40ème anniversaire de Nostra ætate 1. Les débats à Vatican II et l

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40ème anniversaire de Nostra ætate
1. Les débats à Vatican II et l’élaboration du texte
Il ne s’agit pas de l’histoire événementielle des quatre sessions du Concile - et des
inter-sessions, pendant lesquelles il s’est passé aussi beaucoup de choses - mais
seulement de quelques clivages et de quelques enjeux que ces débats et ces événements
ont fait apparaître. Ils révèlent des questions difficiles, et dont certaines demeurent.
L’engagement fort de Jean XXIII et du cardinal Bea
Avant Vatican II, il y avait eu les nonciatures d’Angelo-Giuseppe Roncalli. Il n’est pas
un intellectuel, mais un pragmatique. Il a réagi devant les déportations et la shoah.
Notamment à Istanbul. Cela l’a sans doute préparé à entendre la demande juive. « Je
suis Joseph, votre frère » dit-il au groupe de l’Appel Juif Unifié (octobre 1960).
Il avait dit à Jules Isaac (13 juin 1960), après lecture de son memorandum sur les
relations entre Juifs et chrétiens : « vous avez droit à plus que de l’espoir »
Les transformations de la liturgie du Vendredi Saint avaient commencé du temps de Pie
XII, mais Jean XXIII opère les transformations décisives.
Jean XXIII veut un texte sur les relations judéo-chrétiennes, et il en confie le soin au
cardinal Bea. Il interviendra pour que ce texte ne tombe pas dans les oubliettes, du fait
de la commission de coordination ou à la suite de la première session.
L’attitude de Paul VI sera caractérisée par la prudence, avec le souci de l’unité du
Concile, le souci de ne pas paraître contredire ce que l’Église avait pu dire dans le
passé, le souci des chrétiens du monde arabe. Mais lui aussi tiendra à ce que le texte
existe et soit voté quasi-unanimement (ce souci de la quasi-unanimité motive d’ailleurs
sa prudence, pour ce texte comme pour tous les autres).
Par ailleurs, la première encyclique de Paul VI, Ecclesiam suam (6 août 1964) sera
largement consacrée au dialogue, aux dialogues multiples de l’Église. « L'Église doit
entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit. L'Église se fait parole; l'Église se
fait message; l'Église se fait conversation ». C'est par ces paroles de l'encyclique
« Ecclesiam Suam » que s'ouvrait officiellement pour l'Église catholique, le
cheminement du dialogue, y compris celui du dialogue avec les religions non
chrétiennes, commente le CRIF en 2005. Pour sa part, Georges Cottier note dès 1970
que cette encyclique, la création au Vatican du secrétariat pour les religions nonchrétiennes (mai 1964), et le voyage de Paul VI en Terre Sainte (janvier 1964), malgré
ses limites ont été trois éléments déterminants pour ancrer dans le travail du Concile la
réflexion sur les relations judéo-chrétiennes.
« le premier concile qui se tient après Auschwitz »
Congar note dans son journal (p. 357) : Samedi 16 mars 1963. Conférence à la
communauté israélite de Strasbourg sur le concile et les Juifs. Ils sont absolus dans leur
1
réclamation que le concile parle d’eux. Le premier concile qui se tient après Auschwitz
ne peut pas ne rien dire sur ces choses. Je leur dis qu’ils doivent, comme communauté
juive de Strasbourg, s’adresser au cardinal Bea.
C’est bien évidemment aussi ce qui est présent à l’esprit de nombreux pères - et
particulièrement du cardinal Bea.
les évêques des USA et ceux du Moyen-Orient arabe
Les évêques des Etats-Unis sont à l’écoute des communautés juives de leur pays. On
les voit intervenir avec le souci que ces communautés puissent entendre la voix du
Concile et se sentir respectées.
Les évêques du Moyen-Orient arabe sont sensibles à l’environnement musulman, à la
situation de minorités fragiles, voire menacées, qui est celle des Églises du MoyenOrient. Avec toutes les questions autour de l’État d’Israël, la confusion entre religieux
et politique, le sentiment que l’Europe exporte sa culpabilité…
Les évêques d’Asie les rejoignent dans l’idée qu’il ne faut pas parler seulement des
Juifs, mais de l’ensemble des religions non-chrétiennes.
Ces débats et ces affrontements difficiles obligeront à mûrir le texte, à l’élargir. Et
somme toute, même si on peut regretter certaines édulcorations, contribueront à la
qualité de la Déclaration.
la nouveauté : trahison ou juste appréciation de la Tradition ?
La vérité religieuse à ceci de particulier qu’elle ne peut jamais apparaître
comme une nouveauté. Et qu’elle est pourtant mensongère si l‘on n’a pas
l’impression de l’entendre pour la première fois. (Gilles Bernheim)
Beaucoup de pères ont gênés parce que le texte semble dire quelque chose de totalement
différent de l’ensemble de la tradition chrétienne. On ne trouve pas ce qu’elle dira dans
les documents du Magistère, ni d’ailleurs chez les Pères ou les théologiens. Et même
son contenu s’oppose à ce qui a été longtemps véhiculé non seulement chez les
chrétiens, mais même par les voix les plus autorisées de l’Eglise ?
Alors, est-on fidèle à la Tradition, ou est-on en train de la trahir ? La question que
certains poseront après le Concile pour l’ensemble de ses textes (mais particulièrement
pour Nostra ætate et Dignitatis humanæ) est posée ici dans le Concile lui-même.
Pour beaucoup de textes, on a des notes qui empruntent à des documents importants de
l’histoire de l’Église. Les textes préparatoires en étaient même encombrés, et il faudra
tout le travail de Vatican II pour rétablir un plus juste équilibre avec l’Écriture Sainte,
dans l’esprit de Dei Verbum. Dans la déclaration, on n’aura que deux notes de ce type
(à propos de l’Islam, la lettre de Grégoire VII à un roi de Mauritanie ; et à propos du
Judaïsme, où Vatican II se cite lui-même en revenant à Lumen Gentium 16). Par contre,
les citations de l’Écriture prennent le dessus : dans le texte, quatre citations (Jean 14,6 ;
Romains 9,4-5 ; Sophonie 3,9 ; 1 Jean 4,8), + 16 notes renvoyant au Nouveau
Testament, 2 au TNK et 1 au livre de la Sagesse (qui ne fait pas partie du TNK mais
appartient à l’Ancien Testament catholique).
2
Cette incapacité de citer des textes de l’histoire est significative d’une gène, que bien
des pères exprimeront : n’est-on pas en train de dire quelque chose de tout à fait
différent de ce que l’Église a porté pendant des siècles ? et en a-t-on le droit ? La
question est légitime, et 40 ans après, il nous faut l’entendre, car elle fait ressortir pour
nous la nouveauté de Nostra ætate.
Peut-être peut-on dire que, après vingt siècles, l’Église commençait à lire
véritablement Romains 9-11 ? à ré-interpréter le Nouveau Testament ? à entrer dans ce
que la déclaration appellera « la vérité de l’Évangile et l’esprit du Christ » ? C’est en
tout cas ce qui va être l’enjeu des débats. Cette nouveauté est plus profondément
traditionnelle et chrétienne que ce qui l’avait précédé. Mais elle contredit des paroles et
des attitudes qui avaient prétendu s’autoriser du Nouveau Testament et de la
dogmatique chrétienne.
La légitimité de cette nouveauté faisait problème, et la question a été tranchée par
l’adoption définitive, le 28 octobre 1965 par 2221 voix contre 88. Après des débats
difficiles qui pour un chrétien ne se concluent pas par un compromis politique, mais
sont le lieu d’un discernement dans l’Esprit Saint. L’assemblée de Jérusalem que
nous rapportent les Actes des Apôtres avait osé écrire : « l’Esprit Saint et nous-même
avons décidé que… » (Actes 15,28).
la repentance de l’Église est-elle justifiée ? est-elle possible ?
Reste que, si l’on appelle un chat un chat, il y a bien nouveauté et contradiction.
L’Église reconnaît par là que les paroles et les actes des chrétiens dans l’histoire n’ont
pas été « conformes à la vérité de l’Évangile et à l’esprit du Christ ». A l’époque, on
n’est pas encore prêt à le dire de façon claire. On craint que cela fasse scandale. On
veut bien dire autre chose, mais on voudrait se garder de rappeler ce qui était dit
auparavant.
En témoigne l’omission du mot « déicide ». Un argument qui sera avancé est que ce
mot est contradictoire : on ne peut en vérité tuer Dieu. Donc, l’employer ne ferait pas
sérieux, et il vaut mieux oublier ce mot. A vrai dire, cet argument ne tient pas à deux
égards. Dieu qui ne peut pas mourir ne peut pas non plus naître… or, depuis le concile
d’Éphèse (331), Marie est appelée « mère de Dieu » et c’est un point fondamental de la
théologie chrétienne et de la réflexion sur le mystère de l’Incarnation. Mais surtout,
hélas, ce mot a été employé dans l’histoire et il a servi de prétexte aux persécutions et
aux massacres de Juifs. Plutôt que de l’oublier, mieux vaut dire explicitement que ce
mot est mensonger lorsqu’il s’applique à un peuple, et qu’il a servi à couvrir ou justifier
bien des crimes.
Finalement ce mot ne sera pas dans le texte. Mais la condamnation de ce qu’il signifiait
y est bien. Exprimée moins vigoureusement qu’on aurait pu l’espérer, mais exprimée
clairement. C’était cela l’important, avec le vote quasi-unanime. Comme le note le père
Jean Dujardin, « la farouche opposition des minoritaires démontre à quel point il était
difficile de sortir de l’anti-judaïsme traditionnel ». La suite de l’histoire permettra, à
partir du texte tel qu’il est, d’aller plus loin.
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et aussi les débats sur la place et le statut du texte
Ces débats-là ne recoupent pas les clivages majorité/minorité, partisans/adversaires du
texte. Pour des raisons différentes, voire opposées, on peut valoriser telle ou telle forme
de texte. Où et comment placer cette réflexion sur le peuple juif ?
Bien des propositions auront été faites : l’intégrer à la constitution sur l’Église, là où
l’on parle justement du peuple de Dieu, ou de la relation de l’Église avec les autres ? à
la constitution sur l’Église dans le monde de ce temps, puisque c’est bien de cela qu’il
s’agit ? le mettre en annexe au décret sur l’œcuménisme ? en faire le noyau d’un texte
plus large sur les religions non-chrétiennes ?
Il y a eu des déplacements et des mûrissements au long de l’histoire du Concile.
Finalement, ce sera une « déclaration sur les relations de l’Église avec les religions
non-chrétiennes ». Avec le recul, je crois que ce fut un bon choix. Dans l’échelle des
documents conciliaires, une « déclaration » n’a pas la valeur ni l’autorité d’une
« constitution ». C’est davantage un texte d’étape ; et il nous importe d’avoir un texte
d’étape, ouvert à des développements postérieurs…
Notons cependant qu’elle est en cohérence avec certains passages décisifs d’autres
textes conciliaires - ce qui sera d’ailleurs mis en relief par les évolutions suivantes.
2. Nouveauté et points forts de Nostra ætate
Son existence, et son rapport avec les autres grands textes de Vatican II
Notre déclaration n’est en effet pas isolée dans la réflexion conciliaire. Nous avons déjà
vu qu’elle-même se réfère à Lumen Gentium 16, sur les relations de l’Église avec les
non-chrétiens ; le peuple d’Israël est nommé en premier :
16. Enfin, quant à ceux qui n'ont pas encore reçu l'Évangile, sous des formes diverses,
eux aussi sont ordonnés au peuple de Dieu(18). et, en premier lieu, ce peuple qui reçut
les alliances et les promesses, et dont le Christ est issu selon la chair (cf. Rom. 9, 45), peuple très aimé du point de vue de l'élection, à cause des pères, car Dieu ne
regrette rien de ses dons ni de son appel (cf. Rom. 11, 28-29).
mais on peut y rapporter aussi les n° 6 , à propos des images de l’Église
L'Église est le terrain de culture, le champ de Dieu (1 Cor.33,9). Dans ce champ croît
l'antique olivier dont les patriarches furent la racine sainte et en lequel s'opère et
s'opérera la réconciliation entre Juifs et Gentils (Rom.11,13-26).
et 9, au début du 2ème chapitre, sur le peuple de Dieu (un texte dont on voit bien que les
expressions peuvent encore donner prise à une théologie de la substitution):
9 A toute époque, à la vérité, et en toute nation, Dieu a tenu pour agréable quiconque le
craint et pratique la justice (cf. Act. 10, 35).Cependant il a plu à Dieu que les hommes
ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel ; il a
voulu au contraire en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans
la sainteté. C'est pourquoi il s'est choisi le peuple d'Israël pour être son peuple avec
qui il a fait alliance et qu'il a progressivement instruit, se manifestant, lui-même et son
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dessein, dans l'histoire de ce peuple et se le consacrant. Tout cela cependant était1 pour
préparer et figurer l'Alliance Nouvelle et parfaite qui serait conclue dans le Christ, et la
révélation plus totale qui serait apportée par le Verbe de Dieu lui-même, fait chair.
"Voici venir des jours, dit le Seigneur, où je conclurai avec la maison d'Israël et la
maison de Juda une Alliance Nouvelle ... Je mettrai ma foi au fond de leur être et je
l'écrirai sur leur cœur. Alors, je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. Tous me
connaîtront du plus petit jusqu'au plus grand, dit le Seigneur" (Jér. 31, 31-34). Cette
alliance nouvelle, le Christ l'a instituée : c'est la Nouvelle Alliance dans son sang (cf.1
Cor. 11,25), il appelle la foule des hommes de parmi les Juifs et de parmi les Gentils,
pour former un tout selon la chair mais dans l'Esprit et devenir le nouveau peuple de
Dieu. Ceux, en effet, qui croient au Christ, qui sont "re-nés" non d'un germe corruptible
mais du germe incorruptible qui est la parole du Dieu vivant (cf. Pierre 1, 23),non de la
chair, mais de l'eau et de l'Esprit-Saint (cf. Jean 3, 5-6), ceux-là deviennent ainsi
finalement "une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple que Dieu
s'est acquis, ceux qui autrefois n'étaient pas un peuple étant maintenant le peuple de
Dieu" (1 Pierre 2, 9-10).
………………….
Et tout comme l'Israël selon la chair cheminant dans le désert reçoit déjà le nom
d'Église de Dieu (2 Esdr. 13, 1; Nomb. 20, 4 ; Deut. 233, 1 s.) ainsi le nouvel Israël qui
s'avance dans le siècle présent en quête de la cité future, celle-là permanente (cf. Héb..
13, 14), est appelé lui aussi : l'Église du Christ (cf. Mat. 16, 18) : c'est le Christ, en
effet, qui l'a acheté de son sang (cf. Act. 20, 28), empli de son Esprit et pourvu des
moyens adaptés pour son unité visible et sociale. L'ensemble de ceux qui regardent avec
la foi vers Jésus auteur du salut, principe d'unité et de paix, Dieu les a appelés, il en a
fait l'Église, pour qu'elle soit, aux yeux de tous et de chacun, le sacrement visible de
cette unité salutaire(1).
Mais aussi Dei Verbum 14-15-16, sur l’Ancien Testament
(L'histoire du salut dans les livres de l'Ancien Testament)
14 Dieu, projetant et préparant en la sollicitude de son amour extrême le salut de tout
le genre humain, se choisit, selon une disposition particulière, un peuple auquel confier
les promesses. En effet, une fois conclue l'Alliance avec Abraham (cf. Gen. 15, 18) et,
par Moïse, avec le peuple d'Israël (cf.Ex, 24, 78), Dieu se révéla, en paroles et en actes,
au peuple de son choix, comme l'unique Dieu véritable et vivant ; de ce fait, Israël fit
l'expérience des "voies" de Dieu vers les hommes, et, Dieu lui-même parlant par les
prophètes, il en acquit une intelligence de jour en jour plus profonde et plus claire, et et
en porta un témoignage grandissant parmi les nations (cf. Ps. 21, 28-29 ; 95, 1-3 ; Isaïe
2,1-4 ; Jér. 3,17). L'économie du salut, annoncée d'avance, racontée et expliquée par les
auteurs sacrés, apparaît donc dans les livres de l'Ancien Testament comme la vraie
parole de Dieu ; c'est pourquoi ces livres divinement inspirés conservent une valeur
impérissable : "Car tout ce qui a été écrit, l'a été pour notre instruction, afin que par la
patience et la consolation venant des Ecritures, nous possédions l'espérance" (Rom.
15,4).
(Importance de l'Ancien Testament pour les chrétiens)
15 L'économie de l'Ancien Testament avait pour raison d'être majeure de préparer
l'avènement du Christ Sauveur du monde, et de son royaume messianique, d'annoncer
prophétiquement cet avènement (cf. Luc 24,44 ; Jean 5, 39 ; 1 Pierre 1,10) et de le
signifier par divers figures (cf. 1 Cor.10,11). Compte tenu de la situation humaine qui
précède le salut instauré par le Christ, les livres de l'Ancien Testament permettent à tous
de connaître qui est Dieu et qui est l'homme, non moins que la manière dont Dieu dans
sa justice et sa miséricorde agit avec les hommes. Ces livres, bien qu'ils contiennent de
l'imparfait et du caduc, sont pourtant les témoins d'une véritable pédagogie divine (1).
C'est pourquoi les chrétiens doivent les accepter avec vénération : en eux s'exprime un
vif sens de Dieu ; en eux se trouvent de sublimes enseignements sur Dieu, une
1
La traduction française publiée écrit : « tout cela n’était que pour préparer… » là où l’original latin n’a
pas cette restriction…
5
bienfaisante sagesse sur la vie humaine, d'admirables trésors de prières ; en eux enfin se
tient caché le mystère de notre salut.
(L'unité des deux Testaments)
16 Inspirateur et auteur des livres de l'un et l'autre Testament, Dieu les a en effet
sagement disposés de telle sorte que le Nouveau soit caché dans l'Ancien et que, dans le
Nouveau, l'Ancien soit dévoilé (2). Car, encore que le Christ ait fondé dans son sang la
Nouvelle Alliance (cf. Luc 22,20 ; 1 Cor. 11,25), néanmoins les livres de l'Ancien
Testament, intégralement repris dans le message évangélique (3) atteignent et montrent
leur complète signification dans le Nouveau Testament (cf. Mat. 5,17 ; Luc 24,27 ;
Rom.16,25-26 ; 2 Cor. 3, 14-16), auquel ils apportent en retour lumière et explication.
Et Gaudium et Spes 22,
. Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les
hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce (31). En
effet, puisque le Christ est mort pour tous (32) et que la vocation dernière de l'homme
est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l'Esprit-Saint offre à tous,
d'une façon que Dieu connaît, la possibilité d'être associé au mystère pascal.
28, 29, 92 qui vont parler du respect et de l’amour des adversaires, de l’égalité
fondamentale entre tous les hommes, des fondements et des conditions du dialogue.
Ces affirmations générales éclairent aussi le dialogue judéo-chrétien.
Et bien sûr Dignitatis humanæ qui traite de la Liberté religieuse
Il reste qu’il n’y a pas de dialogue inter-religieux de manière abstraite (pas plus que de
« fait religieux » en général), mais des dialogues concrets entre religions particulières.
Nostra ætate énumère différentes dimensions de ces dialogues, mais met clairement à
part la relation de l’Église et d’Israël. Le rattachement de la Commission pour les
Relations Religieuses avec le Judaïsme au Conseil pour l’Unité des Chrétiens (et non au
Conseil pour le dialogue inter-religieux) l’exprimera institutionnellement quelque temps
plus tard.
Scrutant le mystère de l’Église…
Scrutant le mystère de l'Eglise, le Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le
peuple du N.T.avec la lignée d'Abraham.
C’est en scrutant son propre mystère que l’Église découvre le mystère d’Israël. Au
fond, elle reconnaît qu’elle ne serait rien sans lui. Les chrétiens commencent à
percevoir que le dialogue avec Israël n’est pas accidentel et extérieur à la foi chrétienne,
mais qu’il lui est nécessaire, comme révélateur de son propre mystère, de sa propre
réception du don de Dieu.2
2
Jean-Paul II le soulignera lors de sa visite à la synagogue de Rome (§ 4 n°1), avec l’expression qui sera
souvent reprise : « le premier point est que l’Église du Christ découvre son « lien »avec le judaïsme « en
scrutant son propre mystère. La religion juive ne nous est pas « extrinsèque » mais, d’une certaine
manière, elle est « intrinsèque » à notre religion. Nous avons donc envers elle des rapports que nous
n’avons avec aucune autre religion. Vous êtes nos frères préférés et, d’une certaine manière, on pourrait
dire nos frères aînés ». A Mayence, il avait déjà cité les évêques allemands : « Qui rencontre Jésus Christ
rencontre le Judaïsme », parole que reprendra Benoît XVI à Cologne. Voir aussi dans CERJ 1973 les n°
1 et 7. La conférence du cardinal Lustiger pour le 40ème anniversaire développe largement ce thème, en
évoquant une certaine réciprocité qui se fait jour.
6
Il est évident que le dialogue entre nous, Chrétiens, et les Juifs se situe sur un plan différent,
par rapport à celui que nous avons avec les autres religions. La foi dont témoigne la Bible
des Juifs, l’Ancien Testament des Chrétiens, n’est pas pour nous une autre religion, mais le
fondement de notre foi. C’est pourquoi les Chrétiens - et aujourd’hui encore davantage en
collaboration avec leurs frères juifs - lisent et étudient avec une telle attention, comme une
partie de leur héritage même, ces livres de la Sainte Écriture. Il est vrai que l’Islam se considère
également comme fils d’Abraham et a hérité d’Israël et des Chrétiens le même Dieu ; mais il
suit une autre route, qui nécessite d’autres paramètres de dialogue. (Cardinal Joseph Ratzinger,
Osservatore Romano du 29 décembre 2000)
Gratitude pour ce peuple
A vrai dire, le mot de gratitude, qui figurait dans un état du texte, n’est pas dans le texte
final. Dommage, mais, à nouveau, le sens y est :
L'Eglise du Christ, en effet, reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se
trouvent, selon le mystère divin du salut, dans les patriarches, Moïse et les prophètes. Elle
confesse que tous les fidèles du Christ, fils d'Abraham selon la foi(6), sont inclus dans la
vocation de ce patriarche et que le salut de l'Eglise est mystérieusement préfiguré dans la sortie
du peuple élu hors de la terre de servitude. C'est pourquoi l'Eglise ne peut oublier qu'elle a reçu
la révélation de l'Ancien Testament par ce peuple avec lequel Dieu, dans sa miséricorde
indicible, a daigné conclure l'antique Alliance, et qu'elle se nourrit de la racine de l'olivier franc
sur lequel ont été greffés les rameaux de l'olivier sauvage que sont les gentils (7). L'Eglise croit,
en effet, que le Christ, notre paix, a réconcilié les Juifs et les Gentils par sa croix et en luimême, des deux, a fait un seul (8).
Au départ de tout, il y a l’appel d’Abraham - mais aussi la libération de l’esclavage
avec Moïse, la parole des prophètes et l’écriture du TNK. L’Église issue des nations se
rappelle que Dieu l’a en quelque sorte « greffée à l’envers », comme si on greffait un
rameau sauvage sur l’olivier franc… Elle se nourrit de la sève qui vient des racines et
du tronc que constituent Israël. Et si le Christ réconcilie en elle Juifs et païens,
détruisant le mur qui les séparait, il n’empêche que « le salut vient des Juifs » comme
l’affirme le quatrième évangile.
Ils sont Juifs…
L'Eglise a toujours devant les yeux les paroles de l'apôtre Paul sur ceux de sa race "à
qui appartiennent l'adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses
et les patriarches , et de qui est né, selon la chair, le Christ" (Rom. 9, 4-5), le Fils de la Vierge
Marie. Elle rappelle aussi que les apôtres, fondements et colonnes de l'Eglise, sont nés du
peuple juif, ainsi qu'un grand nombre des premiers disciples qui annoncèrent au monde
l'Evangile du Christ.
Nouvelle reprise de Romains 9-11 sur les dons particuliers faits au peuple juif. Mais
aussi rappel qu’apôtres et premiers disciples, fondateurs du christianisme, sont juifs.
Refus de l’Évangile / dons et appels de Dieu sans repentance / attente
eschatologique
Au témoignage de l'Ecriture Sainte, Jérusalem n'a pas reconnu le temps où elle fut
visitée (9) ; les Juifs, en grande partie, n'acceptèrent pas l'Evangile, et même nombreux furent
ceux qui s'opposèrent à sa diffusion (10). Néanmoins, selon l'Apôtre, les Juifs restent encore
très chers à Dieu, dont les dons et l’appel sont sans repentance (11). Avec les prophètes et le
même Apôtre, l'Eglise attend le jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples invoqueront le
Seigneur d'une seule voix et "le serviront sous un même joug" (Soph. 3,9).(12).
7
Il s’agit bien de se mettre devant la réalité, avec ce qu’elle a de frustrant, de déroutant
pour un chrétien. Le peuple juif n’a pas accepté Jésus ; il l’a même combattu. Mais, à
nouveau par référence à Romains 9-11, les Juifs restent très chers à Dieu, dont les dons
et l’appel sont sans repentance.
L’attente eschatologique sera décisive, et peut-être aurons-nous à développer ce
point dans l’avenir. Avec la citation de Sophonie qui est une référence partagée.
Juifs et chrétiens, avec des interprétations différentes, partagent la même espérance
eschatologique. C’est aussi une manière de nous remettre à Dieu dans l’attente, sachant
que l’objet de l’espérance n’est jamais adéquatement défini par ceux qui espèrent. Nous
pouvons toujours dire : « cela aurait suffi », mais Dieu déborde nos espérances. Il va
bien au-delà de ce que nous pouvons demander ou concevoir…
Alors, nous pouvons définir autrement l’objet de nos espérances. Nous sommes sûrs,
les uns et les autres, que Dieu débordera ce que nous attendons. Et c’est peut-être cette
ouverture qui nous situe le plus en vérité dans nos relations.
Conséquence 1 : connaissance et estime mutuels (à partir de ce
patrimoine spirituel commun) études bibliques et théologiques, et
dialogue fraternel
Du fait d'un si grand patrimoine spirituel, commun aux chrétiens et aux Juifs, le Concile
veut encourager et recommander entre eux la connaissance et l'estime mutuelles, qui naîtront
surtout d'études bibliques et théologiques, ainsi que d'un dialogue fraternel.
L’expression « patrimoine spirituel commun » reprend l’ensemble de ce qui précède.
On a là un terme décisif. Héritiers ensemble d’un même patrimoine, Juifs et Chrétiens
ne sont pas situés en succession chronologique, comme les chrétiens l’ont trop souvent
imaginé. Comme si l’un prenait la succession de l’autre. Non, nous sommes
contemporains, et amenés à nous situer les uns et les autres devant le même patrimoine
que nous recevons. L’un ne devant pas déposséder l’autre…
Les conséquences à en tirer parlent d’elles-mêmes. Connaissance et estime mutuelles :
sortir de l’enseignement du mépris pour parvenir à l’enseignement de l’estime ;
connaissance qui permet d’abandonner images et préjugés.
Et puis études et dialogue fraternel (le mot fraternel a ici, lui aussi, toute une portée de
contemporanéité et d’héritage commun).
Conséquence 2 : la présentation des Juifs dans la catéchèse et la
prédication (à partir de la question difficile de la mort du Christ)
Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ
(13), ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni indistinctement à tous les
Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. S'il est vrai que l'Eglise est le nouveau peuple de
Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni
maudits, comme si cela découlait de la Sainte Ecriture. Que tous donc aient soin, dans la
catéchèse et la prédication de la parole de Dieu, de n'enseigner quoi que ce soit qui ne soit
conforme à la vérité de l'Evangile et à l'esprit du Christ.
8
C’est sans doute l’un des passages qui a été le plus retravaillé. Avec le souci de trouver
une expression qui ne semble pas contredire ni l’Écriture ni des expressions considérées
comme traditionnelles. On notera des autorités juives et non les. Et ce qui suit.
L’affirmation que l’Église est le nouveau peuple de Dieu, même présentée comme
simple concession, ne tire pas encore les conséquences de ce qui a été affirmé
précédemment (citant Romains 11) sur les dons et l’appel de Dieu sans repentance.3
Mais la conséquence pratique pour la catéchèse et la prédication est parfaitement claire,
avec le critère qui est le critère décisif pour discerner ce qui est vraiment traditionnel et
ce qui ne l’est pas : la conformité à la vérité de l’Évangile et à l’esprit du Christ.
Conséquence 3 : contre haines, persécutions et toutes manifestations
d’antisémitisme (rappel que le Christ est mort à cause des péchés de
tous les hommes)
En outre, l'Eglise, qui réprouve toutes les persécutions contre tous les hommes, quels
qu'ils soient, ne pouvant oublier le patrimoine qu'elle a en commun avec les Juifs, et poussée,
non pas par des motifs politiques, mais par la charité religieuse de l'Evangile, déplore les
haines, les persécutions et toutes les manifestations d'antisémitisme, qui, quels que soient leur
époque et leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs.
On revient au fondement dans le patrimoine commun. On souligne le motif non
politique mais religieux et évangélique. C’est bien sûr écrit dans le contexte du MoyenOrient, mais cela fonde dans la foi chrétienne elle-même le refus de toutes les formes
d’antisémitisme, ce qui va nettement plus loin que la réprobation de toutes les
persécutions contre tous les hommes, universalité abstraite dans laquelle certains
auraient voulu noyer le problème singulier de l’antisémitisme.
A la fin du texte, on revient sur la question difficile
D'ailleurs, comme l'Eglise l'a toujours tenu et comme elle le tient, le Christ, en vertu de
son immense amour, s'est soumis volontairement à la Passion et à la mort à cause des péchés de
tous les hommes et pour que tous les hommes obtiennent le salut. Le devoir de l'Eglise, dans sa
prédication, est donc d'annoncer la croix du Christ comme signe de l'amour universel de Dieu
et comme source de toute grâce.
C’est peut-être là qu’est exprimé de façon la plus forte le refus de tout ce qui, dans une
lecture chrétienne, pourrait alimenter l’antisémitisme en rejetant sur les Juifs la
culpabilité de la mort du Christ. Comme l’exprime le symbole de Nicée, « Il est mort
pour nos péchés, conformément aux Écritures » et le chrétien qui s’exonérerait
d’accueillir ce don en reportant la cause sur d’autres montrerait qu’il est complètement à
côté de l’Évangile.
3
Jean-Paul II parle à Mayence (1980) de la rencontre du Peuple de Dieu de l’Ancien Testament, jamais
dénoncé par Dieu avec le Peuple de Dieu du Nouveau Testament, puis de la dimension véritable et
centrale de la rencontre entre les Églises chrétiennes d’aujourd’hui et le peuple qui vit aujourd’hui de
l’Alliance conclue avec Moïse. Il reprend à la synagogue de Rome (1986) (§4, 2 et 3) cet enseignement
de Nostra ætate en faisant explicitement le lien avec Romains 11,28 cité précédemment par la
Déclaration.
9
Dans son commentaire de l’époque4, le futur cardinal Cottier regrettait l’absence d’une
note renvoyant au Catéchisme du Concile de Trente, au commentaire du 4ème article du
symbole des Apôtres : qui a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été
enseveli.
…le Fils de Dieu notre Sauveur eut pour but dans sa passion et dans sa mort de racheter et
d’effacer les péchés de tous les temps…[…]. Nous devons donc regarder comme coupables de
cette horrible faute ceux qui continuent à retomber dans leurs péchés. Puisque ce sont nos
crimes qui ont fait subir à Notre Seigneur Jésus Christ le supplice de la Croix, à coup sûr ceux
qui plongent dans les désordres et dans le mal crucifient à nouveau dans leur cœur, autant
qu’il est en eux, le Fils de Dieu par leurs péchés, et le couvrent de confusion (Heb. 6,6). Et il
faut le reconnaître, notre crime à nous est dans ce cas plus grand que celui des juifs. Car eux,
au témoignage de l’Apôtre 1 Cor. 2,8), s’ils avaient connu le Roi de gloire, ne l’auraient
jamais crucifié. Nous au contraire, nous faisons profession de le connaître. Et lorsque nous le
renions par nos actes, nous portons en quelque sorte sur lui nos mains déicides.
Ce texte du Catéchisme du Concile de Trente sera partiellement cité dans le texte du
CERJ de 1973 au n° 4, et dans les Notes de 1985 § IV. Il le sera largement par le
Catéchisme de l’Église Catholique de 1992, au n° 598.
4
G. M.-M. Cottier, op. « la religion juive », dans Les relations de l’Église avec les religions non
chrétiennes, Nostra ætate, texte et commentaire, coll. Unam Sanctam, Cerf, Paris, 1969, p.257-258.
10
3. 40 années de développement - et les chantiers ouverts
Un texte majeur n’est pas une borne, mais un phare. Comme le dit le document du
CERJ en 1973 : « La prise de position conciliaire doit être considérée davantage comme
un commencement que comme un aboutissement. Elle marque un tournant dans
l’attitude chrétienne à l’égard du Judaïsme. Elle ouvre une voie et nous permet de
prendre l’exacte mesure de notre tâche. »
« Tout le Concile, mais rien que le Concile » est une expression qui n’a pas de sens. La
Tradition est une tradition vivante. Et à partir des documents qui font autorité, il y a
encore tout un développement de la doctrine chrétienne (expression de Newman). Non
un développement qui apporterait autre chose, mais un développement qui permet
d’entrer plus avant dans ce qui était déjà la, mais qui n’avait pas été perçu ou reçu. Il
me semble que c’est là quelque chose qui n’est pas étranger non plus à la Tradition
juive.
La double page du SIDIC-Information n°308, d’octobre 2005, balise bien quelques
événements et quelques textes majeurs qui ont permis, parfois dans la douleur, des
avancées depuis 40 ans.
Je note ainsi :
16 avril 1973, orientations pastorales du CERJ : l’attitude des chrétiens à
l’égard du judaïsme
er
1 décembre 1974, CPRRJ : tourner un nouveau regard vers les Juifs et le
judaïsme
3 janvier 1975, CPRRJ : orientations et suggestions pour l’application de la
déclaration conciliaire Nostra ætate.
17 novembre 1980, Jean-Paul II devant la communauté juive de Mayence,
l’Ancienne Alliance, que Dieu n’a jamais dénoncée…
mai-juin 1985, CPRRJ : Notes pour une présentation correcte des Juifs dans la
prédication et la catéchèse de l’Église catholique.
13 avril 1986, visite de Jean-Paul II à la synagogue de Rome.
1986-94 affaire du Carmel d’Auschwitz ; accord de Genève.
20 octobre 1988, épiscopat allemand, pour le 50ème anniversaire de la « nuit de
cristal » (9 novembre 1938) ; assumer le poids de l’histoire.
20 janviert1991, épiscopat polonais : l’Église est enracinée dans le peuple juif.
30 décembre 1993 : accord fondamental entre le Saint-Siège et l’État d’Israël.
30 septembre 1997, déclaration de repentance des évêques de France, à Drancy.
16 mars 1998, CPRRJ : nous nous souvenons : une réflexion sur la shoah.
11 juin 1999, Jean-Paul II se recueille au monument aux victimes de la shoah
édifié sur le lieu où 300 000 habitants du ghetto de Varsovie ont été
embarqués pour les camps, en 1942-43.
Mars 2000,Jean-Paul II : prière universelle pour la confession des fautes
commises dans les relations avec Israël et demande de pardon
23 mars 2000, Jean-Paul II visite Yad Vashem, et dépose le texte de sa prière
dans les interstices du Mur occidental.
10 septembre 2000, Dabru Emeth
2001, Commission Biblique Pontificale : le peuple juif et ses saIntes Écritures
dans la Bible chrétienne. Préface du cardinal Joseph Ratzinger.
11
Février 2002, contribution des Églises issues de la Réforme, en Europe, sur les
relations entre Juifs et Chrétiens : Église et Israël
Les rencontres de New-York, à l’initiative du Rabbin Israël Singer et du
cardinal Lustiger.
Janvier 2005, à Auschwitz, 60ème anniversaire de la libération des camps. Le
cardinal Lustiger y représente Jean-Paul II.
9 juin 2005 : discours de Benoît XVI à l’IJCIC
Août 2005, à Cologne pendant les JMJ, Benoît XVI rend visite à la
communauté juive à la synagogue.
15 septembre 2005, Benoît XVI reçoit les deux Grands Rabbins d’Israël
27 octobre 2005 : célébration à Rome du 40ème anniversaire de Nostra ætate.
les transformations dans la catéchèses… et les questions qui se posent
dans la liturgie
De l’enseignement du mépris à l’enseignement de l’estime. Il y a bien des initiatives
pour faire intervenir des Juifs, en particulier des rabbins, dans la formation des
catéchistes. Il y a le texte du Catéchisme de l’Église catholique, et le commentaire
qu’en fait le cardinal Joseph Ratzinger dans L’unique Alliance de Dieu.
Les Orientations et Suggestions de 1975 développent au § III un ensemble de thèmes à aborder
et de moyens à mettre en œuvre, tant au niveau de l’ensemble des catholiques (manuels de
catéchèse; livres d’histoire; moyens de communication sociale [presse, radio, cinéma,
télévision]) qu’à celui de la formation des formateurs, des séminaires et des universités.
Beaucoup a été fait depuis, mais le rabbin David Rosen posait à Rome le 27 octobre 2005 la
question de la formation des futurs prêtres à la connaissance du Judaïsme.
Le même texte et les notes de 1985 insistent sur la connaissance du Judaïsme postérieur à
Jésus, de la tradition rabbinique et du Judaïsme actuel :
L’histoire du judaïsme ne finit pas avec la destruction de Jérusalem, mais elle s’est poursuivie
en développant une tradition religieuse dont la portée, devenue, croyons-nous, d’une
signification profondément différente après le Christ, demeure cependant riche de valeurs
religieuses. (0S § III)
Et dans les Notes § I
2. En raison de ces rapports uniques qui existent entre le christianisme et le judaïsme «liés au
niveau même de leur propre identité» (Jean Paul II, 6 mars 1982), rapports «fondés sur le
dessein du Dieu de l’Alliance» (ibid.), les juifs et le judaïsme ne devraient pas occuper une
place occasionnelle et marginale dans la catéchèse et la prédication, mais leur présence
indispensable doit y être intégrée de façon organique.
3. Cet intérêt pour le judaïsme dans l’enseignement catholique n’a pas seulement un fondement
historique ou archéologique. Comme le disait la Saint Père, dans le discours déjà cité, après
avoir de nouveau mentionné le «patrimoine commun» entre Église et Judaïsme, qui est
«considérable»: «En faire l’inventaire en lui-même, mais aussi en tenant compte de la foi et de
la vie religieuse du peuple juif, telles qu’elles sont professées et vécues encore maintenant,
peut aider à mieux comprendre certains aspects de la vie de l’Église» (soulignement ajouté).
Il s’agit donc d’une préoccupation pastorale pour une réalité toujours vivante, en rapport étroit
avec l’Église. Le Saint Père a présenté cette réalité permanente du peuple juif, avec une
remarquable formule théologique, dans son allocution aux représentants de la communauté
juive de l’Allemagne Fédérale à Mayence, le 17 novembre 1980: «…le peuple de Dieu de
l’Ancienne Alliance, qui n’a jamais été révoquée…».
12
4. Il faut rappeler déjà ici le texte dans lequel les «Orientations et Suggestions» (1) ont cherché
à définir la condition fondamentale du dialogue: «le respect de l’autre tel qu’il est», la
connaissance «(des composantes) fondamentales de la tradition religieuse du Judaïsme…», et
encore l’apprentissage des «traits essentiels (par lesquels) les juifs se définissent eux-mêmes
dans leur réalité religieuse vécue» (Intr ).
……………..
8. L’urgence et l’importance d’un enseignement précis, objectif et rigoureusement exact sur le
Judaïsme, chez nos fidèles, se déduit aussi du danger d’un antisémitisme toujours en train de
reparaître sous différents visages. Il ne s’agit pas seulement de déraciner, dans nos fidèles, les
restes d’antisémitisme que l’on trouve encore ici et là, mais bien plus de susciter en eux,
moyennant cet effort éducatif, une connaissance exacte du «lien» (cf. Nostra Aetate, 4) tout à
fait unique qui, comme Église, nous relie aux Juifs et au Judaïsme. On leur apprendrait ainsi à
les apprécier et à les aimer, eux qui ont été choisis par Dieu pour préparer la venue du Christ et
qui ont conservé tout ce qui a été progressivement révélé et donné au cours de cette
préparation, malgré leur difficulté à reconnaître en lui leur Messie.
Cf. aussi le § VI sur judaïsme et christianisme dans l’histoire.
Des questions sont posées dans la liturgie. Il ne s’agit pas de changer les textes du
Nouveau Testament, ni d’en fausser le sens par une traduction qui ne serait pas juste.
Mais de prévenir l’interprétation fondamentaliste que peuvent en faire les auditeurs.
Question de présentation, de commentaire, de formation - non pour nier ou occulter
l’histoire, mais pour l’assumer en prenant ses distances avec des interprétations qui
n’étaient pas conformes à l’Évangile et à l’esprit du Christ. [l’analogie avec les statues
de l’Église et de la Synagogue aux portails des cathédrales].
Les Notes invitent les chrétiens à découvrir les sources juives de leur liturgie (§ V). Elles
notent aussi les difficultés qui surgissent de la manière dont sont spontanément compris les
textes du Nouveau Testament qui parlent des Juifs, et qui sont lus dans la liturgie (§ IV),
cf. OS § II (liturgie), notamment :
En ce qui concerne les lectures liturgiques, on prendra soin d’en donner, dans l’homélie, une
interprétation juste, surtout quand il s’agit d’e passages qui semblent placer le peuple juif en
tant que tel sous un jour défavorable. On s’efforcera d’instruire le peuple chrétien de telle façon
qu’il arrive à comprendre tous les textes dans leur véritable sens et dans leur signification pour
le croyant d’aujourd’hui
la repentance de l’Église
Les pères de Vatican II n’avaient pas osé aller jusque là. Jean-Paul II l’a fait - passant
outre à l’avis négatif de nombre de cardinaux. Il a osé appeler un chat un chat. Il l’a
fait avec sérieux, en faisant effectuer des enquêtes historiques, en évitant le ridicule et
l’odieux qui auraient été de battre sa coulpe sur la poitrine des générations précédentes.
Il s’est toujours agi d’une démarche de l’Église d’aujourd’hui, assumant l’histoire,
essayant de comprendre sans anachronismes le contexte historique et culturel d’autres
époques, mais reconnaissant aussi les erreurs et les fautes de l’Église et en tirant les
conséquences pour l’attitude de l’Église d’aujourd’hui.
Avec le même souci, les évêques de France l’ont fait à Drancy.
Ces démarches n’ont pas toujours été comprises par un certain nombre de catholiques.
Elles expriment pourtant la vérité de l’Église. Et elles ont peut-être, modestement,
quelque chose de prophétique dans le monde d’aujourd’hui.
13
de la « substitution » à la contemporanéité-fraternité
Nous avons noté dans Nostra ætate des expressions encore ambiguës dans ce sens.
L’Église est-elle le véritable Israël, qui se substituerait à « l’ancien » ? une parole de
Paul dans l’épître aux Galates semble aller dans ce sens.
Nostra ætate part du patrimoine commun, devant lequel nous sommes contemporains,
devant lequel les chrétiens sont appelés à ne pas déposséder les Juifs… (cf Beauchamp
sur les psaumes)(et à Abu-Gosh : ah oui, des psaumes chrétiens ?). La lecture
chrétienne du premier Testament est légitime, mais à condition de ne pas déposséder
Israël de sa propre lecture, d’en reconnaître la légitimité.
Mayence 1980 : l’ancienne Alliance qui n’a jamais été révoquée par Dieu ; le
dialogue est à vivre entre les Églises chrétiennes d’aujourd’hui et le peuple qui vit
aujourd’hui de l’Alliance conclue avec Moïse.
Jean-Marie Lustiger à Rome 2005 : « Que les différences et les tensions deviennent un
stimulant pour un approfondissement toujours plus attentif et docile au mystère dont
l’histoire nous constitue les héritiers en indivis ».
NB qui est le frère aîné ? et quel plat de lentille ou ruse de Rivkha nous départagera ?
Mais surtout, l’interpellation du Rabbin David Rosen à Rome pour le 40ème anniversaire
nous oblige à clarifier pratique et théologie : l’Église catholique a-t-elle renoncé à la
mission vis-à-vis des Juifs ? Ou continue-t-elle à estimer qu’ils sont appelés à devenir
chrétiens ?
Dans ce domaine comme dans bien d’autres, la dimension eschatologique nous sera
d’un grand secours. Mais la réflexion est importante et difficile pour nous chrétiens…
Note sur l’Actualité des dons de Dieu au peuple juif
Paul, dans l’épître aux Galates 6,15-16, après avoir affirmé : « la circoncision n’est rien,
ni l’incirconcision ; il s’agit d’être une créature nouvelle » ajoute : « à tous ceux qui
suivront cette règle, paix et miséricorde, ainsi qu’à l’Israël de Dieu ». On a souvent
opposé cette expression à celle de 1 Corinthiens 10,18 qui parle de l’Israël selon la
chair, en l’interprétant comme le peuple juif, alors que les chrétiens seraient l’Israël de
Dieu, le véritable Israël.
La communauté chrétienne se serait ainsi substituée, à ses propres yeux, au peuple
d’Israël, qui aurait perdu ce qui le qualifiait comme peuple de Dieu. Cette théologie
s’est développée dans l’histoire du christianisme, et elle a produit des fruits amers. Si
l’Église est le véritable Israël, il n’y a plus de place dans ce monde pour Israël. Tout au
plus, selon saint Augustin, demeure-t-il comme peuple témoin d’une élection devenue
caduque, mettant en relief l’élection actuelle de l’Église.
Depuis soixante ans, devant la confrontation aux persécutions nazies et à la shoah, les
chrétiens ont repris conscience de ce rappel de Paul : « les dons et l’appel de Dieu sont
irrévocables ». Ils ont redécouvert concrètement la présence d’Israël, et redécouvert que
la fidélité d’Israël à sa Torah avait, aujourd’hui et non seulement dans le passé, un sens
spirituel, une signification dans le dessein de Dieu pour le monde.
14
Cette redécouverte s’est faite dans l’ensemble des Églises chrétiennes. Pour l’Église
catholique, elle a été exprimée avec autorité par Nostra ætate. Ainsi, après avoir cité ces
paroles de Paul, rappelé tout ce que l’Église doit au peuple juif, et avant de condamner
toute forme d’antisémitisme, Vatican II déclare : « Du fait d'un si grand patrimoine
spirituel, commun aux chrétiens et aux Juifs, le Concile veut encourager et recommander
entre eux la connaissance et l'estime mutuelles, qui naîtront surtout d'études bibliques et
théologiques, ainsi que d'un dialogue fraternel. »
Connaissance et estime mutuelles, dialogue fraternel, études bibliques et théologiques se
sont développées depuis. Aujourd’hui, l’Église a répudié toute « théologie de la
substitution » et reconnaît l’élection actuelle du peuple juif, « le peuple de Dieu de
l’Ancienne Alliance qui n’a jamais été révoquée » selon l’expression du Pape JeanPaul II devant la communauté juive de Mayence le 17 novembre 1980.
Cela oblige à toute une relecture de la Tradition, à un travail d’interprétation, à frais
nouveaux, des deux Testaments. C’est une voie dans laquelle le Pape Jean-Paul II a tout
particulièrement ouvert le chemin.
La « théologie de la substitution », qui a fait beaucoup de mal, n’est pas la pensée de
l’Église d’aujourd’hui. La reconnaissance de la signification actuelle de la fidélité
d’Israël est la voie sur laquelle l’Église s’est engagée, en y découvrant un
approfondissement de sa compréhension d’elle-même, de la signification de la bonne
nouvelle du Christ, et de l’espérance pour le monde.
Pour en revenir à l’épître aux Galates, le texte de la Commission Biblique
pontificale sur le Peuple Juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne
(2001) conclut une enquête minutieuse : « Jamais le Nouveau Testament
n’appelle l’Église “le Nouvel Israël”. En Galates 6,16, “l’Israël de Dieu”
désigne très probablement les Juifs qui croient en Jésus. »
« Nouveau Testament/Ancien Testament » « accomplissement »
« le peuple juif et ses saintes Écritures dans la Bible chrétienne ». C’est toujours ce
problème de fraternité sans déposséder Israël.
5. Unité du dessein de Dieu et notion d'accomplissement 5
21. Le présupposé théologique de base est que le dessein salvifique de Dieu, qui culmine dans le
Christ (cf Ep 1,3-14), est unitaire, mais s'est réalisé progressivement à travers le temps. L'aspect
unitaire et l'aspect graduel sont importants l'un comme l'autre; de même, la continuité sur certains
points et la discontinuité sur d'autres. Dès le début, l'agir de Dieu dans ses rapports avec les
hommes est tendu vers sa plénitude finale et en conséquence, certains aspects qui seront constants
commencent à se manifester: Dieu se révèle, appelle, confie des missions, promet, libère, fait
alliance. Les premières réalisations, si provisoires et imparfaites qu'elles soient, laissent déjà
entrevoir quelque chose de la plénitude définitive. Cela est particulièrement visible dans certains
grands thèmes qui se développent à travers toute la Bible, de la Genèse à l'Apocalypse: le chemin,
le banquet, l'habitation de Dieu parmi les hommes.
5
Le Rabbin Jacquot Grunewald « le peuple juif et ses saintes Écritures dans la Bible chrétienne, point de
vue d’un rabbin », in Théologiques vol 11 n° 1-2 (2003) se réjouit de ce texte mais note une certain
nombre de réserves. Sur ce point : « la notion d’accomplissement a trop servi l’anti-judaïsme pour ne pas
déclencher chez les Juifs la réaction du chat échaudé. […] nous donnons acte au document que tout en
maintenant le terme, il lui en a donné une signification juste. (p. 156)
15
En procédant à une continuelle relecture des événements et des textes, l'Ancien Testament luimême s'ouvre progressivement à une perspective d'accomplissement ultime et définitif. L'Exode,
expérience originelle de la foi d'Israël (cf Dt 6,20-25; 26,5-9), devient le modèle d'ultérieures
expériences de salut. La libération de l'exil babylonien et la perspective d'un salut eschatologique
sont décrits comme un nouvel Exode.40 L'interprétation chrétienne se situe dans cette ligne, mais
avec la différence qu'elle voit l'accomplissement déjà réalisé substantiellement dans le mystère du
Christ.
La notion d'accomplissement est une notion extrêmement complexe,41 qui peut facilement être
faussée, si on insiste unilatéralement soit sur la continuité, soit sur la discontinuité. La foi
chrétienne reconnaît l'accomplissement, dans le Christ, des Écritures et des attentes d'Israël, mais
elle ne comprend pas l'accomplissement comme la simple réalisation de ce qui était écrit. Une telle
conception serait réductrice. En réalité, dans le mystère du Christ crucifié et ressuscité,
l'accomplissement s'effectue d'une manière imprévisible. Il comporte un dépassement.42 Jésus
ne se limite pas à jouer un rôle déjà fixé — le rôle de Messie — mais il confère aux notions de
Messie et de salut une plénitude qu'on ne pouvait pas imaginer à l'avance; il les remplit d'une
réalité nouvelle; on peut même parler, à ce sujet, d'une « nouvelle création ».43 On aurait tort, en
effet, de considérer les prophéties de l'Ancien Testament comme des sortes de photographies
anticipées d'événements futurs. Tous les textes, y compris ceux qui, par la suite, ont été lus comme
des prophéties messianiques, ont eu une valeur et une signification immédiates pour les
contemporains, avant d'avoir une signification plus pleine pour les auditeurs futurs. Le
messianisme de Jésus a un sens nouveau et inédit.
Le premier but du prophète est de mettre ses contemporains en mesure de comprendre les
événements de leur temps avec le regard de Dieu. Il y a donc lieu de renoncer à l'insistance
excessive, caractéristique d'une certaine apologétique, sur la valeur de preuve attribuée à
l'accomplissement des prophéties. Cette insistance a contribué à rendre plus sévère le jugement
des chrétiens sur les Juifs et sur leur lecture de l'Ancien Testament: plus on trouve évidente la
référence au Christ dans les textes vétéro-testamentaires et plus on estime inexcusable et obstinée
l'incrédulité des Juifs.
Mais la constatation d'une discontinuité entre l'un et l'autre Testament et d'un dépassement des
perspectives anciennes ne doit pas porter à une spiritualisation unilatérale. Ce qui est déjà
accompli dans le Christ doit encore s'accomplir en nous et dans le monde.
L'accomplissement définitif sera celui de la fin, avec la résurrection des morts, les cieux
nouveaux et la terre nouvelle. L'attente juive messianique n'est pas vaine. Elle peut devenir
pour nous chrétiens un puissant stimulant à maintenir vivante la dimension eschatologique
de notre foi. Nous comme eux, nous vivons dans l'attente. La différence est que pour nous
Celui qui viendra aura les traits de ce Jésus qui est déjà venu et est déjà présent et agissant
parmi nous.
(40) Is 35,1-10; 40,1-5; 43,1-22; 48,12-21; 62. (41) Cf ci-dessous II B.9 et C, nos 54-65. (42) « Non
solum impletur, verum etiam transcenditur », Ambroise Autpert, cité par H. de Lubac, Exégèse médiévale,
II.246. (43) 2 Co 5,17; Ga 6,15.
A cet égard, la citation de Sophonie dans NA est capitale. C’est la tension
eschatologique qui nous unit, même si nous lui donnons des contenus différents. Et
nous savons bien que nos contenus, nos figures d’espérance, seront toujours dépassés
par la réalisation, qui n’appartient qu’à Dieu et pas à nous.
Réfléchir ensemble sur la dialectique ancien/nouveau, interne aux deux alliances ; sur
les divers couples antagonistes qu’exprime le NT.
OS 1975 § II (liturgie)
On s’efforcera de mieux comprendre ce qui, dans l’Ancien Testament, garde une valeur
propre et perpétuelle (cf. Dei Verbum, 14-15), celle-ci n’étant pas oblitérée par
l’interprétation ultérieure du Nouveau Testament qui lui donne sa signification plénière,
alors qu’il y trouve réciproquement lumière et explication (cf. ibid., 16). Cela est d’autant
plus important que la réforme liturgique met les chrétiens de plus en plus fréquemment en
contact avec les textes de l’Ancien Testament.
16
Dans le commentaire des textes bibliques, sans minimiser les éléments originaux du
christianisme, on mettra en lumière la continuité de notre foi avec celle de l’Alliance
ancienne, dans la ligne des promesses. Nous croyons que celles-ci ont été accomplies lors du
premier avènement du Christ, il n’en est pas moins vrai que nous sommes encore dans
l’attente de leur parfait achèvement lors de son retour glorieux à la fin des temps.
Notes 1985 § II
5. La singularité et la difficulté de l’enseignement chrétien concernant les juifs et le judaïsme,
consistent surtout en ce qu’il exige de tenir en même temps les termes de plusieurs couples en
lesquels s’exprime le rapport entre les deux économies de l’Ancien et du Nouveau Testament:
Promesse et accomplissement
Continuité et nouveauté
Singularité et universalité
Unicité et exemplarité.
Il importe que le théologien ou le catéchiste qui traite de ces choses ait le souci de montrer,
dans la pratique même de son enseignement, que:
– la promesse et l’accomplissement s’éclairent mutuellement;
– la nouveauté consiste dans une métamorphose de ce qui était auparavant;
– la singularité du peuple de l’Ancien Testament n’est pas exclusive et
qu’elle est ouverte, dans la vision divine, à une extension universelle;
– l’unicité de ce même peuple juif est en vue d’une exemplarité.
6. Finalement, «en ce domaine, l’imprécision et la médiocrité nuiraient énormément» au
dialogue judéo- chrétien (Jean Paul II, discours du 6 mars 1982). Mais elles nuiraient surtout,
étant donné qu’il s’agit d’enseignement et éducation, à la «propre identité» chrétienne (ibid.)
Ne pas oublier Thomas d’Aquin : « etiam littera Évangelii occideret nisi adesset interius
gratia fidei sanans » (1a.2æ Q. 106 art. 2) L’opposition lettre et esprit n’est donc pas
une opposition entre premier et nouveau Testaments, ni entre lecture juive et lecture
chrétienne, mais une opposition entre deux manières de recevoir l’un et l’autre.
Textes difficiles du NT. Et textes difficiles du TNK,
Avec la tentation du néo-marcionisme qui est toujours là (même chez certains des
meilleurs théologiens ou spirituels du XXème siècle!)
Le mystère de l’un appelle l’autre
Début de Nostras ætate et Dabru Emeth
« Qui rencontre Jésus Christ rencontre le Judaïsme » (Jean-Paul II à Mayence, reprenant
les évêques allemands. Benoît XVI le reprend à Cologne).
CERJ 1973 (début du texte) :
L’existence actuelle du peuple juif, sa condition souvent précaire au long De son histoire,son
espérance, les épreuves tragiques qu’il a connues dans le passé et surtout dans les temps
modernes, et son rassemblement partiel sur la terre de la Bible, constituent de plus en plus,
pour les Chrétiens, une donnée qui peut les faire accéder à une meilleure compréhension de
leur foi et éclairer leur vie.
Dabru Emeth
We believe these changes merit a thoughtful Jewish response. Speaking only for ourselves -an interdenominational group of Jewish scholars -- we believe it is time for Jews to learn
17
about the efforts of Christians to honor Judaism. We believe it is time for Jews to reflect on
what Judaism may now say about Christianity.
Et l’intervention du cardinal Jean-Marie Lustiger à Rome pour le 40ème anniversaire
Nos différences sont appelantes
Note sur le dialogue
Le dialogue théologique est-il impossible ? Le cardinal Willebrands, vers le 15°
anniversaire de Nostra ætate, cherchait à répondre au Grand Rabbin Toaf disant qu’il ne
saurait y avoir de dialogue théologique, car celui-ci ne pouvait que viser la conversion
de l’autre (en fait le danger d’une conversion du judaïsme au christianisme). Le Rabbin
David Rosen notait aussi un refus de tout dialogue théologique posé par une autorité
aussi reconnue que le Rabbi Soloveitchik, fondateur et référence de la Yeshiva
University et de ses séminaires rabbiniques.
Un catholique comprend cette crainte, et cela aussi relève pour nous de la repentance de
l’Église. Trop de disputationes dans le passé n’ont été que des mises en scène, au
résultat connu d’avance et qui devaient servir la majorité chrétienne et le pouvoir
politique et/ou ecclésiastique.
Le dialogue qui peut être notre projet commun aujourd’hui est évidemment d’un autre
ordre. Plus encore, il ne vise pas à convaincre l’autre. Il vise à chercher à le
comprendre dans ce qu’il dit et dans ce qu’il vit. Sans moyen de pression extérieur.
Mais aussi sans cette violence qu’est la volonté de convaincre. Comme le dit le texte de
Vatican II sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ, dans une phrase qui est l’une de
celles qui reviendra le plus souvent dans les interventions de Jean-Paul II : la vérité ne
s'impose que par la force de la vérité elle-même qui pénètre l'esprit avec autant de
douceur que de puissance.
Le dialogue suppose la reconnaissance des différences et des oppositions, en renonçant
à toute volonté de les occulter. Il suppose qu’aucun des interlocuteurs ne renonce à sa
prétention à la vérité - mais accepte l’autre avec sa propre prétention à la vérité.
De plus, entre Juifs et chrétiens, il est placé dans l’horizon eschatologique. Nous ne
voyons aujourd’hui que comme dans un miroir et en énigme, dit Paul, ce jour-là nous
verrons face à face ; actuellement ma connaissance est partielle, mais alors je connaîtrai
comme je suis connu (1 Corinthiens 13,12). Alors, nous lui serons semblables parce que
nous le verrons tel qu’Il est, dit Jean (1 Jean 3,3) Même Moïse n’a vu Dieu que de dos,
selon une tradition (Exode 33,18-23); il devait se voiler le visage après avoir parlé avec
Lui (Exode 34,27-35) comme un ami parle à un ami (Exode 33,11)selon d’autres
passages. Élie ne le perçoit que dans le souffle d’une brise légère, la voix d’un fin
silence (1 Rois 19,12). Et nous n’aurons jamais fini d’inventorier et d’interpréter la
surabondance de la Parole qui nous est adressée à travers les Écritures. L’Écriture est
inépuisable et la vérité ne s’épuise jamais dans nos lectures et nos interprétations. Dieu
est toujours Autre, plus grand, au-delà de nos approches. La pleine révélation ne nous
sera donnée qu’au-delà de l’Histoire.
18
En chrétien catholique, je dirais que nous avons encore besoin de toutes les cultures, des
religions, des athéismes, des philosophies et des sagesses de toutes les nations du
monde pour accueillir davantage ce qui nous est donné dans l’Écriture et dans la
personne de Jésus. Et ici, Israël n’est pas une nation de plus. Il est la source. Il est
aussi, dans sa particularité de peuple de Dieu, le rappel de notre propre particularité.
L’Église ne totalise pas ; elle est toujours en marche ; elle est toujours ouverte à une
vérité qu’elle ne possède pas… et qui est promesse de Dieu encore inaccomplie.
Israël est du côté de la racine, et non de la multiplication des branches. Mais Benoît
XVI notait à Cologne qu’une théologie chrétienne du Judaïsme est encore devant nous.
Et je crois bien qu’Israël aussi est dans l’attente de la pleine manifestation de la vérité.
Mais, pour être fructueux, un tel dialogue doit commencer par une prière à notre Dieu pour
qu’il donne, avant tout à nous autres Chrétiens, une plus grande estime et un plus grand amour
envers ce peuple, ces « Israélites, à qui appartiennent l’adoption filiale, la gloire, les alliances,
la législation, le culte, les promesses, et aussi les patriarches, et de qui le Christ est issu selon
la chair, lequel est au-dessus de tout, Dieu béni éternellement ! Amen. » (Rm 9, 4-5), et ce
non seulement dans le passé, mais également au temps présent, « car les dons et l’appel de
Dieu sont sans repentance » (Rm 11, 29). Nous prierons également pour qu’il donne aussi aux
enfants d’Israël une plus grande connaissance de Jésus de Nazareth, leur fils et le don qu’ils
nous ont fait. Et puisqu’eux et nous sommes dans l’attente de la Rédemption finale, prions
pour que notre chemin parvienne à des lignes convergentes. (Cardinal Joseph Ratzinger,
Osservatore Romano 29 décembre 2000)
Cette attente eschatologique est notre horizon commun. Nous l’abordons de manière
différente - mais d’une manière qui est beaucoup plus proche que dans tout autre
dialogue inter-religieux. Elle situe notre dialogue dans l’attente de Dieu, dans la
recherche de sa volonté, de son règne, de la sanctification de son Nom. Non seulement
nous n’avons pas à nous convaincre, mais nous n’avons pas non plus à négocier des
compromis qui n’engageraient que nous. Nous sommes les uns et les autres à la
disposition de Dieu. Nous cherchons à découvrir, chacun dans notre chemin et notre
vocation, ce qu’il attend de nous, et que l’autre peut aussi nous aider à découvrir.
La vocation juive peut m’aider à être plus chrétien. Et j’espère que la réciproque peut
aussi être vraie.
Cf. la déclaration luthéro-catholique sur la justification
Les luthériens disent cela ; les catholiques se refusent à le dire, ou disent autrement ou
autre chose ; mais ce que disent les luthériens, les catholiques peuvent le comprendre et
le recevoir ainsi.
Id. pour les catholiques.
Cette méthode qui est nouvelle et fructueuse dans le dialogue entre Églises chrétiennes
ne pourrait-elle être fructueuse dans le dialogue entre Juifs et Chrétiens ? J’en trouve
les prémisses dans les recherches du Grand Rabbin Gilles Bernheim : quand les
chrétiens parlent de rédemption, de résurrection, comment puis-je l’entendre d’un point
de vue juif ?
19
Il s’agit de remplacer la polémique ou l’apologétique par le souci de comprendre ce que
l’autre dit en théologie ou en rendant compte d’une expérience spirituelle, sans cesser
d’être moi-même avec les différences et les tensions qu’il n’est pas question d’ignorer
ou de minimiser. La parole de l’autre n’est pas à réfuter ; je ne peux pour autant la faire
mienne ; je cherche à la comprendre autant que je le peux.
Nos différences peuvent alors nous aider dans la compréhension de notre propre
identité.
Cf. OS 1975, préambule :
il importe en particulier, que les chrétiens cherchent à mieux connaître les composantes
fondamentales de la tradition religieuse du judaïsme et qu’ils apprennent par quels traits
essentiels les juifs se définissent eux-mêmes dans leur réalité religieuse vécue.
Cf. le cardinal Lustiger à Rome pour le 40ème anniversaire.
Dabru Emeth point 2
Jews and Christians seek authority from the same book -- the Bible (what Jews call
"Tanakh" and Christians call the "Old Testament"). Turning to it for religious
orientation, spiritual enrichment, and communal education, we each take away similar
lessons: God created and sustains the universe; God established a covenant with the people
Israel, God's revealed word guides Israel to a life of righteousness; and God will ultimately
redeem Israel and the whole world. Yet, Jews and Christians interpret the Bible differently
on many points. Such differences must always be respected.
Point 6
The humanly irreconcilable difference between Jews and Christians will not be settled
until God redeems the entire world as promised in Scripture. Christians know and serve
God through Jesus Christ and the Christian tradition. Jews know and serve God through
Torah and the Jewish tradition. That difference will not be settled by one community
insisting that it has interpreted Scripture more accurately than the other; nor by exercising
political power over the other. Jews can respect Christians' faithfulness to their revelation
just as we expect Christians to respect our faithfulness to our revelation. Neither Jew nor
Christian should be pressed into affirming the teaching of the other community.
Point 7
A new relationship between Jews and Christians will not weaken Jewish practice. An
improved relationship will not accelerate the cultural and religious assimilation that Jews
rightly fear. It will not change traditional Jewish forms of worship, nor increase
intermarriage between Jews and non-Jews, nor persuade more Jews to convert to
Christianity, nor create a false blending of Judaism and Christianity. We respect Christianity
as a faith that originated within Judaism and that still has significant contacts with it. We do
not see it as an extension of Judaism. Only if we cherish our own traditions can we pursue
this relationship with integrity.
Jean-Paul II à Rome (1986)
Il n’échappe à personne que la divergence fondamentale depuis les origines est notre
adhésion, à nous chrétiens, à la personne et à l’enseignement de Jésus de Nazareth, fils de
votre Peuple, dont sont issus aussi la Vierge Marie, les apôtres, « fondement et colonnes de
l’Église » et la majorité des membres de la première communauté chrétienne.
Mais cette adhésion se pose dans l’ordre de la foi, c’est-à-dire dans l’assentiment libre de
l’intelligence et du cœur guidés par l’Esprit, et ne peut jamais être l’objet d’une pression
20
extérieure, dans un sens ou dans un autre ; c’est le motif pour lequel nous sommes disposés
à approfondir le dialogue dans la loyauté et l’amitié, dans le respect des convictions intimes
des uns et des autres, en prenant comme base fondamentale les éléments de la Révélation
que nous avons en commun, comme « un grand patrimoine spirituel » (Nostra aetate, n. 4).
Benoît XVI à Cologne
Il
reste
cependant
encore
beaucoup
à
faire.
Nous
devons
nous
connaître mutuellement beaucoup plus et beaucoup mieux. J'encourage donc un dialogue
sincère et confiant entre juifs et chrétiens: c'est seulement ainsi qu'il sera possible de
parvenir à une interprétation commune des questions historiques encore discutées et, surtout,
de faire des pas en avant dans l'évaluation, du point de vue théologique, du rapport entre
judaïsme et christianisme. Ce dialogue, s'il veut être sincère, ne doit pas passer sous silence
les différences existantes ou les minimiser: précisément dans ce qui nous distingue les uns
des autres à cause de notre intime conviction de foi, et en raison même de cela, nous devons
nous respecter et nous aimer mutuellement.
Maurice Vidal, La fondation de l’Église (site THEOLOGIA.fr)
Bien des passages du Nouveau Testament pouvaient et peuvent être exploités pour prétendre que
Dieu a "substitué" l'Eglise à l'Israël incrédule dans l'histoire du salut. St Paul est le seul à résister
nettement à cette interprétation. Tout en accusant ses frères juifs de s'opposer à la mission
chrétienne en Israël comme ils s'étaient opposés à Jésus jusqu'à le livrer à la mort (cf. 1 Th 2, 1516), il affirme, dans une vision de foi et d'espérance, qu'en dépit des vicissitudes de l'histoire et des
renversements de situations, Dieu n'a pas rejeté son peuple (cf. Rom 11, 1-2). Le même St Paul,
qui répète que dans l'humanité nouvelle du Christ nouvel Adam, être juif ou grec n'a plus
d'importance, dit aussi que les Juifs qui refusent de croire en Jésus-Christ et sont devenus les
"ennemis" des chrétiens, demeurent "aimés (de Dieu) à cause des pères, car les dons et l'appel de
Dieu sont sans repentance" (Rom 11, 28-29). C'est, entre autres raisons, parce qu'ils sont et
veulent être fidèlement le peuple élu de Dieu en tant que peuple qu'ils refusent la nouveauté
chrétienne, et c'est aussi parce que Dieu est fidèle à son amour pour ce peuple que la
première Alliance demeure. Il a fallu attendre le concile de Vatican II et, dans la réception du
concile, la prise de position de Jean-Paul II sur la première alliance "qui n'a jamais été révoquée"
(Discours du 17 novembre 1988 à Mayence), pour que l'interprétation de Saint Paul reprenne le
dessus dans l'Eglise. Chez des penseurs juifs contemporains, tels certains signataires de la
déclaration "Dabru Emet" ("Dire la vérité") du 10 septembre 2000, on rencontre quelque chose
d'antithétiquement correspondant lorsqu'ils reconnaissent que le christianisme, né dans le
judaïsme, devait devenir autonome, selon sa foi en Jésus-Christ, et le peuple juif, peuple de la Loi,
préserver la particularité de son propre témoignage, dans la dialectique des formes de l'Alliance
entre Dieu et les hommes.
Je souligne ce passage de Maurice Vidal. Il me semble donner des bases pour entrer
dans le défi difficile que j’ai entendu de Gilles Bernheim : il faudra que les chrétiens
acceptent et comprennent le « non » des Juifs à Jésus.
Alliance
Cf. Joseph Ratzinger l’unique Alliance de Dieu, où il fait ressortir les enjeux de la
présentation du Judaïsme dans le Catéchisme de l’Église Catholique (1992).
Et les débats entre chrétiens (une, deux ou plusieurs Alliances ? j’avoue ne pas être
captivé par les débats qui semblent passionner les théologiens américains. On en
trouverait une bonne présentation d’ensemble chez John T. Pawlikowski)
Résurrection
21
Une anticipation du temps de la fin ? Sur le fond de l’espérance commune, pharisienne
comme le souligne le Nouveau Testament (car il est aussi des textes où « pharisien » dit
une communauté de vue et est pris positivement), en la résurrection à la fin des temps,
comment les chrétiens peuvent-ils situer l’annonce de la résurrection du Christ ? Et
comment les Juifs peuvent-ils entendre la signification de cette résurrection pour les
chrétiens. Sachant que pour les uns et les autres la perspective eschatologique reste
l’horizon de compréhension ?
A propos du temps
L’exégèse du Nouveau Testament a beaucoup parlé d’ « eschatologie réalisée ». Mais
demeure la tension entre le déjà et le pas encore. La pensée juive souligne que ce
monde est bien loin d’une rédemption achevée. A propos de la résurrection du Christ
comme à propos de l’annonce du Règne de Dieu, nous aurions peut-être beaucoup à
chercher ensemble. En tout cas les chrétiens auraient beaucoup à apprendre de la
fréquentation de la pensée juive.
A nouveau, il faut souligner que la tension eschatologique est le véritable horizon de
nos vies et de notre dialogue.
ÀNew-York, en janvier 2005, j’entendais le Rabbin Henry Sobel citer l’histoire de
Martin Buber constatant que les Juifs attendent la venue du Messie et les chrétiens son
retour : quand cette espérance des uns et des autres s’accomplira et que le Messie sera
là, nous n’aurons qu’à lui demander : « avez-vous été déjà là auparavant ? ». Mais,
ajoutait Martin Buber : je lui glisserais volontiers à l’oreille : « surtout, ne répondez
pas ! ».
Quelques dimensions :
Shabbat et dimanche
Septième jour et premier jour de la nouvelle semaine
Huitième jour et temps présent
Ne pas se croire trop vite dans le monde de la résurrection ; ce que veut dire
l’eschatologie réalisée des évangiles et de Paul
Temps messianiques et temps eschatologiques
Nostra ætate cite Sophonie 3,9.
CERJ 1973, 7 fin
Dabru Emet 6 et 8
…unredeemed state until God redeems the entire world
as promised in Scripture
La rédemption du temps
La dimension de tikkun olam nous renvoie à notre responsabilité commune et
différenciée dans le monde d’aujourd’hui. Mais cela a à voir avec
notre façon de nous situer dans ce temps qui est le nôtre
Cf. Ephésiens 5,16 ; Colossiens 4,5
22
Du dialogue entre spécialistes - à la vie ordinaire des personnes et des
communautés
Je signale ici le texte du cardinal Joseph Ratzinger, dans l’unique Alliance de Dieu, qui
fait ressortir l’importance des passages du Catéchisme de l’Église Catholique puisqu’il ne s’agit aucunement d’un texte pour spécialistes, mais de la présentation
ordinaire de la foi catholique.
Le rabbin David Rosen est allé chercher dans le Directoire pour les évêques la
recommandation de la formation des futurs prêtres à la connaissance du judaïsme
contemporain du christianisme. Ce qui est intéressant, c’est que cette note n’est pas
dans un texte consacré au dialogue, mais dans quelque chose qui envisage la vie
ordinaire de l’Église catholique
Le défi est bien que la relation entre Juifs et Chrétiens passe dans le souci et la pratique
ordinaire des communautés.
Benoît XVI à Cologne :
Au cours des quarante années passées depuis la Déclaration conciliaire Nostra ætate, en
Allemagne et au niveau international, on a fait beaucoup pour l'amélioration et
l'approfondissement des relations entre juifs et chrétiens. Outre les relations officielles, grâce
surtout à la collaboration entre les spécialistes en sciences bibliques, de nombreuses amitiés
sont nées
23
En conclusion : devant des œuvres communes
« l’œuvre assignée aux Juifs et aux Chrétiens » titrait Le Monde pour la « libre
opinion » du cardinal Lustiger, reprenant son texte pour le 40ème anniversaire. C’est
bien de cela qu’il s’agit.
Benoît XVI à l’International Jewish Committee on Interreligious Consultations :
Au cours des années qui ont suivi le Concile, mes prédécesseurs, le Pape Paul VI et, de
façon particulière, le Pape Jean-Paul II, ont accompli des pas importants vers l'amélioration
des relations avec le peuple juif. J'ai l'intention de poursuivre sur ce chemin. L'histoire des
relations entre nos deux communautés a été difficile et parfois douloureuse, mais je suis
convaincu que le "patrimoine spirituel" préservé par les chrétiens et les juifs constitue en
lui-même la source de la sagesse et de l'inspiration capable de nous guider vers un
"avenir d'espérance" conformément au dessein divin (cf. Jr 29, 11)
[9 juin 2005]
Benoît XVI à Cologne :
Enfin, notre regard ne devrait pas se tourner seulement en arrière, vers le passé, mais devrait
nous pousser aussi en avant, vers les tâches d'aujourd'hui et de demain. Notre riche
patrimoine commun et nos relations fraternelles inspirées par une confiance croissante nous
incitent à donner ensemble un témoignage encore plus unanime, collaborant sur le plan
pratique pour la défense et la promotion des droits de l'homme et du caractère sacré de la
vie humaine, pour les valeurs de la famille, pour la justice sociale et pour la paix dans le
monde. Le Décalogue (cf. Ex 20, Dt 5) constitue pour nous un patrimoine et un engagement
communs. Les dix commandements ne sont pas un poids, mais la direction donnée sur le
chemin d'une vie réussie. Ils le sont, en particulier, pour les jeunes que je rencontre ces
jours-ci et qui me tiennent tant à cœur. Mon souhait est qu'ils sachent reconnaître dans le
Décalogue, notre fondement commun, la lampe de leurs pas, la lumière de leur route (cf. Ps
119, 105). Les adultes ont la responsabilité de transmettre aux jeunes le flambeau de
l'espérance qui a été donnée par Dieu aux juifs comme aux chrétiens, pour que "plus
jamais" les forces du mal n'arrivent au pouvoir et que les générations futures, avec l'aide de
Dieu, puissent construire un monde plus juste et plus pacifique dans lequel tous les hommes
aient un droit égal de citoyen.
[19 août 2005]
L’expérience d’être une minorité et le rapport à l’universel
Expérience séculaire des communautés juives. Mais il y a quelque chose de neuf avec
l’État d’Israël.
Et les communautés chrétiennes d’Europe occidentale et orientale, différemment, sont
souvent entrées récemment dans cette même expérience. La chrétienté s’identifiait avec
le monde. Aujourd’hui, les chrétiens font l’expérience d’être une minorité ou une part
dans une société qui ne totalise pas.
24
Le rapport à l’universel demeure différent : les communautés juives ne se veulent pas
missionnaires, tandis que les communautés chrétiennes s’y reconnaissent appelées.
Mais la vocation d’être une communauté particulière en vue de l’universel devient une
expérience partagée.
Le lien du peuple juif et de la terre d’Israël
C’est une des dimensions de la particularité juive. Ce qui empêche d’en rester à un
universel abstrait. C’est aussi un lieu difficile pour le dialogue.
Dès 1973, le texte du Comité Épiscopal pour les relations avec le Judaïsme, après avoir
noté dès ses premières ligne le rassemblement partiel [du peuple juif] sur la terre de la
Bible, propose ces réflexions (§5, e, p. 39-40) :
Il est actuellement plus que jamais difficile de porter un jugement théologique serein sur le
mouvement de retour du peuple juif sur « sa » terre. En face de celui-ci, nous ne pouvons
tout d’abord oublier en tant que Chrétiens le don fait jadis par Dieu au peuple d’Israël d’une
terre sur laquelle ilo a été appelé à se réunir (cf. Gen 12,7 ; 26,3-4 ;28,13 ;Isaïe 43,5-7 ;
Jérémie 16,15 ; Sophonie 3,20).
Au long de l’histoire, l’existence juive a été constamment partagée entre la vie au sein des
nations et le vœu d’une existence nationale sur cette terre. Cette aspiration pose de
nombreux problèmes à la conscience juive elle-même. Pour comprendre cette aspiration et
le débat qui en résulte dans toutes leurs dimensions, les Chrétiens ne doivent pas se laisser
entraîner par des exégèses qui méconnaîtraient les formes de vie communautaires et
religieuses du Judaïsme ou par des prises de positions politiques généreuses masi hâtives.
Ils doivent tenir compte de l’interprétation que donnent de leur rassemblement autour de
Jérusalem les Juifs qui, au nom d eleur foi, le considèrent comme une bénédiction.
Par ce retour et par ces répercussions, la justice est mise à l’épreuve. Il y a, au plan
politique, affrontement de diverses exigences de justice. Au-delà de la diversité des options
politiques, la conscience universelle ne peut refuser au peuple juif, qui a subi tant de
vicissitudes au cours de l’histoire, le droit et les moyens d’une existence politique propre
parmi les nations. Ce droit et ces possibilités d’existence ne peuvent pas davantage être
refusés par les nations à ceux qui, à la suite des conflits locaux résultant de ce retour, sont
actuellement victimes de graves situations d’injustice. Aussi tournons-nous les yeux avec
attention vers cette terre visitée par Dieu et portons-nous la vive espérance qu’elle soit un
lieu où pourront vivre dans la paix tous ses habitants, juifs et non juifs. C’est une question
essentielle, devant laquelle se trouvent placés les Chrétiens comme les Juifs, de savoir si le
rassemblement des dispersés du peuple juif, qui s’est opéré sous la contrainte des
persécutions et par le jeu des forces politiques, sera finalement ou non, malgré tant de
drames, une des voies de la justice de Dieu pour le peuple juif et, en m^me temps que pour
lui, pour tous les peuples de la terre. Comment les Chrétiens resteraient-ils indifférents à ce
qui se décide actuellement sur cette terre ?
L’accord fondamental du 30 décembre 1993, le passage de Jean-Paul II en Israël en
2000, ont ici ouvert des perspectives nouvelles.
Pour la justice et la paix
25
C’est une part de cette vocation à l’universel. Service du monde. L’étude de la Torah,
le service divin, la pratique de la charité (Rabbi Syméon le Juste). La diaconie de la
liturgie, de la Parole et de la charité (Vatican II à propos des diacres, mais cela vaut de
l’ensemble de la mission de l’Église, de son service du monde).
Qu’on parle de Tsedaka ou de Tikkun Olam, d’une Église servante, le service de la
justice et de la charité, la rédemption du siècle, la promotion de la paix, sont des appels
de Dieu à travers la situation du monde.
Nous avons à les discerner et à y œuvrer. La nouveauté prophétique est que nous avons
commencé à le faire ensemble.
Ici, le texte du cardinal Lustiger à Rome pour le 40ème anniversaire trace des
perspectives que nous pourrons sans doute mettre en œuvre ensemble. Cela rejoint les
réalisations déjà en cours à l’initiative du Congrès Juif Mondial.
Mémoire et humanité
Faire mémoire du passé, c’est permettre le présent et ouvrir l’avenir. Ainsi en est-il de
l’expérience sociale et personnelle que structure l’étude des Écritures.
Cela vaut de la révélation divine et de la vocation humaine. Cela s’exprime dans nos
fêtes et dans nos rites. Et ici, les Chrétiens ont encore beaucoup à recevoir des Juifs.
Dans cette dimension de la mémoire, prend place nécessairement la mémoire de la
shoah. Là aussi, faire mémoire du passé pour permettre le présent et ouvrir l’avenir.
Avec la lutte résolue contre toutes les formes d’antisémitisme, sachant que les formes se
renouvellent et peuvent surgir d’où on ne l’attendait pas. Les Juifs doivent ici pouvoir
compter sur les chrétiens.
Benoît XVI à L’IJCIC
Dans le même temps, rappeler le passé demeure pour les deux communautés un impératif
moral et une source de purification dans nos efforts en vue de prier et d'œuvrer pour la
réconciliation, la justice, le respect de la dignité humaine et pour la paix qui est, en définitive,
un don du Seigneur lui-même. De par sa nature même, cet impératif doit comporter une
réflexion permanente sur les profondes questions historiques, morales et théologiques
soulevées par l'expérience de la Shoah.
[9 juin 2005]
Parole et humanité
26
Écoute ! une parole à recevoir ; une parole aussi qui est donnée. Si l’homme est
l’animal qui a la parole, comme disent les Grecs, il est aussi constitué par la parole
entendue, transmise, reprise personnellement.
Etre témoins de cette parole. Etre ceux qui transmettent une Parole qui vient de plus
loin que l’humanité, qui constitue le cosmos,l’humanité, et les communautés de
témoins. Etre ceux qui permettent la parole et l’écoutent, et ce faisant accueillent et
rendent possible l’humanité de l’autre. Telle est peut-être encore notre vocation.
Avec la place des Dix Paroles, soulignée par Benoît XVI et Jean-Marie Lustiger.
Cela comporte la dimension du dialogue inter-religieux, non seulement entre Juifs et
Chrétiens , mais avec toutes les religions et cultures du monde, y compris avec ceux et
celles qui refusent de prononcer le Nom de Dieu
Sanctifier le Nom
Vocation d’Isr aël, reprise dans la prière chrétienne. Dans le monde d’aujourd’hui
comme dans les siècles précédents. Une vocation qui est aujourd’hui plus nécessaire
que jamais dans le service particulier de l’humanité qui nous est confié.
Sachant que c’est toujours un arrachement au silence sur le Nom, ou à la profanation du
Nom.
Prière du Pape Jean-Paul II à l’emplacement du Ghetto de Varsovie, 11 juin 1999
« Dieu d’Abraham, Dieu des prophètes, Dieu de Jésus-Christ, en toi, tout est contenu ; vers
toi, tout se dirige ; tu es le terme de tout.
Exauce notre prière à l’intention du peuple juif, qu’en raison de ses Pères, Tu continues de
chérir. Suscite en lui le désir toujours plus vif de pénétrer profondément ta vérité et ton
amour.
Assiste-le pour que, dans ses efforts pour la paix et la justice, il soit soutenu dans sa grande
mission de révélation au monde de ta bénédiction.
Qu’il rencontre respect et amour chez ceux qui ne comprennent pas encore ses souffrances,
comme chez ceux qui compatissent aux blessures profondes qui lui ont été infligées, avec le
sentiment du respect mutuel des uns envers les autres.
Souviens-toi des générations nouvelles, des jeunes et des enfants : qu’ils persistent dans la
fidélité envers toi, dans ce qui constitue l’exceptionnel mystère de leur vocation. Inspireles pour que l’humanité comprenne par leurs témoignages que tous les peuples ont une
seule origine et une seule fin : Dieu, dont le dessein de Salut s’étend à tous les hommes.
Amen ».
Jean-Paul II à Mayence, 1980
Une troisième dimension de notre dialogue : les évêques allemands consacrent le chapitre
27
conclusif de leur déclaration aux devoirs que nous avons ensemble, Juifs et chrétiens. En
tant que fils d’Abraham, nous sommes appelés à être bénédiction pour le monde (cf. Gen
12,2ss), dans la mesure où nous nous engageons ensemble pour la paix et la justice entre
tous les hommes et tous les peuples, et où nous le faisons pleinement et profondément
comme Dieu lui-même l’a pensé pour nous - et avec la disposition au sacrifice que ce but
élevé peut exiger. Plus ce devoir sacré importe à notre rencontre, plus cela deviendra une
bénédiction aussi pour nous-mêmes.
Benoît XVI à Cologne
La sainteté de Dieu ne se reconnaissait plus, et pour cela on foulait aux pieds aussi le
caractère sacré de la vie humaine. Et le pape cite Jean-Paul II dans son message pour la
libération d’Aushwitz : Nous devons nous souvenir ensemble de Dieu…
L’intervention du cardinal Lustiger à Rome le 27 octobre 2005 sera tout entière consacrée à ce
sujet de la vocation des Juifs et des chrétiens - différente et commune - dans l’humanité
d’aujourd’hui.
Dans un monde où le Nom est si facilement prononcé « en vain » (Exode 20,7 ;
Deutéronome 5,11 ; cf. Lévitique 19,12), ou complètement passé sous silence, Juifs et
chrétiens peuvent avoir ensemble à ouvrir ou à laisser ouverte cette brèche qui empêche
le monde d’étouffer en bouclant sur lui-même - qui fait passer du clos à l’ouvert, de la
totalité à l’infini, de l’enfermement de l’idolâtrie à la reconnaissance de l’Unique
Seigneur qui ne cesse de nous arracher à la maison de servitude et de nous proposer un
chemin de liberté. Nous pouvons croire ensemble, modestement mais fermement, que
l’humanité d’aujourd’hui a besoin de ce témoignage.
28
40ème anniversaire de Nostra ætate ................................................................................... 1
Les débats à Vatican II et l’élaboration du texte ......................................................... 1
L’engagement fort de Jean XXIII et du cardinal Bea ................................................... 1
« le premier concile qui se tient après Auschwitz »...................................................... 1
les évêques des USA et ceux du Moyen-Orient arabe .................................................. 2
la nouveauté : trahison ou juste appréciation de la Tradition ? .................................... 2
la repentance de l’Église est-elle justifiée ? est-elle possible ? .................................... 3
et aussi les débats sur la place et le statut du texte ....................................................... 4
Nouveauté et points forts de Nostra ætate .................................................................... 4
Son existence, et son rapport avec les autres grands textes de Vatican II ......... 4
Scrutant le mystère de l’Église… ................................................................................. 6
Gratitude pour ce peuple............................................................................................... 7
Ils sont Juifs… .............................................................................................................. 7
Refus de l’Évangile / dons et appels de Dieu sans repentance / attente eschatologique
...................................................................................................................................... 7
Conséquence 1 : connaissance et estime mutuels (à partir de ce patrimoine spirituel
commun) études bibliques et théologiques, et dialogue fraternel................................. 8
Conséquence 2 : la présentation des Juifs dans la catéchèse et la prédication (à partir
de la question difficile de la mort du Christ) ................................................................ 8
Conséquence 3 : contre haines, persécutions et toutes manifestations d’antisémitisme
(rappel que le Christ est mort à cause des péchés de tous les hommes) ....................... 9
40 années de développement - et les chantiers ouverts ............................................ 11
les transformations dans la catéchèses… et les questions qui se posent dans la
liturgie......................................................................................................................... 12
la repentance de l’Église ............................................................................................. 13
de la « substitution » à la contemporanéité-fraternité ................................................. 14
Note sur l’Actualité des dons de Dieu au peuple juif .................... 14
« Nouveau Testament/Ancien Testament » « accomplissement » ........................... 15
Le mystère de l’un appelle l’autre .............................................................................. 17
Nos différences sont appelantes.................................................................................. 18
Note sur le dialogue ............................................................................................................ 18
Cf. la déclaration luthéro-catholique sur la justification .................................................... 19
Alliance .............................................................................................................................. 21
Résurrection ....................................................................................................................... 21
A propos du temps .................................................................................................... 22
Du dialogue entre spécialistes à la vie ordinaire des personnes et des communautés 23
En conclusion : devant des œuvres communes .......................................................... 22
L’expérience d’être une minorité et le rapport à l’universel .................................. 22
Le lien du peuple juif et de la terre d’Israël ............................................................ 23
29
Pour la justice et la paix .......................................................................................... 23
Mémoire et humanité .............................................................................................. 24
Parole et humanité .................................................................................................. 24
Sanctifier le Nom .................................................................................................... 25
30
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