
condition du développement d’un milieu créatif. En ceci le critère d’Andersson (1985)
concernant une diversité du milieu – il ne précise cependant pas à quoi se réfère cette
diversité – rejoint l’un des critères de Florida (2005b) qui a trait à la notion de diversité
qu’il mesure à l’aide du Melting Pot Index – les indices gai et bohémien sont également pris
en compte – ; selon lui cet indicateur serait fortement en corrélation avec la
concentration en entreprises de haute technologie pour une région, cette concentration
étant considérée comme favorable à l’innovation. Enfin, ajoutons que Florida reprend
certains éléments d’une autre enquête réalisée dans les années 80 par Ray et Anderson
aux États-Unis auprès d’environ 100 000 personnes. Dans leur livre intitulé « L’émergence
des créatifs culturels. Enquête sur les acteurs d’un changement de société », Ray et
Anderson (2001) présentent les résultats de cette étude qui identifie une évolution
radicale et un profond changement de société fondé sur la présence des créatifs du
secteur culturel (Tremblay et Pilati, 2007a).
La thèse de Florida s’inscrit dans un certain courant de pensée en études urbaines qui fait
le lien entre le potentiel d’innovation d’un certain milieu (en l’occurrence urbain) qui se
caractérise par un certain capital humain et la croissance économique. Ceci dit, la thèse
de Florida a suscité de nombreuses critiques tant sur le fond qu’en ce qui concerne la
méthodologie qui sert d’assise à cette approche du développement économique. Pour
certains, le fait qu’une concentration d’une population dite créative engendre
l’innovation et la croissance économique a été considéré comme une extrapolation sans
véritable assise empirique appuyée par une méthodologie solide (Lang, 2006 ; Shearmur,
2006 ; Malanga, 2005, 2004 ; Kotkin, 2004).
La thèse du développement économique de Richard Florida s’oppose aussi à des théories
qui placent le territoire comme facteur générateur de l’innovation, par exemple la
théorie des milieux innovateurs de Philippe Aydalot (Darchen et Tremblay, 2007). Florida
soutient finalement le fait que le développement économique n’est pas tant induit par le
progrès technologique que par le capital humain, c’est-à-dire par la présence de cette
catégorie de professionnels, source à la fois de l’innovation technologique et de richesse
(Peck, 2005, p. 743.). Cependant, c’est à partir de la conception que Florida a du capital
humain que sa thèse tout entière est construite et ce, sans que son extrapolation de la
notion de capital humain ne se vérifie empiriquement. Glaeser (2005, p. 596) montre en
effet, en s’appuyant sur les indices proposés par Florida (patents per capita, l’indice gay et
l’indice bohémien) et sur les exemples de 242 régions métropolitaines, que l’indice
concernant le niveau d’éducation (personnes détenteurs d’un baccalauréat) demeure
l’indicateur le plus significatif quant au lien avec les plus hauts taux d’emploi dans les
secteurs dits super-créatifs, considérés dans la thèse de Florida comme le moteur de la
croissance économique. Lorsqu’il s’agit de défendre sa version du capital humain qui fait
intervenir les indices gay et bohémien, Florida ne peut donc apparemment pas le faire à
l’aide de données empiriques solides ; Glaeser (2005) montre en fait que la population
qualifiée demeure le facteur clé du développement économique en milieu urbain.
Florida procède donc rapidement au lien entre sa définition du capital humain et les
attributs qu’une ville doit posséder pour attirer la catégorie de professionnels qu’il
qualifie comme la « classe créative ». La ville devient, selon l’auteur, un lieu qui doit
s’adapter aux besoins de cette catégorie de professionnels afin de l’attirer, car elle est
nécessaire au développement économique. Cette part de la force de travail est estimée
par Florida à 38 millions de personnes et représenterait 30 % de la main-d’œuvre totale
aux États-Unis (Peck, 2005, p. 743). Toujours selon Florida, cette classe de personnes
La thèse de la « classe créative » : son incidence sur l’analyse des facteurs...
Revue Interventions économiques, 37 | 2008
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