Prendre connaissance des faits saillants

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F2 ¼ heures
Animateur :
… bienvenue à notre téléconférence aujourd’hui.
La Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé est très heureuse de
procéder au lancement de la nouvelle saison de Chercheur sur appel, une série interactive qui
réunit des chercheurs et des décideurs pour discuter d’un sujet d’intérêt commun.
La séance d’aujourd’hui portera sur la question suivante : « Dans les services de santé, est-ce
que plus est nécessairement mieux? ».
Mais permettez-moi d’abord d’accueillir nos conférenciers. Therese Stukel est
biostatisticienne et chercheure s’intéressant aux services de santé. Elle est scientifique
principale à l’Institut de recherche en services de santé (ICES), à Toronto, et elle enseigne à
l’École médicale de Dartmouth ainsi qu’à l’Université de Toronto. Nous souhaitons
également la bienvenue à Graham Woodard, directeur de la planification provinciale à Action
Cancer Ontario. Je cède donc la parole à la Dre Stukel.
Therese Stukel :
Merci beaucoup. Ma présentation s’intitule « Dans les services de santé, est-ce que plus est
nécessairement mieux? ». C’est qu’aux yeux du public, dans le domaine de la santé, rien n’est
jamais de trop. L’étude que nous avons menée aux États-Unis a toutefois ébranlé ce mythe.
Nous avons découvert que pour améliorer les résultats, il ne suffit pas d’augmenter le nombre
de services, il faut plutôt offrir davantage de services de haute qualité, opportuns et fondés
sur les données probantes.
Comment en arriver à changer la perception du public? Comment améliorer l’information
transmise sur les résultats, afin qu’un médecin puisse parler à son patient des avantages, des
inconvénients et des risques associés aux diverses options cliniques?
Pour les décideurs – (troisième point de la présentation PowerPoint). Comment gérer la
croissance de la capacité? Nous avons constaté que l’augmentation du nombre de médecins et
de lits d’hôpitaux aux États-Unis ne fait qu’augmenter la taille des services de santé. Mais
comment gérer la capacité et adapter le système afin de fournir la quantité adéquate de
services fondés sur les données probantes, et pas davantage?
Comment améliorer la qualité et l’efficacité? L’étude menée par Elizabeth McGlynn aux
États-Unis a démontré que 50 p. 100 des patients ne reçoivent pas les services de qualité,
fondés sur les données probantes, qui sont prévus dans les lignes directrices nationales.
Comment remédier à la situation?
Laissez-moi vous présenter une autre diapositive concernant notre vision de l’avenir…
puisque les chercheurs ont l’habitude de bâtir des scénarios apocalyptiques et de dire aux
décideurs : « Voilà le problème ».
Aux États-Unis, de petites expériences, si l’on peut dire, sont en cours. On trouve dans ce
pays plusieurs cliniques médicales multispécialités telles que West Coast HMO, Group
Health Co-operative et Kaiser Permanente qui fournissent des services de santé depuis une
quarantaine d’années à des populations aussi nombreuses que celle de l’Ontario, soit quelque
10 millions de personnes. Ces mégacliniques sont parvenues à limiter leurs coûts et à fournir
des services de grande qualité aux patients.
Comment s’y prennent-elles? La médecine de groupe multispécialités explique en partie le
succès enregistré. Des médecins et des hôpitaux travaillent ensemble et partagent la
responsabilité des décisions ainsi que des résultats pour les patients. Mais plusieurs facteurs
interviennent pour réaliser cet exploit. La technologie de l’information permet d’obtenir une
rétroaction en temps réel et de mettre en place les changements nécessaires. D’une part, la
culture organisationnelle soutient l’amélioration, et d’autre part, des systèmes de soins de
santé primaires solides soutenus par des professionnels paramédicaux assurent la gestion des
maladies chroniques.
Les services axés sur l’efficacité longitudinale représentent un nouveau concept appelé à
remplacer celui axé sur les services de grande qualité, offerts dans un même lieu. Prenons
l’exemple d’un patient ayant des antécédents cardiaques qu’on doit réadmettre à l’hôpital. Il y
recevra sans doute d’excellents soins, mais si l’on examine la situation d’un point de vue plus
large, plusieurs questions se posent : « Pourquoi le patient a-t-il été admis à l’hôpital alors
qu’il s’agit d’un malade souffrant de problèmes cardiaques chroniques? Qu’auraient pu faire
les médecins, le système de santé et les services aux malades externes afin d’éviter la
réadmission à l’hôpital? ».
Je vais maintenant céder ma place à Graham Woodard, qui vous parlera de la façon dont
Action Cancer Ontario a mis en application certaines de ces idées dans la province.
Graham Woodard :
Nous sommes certainement tous d’accord pour dire que cette approche est fondée sur un
leadership efficace. Mais nous reconnaissons de plus en plus que plusieurs aspects nécessitent
des solutions axées sur le patient.
Par exemple, nous tentons actuellement de répondre aux besoins liés au traitement
systémique, tels que le besoin de disposer de ressources adéquates. Il nous faut pour cela
cesser de considérer la question en fonction du nombre de patients qu’un médecin devrait
traiter, mais nous demander plutôt : « De quels services le patient a-t-il besoin? » Une
patiente atteinte d’un cancer du sein, par exemple, aura besoin de certains services
particuliers à son cas. Il faut donc examiner les normes, dont certaines sont reconnues par le
milieu scientifique, et s’interroger à savoir quels soins devraient recevoir la patiente et qui
pourraient lui fournir ces services? La question est bien de déterminer qui pourrait, et non qui
devrait, fournir ces services, en examinant divers modèles.
Au cœur de tout cela (prochain point de la diapositive) se trouve les équipes
multidisciplinaires que nous avons mises sur pied et qui prennent toutes ces décisions. Ces
équipes touchent le lieu du traitement, le mode de traitement, et les services assurés et
financés. Action Cancer Ontario n’offre pas de services directs, ces derniers étant assurés par
les hôpitaux. Nous mettons sur pied des équipes multidisciplinaires et nous engageons ces
équipes pour fournir les services et les résultats attendus. Il ne s’agit donc pas simplement des
volumes, mais bien des résultats associés à ces volumes. Les membres de ces équipes sont les
chefs d’équipe de chaque hôpital associé au type de service concerné. Il y a des infirmières,
des médecins, des présidents-directeurs généraux d’hôpital, ainsi que notre vice-président
régional.
J’apporterai une légère nuance aux propos de Therese, à savoir que plus n’est pas toujours
mieux. C’est toute la question de la relation volume-résultats. Nous observons que dans de
nombreux services de santé – et le même principe s’applique dans la vie en général, plus les
gens fournissent un service ou font une chose, plus ils s’améliorent, contrairement aux
personnes qui ne font cette chose qu’à l’occasion. Cette relation volume-résultats s’observe
dans de nombreux services de santé, y compris dans mes deux exemples, une colonoscopie et
une opération visant à traiter un cancer du poumon.
Nous mesurons maintenant l’efficacité. Je tiens à souligner qu’une grande partie du travail de
planification consiste à déterminer la nature d’un système efficace. Ce n’est pas toujours tout
à fait clair, mais l’on sait qu’il faut des normes. Nous en avons parlé dans les dernières
diapositives. Il faut obtenir la participation des hôpitaux, de l’équipe au complet. Cela
permettra d’établir des relations de confiance entre les membres des équipes, une condition
essentielle à la réussite.
Animateur :
Merci Graham et Therese. Vous nous avez transmis de l’information stimulante qui nous
incitera à songer aux divers aspects de la relation entre le volume et la qualité.
Nous répondrons maintenant aux questions. Quelque 70 organisations participent à la
téléconférence aujourd’hui. Certains d’entre vous participent à titre individuel, d’autres
représentent des groupes et des organisations d’un peu partout au Canada. Mais je voudrais
d’abord vous poser une question qui nous a été envoyée avant la téléconférence par un
journaliste du magazine Coup de Pouce, à Montréal. Sa question porte sur le nombre de
médecins de famille. C’est un sujet d’actualité : comment trouver un médecin de famille et
qu’en est-il du nombre de médecins? La question (pour Graham ou Therese) est donc :
comment expliquez-vous à des gens qui n’ont pas de médecin de famille qu’il n’est pas
mieux de disposer de plus de services de santé?
Therese Stukel :
Puis-je répondre d’abord?
Animateur :
Oui.
Therese Stukel :
Je ne dirais jamais à un malade chronique qu’il ne serait pas préférable de disposer de plus de
médecins de famille. En fait, tout le monde devrait avoir un médecin de famille. Mais je ne
crois pas que cela signifie que nous ayons besoin de plus de médecins de famille. Il faut
plutôt songer à la façon dont nous utilisons les services des médecins. Actuellement, les
malades atteints de maladies chroniques multiples, qui constituent 5 à 10 p. 100 des patients,
représentent 50 p. 100 des coûts. Ces gens devraient consulter leur médecin de famille.
Comme vous le savez, de nombreux services visent les adultes en santé, y compris les
examens annuels. L’avantage de ces examens n’a toutefois pas encore démontré. Il faudrait
donc réévaluer le rôle des médecins de famille, de même que les incitatifs qui les motivent.
En d’autres termes, il faudrait peut-être les payer davantage pour fournir de meilleurs soins
aux patients atteints de maladies chroniques multiples. Je défends cette idée car selon moi, le
système de soins primaires doit être renforcé.
Graham Woodard :
Je n’ajouterais qu’une chose : il y a certainement moyen d’aider les médecins de famille à
éduquer leurs patients. Actuellement, on se contente plutôt de faire passer des tests. Cette
approche entraîne une surutilisation des services de diagnostic, du moins en Ontario. Il
faudrait éduquer davantage la population au sujet de la meilleure façon de faire. Ce sera une
entreprise difficile, de longue haleine. Mais l’efficacité de certains des tests utilisés reste à
démontrer.
Personne non identifiée :
La deuxième question est la suivante : dans l’hypothèse où l’on saurait comment changer les
modèles de pratique en fonction d’une approche coût-efficacité, comment ferait-on pour
surmonter des obstacles tels que les réticences de l’OMA (Ontario Medical Association), qui
n’aime pas se faire dire quoi faire? On peut toujours proposer un modèle aux médecins, mais
s’ils sont mécontents et sentent qu’on menace leur autonomie, cela ne fonctionnera pas.
La question est à vous.
Therese Stukel :
Le changement par l’application des données probantes constitue un problème plus
complexe. Il est facile pour les chercheurs de lancer la balle dans le camp des décideurs. Mais
en tant que chercheure, j’estime qu’il est important de diffuser l’information. Qu’arriverait-il
si, après tous ces efforts, je me présentais au ministère et je déclarais « Voilà, j’ai 150 équipes
en Ontario. Certaines fournissent d’excellents services, certaines à seulement 50 p. 100 de
leurs patients, et certaines coûtent trois fois plus cher que les autres ». Si cette information
était rendue publique, cela serait-il embarrassant pour l’OMA? Comment le public réagiraitil? En tant que chercheure, je n’établis aucune politique. Je tente plutôt d’en éclairer
l’élaboration. Je sais qu’il existe d’énormes obstacles au changement. La durabilité est une
question très chaude en ce moment. L’incidence et la prévalence des maladies chroniques
sont en hausse, de même que les coûts. Les médecins de famille sont débordés. Il faut trouver
une solution.
Animateur :
Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissant d’avoir participé et nous vous souhaitons
une excellente journée.
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