
Dès le début du xxe siècle, avec la baisse de la créativité, le climat économique et social s'est détérioré. Mais c'est la Première Guerre
mondiale, avec une occupation brutale et destructrice et les ravages des bombardements, qui marqua le point d'arrêt de l'avance
nordiste. La reconstruction, toujours visible dans l'uniformité du paysage urbain d'une très large trouée de Cambrai à Bailleul, a été une
œuvre immense et difficile. Seules les mines (pour lesquelles on sollicita massivement la main-d'œuvre d'immigration polonaise) furent
l'objet de l'attention de l'État qui, par ailleurs, s'opposa à la restauration des industries militairement sensibles, comme l'aviation ou
l'automobile, à proximité d'une frontière vulnérable. La crise de 1929 frappa une économie régionale encore très fragilisée par les
séquelles de la guerre et précipita un retard dont la région ne s'est pas encore remise. La Seconde Guerre mondiale n'arrangea rien,
notamment sur la zone littorale où les destructions furent considérables.
On espéra beaucoup, après guerre, de la nationalisation des charbonnages et de la restructuration de la sidérurgie, mais elles
n'apportèrent qu'un sursis. L'un après l'autre, pour des raisons différentes (épuisement du gisement houiller, obsolescence ou
archaïsme de l'appareil de production, disparition des débouchés, passage d'une industrie de main-d'œuvre à une industrie robotisée),
chacun des piliers de l'industrie régionale entra en crise dans les années 1960 ou 1970, révélant la fragilité économique de la région et
ses retards sociaux. La reconversion industrielle, avec l'implantation, en particulier, de la construction automobile, n'apporta jamais les
résultats espérés. Il a fallu attendre la fin du xxe siècle pour qu'un vigoureux processus de modernisation de la société (rattrapage en
matière d'éducation et de santé), de l'économie (pari sur quelques pôles industriels et sur la tertiarisation des activités), d'amélioration
des conditions et cadres de vie et de renaissance urbaine commence à porter ses fruits.
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Le difficile passage d'une économie de labeur à une économie post-moderne
Industrielle, la région l'est restée (troisième rang national, avec de 7 à 8 % du chiffre d'affaires du secteur), mais après un gigantesque
renouvellement et une profonde modernisation. L'appareil de production apparaît aujourd'hui beaucoup plus concentré autour des
grands pôles urbains (Lille, Dunkerque-Calais, Valenciennes) que diffus sur des bassins comme naguère. L'extraction charbonnière
(près de 200 000 emplois à son apogée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale) a totalement disparu au cours des années
1980. La production énergétique demeure néanmoins importante, grâce à la centrale de Gravelines (10 % de la production nucléaire
française). Le textile – qui fut longtemps le premier employeur de la région – vient désormais, avec à peine plus de 25 000 salariés, loin
derrière les industries mécaniques et automobiles (Française de mécanique à Douvrin, Renault à Douai, Toyota à Valenciennes...) qui
en emploient plus de 60 000, et continue à reculer. La métallurgie (avec la première usine sidérurgique de France, à Dunkerque) et
surtout l'agroalimentaire ont mieux conservé leurs positions (de 10 à 15 % des emplois nationaux de ces secteurs). La verrerie et la
chimie, les caoutchoucs et plastiques représentent également un poids supérieur à celui de la région dans l'industrie française. Cette
prééminence de quelques branches cache un peu le fait que la plupart des autres branches sont bien représentées, y compris les
secteurs de pointe comme la pharmacie et l'électronique. Mais, globalement, la spécificité industrielle du Nord – Pas-de-Calais a
presque disparu : 6,7 % des emplois industriels nationaux (6,4 si on inclut la construction), soit un peu plus seulement que la part de la
région dans l'emploi national total (6 %).
Le Nord – Pas-de-Calais est aussi une grande région agricole, avec des rendements supérieurs à la moyenne nationale. Il assure, sur
moins de 2 % du territoire national, la production de 7 % des céréales françaises, de 15 % des betteraves sucrières et fourragères, de
18 % des pommes de terre et des légumes frais, de 5 % des fourrages et du maïs fourrager. Il convient d'y ajouter 5 % de la
production de lait et de 3 à 4 % de la viande bovine ou porcine, des volailles et des œufs. La polyculture associée à l'élevage, sur des
exploitations de taille moyenne (35 hectares en moyenne), prédomine encore. Cependant, le nombre d'exploitants (moins de 18 000
en 2000) diminue rapidement, et la concentration impose une plus grande spécialisation, comme partout en Europe. Bien que l'âge
moyen des agriculteurs soit demeuré ici inférieur à la moyenne française, et malgré les possibilités de vente directe et de pluri-activité
offerte par la proximité de gros marchés urbains, la succession des exploitants est mal assurée.
La montée du tertiaire est souvent décrite comme remarquable. Elle l'est en effet, si on regarde les chiffres bruts : 900 000 emplois
aujourd'hui, soit deux fois plus qu'en 1960 ; 220 000 pour le secteur secondaire, contre 700 000 en 1960. La mutation paraît énorme ;
et pourtant, seul le secteur commercial (avec des spécialisations, comme la vente par correspondance à Roubaix) a été vraiment
porteur, celui des transports, dont le conseil régional voudrait faire un des moteurs du renouveau économique, ne fournit encore que
5,8 % des emplois nationaux de la branche. La progression du tertiaire provient moins de la réorientation des activités, conforme à
l'évolution générale, que du comblement d'un gigantesque retard dans le domaine des services. L'alignement sur les moyennes