Certes, monsieur le ministre, en ces temps de vœux où fleurissent les citations, on peut
rappeler cette belle phrase de René Char : «Ne t’attarde pas à l’ornière des résultats. » Mais le
budget comme l’économie ne sont pas de la poésie, monsieur le ministre, même si vous
maniez très bien, je l’ai constaté au début de ce débat, les figures de style et avez fait une très
belle allitération dans votre introduction.
Nous pensons, quant à nous, que nous ne retrouverons pas de croissance solide sans des
services publics performants et sans une politique audacieuse d’investissement dans le
domaine des transports, du logement et de la transition écologique. Nous ne retrouverons pas
non plus de croissance sans un soutien accru au pouvoir d’achat des ménages et sans un
rééquilibrage des richesses en faveur du travail.
Vous faites tout le contraire. Michel Sapin a confirmé cette semaine que la hausse du SMIC
ne serait que de 1,1 %, sans coup de pouce supplémentaire. Reprenant le refrain patronal, le
groupe d’experts sur le SMIC – « groupe d’experts » ! – a recommandé au ministre de ne pas
augmenter le salaire minimum, de crainte que cette hausse « se traduise par une baisse de
l’emploi et de la compétitivité des entreprises ». Pour justifier ce positionnement, les
« experts » ont indiqué que le SMIC en France était « aujourd’hui très nettement au-dessus
des niveaux constatés dans les autres pays de l’OCDE ». Autrement dit, les trois millions de
salariés français payés au SMIC seraient des privilégiés face à leurs concurrents occidentaux.
C’est d’ailleurs ce choix de ne pas augmenter le pouvoir d’achat qui conduit à des dispositions
hasardeuses, j’insiste sur ce terme, comme la vente en ligne des lunettes, l’achat de tests de
grossesse en supermarché ou, au niveau européen, le refus de l’identification de l’origine des
produits alimentaires, qui augmenterait le prix d’achat.
Ces propos ne sont pas justes. Ces propos sur les smicards sont même honteux. Un constat
s’impose : jamais ces mêmes experts ne pointeront du doigt la part croissante des bénéfices
des entreprises versés aux rentiers, sous forme de dividendes ou d’intérêts bancaires. En
prélevant entre 80 et 90 % de la trésorerie des entreprises, les intérêts et dividendes les privent
pourtant de leur capacité d’autofinancement et augmentent leur dépendance à l’égard des
banques et des marchés financiers, au détriment de l’emploi et des salaires. Cette question,
nous le pensons vraiment, est bien plus importante que celle du coût du travail.
La tyrannie de la rente transforme en effet les politiques d’aide aux entreprises en véritable
tonneau des Danaïdes. Cela fait des années que l’on multiplie les cadeaux fiscaux en direction
des entreprises, sans que cela leur vienne véritablement en aide, sans que cela favorise la
croissance et l’emploi. Les entreprises disposent déjà de six mille aides, qui représentent un
coût de 110 milliards d’euros par an. Pour quel résultat ?
Loin de tirer les enseignements de cet échec, vous avez fait le choix d’accorder 20 milliards
d’euros supplémentaires aux entreprises, sans contrepartie et sans le moindre contrôle. Nous
considérons que c’est une mesure irresponsable et dangereuse. Rien ne nous garantit que ces
20 milliards d’euros seront utilement employés et ne viendront pas garnir le portefeuille des
créanciers et des donneurs d’ordre. Et vous avez décidé d’en transférer le coût sur les
ménages, notamment à travers la hausse de la TVA ! Nous avons tenté au cours du débat de
vous faire revenir sur cette hausse. Vous avez combattu avec nous la TVA sociale de Sarkozy.
Pourquoi vous êtes-vous finalement résolus à la mettre en place ? Vous savez pourtant,
comme nous, que la TVA est l’impôt injuste par excellence et que cette hausse va peser
lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes et brider l’activité
économique.
Vous avez annoncé vouloir opérer une remise à plat de la fiscalité. Même si cette ambition a
déjà du plomb dans l’aile, nous continuons, monsieur le ministre, à vous dire : «Chiche ! »