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pourraient être regardées comme de nouveaux points de Seelisberg, par
exemple : ne jamais prononcer le nom très saint de Dieu ou encore, faire
attention de ne jamais parler des juifs au passé….
En 2009, à New York, nous étions les invités de rabbins qui voulaient relire
avec nous les « articles de Soloveitchik »
. Quinze ans après la mort de leur
maître, nos hôtes américains voyaient que ce texte établissant des normes juives
pour un dialogue avec les catholiques, demandait à être renouvelé. Mais ils ne
voulaient pas le modifier sans avoir échangé avec nous sur ce sujet. Quelle belle
marque de confiance !
*
Que nous faut-il faire aujourd’hui ? Poursuivre cette ligne, résumée si
simplement par Jules Isaac, dans une lettre à Jacques Madaule : « Au fond, nous
sommes pleinement d’accord, fraternellement, sur l’essentiel, qui est d’abord un
examen de conscience (pour tous), qui est surtout réconciliation et amour »
.
Puis-je exprimer, en ce lieu si symbolique, marqué par le péché et la
souffrance, par le repentir et la soif de réconciliation, le désir qui m’habite,
depuis que notre dialogue a pris une place si importante dans ma vie et ma
prière ? Juifs et chrétiens, si l’on me permet une transposition de l’oracle
d’Ézéchiel, nous espérons bien ne faire qu’un dans la main de Dieu
. Mettons-
nous donc ensemble à l’écoute de sa Parole, convaincus qu’elle est ruisselante
de tendresse et de miséricorde. Certes, elle fait parfois tomber sur nous la foudre
Le rabbin Joseph Dov SOLOVEITCHIK (1903-1993) est né en Pologne, dans une famille aristocratique
d’origine lithuanienne. Immigré aux Etats-Unis en 1932, il s’établit à Boston, où il enseigna d’abord, avant de
devenir professeur dans la célèbre Yeshiva University de New York, jusqu’en 1985-86. En 1964, il rédigea ces
« articles » pour donner les conditions juives d’un dialogue avec les catholiques. Vers 1970, il reçut, à Boston, la
visite du cardinal Bea, avec qui il entretint ensuite des relations marquées par une grande estime mutuelle.
Lettre de Jules Isaac à Jacques Madaule, du 5 juin 1948. Revue d’histoire de la Shoah, 192, janvier-juin
2010, « Catholiques et protestants français après la Shoah », p. 367.
« Ainsi parle le Seigneur : Voici que je vais prendre le bois de Joseph (qui est dans la main d’Ephraïm) et
les tribus d’Israël qui sont avec lui, je vais les mettre contre le bois de Juda, j’en ferai un seul morceau de bois
et ils ne seront qu’un dans ma main » (Ez. 37, 19). Peut-on justifier cette interprétation par le fait que la tradition
chrétienne dit que le baptême confère à celui qui le reçoit l’isrelitica dignitas (cf. Catéchisme de l’Eglise
Catholique, n° 528) ?