1 OBESITE DE L`ADULTE : DIAGNOSTIC, ENJEUX ET PRISE EN

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OBESITE DE L’ADULTE : DIAGNOSTIC, ENJEUX ET PRISE EN CHARGE
Pr J.L. Schlienger
Service de Médecine Interne, Endocrinologie, Nutrition
Hôpital de Hautepierre
Ojectifs pédagogiques
- comprendre les mécanismes physio-pathologiques de l’obésité, les enjeux de santé publique
(complications)
- savoir proposer un traitement hygiéno-diététique et discuter d’une éventuelle indication
chirurgicale
- savoir accompagner au long cours un obèse
I. INTRODUCTION
L’obésité est une maladie chronique, multifactorielle, de plus en plus fréquente chez l’adulte et
l’enfant. A tel point qu’elle est reconnue grande cause nationale en 2011 de par son impact en santé
publique. Elle est définie par une augmentation de la masse grasse résultant d’un défaut de
régulation de l’équilibre énergétique. Il s’agit d’une maladie à part entière qui altère la qualité de vie
et entraîne des complications somatiques, psychologiques et sociales. Sa prise en charge, difficile,
doit s’inscrire dans la durée. Le médecin de famille est en première ligne pour la prévenir et la traiter.
1. Epidémiologie
Les pays industrialisés connaissent tous une forte progression de l’obésité. Dans l’Union Européenne
on estime que 35,9 % des adultes sont en surpoids et que 17,2 % sont obèses.
En France la prévalence de l’obésité des adultes est passée de 8,6 % en 1997 à 14,5 % en 2009.
Parallèlement à l’augmentation de la prévalence de l’obésité, il y a eu une augmentation du tour de
taille (+ 4,3 cm en 13 ans).
Figure 1 : évolution de l’obésité en France (enquête ObEpi)
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L’augmentation de l’obésité touche tous les milieux sociaux, mais les écarts se sont creusés entre
agriculteurs, catégorie la plus touchée par l’obésité, les cadres et les professions intellectuelles
supérieures, les moins touchés. Le niveau d’étude et le niveau de revenus influencent le risque
d’obésité qui devient peu à peu un marqueur de faible niveau de vie.
Encadré 1
2. Mécanismes physiopathologiques et déterminants environnementaux
L’obésité témoigne d’une inflation des réserves énergétiques résultant d’un déséquilibre entre les
apports et les dépenses énergétiques. Le métabolisme de repos représente 60 à 80 % des dépenses
énergétiques des 24 heures. La thermogénèse alimentaire représente en moyenne 10 % des
dépenses énergétiques quotidiennes. L’activité physique est extrêmement variable d’une personne à
l’autre et d’un moment à l’autre.
Les facteurs susceptibles de prendre en défaut le système de régulation s’inscrivent dans une échelle
de causalité qui va de l’anomalie d’un seul gène (exceptionnelle obésité monogénique) à des formes
purement comportementales.
a) Aspects génétiques
Il existe une agrégation familiale de l’obésité sous-tendue par des interactions gène-environnement.
Ainsi, la probabilité pour un enfant de devenir obèse varie de 10 à 70 % selon la présence ou
l’absence d’obésité chez les parents. Le fait que pour un même excès d’apports énergétique, la prise
de poids varie considérablement d’une personne à l’autre traduit la part de l’inné Après
ajustement sur le poids, la taille, l’âge et le sexe, les dépenses énergétiques de repos varient de ±
400 kcal/jour d’une famille à l’autre. Il existe également une ressemblance intra-familiale pour les
capacités d’oxydation lipidique, les comportements sociaux-culturels, alimentaires et le niveau
d’activité physique.
L’obésité monogénique est exceptionnelle. Très sévère, elle apparait dès les premières semaines de
vie. Les formes polygéniques correspondent à l’obésité commune. De nombreux variants et de
nombreux gènes sont concernés mais l’effet individuel de chaque variant est faible et s’exprime à la
faveur d’un environnement permissif.
b) Déterminants environnementaux
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Les modifications des habitudes de vie liées aux changements de l’environnement contribuent à
modifier l’équilibre énergétique au profit de l’augmentation des réserves énergétiques et du poids.
Un comportement sédentaire et/ou une diminution de l’activité physique entraînent une diminution
des dépenses énergétiques des 24 heures. Les activités quotidiennes telles que la marche ou la
pratique de la bicyclette pour rejoindre le lieu de travail sont inversement associées au gain de poids.
Les apports énergétiques, tant quantitatifs que qualitatifs, sont un déterminant essentiel de la
régulation pondérale. La disponibilité des aliments, l’augmentation de la taille des portions et de leur
densité énergétique (contenu calorique par gramme d’aliment ingéré) favorisent l’augmentation des
apports énergétiques. La teneur en graisses et en eau des aliments conditionne la densité
énergétique de l’alimentation.
Déterminants psychologiques. Parfois les troubles psychologiques induisent une modification du
comportement alimentaire favorisant la prise de poids. L’ingestion des aliments apparaît comme une
réponse comportementale à un désordre affectif, une anxiété, une émotion. La restriction cognitive,
définie par une tentative souvent non réussie de perdre du poids par une diminution des apports
alimentaires, contribue à l’obésité via des épisodes de désinhibition alimentaire entrecoupant les
phases de restriction. La restriction cognitive peut être à l’origine d’échecs thérapeutiques ou de
troubles du comportement alimentaire (boulimie ou frénésie alimentaire).
Certain médicaments contribuent à une prise de poids ou aggravent une surcharge préexistante :
insuline, des sulfamides hypoglycémiants, glitazones, corticoïdes, neuroleptiques
Des facteurs socioculturels interagissent également avec le risque d’obésité.
3. Diagnostic et examen de l’obésité
L’IMC (en kg/m2) obtenu par division du poids corporel (kg) par la taille (m) au carré, est considéré
comme la référence internationale pour le diagnostic positif de l’obésité dès lors que le résultat
atteint ou dépasse 30 kg/m2.
Figure 2 : Définitions de l’obésité et risque associé
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L’interrogatoire reconstitue l’histoire pondérale du patient : âge de début de la prise de poids,
évolution récente du poids (stabilité ou phase dynamique de prise ou de perte de poids), contexte
familial. L’interrogatoire précise les circonstances favorisant la prise de poids : puberté, grossesses,
ménopause, évènements de la vie familiale ou professionnelle, prise de médicaments,
immobilisation prolongée, arrêt d’une pratique sportive ou sevrage tabagique sont autant de
circonstances qui peuvent favoriser la prise de poids. Le retentissement psycho-social de l’obésité
doit être évalué. Les traitements antérieurs à visée amaigrissante sont identifiés tout comme le
niveau habituel d’activité physique.
Une enquête alimentaire par interrogatoire identifie les préférences et les travers alimentaires ainsi
que les troubles du comportement alimentaires.
L’examen clinique. Il doit inclure la mesure du tour de taille qui définit l’obésité viscérale.
L’évaluation du risque cardiovasculaire par la mesure du tour de taille est surtout importante dans
les obésités de grade I. La pression artérielle sera mesurée idéalement avec un brassard adapté à la
circonférence du bras. L’examen clinique est complété par la palpation de la thyroïde, la recherche
de signes d’hypercorticisme (obésité facio-tronculaire, buffalo-neck, vergetures, hypertrichose, acné,
érythrose du visage). Un acanthosis nigricans signe la présence d’une résistance marquée à l’insuline.
La recherche de signe d’apnée du sommeil doit être systématique (ronflements, asthénie et
céphalées matinales, agitation nocturne, nycturie, somnolence diurne, troubles de la mémoire et de
la concentration).
Les examens complémentaires sont limités et ciblés : glycémie à jeun, bilan lipidique,
transaminases, gamma-GT, uricémie, ionogramme sanguin, créatininémie et numération formule
sanguine. La recherche d’une maladie endocrinienne est effectuée selon le contexte clinique tout
comme la polygraphie ventilatoire nocturne, l’épreuve d’effort ou l’échographie hépatique.
Les complications de l’obésité. L’obésité est associée à une mortalité accrue et en particulier à une
mortalité cardio-vasculaire.
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Tableau 1 : les complications de l’obésité
Ainsi, pour chaque augmentation de 5 kg/m2 de l’IMC la pression artérielle systolique augmente de
5,8 mmHg chez l’homme et de 5,2 mmHg chez la femme. Le HDL-cholestérol diminue (- 0,16 mmol/l
chez l’homme) et le LDL-cholestérol augmente (+ 0,50 mmol/l chez l’homme). La prévalence du
diabète est multipliée par 6 lorsque l’IMC progresse de 18 à 45 kg/m 2).
La mortalité cardiovasculaire est très nettement majorée par la prédominance viscérale de l’obésité.
Tel est le cas également des autres complications métaboliques de l’obésité. Le tableau 1 résume les
complications de l’obésité dont le traitement doit être intégré dans le projet thérapeutique global.
Le retentissement psychologique de l’obésité est fréquent : mauvaise estime de soi, sentiment
d’échec personnel favorisant la dépression, perception d’une discrimination sociale et
professionnelle, détérioration de la qualité de vie etc…
4. Approches thérapeutiques. Prévention
Le traitement de l’obésité s’inscrit dans la durée et va au-delà de la perte de poids. La prise en charge
doit prendre en compte les dimensions psycho-sociales.
L’objectif thérapeutique initial est bien la perte de poids et doit être adapté à chaque cas en restant
réaliste. Une perte de poids de 5 à 10 % du poids initial, souvent considéré comme insuffisante par
les patients, s’accompagne d’une amélioration des facteurs de risque. La perte pondérale peut être
précédée d’une étape de stabilisation pondérale quand l’évolution est marquée par une prise
pondérale récente rapide. Des résistances métaboliques et psychologiques peuvent apparaître en
cours d’amaigrissement et exposent à un rebond pondéral.
Le maintien de la perte de poids est un objectif fondamental et difficile à réaliser. Il suppose un
changement comportemental.
Le traitement des complications. Nombre d’entre elles peuvent s’améliorer avec la perte de poids.
Un traitement spécifique est proposé chaque fois que nécessaire.
Les moyens thérapeutiques. Les conseils alimentaires visant à diminuer les apports énergétiques
sont primordiaux. Ils contribuent avec l’activité physique à induire la perte de poids. Les conseils
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