intéressants, pour leur tentative volontaire de renouveler les personnages féminins, de ne pas
coller aux stéréotypes de la princesse ou de la pseudo-maman. Il s’agit de Mulan
, de Tarzan
pour le personnage de Jane, et de Shrek
pour le personnage de la princesse Fiona.
Certains personnages semblent définitivement catalogués comme ringards. Ainsi des
princesses absolument belles, bonnes, gracieuses et délicates (La Belle au Bois-Dormant,
Cendrillon…), ainsi des jeunes filles bien élevées, promptes à materner le tout-venant
(Blanche-Neige, Wendy dans Peter Pan…). Le temps est aux héroïnes qui agissent et qui
pensent : Mulan à la guerre, Jane dans une expédition scientifique. Leur intelligence est un
élément clé du personnage, alors que ce n’était jamais le cas précédemment. Voilà des
personnages de filles qui semblent aussi débarrassés des scories habituelles d’une
féminité caricaturale : elles ne sont pas ridiculement peureuses, ni absurdement coquettes ou
capricieuses. Elles n’ont plus rien de passif non plus, et elles savent se défendre. Mulan,
déguisée en garçon pour remplacer son père à la guerre, se montre capable des mêmes efforts
et des mêmes prouesses que les autres soldats, et fait preuve d’ingéniosité. Jane, quant à elle,
se montre tout aussi savante que son père sur les gorilles. Elle ne craint pas de se trouver
seule dans la jungle, essayant de s’en tirer même sans l’aide de Tarzan. Le cas de la princesse
Fiona est un peu différent puisqu’il s’agit d’un personnage explicitement parodique. La
coquetterie et la grâce d’une princesses sont montrées comme artificielles, par exemple quand
Fiona fait semblant de dormir dans la tour où elle doit être délivrée, tout en prenant des poses.
Si elle a attendu son sauveur, c’est uniquement pour respecter la tradition, car elle est
parfaitement capable de se défendre seule, comme elle fait par la suite en envoyant au tapis
une dizaine d’hommes à elle seule. Certes toute sa vie tournait autour de sa propre beauté,
que lui promettait une prophétie (son grand amour la rendrait belle) : c’est toujours le critère
essentiel pour une princesse. Mais le dénouement lui donnera finalement la beauté d’une
ogresse, et non celle d’une princesse classique. Enfin nos héroïnes ne sont pas dénuées
d’humour, ce qui est assez rare pour des personnages féminins. On peut d’ailleurs noter que
la voix française de Jane est celle de Valérie Lemercier, actrice exerçant exclusivement dans
le registre comique. Son timbre de voix, sa façon de parler diffèrent totalement des voix
habituelles des héroïnes.
Bien sûr, l’éternelle différence des rôles sexués persiste quand même. Dans les deux
Disney, elle est même rappelée, incarnée par deux personnages qui se donnent des airs
d’éducateurs vis-à-vis des héros. Bien qu’antipathiques, ces deux personnages représentent la
norme. Dans Tarzan, c’est le chasseur Clayton qui fait office de modèle de masculinité
auprès de Tarzan : agressif, violent, toujours armé, il marche le torse bombé, jette des regards
furibonds autour de lui, se rase au sabre, prend plaisir à tuer. Dans sa quête de l’homme,
Tarzan aurait pu choisir le père de Jane, bien plus sympathique comme modèle à qui
s’identifier. Mais non, c’est « comme par hasard » le chasseur machiste et viril qu’il imite
dans sa démarche et ses attitudes. Clayton méprise les femmes et leurs opinions, pour lui ce
que Jane raconte n’est que « fantaisies ». D’ailleurs le père de celle-ci n’est pas loin de penser
la même chose, même s’il trouve cela charmant. Il dit que la mère de Jane aussi « inventait
des histoires ». On retrouve là le personnage-type de la jeune fille rêveuse qui vit dans son
monde imaginaire, comme la petite fille de la publicité Peugeot, ou comme la Wendy de
Peter Pan qui racontait toutes sortes d’histoires aux garçons. Plus tard, alors que Tarzan est
désemparé, le chasseur Clayton joue les initiateurs en lui disant : « Ah, les femmes, toutes les
mêmes ! Même si tu n’étais pas un sauvage, tu t’y perdrais ! Il n’est pas de plus grand
mystère que la femme et son cœur… » Les leçons les plus éculées font toujours recette. Dans
Mulan, c’est la « Dame marieuse » qui indique la norme en matière de féminité, en faisant
passer un test à la jeune fille, pour déterminer si elle est prête pour le mariage. Mulan doit se
montrer soumise, polie, serviable, gracieuse, élégante, elle doit savoir servir le thé et réciter
des règles de conduite apprises par cœur. Faute de quoi, nul homme ne voudra d’elle. Bien
évidemment, les garçons n’ont eux aucun test à passer. Tout en essayant d’innover au niveau
des héroïnes, ces films maintiennent une vision des rôles sexués des plus classiques.
La même hiérarchie est mise en évidence, de manière parodique, dans Shrek, quand le
miroir magique propose au méchant Lord Farquaad de choisir une fiancée parmi trois
princesses. Comme dans les publicités, la multiplication des filles en face de l’homme unique