recherche neurobiologique soit tout à fait inappropriée à la recherche sur la cognition, la perception,
l'apprentissage, etc. Comme ces deux lignes de résistance à la réduction interthéorique de la psychologie à
la neurobiologie ont des conséquences méthodologiques, elles méritent d'être examinées soigneusement.
Je ne suis convaincue par aucune des lignes de résistance contre la stratégie réductionniste et j'essaierai
d'expliquer pourquoi aux chapitres VIII et IX.
En principe tous les arguments contre le réductionnisme, s'il ne s'agit pas simplement de confusions
sur ce qu'est la réduction interthéorique, reposent sur un aspect de notre cadre de référence de sens
commun, désigné comme exact et irréductible. Par conséquent, le débat sur la solidité de ces arguments
doit se focaliser sur cette référence de sens commun, à sa relation à la psychologie scientifique, à son
statut épistémologique. Dans cette section je veux établir quelque chose qui a une signification de pour les
arguments ultérieurs - à savoir, l'exactitude de la compréhension selon le sens commun des états mentaux
et des processus. Dans les chapitres VIII et IX j'étendrai plus largement cette affirmation en soutenant que
les catégories de définition et les généralisations fondamentales de notre référence de sens commun
méritent toutes les deux d'être améliorées ; selon toute probabilité il faudra les réviser. Le thème de la
coévolution des théories scientifiques constituera l'arrière-plan unificateur de tous mes arguments.
Qu'est-ce que la psychologie populaire ?
Jusqu'ici je me suis référée à notre “ référence de sens commun pour comprendre les états mentaux et
les processus ” sans être très précise sur ce que cela signifie. Pour plus de brièveté je remplacerai cette
formulation interminable par une étiquette plus courte, à savoir “ la psychologie populaire ”. Dès
maintenant j'utiliserai ce terme (psychologie populaire) pour indiquer cet ensemble mal taillé de concepts,
généralisations, et règles approximatives que nous avons tous l'habitude d'utiliser pour expliquer et
prévoir le comportement humain. La psychologie populaire est la psychologie du sens
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commun - les coutumes psychologiques en vertu desquelles nous expliquons le comportement comme le
résultat de croyances, de désirs, de perceptions, d'aspirations, de buts, de sensations et ainsi de suite. Les
généralisations de cette théorie rattachent les états mentaux à d'autres états mentaux, aux perceptions et
aux actions. Ces généralisations familières fournissent la caractérisation des états mentaux et les
processus qui s'y réfèrent, ce sont elles qui délimitent les “ faits ” de la vie mentale et définissent
l'explananda. La psychologie populaire est la “ psychologie intuitive ” et elle forme notre conception de
nous-mêmes. Comme les philosophes l'ont fait ressortir, les éléments saillants des explications du
comportement incluent, pour la psychologie populaire, les concepts de croyance et de désir. D'autres
éléments y figurent bien sûr, mais ces deux-là sont cruciaux et indispensables.
Pour prendre un exemple du mode de travail de cette théorie nous pouvons commencer par le cas très
simple dans lequel nous devons expliquer pourquoi John a appuyé sur l'interrupteur :
(1) “ Il voulait voir si sa copie sur le Middlemarch se trouvait sur son bureau, il a cru que le meilleur
moyen de la trouver était d'allumer et de regarder, il croyait que pour faire fonctionner la lumière il
devait appuyer sur l'interrupteur, c'est pourquoi il a appuyé sur l'interrupteur. ”
Habituellement il n'est pas nécessaire d'être aussi explicite - en effet il serait ridiculement pédant de le
faire - et une explication efficace peut être très elliptique. Suivant la situation, la formulation : “ Il voulait
voir si sa copie sur la Middlemarch* se trouvait sur son bureau ”, sera le plus souvent suffisante, car on
peut supposer que tout le reste a été compris. Le “ remplissage ” n'est pas superflu ; il est seulement si
évident que nous pouvons le tenir pour acquis. Deux personnes qui se connaissent très bien peuvent
utiliser tellement de sous-entendus qu'il sera très difficile à quelqu'un d'autre de les suivre (voir par ex. le
dialogue du Daniel Martin de John Fowle). Cependant un plus haut degré d'explication est parfois
nécessaire avec des enfants petits ou avec quelqu'un d'étranger à une culture. Même l'explication (1) n'est
pas la plus explicite, néanmoins,