
5e débat interactif de l’Adels 
« Face à la crise civique : renouveler la démocratie » 
 
Mardi 15 novembre 2005 à l’Adels 
 Contribution n°3 
 
 
 Néolibéralisme ou développement durable… il faut choisir 
 Par René Passet, professeur émérite d’économie à l’université Paris 1 Panthéon-
Sorbonne, membre fondateur d’Attac, ancien président de son premier conseil 
scientifique, et aujourd’hui président d’honneur. 
 
Au  commencement  était  la  « croissance »,  conception  unidimensionnelle,  quantitative  et 
matérialiste qui n’avait rien d’absurde lorsque les niveaux de vie se situaient dans des zones 
proches du minimum vital et que l’activité économique ne dégradait pas le milieu naturel. Le 
« plus »  de  blé  était  aussi  le  « mieux »  de  bien-être.  Les  mots  « croissance »  et 
« développement »  étaient  considérés  comme  rigoureusement  équivalents  et  utilisés 
indifféremment.  
Cependant, dès le début des années 1970, la multiplication des accidents dommageables 
pour l’environnement (les naufrages répétés de pétroliers géants), montre que la croissance 
économique s’accompagne d’événements préjudiciables aux hommes et à la nature. Il s’agit 
d’atteintes spécifiques et localisées, apparaissant autour des lieux d’activité économique, et 
considérées comme des dysfonctionnements du système. On parle alors d’environnement : 
ce  qui  se  situe  « autour ».  On  commence  pourtant  à  pressentir  qu’au-delà  de  chaque 
événement pris isolément,  se  profile une logique  générale  mettant  en  cause le système 
économique.  C’est  ce  que  j’essaie  de  démontrer dans un article du Monde, en 1971
. Et 
surtout, la même année, Nicolas Georgescu-Roegen, dans un ouvrage demeuré classique, 
montre qu’on ne peut pleinement comprendre la croissance économique qu’en dépassant le 
cadre  marchand  pour  l’insérer  dans  le  flux  énergétique  solaire  qui  la  porte
 .  L’année 
suivante, le célèbre rapport du Club de Rome, « The limits to growth
 », porte le problème à 
la connaissance du grand public. 
Dans les années 80, on  s’avise  des  atteintes  dites  « globales » à la nature (déchirure du 
voile d’ozone stratosphérique, réduction de la biodiversité, pluies acides, effet de serre…). 
Ce n’est plus de dysfonctions qu’il faut parler, mais d’un véritable conflit entre la logique qui 
préside à la croissance économique et celle par laquelle la biosphère maintient son aptitude 
à reproduire la vie. En 1979, L’économique et le vivant
 situe le processus économique – au-
delà de la vision purement entropique de Georgescu-Roegen – dans le  mouvement de 
« destruction  créatrice » qui  mène  l’univers ;  en  1987,  le  célèbre  Rapport  Brundtland
, 
impose au monde l’expression « développement durable » . 
Lorsque la croissance s’accomplit par le malheur des personnes (le licenciement présenté 
comme nécessaire à la  bonne  marche de l’appareil  productif) ou par la dégradation de la 
biosphère, apparaît la question du sens.  
C’est alors que le concept de développement se sépare radicalement de celui de croissance. 
Contrairement  à  celle-ci,  le  développement  est  un  phénomène  complexe  –  à  la  fois 
quantitatif,  qualitatif  et  multidimensionnel  –  respectant  les  mécanismes  régulateurs  des 
 
 « Une science tronquée », René Passet, Le Monde 12-01-1971. 
 The entropy law and the economic process, Nicolas Georgescu-Roegen, 1971.  
 « Halte à la croissance », Club de Rome, trad.fse, Fayard 1972. 
 L’économique et le vivant, René Passet, Payot 1979, 2° ed. Economica 1996. 
 « Our Common Future », Gro Harlem Brundtland, The world Commission on environment and development, 
1987.