Série : la confiance.
Conférence : 1 - La confiance.
Il faut bien dire tout d'abord qu'aussi bien dans le domaine extérieur que dans
le domaine intime, la confiance est indispensable pour permettre à la grâce
d'aboutir en chacun d'entre-nous. Imaginez que vous arrivez au bord d'un
fleuve trop large et trop violent pour être traversé. Vous avez parcouru de
magnifiques campagnes avec une facilité printanière et vous arrivez devant
cet obstacle; vous vous dites instantanément : “ah ! jamais ... impossible ... je
m'en vais me noyer”. Vous raisonnez AVEC l'obstacle, et puis tout d'un coup
sur l'autre berge, quelqu'un vous crie : “j'ai traversé, faites selon mes
indications”, votre raisonnement opère un déplacement, un déplacement de
pensée - au lieu de se focaliser sur l'obstacle, il se porte sur le victorieux de
l'obstacle, ce qui vous fait dire pourquoi pas moi, d'autres ont passé avant
moi, réflexion de Thérèse de Lisieux qui éclairée sur l'affectueuse puissance
de Jésus, inépuisable en miséricorde et en bonté disait : “moi, j’aurais commis
tous leschés du monde, et ça veut dire quelque chose, j’irais tout
simplement me jeter dans son coeur ça disparaîtrait comme une goutte d'eau
dans le feu et je Lui dirais : je T’aime”. Déplacement du raisonnement de
l'enfant passant du volume du péché à la fournaise de l'amour. Voilà la
confiance. Et quand vous arrivez à persuader une âme que la confiance est le
lot de quiconque quel que soit son état psychologique, vous avez sauvé cette
âme parce que la confiance c'est la route qui vous assure la vision de Dieu.
Alors je vais vous la localiser dans trois endroits. D'abord, le fait : la
confiance est tellement étrangère aux situations modernes des événements
sociaux, des événements de santé, des moyens à employer, que nous la
ramenons à un souhait timide : “pourvu que je puisse ! pourvu que je tienne !
pourvu que ça ne s'empire pas !”
Ce fil ténu, s'il en fut, auquel on n’ose pas attacher sa voiture par peur que ça
craque, ça, ce n'est pas la confiance... Alors pour résoudre la situation, nous
en appelons au risque, au coup de poker, à l'aveuglette, “on verra bien, tant
pis, à la chance de Dieu, risquons le coup”, ça réussit, ça réussit pas ,
inch’Allah ! ... Mais on sait que la confiance existe sans pouvoir la localiser
dans une attitude qui en réponde inébranlablement, elle existe, mais où est-
elle ? Ce que je vais essayer de vous montrer pour chacune d’entre-vous.
Deuxième fait : elle est étrangère aux conditions qui président au
gouvernement des nations que dans ce domaine la confiance est toujours
remplacée par la méfiance entre les états et les chefs, les raisons d'agir ne
s'inspirent que de calculs alors que la confiance présuppose l'absence de
calculs. Le malaise universel qui en résulte démontre que la confiance
pourrait exister entre les hommes, qu’elle devrait exister entre les chefs d'états
et qu'elle n'existe pas alors qu'elle existe en elle-même. Une fois de plus : Où
est-elle ?
Troisième fait : dans le domaine secret des vies de conscience, la confiance se
réfère à un état de vie spirituelle auquel on aspire et qui subit de drôles
d'assauts, les assauts des “à quoi bon”, “il y a longtemps que ça dure”, “ça ne
rime à rien”, “c’est toujours à recommencer”, “je n'en sortirai pas”, “inutile de
continuer”, Pax vobie , que la paix soit avec vous ... dans cette tempête...
Autant tout de suite se laisser couler disent beaucoup d'âmes, dans le repos,
du moins apparent, du fatalisme, du renoncement, du mal accepté, du mal
vécu, et en disparaissant dans les eaux du désespoir, on sait qu’on vient d'y
noyer la confiance. Situations naturelles des évènements, situations
mensongères des puissances d'ici-bas, situations désastreuses des secrets de
l'homme - avouez que c'est une tragédie Shakespearienne, que de penser
initialement qu'en tout la confiance décide du soleil des événements, du pays
et des consciences, et qu’il pleut partout sans discontinuer. Et pourtant on sait
que le soleil existe. Savoir, vouloir, décider de se servir de tout, extérieur et
intérieur, dans l'existence pour en extraire la confiance comme on tire une
étincelle du silex en le frappant au bon endroit. Non pas pour supprimer la
dureté du silex, mais pour l'obliger à produire la douceur de la chaleur et la
gaieté de la lumière. Quand il s'agit de nos désarrois humains ou bien c'est
une gageure, ou bien c'est une absurdité, ou bien c'est une imbécillité
sentimentale qui relève de l'inintelligence des faits, ou bien la confiance
s'introduit calmement dans la tornade par une intelligence inattendue de la
tornade, intelligence qui pousse l'audace jusqu'à y faire entrer la confiance
précisément parcequ'il y a tornade. Voilà ce que c'est que participer à
l'intelligence de Dieu. Pourquoi Notre Seigneur n'a-t-Il pas, dans son
humanité, perdu un seul instant la confiance jusqu'à la Résurrection pascale ?
Parcequ'Il a conservé sans arrêt, même sur la croix, l'intelligence, inattendue
pour l'humanité, de la tornade permise par la divinité. Voyez-vous, c'est là
peut-être, l'un des rôles les plus émouvants du prêtre, dont il ne parle jamais :
essayer de toujours donner confiance de façon intelligente. Vous avez
beaucoup d’âmes qui se dérobent parce qu'elles ont par l'intuition une
intelligence aiguë du cortège de menaces qui accompagnent nécessairement
une tornade et elles accueillent la menace de ces menaces de telle sorte
qu'elles anticipent sur la catastrophe en lui préparant d'avance sa facilité
d'expression par l'oubli du gouvernail. L'affolement qui laisse tomber les
rames, le désarroi qui ne regarde plus dans le lointain la lumière des phares
approchant de la barque et qui vous ramène au rivage; vaincues avant d'avoir
expérimenté la confiance, voilà le lot de beaucoup d'âmes qui sont pourtant
délicates. Or, remarquez bien, la confiance est indispensable à toute sainteté,
il faut même aller jusqu'à dire que la sainteté a commencé quand Dieu a
découvert chez une âme le cran de pouvoir passer par l'épreuve de la
confiance obligatoire; à ce moment Il est le Maître; il faut donc ajouter à la
tornade tout un élément d'intelligence que la tornade, elle, ne peut pas y
ajouter; si nous savions dévisager nos tornades intérieures au point de
déclencher les réflexes positifs de la confiance, cette grande compagne de la
vie même quand on meurt - cette compagne de la vie qui regarde les mêmes
réalités que nous mais jamais de la même manière et à qui notre affolement
n'ose pas poser la question : “Toi qui pacifies ce que tu vois, comment vois-tu
ma situation ?” La confiance pourrait nous répondre ceci : “Ta situation ? je la
vois comme toi, avec les mêmes menaces, mais aussi je la vois mieux que toi,
aux dépens des menaces irrémédiables pour toi et cause de victoire pour moi,
toi tu regardes toujours les menaces ,tu dis Bon sang, les voilà, vite un fusil;
c'est pas assez, vite un canon; c'est pas assez, vite une armée; c'est pas assez,
je suis fichu, sauvons-nous - moi, je regarde avec la sénité d’un chef qui est
sûr de sa stratégie, toutes les menaces qui t'assaillent, en te demandant de
t’inspirer de ma sérénité; comme Jésus réveillé dans la barque par les cris des
apôtres, je regarde les menaces en leur intimant L'ORDRE de se taire, pas un
souhait comme je le disais tout-à-l'heure, pas quelque chose d'un peu mou -
l’AUTORITE : “tacete” , taisez-vous.
Il y a donc une autorité, une autorité de la confiance qui repose dans
l'intelligence surnaturelle de la situation. Nous y voilà : avoir le sang-froid de
se rappeler que dans toute situation, il réside pour notre intelligence une
permission d'avoir autorité sur elle - ce miracle de la barque sur le lac de
Tibériade nous montre l'apparition vivante de la confiance dans une situation
plus que compromise, car les apôtres qui étaient pourtant des marins, qui
étaient des pêcheurs, et bien, ils perdaient le Nord ... et cette autorité, elle
existe sous l'influence du changement de direction des cris poussés par les
apôtres. Première direction : la Tempête, ça va couler, la barque fait eau,
l'épouvante s’augmente, il n'y a plus rien à faire. Deuxième direction : il y a
quelqu'un qui dort dans la barque, il n’a pas encore pris conscience de ce qui
se passe, il en a de la chance... si on dirigeait vers lui les cris d'affolement, -
“Domine, salvanos, perimus !!! Au lieu de s'augmenter en s'adressant avec
épouvante à la tempête, les cris alimentés par un amour irrésistible
s'augmentent en s'adressant au Maître de toute tempête. Ils s'adressent à une
présence qui dort ... une présence qui dort mais dont ils connaissent la
puissance réservée; La foi qui dort en chacune d'entre vous avec tous ses
souvenirs d'intervention bienfaisante qui devraient vous rappeler qu'elle est
capable de se réveiller quand ça ne va pas très bien. Cette puissance de
réflexion qui ne met plus en cause la subtilité des raisonnements devenus
impuissants mais le prestige d'une autorité qui dépasse en efficaci
l'impuissance d'un raisonnement même quand il est subtil, c'est ce qui fait que
nous ne pouvons pas comprendre certaines attitudes des saints qui nous
paraissent déconcertantes ou extravagantes, comme Thomas Becket quand il
fut condamné à mort et qui, tout tranquillement, répondit au juge qui venait
lui proposer de lui sauver la vie à condition qu'il se mette d'accord avec la
nouvelle Eglise : “Non... non... doucement... le problème est de savoir si vous
et moi nous serons jugés par des Saints, pas par vous, c'est-à-dire par des
hommes qui ont toujours une raison majeure, qui n’est plus temporelle, qui
n'est plus sociale, qui n’est plus “organisée”, qui dépasse tout ça et leur donne
et qui leur communique - dans leur coeur, leur intelligence - une pénétration
de la situation qui est tellement aiguë, qu'ils la traversent pour lui dire “eh !
bien, je t’ai vaincue !!” Il y a toute une force de caractère dans la confiance. Il
y a toute une force d’âme, une force de coeur. Telle est la confiance que nous
allons étudier cette année.
Le Christ a vaincu le monde par la confiance en la puissance Divine. Ce joli
mot qu'Il a dit à ses apôtres quelques heures avant de mourir : “Croyez en
Dieu, croyez aussi en Moi”, n'ayez pas peur, ne croyez pas qu'avoir confiance
c'est supprimer l'obstacle, il n'y a que ça sur terre, mais c'est en extraire
beaucoup plus que lui-même au point de se mettre à chanter là où les autres se
mettent à pleurer. Ca suppose le sang-froid d'une certitude dont l'autorité
gouverne un raisonnement en déroute; il ne faut pas faire de stoïcisme, il faut
reconnaître le bien-fondé de la déroute pour une nature, il faut avoir la
compassion de la déroute pour un coeur, mais il faut se rappeler que c'est la
déroute elle-même qui peut fournir la remontée vers l'espérance; il faut donc
admettre que les raisonnements en déroute invitent à vaincre leur déroute par
autre chose qu'un raisonnement - moi, je plains beaucoup les rationalistes, il y
a un moment où ils arrivent toujours à la limite de la permission d'espérer. Je
plains beaucoup ceux qui ne disposent que de leur raison pour vivre une
existence qui, lorsqu'on l'analyse subtilement, se révèle toujours bien au-delà
de la raison. Alors, les malheureux, lorsqu'ils sont munis de données
scientifiques, ou mathématiques et que ces données scientifiques ou
mathématiques aboutissent à un certain jour, dans un certain deuil, dans une
certaine épreuve, dans une catastrophe psychologique imprévue, à la nécessité
de porter un jugement qu'on ne peut plus porter parce que ça n'est plus
raisonnable, à une situation qu'on ne peut plus résoudre parce que ça n’est
plus rationnel... eh ! bien, il reste le revolver, ... Voyez la nécessité de
maintenir la confiance intelligente chez les enfants qui sont pris aujourd'hui
dans une telle giration d'influences négatives, mauvaises, nocives, et qui ne
savent plus les pauvres Petits, parce qu'ils n'ont pas encore assez fortifié leur
coeur, leur âme, comment réagir dans cette giration, alors ils se laissent
emporter, rouler comme des feuilles mortes, et, à la grâce de Dieu ... Pourquoi
y a-t-il donc autre chose qu'un raisonnement à utiliser ? Parce que le
raisonnement procède uniquement de ce que nous savons, et Dieu sait si nous
sommes fiers de savoir, or précisément savoir, c'est aboutir à des choses qu'on
ne peut pas comprendre. Quand on sait vraiment, quand on sait solidement, on
sait qu'il y a des choses dans l'existence qu'on ne peut pas comprendre, et c'est
déjà les comprendre que de savoir qu’on ne peut pas les comprendre. C'est les
comprendre comme nous invitant à passer à un stade supérieur d'intelligence
pour rentrer dans un domaine de vitalité intérieure qui va nous permettre de
mettre en branle mieux que nous et plus que nous. Le raisonnement prend les
éléments d'une situation comme on agence les pièces d'horlogerie pour leur
faire dire l'heure, et encore la leur faire dire à notre manière, mais l'heure, en
sonnant, ne change rien au climat dans lequel elle sonne; la plus belle
horloge, fut-elle en argent, peut carillonner merveilleusement vingt quatre
heures sans pouvoir pour autant faire cesser un orage, c'est d'un tout autre
ordre; la confiance, elle, prend autorité sur le climat intérieur car le climat
revenu au calme, au beau, allège des menaces de pluie, permet de continuer
l'activité, d'aller et venir, sans avoir à écouter sonner l’horloge. Quelqu'un qui
aurait l'obsession de ne se mettre en branle que quand l'horloge aura sonné,
mais il serait toujours là devant l'horloge, il ne ferait rien , "Qu’est-ce que
vous faites ? j'attends ...”. Comme me disait un de mes camarades de collège
qui est mort il y a trois ans - je lui disais , à seize ans, mais enfin Jacques, tu
as l'air triste... qu'est-ce que tu fais pour ça, pour être “défaitiste” ? il me dit
“Moi ? j'attends la mort”. A Seize ans !... En effet, ça ne le mettait pas en état
d'activité, total il n'a rien fichu, il a toujours attendu la mort, et elle est venue,
stérile.
La confiance procède d'un pouvoir intelligent de créer le climat, voilà notre
responsabilité à tous, nous ne sommes pas responsables de la situation, nous
sommes responsables du climat de la situation. Et voilà la forme de l'amour.
Et quelquefois nous avons une envie folle de fermer les poings et de dire à
Dieu : “Mais qu'est-ce que ça signifie cette situation ? Voilà des années que
ça dure - il serait temps que ça finisse...”; et Jésus pourrait nous apparaître et
nous répondre très doucement : “dis donc, et moi, qui pendant trente ans
connaissais d'avance le situation - je n'ai pas demandé que ça finisse, j'ai
simplement créé le climat, alors je suis sorti de mon tombeau”.
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