Dossier scientifique
56 // Revue FRancophone des LaboRatoiRes - JanvieR 2013 - n° 448
de soins, en particulier en France, et ceci en partie faute
de moyen, 4) au faible nombre d’études multicentriques
en France dans ce domaine. Cependant, quelques pro-
grammes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) ou
de programmes de soutien aux techniques innovantes et
coûteuse (STIC) ont plus récemment permis d’entreprendre
dans notre pays des projets structurés dans le domaine
des CTC. Les résultats obtenus ou en cours pourraient
permettre le déploiement de certaines méthodes dans
les laboratoires d’analyse et de faire discuter à moyen
terme le remboursement de ces actes médicaux par la
sécurité sociale.
Après avoir brièvement abordé la terminologie et quelques
dénitions, nous décrivons dans cet article les données
actuelles concernant la physiopathologie des CTC, les
principales méthodes de détection des CTC en insistant
sur leurs avantages et leurs inconvénients, et les applica-
tions potentielles de ce champ d’activité dans le domaine
de l’oncologie clinique.
2. Terminologie et définitions
De nombreux biomarqueurs pouvant être isolés dans le
sang des patients atteints d’un cancer sont actuellement
à l’étude et ne rentre pas à proprement parler dans le
champ thématique des cellules tumorales circulantes. Il
s’agit en particulier de biomarqueurs identiés à partir
de l’ADN libre circulant, de l’ARN libre circulant, des
microARN plasmatiques, et des cellules endothéliales
circulantes. Le terme de « cellule tumorale circulante »
(CTC) est le plus fréquemment utilisé dans la littérature
bien que le caractère tumoral reste souvent hypothétique
à établir selon la méthode d’isolement employée, et ceci
en l’absence de marqueur spécique associé permettant
de les identier comme tel. La grande majorité des tech-
niques de détection met en fait en évidence ces cellules
épithéliales circulantes, souvent assimilées par abus de
langage à des cellules tumorales circulantes chez des
patients atteints d’un cancer. Ainsi, par exemple, lorsque
l’on utilise l’une des méthodes les plus employées pour
détecter les CTC, la méthode Cell Search, les cellules
isolées correspondent à des cellules étrangères aux
éléments gurés du sang périphérique (cellules épi-
théliales), sans que leur caractère néoplasique puisse
être afrmé [9]. Il conviendrait mieux ainsi d’appeler
ces cellules, des « cellules épithéliales circulantes ». En
effet, des cellules épithéliales non néoplasiques peuvent
circuler dans le sang et donc être détectées par beau-
coup de méthodes [9] et le caractère malin des CTC est
impossible à déterminer avec la plupart des méthodes
dites indirectes [11, 12]. Par ailleurs, le terme de cellule
métastatique circulante devrait être banni du vocabu-
laire, puisque le potentiel invasif et de dissémination
tissulaire des cellules tumorales détectées dans le sang
ne peut pas être actuellement afrmé [9]. La viabilité
des cellules tumorales circulantes est difcile à mettre
en évidence et leur potentiel prolifératif est donc quasi
impossible à apprécier. Les CTC peuvent être détectées
de façon isolée ou bien sous forme d’amas cellulaire,
appelé microembol tumoral [7, 13]. Dans ce cas là, le
terme de micro métastase sanguine n’est pas approprié
car le potentiel métastatique n’est pas connu. Ainsi, le
terme de « cellule non hématologique circulante » (CNHC)
pourrait être utilisé d’une façon plus générale pour dési-
gner toute cellule détectée dans le sang périphérique
ne correspondant pas à des éléments gurés présents
dans le sang ou dans la moelle osseuse [14]. En pratique,
un amalgame se fait pour assimiler ces « CNHC » à des
« CTC ». Nous utiliserons toutefois par simplication le
terme de CTC dans la suite de cet article.
3. Physiopathologie des cellules
tumorales circulantes :
quoi de neuf ?
La mise en évidence et la caractérisation phénotypique
et génotypique des CTC a permis de mieux comprendre
l’histoire naturelle des cancers [10, 15-17]. Certains tra-
vaux récents sur les CTC ont identifiés de nouveaux
mécanismes liés à la progression tumorale [10, 18]. Les
CTC peuvent être détectées dans la plupart des cancers
solides en phase métastatique, mais peuvent être asso-
ciées à des cancers primitifs de petite taille et avant toute
intervention chirurgicale [3, 19-23]. Ainsi, le passage dans
le sang de cellules tumorales est certainement un événe-
ment très précoce de la carcinogenèse [9]. Le passage
transendothélial des cellules tumorales et leur circula-
tion sanguine est facilité par le phénomène de transition
épithélio-mésenchymateuse (TEM) [9, 10]. Les cellules
tumorales perdent de façon plus ou moins complète leur
phénotype épithélial et acquièrent un phénotype de cel-
lule mésenchymateuse, ce qui augmente certainement
leur plasticité dans le ux sanguin. Inversement, la colo-
nisation tissulaire d’un site métastatique s’accompagne
d’un phénomène de transition mésenchymo-épithéliale,
les cellules tumorales ainsi extravasées retrouvant leur
phénotype épithélial [9, 10]. Il est possible que certaines
CTC résistent au phénomène d’anoïkis grâce à ces modi-
cations phénotypiques et aux interactions pouvant se
produire entre elles (phénomène de migration « collec-
tive ») ou bien avec les cellules sanguines, en particulier
les plaquettes [24, 25]. Ainsi des interactions cellulaires
sont tout à fait possible entre les CTC et les différents
éléments gurés du sang périphérique, soit par contact
direct, soit via une production de cytokines, soit via des
exosomes pouvant transférer entre les différentes cel-
lules. Un nouveau mécanisme impliquant les CTC a été
récemment établi : le phénomène de « tumor-self seeding ».
Ce mécanisme décrit le rôle de certaines CTC dans la
progression et/ou la récidive de la tumeur primitive grâce
une « re colonisation » du site primitif après leur circulation
sanguine [18, 26]. Les CTC peuvent en outre coloniser des
tissus et rester quiescentes pendant une longue période,
avant d’entrer à nouveau en activité, et de proliférer an de
développer une tumeur ou bien « re circuler » dans le sang.
Ces cellules dormantes (phénomène de « dormancy »)
peuvent ainsi être à l’origine d’une récidive de la maladie
cancéreuse après une période de rémission de plusieurs
années [27].