus et le mieux qui dépassent le raisonnement et l’analyse. Tous nos conflits sociaux, tous nos conflits intimes, procèdent de l'insuffisance du rationalisme. Et l'orgueil moderne de la raison humaine de vouloir résoudre tous les conflits ne fait que les intensifier, il allume la guerre partout. Je n’ai jamais vu tant de guerres que depuis qu’on est pacifiste... C’est ahurissant ! Je n'ai jamais vu tant d'assassinats que depuis qu’on prêche le respect de la personne humaine pour lui laisser tous les droits. Nous sommes entrés dans une incohérence de paroles et de raisonnements dont nous ne pouvons même plus prendre conscience, tellement nous sommes incohérents... Il faut estimer le raisonnable d'une situation comme composé de beaucoup plus que d’un problème ramené au temporel, en réalité dans nos vies aucun problème n'est strictement temporel, aucun... A longueur de journée, les moindres petits évènements vous invitent à voir dans le temporel de l’évènement une réalité qui n'est plus temporel. Ils vous poussent à adopter à l'égard du temporel une vertu qui n'est plus temporelle, ils insistent pour vous faire accepter dans le temporel une attitude qui n'est plus d’ordre temporel. L'obstination matérialiste, étatique, à n'intéresser les foules qu'aux situations économiques explique pourquoi les foules ont perdu confiance dans la valeur de l'existence, à la perte de laquelle elles remédient par l'abus éhonté de l'existence, le débordement des passions n’étant que l'expression animale de la perte de confiance dans la valeur de la vie, et quand on voit toute cette dévalorisation d'une jeunesse, qui est admirable, oui a des promesses comme toute jeunesse, on est pris d'un serrement de coeur atroce à penser aux parents, et aux gouvernants, et aux professeurs, et aux éducateurs. Quel trafalgar ça doit faire là-haut dans certains jugements particuliers... Et pourtant je ne veux pas vous laisser sur une imprécision, et je ne peux pas cependant entamer ce soir en détails des précisions sur la confiance, on n'en sortirait plus... mais disons de suite pour terminer que la confiance suppose toujours deux personnes capables de fusionner une même situation par la rencontre de leurs manières différentes de la connaître, de la comprendre, au point d'en extraire le bénéfice d'une vision neuve et clarifiée de ce qui s’annonçait comme devant être un désastre. Croyez-moi, pour avoir confiance il faut être deux... Le blessé et le camarade de combat, le malade et le médecin, l’ignorant et le professeur, le pécheur et le prêtre, dès qu'on est deux capables de fusionner deux points de vue sur une situation, on est toujours victorieux du mal. Et Satan le sait tellement bien, je vous parle de mon expérience sacerdotale des âmes, que sa tactique ne change jamais : quand il veut avoir une âme, il l'isole... il la rend seule, solitaire, incommunicable, il la rend fermée... il la rend séparée, parce qu'il sait très bien que quand une âme est seule, lui fera le deuxième, ah oui ! mais quel deuxième ! Parce qu'il sait très bien que quand on est deux on a toujours raison de lui, J'ai confiance dans ce que Vous me dites, j’ai confiance dans VOTRE méthode, j'ai confiance dans VOTRE diagnostique, j'ai confiance dans VOTRE enseignement, j'ai confiance dans VOTRE absolution : toujours deux vivants, deux personnes, deux puissances, qui mettent en commun leurs connaissances différentes de la même situation. Coeur Sacré de Jésus, j'ai confiance en VOUS !