« Lorsque je suis allé en Egypte pour y étudier, au début des années 90, et pour obtenir des
ijâzât (autorisations traditionnelles d’enseigner les sciences islamiques), j’ai suivi un
enseignement dispensé par des savants de l’Islam selon la méthode traditionnelle.
Et j’ai énormément appris dans les domaines relatifs aux sciences de l’Islam : la doctrine, les
sciences du Coran et du hadîth, la jurisprudence, les fondements de la jurisprudence, et les
terminologies, la compréhension de l’Islam, de la doctrine, de la sharî’a, les intérets sociaux
et communs, le jihâd, etc.
La plupart de mes enseignants étaient partisans d’un renouveau et d’une réforme.
Nous avons étudié et compris le hadîth qu’a cité le docteur Jassir :
« Dieu enverra, chaque cent ans, à cette communauté, qui lui renouvellera sa religion. »
Ce que l’on comprend ici, c’est un renouveau de la compréhension qui suit la transformation
de l’époque, du lieu et des nouvelles questions.
Après cela, je suis retourné en Occident, et comme l’a dit le docteur Jassir, j’ai vécu toute ma
vie en Europe, et en Occident.
J’étais au début, après mon retour d’Egypte, intéressé par les questions de jurisprudence, la
compréhension de la shari’a, et l’application des règles musulmanes dans les sociétés
contemporaines, les sociétés laïques et les sociétés majoritairement musulmanes.
Et après vingt ans...
J’ai écrit de nombreux livres dans ce domaine, dans le domaine de l’application du droit et de
la jurisprudence, et la compréhension des règles dans le monde contemporain.
Après vingt ans d’écriture et d’engagement, j’ai observé deux choses :
La première des choses, c’est que la notion de réforme prend plusieurs sens chez les savants
du renouveau et de la réforme.
Ils prennent tous en considération l’évolution de l’époque et la diversité des environnements
et certains d’entre eux proposent une lecture littéraliste -non pas des textes- mais de la réalité.
La réalité et la pression idéologique, culturelle et civilisationnelle s’impose à eux et donc, la
réforme prend le sens d’une adaptation à la situation courante.
J’ai cité ce type de réforme dans mon ouvrage « La réforme radicale » et je l’ai appelée « La
réforme de l’adaptation ».
Dans le domaine du droit et de la jurisprudence, on verra les savants donner des «
allègements » et proposer toujours des avis juridiques relatifs à des besoins et des nécessités.
Cette attitude repose sur la peur et sur une mentalité et une position défensives, ainsi que sur
la préservation des principes et des valeurs islamiques, sans qu’il n’y ait d’influence effective
sur la réalité.
Nous sommes soit dans l’isolement par rapport au monde et aux gens, soit dans la complète
dilution dans le monde et parmi les gens.
Il y a un autre sens, et une autre compréhension à la notion de réforme.
On trouve dans certains domaines, la « réforme de la transformation » où il ne s’agit pas de se
contenter d’être conforme aux principes islamiques et à la préservation de la religion, mais de
réformer la réalité au nom même des principes islamiques et à la lumière des valeurs
islamiques et de l’éthique et des finalités de la shari’a.
Cela diffère donc de « la réforme de l’adaptation ».
Voici donc le deuxième point :
Il est nécessaire, dans ce domaine, de ne pas négliger et de ne pas oublier la dimension de la
spiritualité et du souffle divin.
« Soyez emplis du souffle divin ».
La réforme n’est pas seulement une question d’intelligence et d’application, mais c’est une
question de coeur, de véracité et d’excellence.
Le messager, paix et salut sur lui, dit : « J’ai été envoyé pour parfaire les vertus éthiques ».
Et le verset est très clair :
« C’est ainsi que Nous vous avons envoyé un Prophète choisi parmi vous, qui vous récite Nos
versets, vous purifie, vous apprend le Livre et la Sagesse et vous enseigne ce que vous
ignoriez. »
Il y a entre la récitation et la compréhension du Coran, la purification des âmes, et la
purification de l’âme.
Les gens de la tradition soufie ont mis l’accent sur cet aspect et sur la compréhension de
l’éthique.
L’origine de la purification de l’âme, c’est la réforme de l’âme.
Et l’objectif est le changement et la transformation, partir de l’âme qui ordonne et aller vers
l’âme apaisée, si Dieu le veut.
De l’injustice vers la justice.
Et la pacification de l’âme.
Nous voulons donc cette même transformation dans nos sociétés.
Nous voulons la dignité de l’homme, la justice, la liberté, l’enseignement des peuples, la
bonne gouvernance et une paix répandue parmi les gens.
Et il est nécessaire, de ce point de vue, de revenir à la philosophie de la législation islamique,
aux finalités de la shari’a, et à la compréhension de la dimension éthique de notre religion.
Et si nous voulons agir sur le réel, et réformer les sociétés, il est indispensable de réunir les
savants de la shari’a et du texte et les savants du contexte.
Les savants du texte pourront bénéficier des sciences économiques, politiques, de la
médecine, etc.
La spécificité de ce centre de recherche est donc celle-ci : réunir des savants du texte et des
savants du contexte pour poser des questions nouvelles et précises et exposer des recherches
aux savants, pour parvenir à des réponses d’une part fidèle aux textes et d’autre part
appropriées aux réalités et aux enjeux de notre époque.
Mais il y a, à cela, des conditions :
La première condition est la fidélité aux textes, aux choses immuables et décisives.
« Certes le licite est clair, et l’illicite est clair ».
Et ceci est un aspect évident, dont il est nécessaire de se souvenir dès le début de notre
travail.
La deuxième condition est celle de l’application des règles à la lumière des finalités et de
l’éthique.
Ne pas appliquer les règles de manière littéraliste, mais comprendre les finalités de l’éthique.
La troisième condition consiste à revoir et inspecter ses intentions.
L’objectif principal de la purification de l’âme et de la réforme des sociétés et des
communautés, c’est l’agrément de Dieu et la sincérité.
C’est ce vers quoi nous voulons nous diriger, dans différents domaines.
Nous les avons évoqués, et le docteur Jassir Auda l’a fait également.
Des domaines ouverts : la médecine, les arts, l’économie, l’environnement, l’éducation, la
nourriture, les sciences sociales et politiques, la psychologie...
Ainsi que la question de l’homme et de la femme.
Nous ne voulons pas un discours qui s’arrête sur les droits et les devoirs de la femme.
Nous voulons plutôt questionner la place de l’homme dans la société arabe et musulmane.
Et souvent, on retourne aux hadîths, tels que « Chacun d’entre vous est un berger, ... » mais la
garde est une responsabilité, et elle est soumise à des conditions.
On ne peut la conserver éternellement, sans conditions.
Il est donc nécessaire de revenir sur la place de l’homme, et la question de la masculinité.
La question est posée aujourd’hui.
Ou est « l’homme » dans les sociétés musulmanes ?
Ou est l’homme musulman ? Avant de parler uniquement de la femme, de ses droits et de ses
devoirs.
Nous demandons à Dieu la réussite.
Il est le plus Savant, le plus Grand, le Meilleur des juges.
Permettez-moi d’ajouter quelques mots en anglais adressés à certains de nos invités, présents
avec nous aujourd’hui.
J’aimerais vraiment remercier, du fond du cœur, l’équipe qui travaille avec nous : Lolwah
Al-Khâtar, Kadar Tâha, Dr Jassir.
Vous ne pouvez imaginer à quel point ces deux derniers mois ont été éprouvants dans la
préparation et l’organisation de cette rencontre.
J’aimerais à nouveau les remercier, pour leur engagement et leur aide.
J’aimerais également remercier Caroline d’Oxford, et Jennifer de Paris qui gèrent mes
bureaux dans ces deux villes.
Je n’oublie pas non plus Maria, pardon Muna, qui travaille ici avec le Dr Fathi Sa’oud au
Qatar et qui nous a beaucoup aidé dans ce domaine.
Je voudrai également remercier le cheikh Mustafa Ceric avec qui j’ai travaillé pendant
plusieurs années.
Ainsi que mon frère Yusuf Islam, présent avec nous aujourd’hui, puis Peter Sanders, le Pr
Esposito également.
Tous sont venus ici.
Il y a encore beaucoup d’invités que j’aimerais remercier, mais le temps ne me le permet pas.
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