Dialogue (gen.2D) D – Comment le chimiste contrôle-t-il les transformations de la matière ? Exemples pris dans les sciences de l’ingénieur et dans les sciences de la vie Le J.E : Je reprends la question que j’avais posée tout à l’heure. Comment le chimiste, muni de toutes ces connaissances sur l’évolution des systèmes peut-il contrôler leur évolution ? En cinétique, des modes de contrôle ont été rencontrés, par exemple chauffer pour accélérer une transformation ou au contraire refroidir et diluer pour la stopper dans le but d’un titrage. Lors de l’évolution des systèmes, un apport d’énergie a permis de forcer l’évolution du système, par exemple lors de la charge d’un accumulateur, ce qui constitue une forme de contrôle. Le formateur : Il est proposé dans cette dernière partie de montrer que l’on peut optimiser des synthèses industrielles en utilisant les connaissances précédemment acquises. Nous avons choisi, pour support de cette étude, l’estérification et l’hydrolyse de l’ester et ce pour plusieurs raisons : historiquement, ces réactions ont tenu une grande place dans le progrès des connaissances sur les équilibres chimiques et les vitesses de réaction ; si l’on veut montrer l’effet d’un catalyseur, il faut que la transformation soit lente dans des conditions usuelles ; si l’on veut en augmenter le rendement, il faut que le taux d’avancement ait une valeur ni trop grande ni trop petite pour pouvoir mesurer un changement avec les moyens dont on dispose ; enfin, ces transformations impliquant un acide, le suivi temporel et la mesure de l’avancement final peuvent se faire par titrage en présence d’un indicateur coloré mettant en jeu une réaction acido-basique ; la faible toxicité des espèces complète cette série de bonnes raisons. Le J.E : S’agit-il de procéder à nouveau à une étude cinétique des transformations ? Le formateur : Pas du tout. Il s’agit de montrer qu’un catalyseur a un effet sur la vitesse de réaction mais pas sur l’état d’équilibre du système et de percevoir que le taux d’avancement final peut être accru par élimination d’un produit formé (l’eau ou l’ester) ou par ajout d’un excès d’un réactif (alcool ou acide). L’état d’équilibre d’un système étant atteint, si l’on ajoute un réactif, on crée une perturbation instantanée du système qui diminue momentanément le quotient de réaction. Le système réagit en consommant les réactifs pour amener la valeur du quotient de réaction à la valeur de K . Le même raisonnement vaut si l’on élimine un produit par distillation. Le J.E : La synthèse de l’aspirine et celle d’un savon sont au programme. Dans quelle mesure le contrôle d’une transformation apparaît-il dans cette étude ? Le formateur : La synthèse d’un ester est lente et la transformation n’est pas totale. Même si l’on utilise un catalyseur et un excès d’un réactif, il faut ensuite séparer le produit formé du mélange réactionnel. Ce n’est pas toujours facile. L’optimisation de la synthèse d’un ester peut aussi s’envisager en remplaçant l’acide carboxylique par une espèce plus réactive, l’anhydride d’acide. Dans ces conditions, la formation de l’ester ne s’accompagnant pas de la formation d’eau, la réaction inverse d’hydrolyse est empêchée. La synthèse de l’aspirine est un exemple de synthèse optimisée d’un ester. C’est ainsi qu’elle est réalisée industriellement ; il est facile de comprendre en effet, qu’une transformation lente et non totale est préjudiciable aux aspects économiques d’une synthèse. L’hydrolyse d’un ester est, elle aussi, une transformation lente et non totale. L’ion hydroxyde est plus réactif que la molécule d’eau : pratiquée en milieu basique concentré et à chaud, l’hydrolyse est plus rapide et quasi totale, sans possibilité de retour vers l’ester. La synthèse d’un savon utilise l’hydrolyse basique, appelée aussi saponification. Ces exemples de synthèse organique pris dans l’industrie des médicaments et des produits cosmétiques montrent bien les diverses stratégies mises en œuvre par le chimiste pour contrôler les transformations de la matière : les aspects cinétiques étant améliorés par le chauffage et la catalyse, les rendements thermodynamiques étant accrus par utilisation d’un excès de réactif ou élimination d’un produit, ou mieux en utilisant une espèce très réactive. Le J.E : Concernant le titrage de l’aspirine, seul le titrage direct est envisagé ! Le formateur : Il s’agit de réinvestir les connaissances acquises depuis la classe de seconde pour élaborer un protocole simple de titrage d’une espèce comportant plusieurs groupes caractéristiques, par exemple la molécule d’acide acétylsalicylique (acide carboxylique et ester). Les deux peuvent réagir avec la solution de soude ; les réactions sont compétitives. Pour réaliser un titrage simple, il faut en quelque sorte interdire la réaction de saponification ; en opérant à froid, avec une solution d’hydroxyde de sodium diluée et en réalisant un titrage rapide, seule la réaction acido-basique a lieu. Un deuxième niveau de réactions compétitives concerne l’indicateur coloré qui ne doit réagir que lorsque la réaction de l’aspirine sur la soude est parvenue à son avancement maximal. En spécialité, une synthèse fait appel à un raisonnement sur les réactions compétitives, c’est la synthèse de l’acide benzoïque à partir de l’alcool benzylique. La synthèse est faite en milieu basique et non en milieu acide (comme la plupart des oxydations par le permanganate) pour ne pas catalyser l’estérification entre l’alcool réactif et l’acide formé. Le J.E : Au début de la classe de seconde, il a été montré sur l’exemple de l’acétate de linalyle, ester présent dans la lavande que le chimiste peut parfois « copier » la nature. Le chimiste réalise des synthèses à des températures souvent élevées Comment procèdent les plantes et les organismes vivants ? Le formateur : Les processus employés par les plantes sont effectivement plus doux que ceux du chimiste. Le chimiste ne maîtrise pas les transformations aussi bien que la nature. En Terminale nous faisons allusion à quelques unes des spécificités des réactions au sein des êtres vivants : catalyse enzymatique, réactions couplées, maintien du système ouvert hors équilibre, auto-organisation de la matière, etc. qui font la spécificité des sciences de la vie dans laquelle les processus de synthèse sont un vaste champ ouvert à la chimie organique. L’étude de ces réactions permettra peut être, dans les années à venir, de procéder à des synthèses plus douces mais aussi de synthétiser des espèces actuellement inaccessibles ; la recherche dans ce domaine est intensive. Cette ouverture proposée à la fin du programme permet à l’enseignant de conclure l’année en montrant la richesse d’une approche interdisciplinaire. Ce programme, comme tu le vois, permet d’appréhender le métier du chimiste et de mieux comprendre les objectifs des activités auxquelles il se consacre. Je te recommande la lecture du texte de Bernadette Bensaude-Vincent, Drôle de jeu (gen.1), qui replace les activités du chimiste dans leur contexte historique et donne ainsi une vision évolutive de la chimie. Réf. BO D. 1.2 Durée indicative Contenus par partie D. Comment le chimiste contrôle-t-il les 7 HCE transformations de la matière ? 4 TP 1. Les réactions d’estérification et d’hydrolyse - Formation d’un ester par la réaction d’estérification - Hydrolyse d’un ester - Contrôle du rendement - Contrôle de la vitesse : température et catalyseur 2. Des exemples de contrôle de l’évolution de systèmes chimiques - Changement d’un réactif : synthèse ester à partir d’un anhydride, d’un savon par saponification d’un ester - Utilisation de la catalyse Activités TP. Contrôle des transformations mettant en jeu les réactions d’estérification et d’hydrolyse (doc.D1) TP. Contrôle de la synthèse d’un ester par changement de réactif : hémisynthèse de l’aspirine à partir d’un anhydride d’acide (doc.D2) TP. Contrôle de l’hydrolyse d’un ester : synthèse d’un savon par saponification et propriétés des savons dans l’eau (doc.D3) TP. Compétition entre plusieurs réactions chimiques : cas du titrage direct de l’aspirine (doc.D4) Compléments pour l’enseignant : Critère d’évolution appliqué au rendement de l’estérification (comp.D1) Critère d’évolution appliqué au rendement de l’estérification, un exemple de calcul (comp.D2) Catalyse hétérogène (comp.D3) Catalyse enzymatique (comp.D4) Nomenclature (comp.D5)