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Gestion des classes difficiles.
CORINNE ROUX-LAFAY
PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE
IUFM DE LYON
LA DISCIPLINE
 Un terme historiquement connoté : du latin disciplina
signifiant punition, ravage. L’expression ancienne « se
donner la discipline » fait référence aux pratiques de
flagellation et mortification dont le fouet est l’emblème.
 La discipline est alors l’action de faire ployer la volonté
par des pratiques visant à humilier le sujet, à étouffer sa
sensibilité, et dont on a encore trace au 20ème siècle.
Conception théocratique de l’autorité des éducateurs à qui
l’enfant doit une obéissance inconditionnelle.
Pour une analyse de cette « pédagogie noire », voir Alice Miller, C’est pour
ton bien. Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant.
- Pour une réhabilitation de la discipline :
Le renoncement à toute discipline dans une classe
ne peut avoir que des effets profondément anxiogènes
(nécessité d’un cadre, de repères, de règles formalisées).
Le paradoxe de la discipline, souligné par Kant,
est qu’elle cultive la liberté (au sens de l’autonomie)
par la contrainte (du corps, de l’esprit), à des fins
d’humanisation..
« La discipline soumet l’homme aux lois de l’humanité et
commence à lui faire sentir la contrainte des lois » , Kant, Traité
de Pédagogie
Quel lien entre la discipline et la mise au
travail des élèves ?

Mise en place de la discipline par les pères jésuites
dans les collèges, dès la 2de moitié du 16ème siècle et,
par les frères lassaliens dans les petites écoles.

L’espace-classe se transforme alors en espace
géométrique, ce dispositif disciplinaire s’inscrivant
d’emblée dans un processus d’apprentissage.

Organiser le travail, c’est organiser la discipline.
L’indiscipline n’est que l’effet d’un défaut
d’organisation.
-
« Le régime général de discipline est l’ensemble des
règles (régulation juridique), des rituels (régulation sociale)
et des dispositifs (régulation pédagogique) qui organisent à
la fois la cohabitation des élèves et la planification des
tâches scolaires » .
E. Prairat, Sanction et Socialisation
« C’est donc dans l’approfondissement de la
discipline à enseigner qu’on trouve les fondements de la
discipline à faire respecter ».
P. Meirieu, Lettre à un jeune professeur.
Quelle discipline instaurer dans la classe ?
 Structuration du temps : adapter les activités aux
plages horaires et leur durée, à la concentration des
élèves; anticiper...
 Structuration de l’espace : aménager l’espace en
fonction des situations pédagogiques, des interactions
entre élèves.
 Structuration des relations dans la classe : prévoir
une configuration de travail dans laquelle chaque élève
soit à même de s’impliquer (enjeu de la différenciation).
Structuration du travail : la discipline découle du
travail, non l’inverse.
Donner sens aux apprentissages : expliciter ce qui est en jeu
dans les activités, favoriser le retour réflexif des élèves…
 Rendre les élèves acteurs de leurs apprentissages : éviter le
double écueil du « magistrocentrisme » et du « puérocentrisme ».
Responsabiliser les élèves en vue de leur autonomie mais veiller
au fait que l’autorité du professeur ne saurait se déléguer.
 Instaurer un espace de confiance : faire droit à la parole de
chaque élève (et à son droit à l’erreur) et considérer avec Kant que
penser par soi-même, c’est d’abord penser avec d’autres. Instaurer
en ce sens un climat relationnel respectueux. Besoin de
reconnaissance et d’estime de soi.
 Favoriser la communication :
 Voix (pose, débit, volume, ponctuations et modulations)
 Regard
 Gestuelle( privilégier le non verbal), déplacements
 Posture du corps et symbolique du vêtement.
 Donner à la parole du maître un véritable statut d’autorité.
Nécessité d’une certaine économie dans les explications, les
consignes et les rappels à l’ordre.
 Favoriser les interactions langagières tout en régulant les
interventions et temps de parole des élèves.
Privilégier les « messages je » et l’écoute active des élèves .
Construire des règles signifiantes.
 La discipline est formalisées par des règles lesquelles
doivent faire l’objet d’une appropriation fine mais aussi
signifiante pour répondre au besoin de sécurité.
 Articuler le pôle des obligations à celui des droits, en réf.
à des valeurs. Un interdit est toujours une autorisation.
 Différence
entre la règle (négociable) et la loi
(fondatrice).
 Règles et lois ne prennent sens qu’au regard des valeurs
qui les fondent et légitiment. D’où la nécessité de la
sanction. Sanctionner, c’est donner autorité à une loi
transgressée, la rendre sacrée (sancire rendre sacré).
La sanction éducative.
- Une définition : selon Prairat, la sanction est « la réaction
prévisible d’une personne juridiquement responsable, ou
d’une instance légitime, à un comportement qui porte
atteinte aux normes, aux valeurs ou aux personnes d’un
groupe constitué » , La sanction en éducation, 2003.
 La sanction, à la double valence positive et négative, est la
suite et la rétribution logique d’un acte.
 Le terme de sanction est préféré à celui de punition, terme
moins polysémique mais trop connoté historiquement car
identifié à une conception doloriste et expiatrice de la
faute .
Finalités et fonctions de la sanction.
Selon E. Prairat, une sanction n’est éducative (rendre possible
l’avènement du sujet), qu’à la condition de répondre à une
triple fin :
 Une fin politique et sociale : le « vivre-avec » s’articule
toujours à l’instance impersonnelle de la loi qui nous relie par
sa fonction régulatrice et sa visée de socialisation.
 Une fin psychologique : la loi est là pour signifier une limite,
réorienter un comportement à la dérive, en mettant fin à la
régression pulsionnelle de la toute puissance du désir. La
sanction, de par la frustration qu’elle génère, a alors une
fonction libératrice.
 Une fin éthique : la loi a une fonction de responsabilisation
au double sens de répondre de et répondre à.
Quelles sanctions mettre en place ?
 Un principe de justice : nécessité d’appliquer les règles de la
gradation et de la proportionnalité, en fonction de la gravité du
manquement à la règle.
 Un principe d’objectivation : sanctionner seulement des actes
et non des personnes; rapport impersonnel à la loi qui doit se
traduire par une règle de sérénité (mais non pas d’indifférence).
 Un principe de signification : Nécessité d’individualiser la
sanction et d’expliciter le sens de la sanction . Interdits =
« inter-dits » .
 Un principe de privation d’un droit ou d’un avantage : ne
jamais sacrifier certaines activités pédagogiques. Jouer sur le
symbolique.
Différences entre règles et rituels :






Imposer/Adhérer.
Individu/Groupe.
Dire/Faire.
Extratemporel/Temporel.
Intérieur/Extérieur.
Personnel/Impersonnel;
Référence : N. Noël et J.C. Vilatte, « Rituel et Loi dans la classe », in
Cadre, Règles et Rituels dans l’institution scolaire.
Fonction du rituel :
 Fonction régulatrice : les rituels sont des normes
sociales (et non juridiques) immanentes à l’ordre des
pratiques, et ordonnant le groupe-classe à travers
l’incorporation de modèles de comportement et de valeurs.
 Fonction symbolique : seule la construction d’un
horizon de sens partagé permet de différencier la répétition
routinière d’un cérémonial à seule visée disciplinaire, d’un
véritable rituel à visée socialisante. Besoin de cohésion.
 Fonction de structuration : conjuration de l’angoisse
par la répétition du même et la mise à distance des
émotions.
La mise en place de rituels signifiants :
 renforcer la structuration du temps et de l’espace
 renforcer l’identité de chaque élève par l’appartenance à
un groupe
 aménager une transition entre espaces privé et public, par
le marquage d’une césure signifiante
 favoriser le passage du statut d’enfant au statut d’élève
 opérer une médiation symbolique de mise à distance :
« les rituels ont pour fonction anthropologique de réguler et de
mettre les passions à distance », Meirieu, Faire l’Ecole, faire
la classe.
Quels rituels ?
 Le rituel de l’appel : reconnaissance symbolique
de l’élève comme sujet qui a sa place dans le
groupe classe et devient présent aux autres.
 Le rituel de l’accueil en classe : fonction d’accueil
qui symbolise le passage du privé au public.
 Le rituel d’entrée dans les activités : silence et
immobilité du corps appellent au travail.
 Le rituel d’ouverture et de clôture des activités.
 Le rituel de remise des copies : pacifier une
situation potentiellement anxiogène.
La gestion des micro-perturbations.
 Pour Perrenoud, la gestion des perturbations scolaires
consiste à « identifier et résoudre des problèmes en
situation d’incertitude, de stress et de forte implication
professionnelle », La formation des enseignants entre
théorie et pratique.
 Bavardages individualisés : privilégier les stratégies
silencieuses. A défaut, rappel à l’ordre verbal assorti de
sanctions prévisibles (à différer) en cas de réitération.
 Agitation collective : même procédure mais prévoir
activité régulatrice avec contrôle ultérieur éventuel. Priver
les élèves d’interactions pendant un certain temps.
Favoriser l’auto-analyse des comportements.
La gestion des violences symboliques.
 Une question : incivilités ou conflits de civilités ?
 Violences symboliques du côté de l’enseignant, certes,
comme du côté de l’élève ? Réf. : Blin, Classes difficiles.
 Une règle d’or : désamorcer la spirale de la violence. Ne
pas s’enfermer dans des relations duelles. Marquer
calmement son étonnement. Signifier à l’élève en quoi son
comportement perturbateur est inacceptable et appelle des
excuses. Rappeler calmement les règles . Différer si
possible la sanction. Garder trace de l’incident.
Dérégulations scolaires et moyens d’action
 Agir sur le groupe classe : anticiper (contenus et
modalités d’apprentissage, imprévus); structurer (temps,
espace, activités); développer coopération et responsabilité.
 Agir sur la relation éducative : identifier les causes des
comportements inadaptés et les besoins des élèves
« difficiles »; leur proposer
une prise en charge
individualisée (contrat); mettre en œuvre le postulat
d’éducabilité par le regard positif porté sur l’élève.
 Agir sur soi : porter sur soi un regard à la fois critique
(savoir se remettre en question) et bienveillant. Apprendre
à se connaître et à développer ses compétences
relationnelles . Prévenir colère et débordement émotionnel.
Gestion des imprévus et identité professionnelle.
 Thèse de Nicole Bénaïoun-Ramirez : la
professionnalité enseignante se construit aussi
dans le Faire avec les imprévus de la classe.
 La gestion de l’imprévu est en lien avec :
 l’identité professionnelle et psychosociale ;
 l’implication professionnelle et psychosociale ;
 l’ancienneté ;
 le contexte professionnel.
L’identité professionnelle et psychosociale.
 L’identité professionnelle, collective, s’ancre
dans des représentations et pratiques évolutives
(confrontation entre le Soi et l’idéal professionnels
visant à réduire leur écart), ce pour quoi elle est
une construction jamais achevée.
 L’identité psychosociale (image de soi : identité
personnelle inscrite dans la relation à autrui et
l’interaction sociale) est activée dans la
confrontation aux imprévus.
L’implication professionnelle et psychosociale.
 L’implication professionnelle s’articule autour
du sens de la profession (motivation initiale et
actuelle) et des valeurs (idéal professionnel).
 L’implication psychosociale est en rapport
avec l’implication professionnelle. Lien fort
entre l’implication et la capacité d’adaptation
aux imprévus, à travers le renforcement de
l’identité professionnelle et psychosociale.
L’ancienneté et le contexte.
 Rapport entre l’adaptation aux imprévus et
l’ancienneté professionnelle : poids de la
formation initiale et de l’évolution du métier.
 Distance ou implication affectives, sens
accordé aux imprévus (attribution interne ou
externe) et centration sur l’enfant ou l’élève
variables selon l’ancienneté mais aussi selon
des effets de contexte.
A titre de conclusion, une citation à méditer :
« Le bois dont l’homme est fait est si courbe
qu’on ne peut rien y tailler de tout à fait droit »
Kant, Sixième proposition de L’idée d’une histoire
universelle au point de vue cosmopolitique ».
Bibliographie succincte :
 M.T. Auger, C. Boucharlat, Elèves « difficiles », profs en
difficulté, Ed. Chronique Sociale, 2006.
 J.F. Blin , Classes difficiles. Des outils pour prévenir et




gérer les perturbations scolaires, Delagrave, 2004.
Coordonné par B. Galand, Les sanctions à l’école et
ailleurs. Serrer la vis ou changer d’outils ? Editions
Couleur livres, 2009
T. Gordon, Enseignants efficaces. Enseigner et être soimême. Editions de l’homme, 2005.
F. Léonard, Autorité et conduite de classe, Nathan, 2007.
V. Guérin, A quoi sert l’autorité ? S’affirmer-respectercoopérer, Ed. Chronique Sociale, 2001.
Bibliographie (suite et fin)
 E. Maheu, Sanctionner sans punir. Dire les règles pour






vivre-ensemble. Ed. Chronique Sociale, 2005.
E. Prairat, Questions de discipline à l’école et ailleurs…
Erès, 2002
E. Prairat, La sanction en éducation, P.U.F. coll. Que
sais-je ? 2003
B. Rey, Faire la classe à l’école élémentaire, ESF 2005.
B. Rey, Discipline en classe et autorité de l’enseignant.
Eléments de théorie et d’action, De Boeck, 2004.
J.C. Richoz, Gestion de classes et d’élèves difficiles,
Favre, 2009
J. Salomé, Minuscules aperçus sur la difficulté
d’enseigner, Ed. Albin Michel, 2004.
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