1989 : Informatique et Éducation spécialisée – Alain Barré

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INFORMATIQUE ET DEVELOPPEMENT INTELLECTUEL
Vous avez remarqué que le thème central de notre colloque est:
informatique et Développement Intellectuel. Développement et non
pas déficience, bien que LOGICOM soit déjà connue pour ses travaux
en direction des handicapés moteurs et mentaux !
Ceci dans un souci d'une véritable intégration. Nos recherches ne
concernent pas que les personnes handicapées. Elles ont un
retentissement à tous les niveaux de l'éducation et de la
rééducation. A preuve, l'intérêt suscité auprès des instituteurs qui
viennent nous voir de plus en plus nombreux depuis quelques temps.
Mais également, afin de mettre en avant la conviction profonde qui
est la nôtre, que le développement intellectuel, pour tous les être
humains quels qu'ils soient, de n'importe quelle race, de n'importe
quelle culture, handicapé ou non, passe par les mêmes étapes et les
mêmes stades.
Des chercheurs comme Piaget et plus récemment Paour,
l'affirment et la pratique sur le terrain le confirme. J'ai constaté
moi-même, avec des adultes polyhandicapés, que des évolutions
sont toujours possibles et lorsqu'on a le bonheur d'y participer, l'on
remarque qu'elles se réalisent en respectant approximativement, les
mêmes étapes bien que, dans certains cas l’on remarque des
cheminements spécifiques.
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que des travaux entrepris,
préalablement, pour des personnes présentant des déficiences,
puissent servir à des enfants qui suivent le cursus scolaire normal.
La recherche théorique, dans les deux cas est la même, bien qu'il
faille tenir compte de particularités spécifiques, et que l'adaptation
des programmes et logiciels est bien plus simple dans le sens :
handicapés- non handicapés, que l'inverse.
Avant d'aller plus loin dans les travaux de notre colloque, il serait
bon de préciser quelle est cette forme d’intelligence que nous
cherchons à développer ?
Il en existe plusieurs définitions. Celle que nous retiendrons avec
Piaget, Feuerstein, lonescu, n'est pas statique : C'est la capacité
d’utiliser sa propre expérience dans des situations des circonstances
et des lieux nouveaux ainsi que la capacité de résoudre de nouveaux
problèmes .
Il ne s'agit pas seulement d'acquérir de nouvelles connaissances ou
de nouveaux comportements mais de pouvoir maintenir ces
acquisitions dans le temps, de les généraliser à des situations de
plus en plus variées.
Cela rejoint la préoccupation d'un grand nombre d'entre
nous qui savent bien qu'il ne suffit pas de faire apprendre quelque
chose aux personnes dont nous nous occupons, mais qu'il faut
également leur apprendre à s’adapter à des situations qui ne
reproduisent pas exactement celles qu’ils ont apprises !
--- >Le professeur Dague nous parlera plus longuement, dans le
carrefour qu’il animera cet après-midi, de la méthode Feuerstein,
qui vise précisément ce genre d'apprentissage.
Mais me direz-vous, peut-on encore espérer apprendre quand
le poids du handicap, des facteurs génétiques, de l'hérédité, sont
là ?
Nous disons, avec Piaget, que, si les facteurs héréditaires
jouent un rôle dans le développement de l'intelligence : Ils ne
font que déterminer des possibilités mais le, développement n'a
rien d'automatique. C'est le vécu du sujet qui sera déterminant,
les relations qu'il vivra , les stimulations qu'il recevra, les
apprentissages qu'il fera.
Nous pouvons donc agir sur l'environnement
lequel on suspecte une déficience intellectuelle
sera l'intervention meilleur sera le résultat !
carence en stimulations aura pour conséquences,
retard.
de l'enfant pour
et, plus précoce
Inversement, la
l'accentuation du
Des interventions sont donc possibles et utiles à tous âges
(également pour les personnes âgées) mais il est particulièrement
urgent de mettre en place des structures, des moyens, des
programmes (y compris informatiques) de stimulation précoce.
C'est pour cela que le champ d'intervention de Logicom débute,
à 12 mois de capacités cognitives, et s'échelonne jusqu'à 12 ans
(stade des opérations formelles).
> Me Kamila Eimerl, Chercheur à Paris V11I, nous parlera, tout à
l'heure, plus longuement de l'intérêt de l'intervention informatique,
dans cette perspective et ,elle animera un carrefour cet après-midi,
particulièrement centré sur les premiers apprentissages de lecture
avec l'ordinateur.
Cette affirmation de la modificabilité cognitive ne signifie pas
que l'on va gommer l'existence du handicap.
Les déficients
intellectuels suivent bien les mêmes stades que les autres mais leur
développement est plus lent et reste souvent inachevé. Et surtout,
ils ont plus de mal que les non handicapés de même niveau mental
à mobiliser efficacement leurs outils cognitifs.
Pour les aider à surmonter cette difficulté, il faut les inciter à
utiliser leurs connaissances dans des contextes variés, parfois
déroutants par rapport à leurs façons de faire habituelle et
comportant également une certaine complexité, c'est à dire qui ne
se contentent pas de répéter les choses d'une manière toujours
identique.
La réalisation des programmes informatiques devra tenir compte
de ces diverses exigences et devra faire la part des choses entre la
nécessaire répétition et l'introduction progressive d'éléments
nouveaux, de variantes qui permettent à la personne déficiente la
généralisation de l'expérience et des connaissances acquises.
--- > C'est ce que nous essaierons de vous montrer Monsieur
Vallete, responsable informatique de l'URAPEI de la région RhônesAlpes, et moi-même dans le carrefour intitulé « Animer un atelier
informatique et quels programmes pour quels utilisateurs ? »
Avant de se lancer dans un programme de développement
intellectuel, il est bon de, faire l'état des lieux : Où en est la
personne à qui l'on s'adresse, quelles sont ses difficultés
spécifiques, ses efficiences instrumentales ?
Pour cela, il faut passer par des évaluations. Nous sommes
familiers de l'évaluation que l'on peut faire par l'intermédiaire des
tests de QI (le quotient intellectuel). Elle est insuffisante dans le
cas qui nous intéresse puisqu'il s'agit de mettre à jour les points
forts et les défaillances mais aussi d'évaluer les capacités
d'apprentissage et les stratégies de compréhension mises en
oeuvre.
Pour nous donner une idée de ce qu'il est possible de faire dans
ce domaine, nous avons demandé au professeur Khomsi, auteur de
plusieurs tests, de nous faire état de ses travaux sur l'évaluation
des stratégies de compréhension de la lecture. Il interviendra dans
le carrefour (C), cet après-midi.
Lorsque nous intervenons dans des institutions pour aider à la mise
en place d'un atelier informatique ou communication, nous
rencontrons diverses réactions.
Environ, 1/3 des participants est enthousiaste, 1/3 est réservé et
attentiste et 1/3 a peur ou est opposé. Parmi ces derniers, certains
déclarent "ça n'est pas avec vos machines qu'on peut faire
progresser les enfants". Ils mettent souvent en avant que l'enfant
est d'abord un être affectif, que son inconscient prime sur tout
autre aspect et que ses difficultés intellectuelles sont subordonnées
aux blocages de ses affects.
La croyance que le retard intellectuel ne serait dû qu'à des
blocages affectifs paraît, aujourd'hui bien désuète et est
abandonnée presque par tous. Par contre, ce qui est certain c'est
qu'on ne peut séparer ces deux aspects cognitifs et affectifs.
"Il n'existe aucune conduite, si intellectuelle soit-elle, qui ne
comporte, à titre de mobiles des facteurs affectifs.
Et réciproquement, il n'y a pas d'états affectifs sans intervention de
perceptions ou de compréhensions qui en constituent la structure
cognitive."
Qui a écrit cela ? On aurait très bien pu le trouver sans la plume
de Freud mais c'est Piaget qui en est l'auteur.
Et il continue en précisant que :" La conduite est une, même si
les structures (cognitives) n'expliquent pas son énergétique
(affective) et même si son énergétique n'explique pas ses
structures. Les deux aspects affectifs et cognitifs sont à la fois
inséparables et irréductibles."
Certains psychanalystes l'ont bien compris : Spitz et GouinDecarie, par exemple, qui ont intégrés les travaux de Piaget dans
leurs propres recherches.
Ce lien entre l'affectif et le cognitif est largement pris en
considération à Logicom et fait l'objet d'une partie de la formation
donnée dans les stages psychopédagogiques.
Nous avons demandé à l'équipe de Madame Yerles de nous en
apporter un témoignage vivant et de nous faire part de ce
renouveau de confiance en soi que suscite l'emploi de l'ordinateur
auprès de jeunes en échec scolaire dans les quartiers défavorisés
où l'ordinobus vient stationner.
L'informatique peut apporter un concours particulièrement
précieux au développement intellectuel de toutes personnes
handicapées ou non. Mais pour cela, il faut créer de nombreux
programmes adaptés aux besoins de l'éducation et de la
rééducation.
Plusieurs possibilités nouvelles semblent s'ouvrir.
L'utilisation des systèmes experts par exemple, qui pourraient
aboutir à la création de programmes informatiques qui seraient des
"Tuteurs intelligents", c'est à dire qui pourraient assister l'élève
comme le ferait un éducateur, en analysant ses réussites et ses
erreurs et en le guidant vers de nouveaux exercices ou des
explications adaptées.
Nous avons demandé à Madame Sayettat, professeur à L’ENSM
d'intervenir sur cette question et de nous expliquer les perspectives
offertes par les systèmes experts et leurs limites.
Logicom apporte également sa contribution à cette recherche
d'outils de création informatique simples et conviviaux.
C'est Monsieur Riou, responsable du développement
informatique à Logicom qui nous présentera le langage IMAGIQUE:
un nouveau moyen déprogrammation multimédia à l'usage des non
professionnels de l'informatique.
Nous vous présenterons également une maquette du carnet
parlant qui devrait devenir bientôt un magnifique auxiliaire de
paroles, léger et portable pour les IMC, aphasiques et quelques
autres handicapés.
Les -moyens d'entrer en relation avec l'ordinateur, les
contacteurs seront évoqués dans le carrefour (B) de cet aprèsmidi,animé par Monsieur Jacques Labarre et Monsieur Riou.
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