ANESTHESIE DES URGENCES DIGESTIVES ANTIBIOTHERAPIE D’UNE PERITONITE P. Moine, Département d’Anesthésie-Réanimation Chirurgicale, C.H.U. de Bicêtre, 94275 Le Kremlin Bicêtre. INTRODUCTION Les péritonites sont des infections intra-abdominales sévères mettant en jeu le pronostic vital et représentent un problème fréquent dans les unités de réanimation chirurgicale. Elles sont caractérisées par la grande hétérogénéité de leurs étiologies et leurs mécanismes physiopathologiques. Ces éléments conditionnent en grande partie le traitement. Les péritonites sont classées selon le mode de contamination de la cavité péritonéale. Il est ainsi distingué les péritonites primaires, secondaires et tertiaires [1]. Les flores microbiennes et l’évolutivité de la maladie restent spécifiques de chacun des groupes. Nous nous limiterons dans ce chapitre au problème du choix d’une antibiothérapie dans les péritonites secondaires en raison de leur plus grande fréquence. L’infection du péritoine est liée à la perforation d’un organe creux du tube digestif. La perforation peut être sus- ou sous-mésocolique. Les bactéries intraluminales digestives ensemencent ainsi le péritoine. Le traitement associe la chirurgie, la réanimation et l’antibiothérapie. Si le rôle du traitement chirurgical apparaît essentiel et incontournable dans la cure du foyer infectieux, celui de l’antibiothérapie reste assez mal défini. Les objectifs théoriques de l’antibiothérapie sont à priori triples : 1.diminuer le nombre et la gravité des bactériémies péri-opératoires, 2.limiter l’extension locale de l’infection et des récidives, 3.réduire la taille de l’inoculum bactérien avant et après le geste chirurgical. Le traitement antibiotique doit donc débuter en urgence dès que le diagnostic est posé, sans attendre les résultats des prélèvements bactériologiques peropératoires, et avant le traitement chirurgical. Des hémocultures systématiques devront être réalisées avant la mise en route de cette antibiothérapie empirique. Le choix de l’antibiothérapie devra toujours prendre en compte les germes aéro-anérobies habituellement responsables des péritonites secondaires. A la suite des travaux d’Onderdonk [2, 3], les entérobactéries et les anaérobies paraissent les germes les plus importants à prendre en compte dans les infections intra-abdominales. Weinstein et coll, utilisant un modèle d’infection par implantation d’une capsule de gélatine contenant des selles, ont confirmé par un test thérapeutique cette hypothèse [4]. Un traitement par aminoglycoside (gentamicine) sélectivement efficace sur les entérobactéries diminue le taux de mortalité de 37 % dans le groupe contrôle à 4 % dans le groupe traité, mais des abcès sont retrouvés dans 98 % des animaux survivants (100 % dans le groupe contrôle). A 255 256 MAPAR 1999 contrario, un traitement sélectivement efficace sur les anaérobies tel que la clindamycine ne modifie pas la mortalité, mais la fréquence des abcès est réduite passant à 5 % chez les animaux survivants. Enfin, un traitement associant gentamicine et clindamycine réduit la mortalité à 9 % et la fréquence des abcès chez les survivants à 6 %. Différents travaux ultérieurs ont confirmé la nécessité de traiter les entérobactéries et les germes anaérobies, et ont évalué de multiples régimes thérapeutiques démontrant l’efficacité des céphalosporines et de l’association pénicilline-aminoglycoside [5-7]. Ces péritonites peuvent cependant être communautaires ou «nosocomiales» acquises en milieu hospitalier. Parmi les péritonites «nosocomiales» se distinguent les péritonites postopératoires (généralement par lâchage de suture digestive) et les péritonites non postopératoires. La connaissance de la bactériologie des péritonites secondaires dans ces diverses situations est indispensable pour le choix de toute antibiothérapie de première intention. Les germes multi-résistants retrouvés dans ces situations, tels les bacilles à gram négatif producteurs de b-lactamases, peuvent potentiellement poser des problèmes thérapeu-tiques difficiles. Enfin, la gravité de la péritonite, reflétée par l’existence ou non d’un syndrome infectieux sévère, peut être aussi un élément potentiel de la conduitede l’antibiothérapie. 1. ECOLOGIE MICROBIENNE Les bactéries responsables des péritonites secondaires varient en fonction de la source de l’infection ou de l’origine de la perforation et de son contexte communautaire ou nosocomial. 1.2. ETAGE SUS-MESOCOLIQUE A l’étage sus-mésocolique, il s’agit de péritonite par perforation d’ulcère gastroduodénal ou perforation sur le tractus biliaire. Dans les conditions normales, l’acidité gastrique s’oppose à la prolifération des germes quasiment exclusivement aérobies, limitant la population des germes à 103.mL-1. Une perforation d’ulcère malgré la stérilité du contenu gastrique peut cependant conduire à une authentique péritonite. Elle est favorisée par une perforation opérée tardivement ou une pullulation microbienne dans le liquide gastrique favorisée par une hémorragie, la prise d’anti-H2, l’existence d’une stase ou un cancer. La stagnation du liquide intestinal en cas d’iléus induit rapidement une modification de la flore et une prolifération de flore de type fécal. La flore prédominante à cet étage est essentiellement de type aérobie, en particulier Escherichia coli, streptocoques et staphylocoques plus rarement. Les germes anaérobies sont très faiblement représentés à ce niveau. Les levures, en particulier Candida albicans, peuvent être présentes. Il arrive que les berges d’un ulcère ancien soient colonisées par des levures, il en résulte une infection fongique péritonéale où les levures sont en général retrouvées en culture pure dans le péritoine. Dans le cadre des péritonites biliaires sur pyocholécyste, les bactéries retrouvées proviennent du duodénojéjunum proximal : E. coli essentiellement, streptocoques, et cocci gram positif anaérobies tels Peptococcus et Streptococcus. En effet au niveau intestinal, la population bactérienne est de l’ordre de 102 à 104 germes.mL-1 dans le jéjunum, composée essentiellement de germes aérobies (ratio anaérobies/aérobies 1/100) et de 106 à 107.mL-1 au niveau iléal, avec un équilibre entre les flores aérobies et anaérobies. 1.3. ETAGE SOUS-MESOCOLIQUE A l’étage sous-mésocolique, la flore microbienne s’enrichie quantitativement et qualitativement. La flore est composée de bacilles à gram négatif tels E. coli mais aussi Klebsiella, Proteus, et Enterobacter, de cocci gram positif, surtout des streptocoques ANESTHESIE DES URGENCES DIGESTIVES dont l’Enterococcus faecalis, et de nombreuses espèces d’anaérobies, essentiellement Bacteroides fragilis, autres Bacteroides, Fusobacterium sp, Clostridium, Peptococcus et Streptococcus. Le côlon est une zone de haute concentration bactérienne (1012.g-1 de selles) avec une prédominance majeure de germes anaérobies (ratio anaérobies/aérobies 3000). Les péritonites par perforation colique présentent une particulière sévérité au plan bactériologique car ce sont des infections mixtes à très fort inoculum bactérien où les effets pathogènes des différentes bactéries sont additifs voire synergiques. L’écologie bactérienne paraît cependant de faible intérêt en terme de pronostic vital. La différence de pronostic entre les péritonites sus-mésocoliques et sousmésocoliques est essentiellement liée à l’absence (péritonites «chimiques» par l’acidité gastrique ou par la bile) ou à la beaucoup plus faible concentration de germes par mm3, en d’autres termes à l’inoculum bactérien. L’importance de l’inoculum bactérien joue ainsi un rôle important dans l’efficacité thérapeutique. Un effet inoculum est fréquemment observé in vitro et in vivo, du moins en expérimental, avec les β-lactamines [8, 9] et les aminosides [8] et pourrait expliquer une réduction d’activité de ces traitements in vivo. Néanmoins, la prise en compte des données bactériologiques est indispensable pour les péritonites nosocomiales ou postopératoires où les modifications de flore et de résistance aux antibiotiques imposent une antibiothérapie adaptée aux germes nosocomiaux [10]. Dans les péritonites postopératoires, la présence de Enterococcus species, Staphylococcus epidermidis ou Candida sp est associée à une mortalité très élevée [10]. Montravers et coll ont par ailleurs récemment montré que le pronostic vital des péritonites postopératoires était directement affecté par le choix de l’antibiothérapie initiale empirique efficace [11]. De plus, les modifications à 48 à 72 heures de l’antibiothérapie initialement prescrite sur les résultats des prélèvements bactériologiques et des antibiogrammes correspondants n’amélioraient pas le pronostic vital lorsque cette antibiothérapie initiale n’était pas adéquate [11]. 1.4. PERITONITES NOSOCOMIALES VS COMMUNAUTAIRES Les flores microbiennes des péritonites communautaires et nosocomiales sont différentes par la nature des germes et leur nombre (Tableau I). L’hospitalisation à elle seule et à fortiori la prescription d’antibiotiques à visée prophylactique ou thérapeutique modifient considérablement l’écologie intestinale et favorisent l’apparition de souches bactériennes résistantes [12, 13]. La flore des péritonites postopératoires est très diversifiée : Pseudomonas, Acinetobacter, Citrobacter et Serratia pour les bacilles gram négatif, Enterococcus et Staphylococcus sp pour les cocci gram positifs [14]. Par ailleurs, le niveau de résistance de ces bactéries dans ce type de péritonites est très élevé [11]. Ces différences peuvent s’expliquer par le séjour en milieu hospitalier facilitant la transmission et la colonisation par des bactéries résistantes. La prescription en milieu hospitalier d’antibiotiques à large spectre peut aussi être un facteur de sélection de « mutants» résistants au sein de la flore endoluminale. Plusieurs travaux comparant sur une même période les flores des péritonites communautaires à celles des péritonites nosocomiales montrent la présence simultanée de plusieurs bacilles gram négatif dans les péritonites nosocomiales alors que E. coli est largement prédominant dans les péritonites communautaires [15, 16]. Cependant, un travail analogue n’a pu mettre en évidence de telles différences [17]. Ces résultats discordant objectivent l’importance de bien connaître l’écologie microbienne à l’échelon d’un hôpital. Une parfaite connaissance de cette écologie microbienne locale doit permettre d’établir des protocoles antibiotiques bien adaptés. 257 258 MAPAR 1999 Tableau I Bactériologie comparée des péritonites communautaires et nosocomiales (St Joseph [15], Bicêtre [16]). Pé ritonites communautaires Pé ritonites nosocomiales St Joseph n = 16 Bicêtre n = 42 St Joseph n = 39 Bicêtre n = 42 7 (25%) 12 (32%) 26 (28%) 24 (33%) Staphylococcus sp 1 2 6 5 Streptococcus sp 5 5 11 7 Enterococcus 1 5 9 12 Gram-né gatif 10 (36%) 20 (54%) 33 (35%) 39 (53%) E. coli 9 11 20 25 Klebsiella sp 0 2 3 0 Proteus sp 0 2 3 3 Enterobacter sp 0 1 1 0 Citrobacter 1 0 0 1 Acinetobacter sp 0 0 2 1 Pseudomonas sp 0 1 4 5 Autres BGN 0 3 0 4 Anaé robies 11 (39%) 0 28 (30%) 3 (4%) Bacteroides fragilis 4 0 16 3 Autres anaé robies 7 0 12 0 Levures 0 5 (14%) 6 (7%) 7 (10%) 1,1 1,3 3,0 2,1 Gram-positif Bacté ries / infection La place des levures dans les infections intra-abdominales est encore mal connue. Dans les péritonites communautaires, les candidoses péritonéales sont essentiellement le fait de perforation d’ulcère [18]. A l’opposé, dans les péritonites nosocomiales, les levures sont essentiellement retrouvées lors des péritonites d’origine pancréatique et colique. Les facteurs de risque importants d’infection fongique lors des péritonites postopératoires sont une antibiothérapie à large spectre et une chirurgie susmésocolique [19]. En revanche, dans ce travail, les traitements immunosuppresseurs, la radiothérapie et le délai existant entre l’intervention initiale et la reprise opératoire, n’ont pas été identifiés comme d’authentiques facteurs de risque. Les autres ANESTHESIE DES URGENCES DIGESTIVES facteurs de risques habituellement rapportés sont les pancréatites aiguës, les parforations gastro-intestinales récurrentes et lâchages de sutures postopératoires [18]. Cependant, la pathogénicité des levures et leur responsabilité dans la gravité du syndrome infectieux n’ont pas été prouvées dans ce type d’infection [19]. 2. SEVERITE DE L’INFECTION La gravité du tableau clinique peut intervenir dans la stratégie antibiotique. Elle influe souvent sur le choix d’une antibiothérapie empirique de première intention. Un syndrome infectieux sévère incite à choisir une antibiothérapie à large spectre afin de limiter les « impasses « bactériologiques. Les travaux sur l’évaluation pronostique des péritonites restent néanmoins relativement divergents quant à leurs conclusions. Il est en effet impossible de traiter dans sa globalité du pronostic des péritonites. La mortalité, d’une étude à une autre, varie de 0 % à 100 % selon la pathologie et le terrain [20]. Cependant, dans le cadre des péritonites communautaires, même sévères, une antibiothérapie à large spectre n’est pas plus efficace en terme de mortalité et de morbidité qu’une antibiothérapie dont le spectre est plus étroit et adapté à la flore microbienne communautaire. Les constatations peropératoires sont aussi à même d’influencer les modalités de traitement antibiotique. Les durées optimum d’antibiothérapie dans les infections intra-abdominales restent parfaitement floues et variables. Néanmoins, si l’intervention chirurgicale a permis une cure complète du foyer infectieux et une toilette péritonéale parfaite, la durée de l’antibiothérapie peut être écourtée. Il peut, par contre, exister des situations où le nombre et l’extension des fausses membranes et l’existence de tissus nécrosés sont tels que l’acte chirurgical ne peut garantir l’exérèse totale de toutes les zones infectées. La durée optimum du traitement dans ces conditions est encore plus floue et doit être discuter par l’équipe médico-chirurgicale en charge du patient. Une collaboration étroite et entière des deux équipes est fondamentale. 3. CHOIX DU TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE Bien que le geste chirurgical soit l’élément indispensable incontournable du traitement, l’antibiothérapie contribue à l’amélioration du pronostic. Le choix au sein d’une pharmacopée très large reste cependant difficile. Les nombreux travaux étudiant l’efficacité de ces antibiotiques ont un intérêt limité. Les populations incluses sont très hétérogènes. Les résultats sont présentés de façon globale sans fournir une stratification des patients selon la gravité initiale et son contexte de survenue. La rapidité de mise en route du traitement antibiotique et le choix d’antibiotiques adaptés sont des éléments importants [11, 14, 21]. Le praticien doit donc prescrire en urgence une antibiothérapie empirique prenant en compte tous les germes (?) ou plutôt les germes les plus fréquemment rencontrés. 3.1. PERITONITES COMMUNAUTAIRES Au cours des peritonites communautaires, les bactéries pathogènes sont celles qui colonisent habituellement le tractus digestif. Il faut viser les bacilles gram négatif comme E. coli, Klebsiella et Proteus sensibles aux antibiotiques courants, les cocci gram positif tels que les Streptococcus sp et Enterococcus sp, et les anaérobies, Bacteroides fragilis essentiellement. L’association clindamycine aminoside a été longtemps le traitement de référence et reste très utilisée en Amérique du Nord. Cette association n’est plus utilisée en France en raison d’une part du risque de colite pseudomembraneuse (même si cette notion est très contestable), d’autre part de l’importante augmentation de la résistance des Bacteroides fragilis à la clindamycine [22, 23]. Cette association 259 260 MAPAR 1999 peut néanmoins être une alternative en cas d’allergie aux β-lactamines. Les β-lactamines ont montré une efficacité analogue à celle de l’association clindamycine aminoside. Les céphamycines et les céphalosporines de troisième génération sont cependant inactives sur l’entérocoque. Le pouvoir pathogène de ce germe est très discuté, mais des études cliniques [24] et expérimentales [8] montrent que cette bactérie possède une pathogénicité propre ou agit en synergie avec les autres bactéries. De plus, les céphalosporines de troisième génération sont inefficaces sur les anaérobies. Dans la classe des pénicillines, l’association amoxicilline-acide clavulanique et la pipéracilline sont actives sur la plupart des streptocoques et des anaérobies. Elles sont par ailleurs efficaces sur la plupart des bacilles gram négatif impliqués dans les péritonites communautaires, cependant il est décrit actuellement des E. coli «communautaires» résistants à ces antibiotiques. Il est possible de traiter la plupart des péritonites communautaires en monothérapie avec l’un de ces antibiotiques. Cependant, chacun d’entre eux ne permet pas de couvrir tous les germes impliqués, en particulier certains bacilles gram négatif. Lorsqu’une péritonite communautaire comporte des signes de gravité, il est possible d’associer une de ces bêta-lactamines à un aminoside même si cette attitude est actuellement critiqué. L’intérêt de la bithérapie est d’élargir le spectre sur des bacilles gram négatifs possiblement sécréteurs de bêta-lactamases. L’utilisation des aminosides en monodose quotidienne doit être proposée. La prescription de l’aminoside devra être interrompue dés l’antibiogramme du prélèvement bactérien peropératoire obtenu soit à 48 à 72 heures, et si toutes les bactéries cultivées sont sensibles à la bêta-lactamine utilisée. L’état clinique du patient est toujours à prendre en compte à cette étape et doit être confronté aux résultats bactériologiques. L’association fluoroquinolone-métronidazole dans le traitement des infections intra-abdominales peut aussi être proposée [25]. Cette association constitue une alternative dans le cadre d’allergie aux bêta-lactamines. Les fluoroquinolones de nouvelle génération (trovafloxacine, grepafloxacine, levofloxacine, gatifloxacine, clinafloxacine) à spectre plus large, actives sur les anaérobies et plus actives sur les cocci gram positif (notamment les entérocoques), devrait représenter une excellente alternative thérapeutique. Leur place reste néanmoins à déterminer. 3.2. PERITONITES NOSOCOMIALES Le traitement des péritonites nosocomiales diffère sensiblement. Les molécules utilisées en première intention doivent avoir un spectre plus large et cibler en particulier des bacilles gram négatifs résistants comme Pseudomonas spp, Enterobacter, E. coli et Proteus résistants, Serratia, Acinetobacter, Citrobacter, mais aussi entérocoques et anaérobies. Ce traitement antibiotique doit être différent des traitements antibiotiques préalables (prophylactique et thérapeutique). Les associations ticarcilline-acide clavulanique et pipéracilline-tazobactam à un moindre niveau, la ceftazidine (inefficaces sur les anaérobies et les entérocoques), les céphalosporines de quatrième génération (inefficaces sur les anaérobies et les entérocoques) et les carbapenems (peu efficaces sur les entérocoques) ont à priori un spectre plus adapté aux péritonites nosocomiales. La prescription d’un aminoside est raisonnable pour élargir le spectre, limiter le risque de sélection de mutants résistants et accroître la vitesse de bactéricidie. Un imidazolé devra toujours être associé à la ceftazidine et aux céphalosporines de quatrième génération. Dans tous les cas, le traitement sera secondairement adapté tenant compte des germes isolés dans les prélèvements bactériologiques peropératoires et des antibiogrammes. Il est souvent possible au bout de 48 heures d’arrêter les aminosides. Un Pseudomonas justifiera sa ANESTHESIE DES URGENCES DIGESTIVES poursuite. Il est même possible de modifier la bêtalactamine choisie initialement si son spectre s’avère trop large. Doit-on prescrire systématiquement un traitement antifongique comme certains auteurs le recommandent surtout dans les péritonites postopératoires [26] ? Le rôle pathogène réel du candida reste mal connu. Néanmoins, il paraît raisonnable de débuter un traitement antifongique en cas d’infection monomicrobienne à levure, en cas de prélèvements intraabdominaux positifs à levures, en cas de persistance de signes d’infection après traitement chirugical adéquat et traitement antibiotique adapté [18] ce d’autant qu’il existe au moins deux autres sites différents de colonisation (oropharyngée, intestinale, cathéter ou cutanée) ou d’infection à levures (ECBU, fond d’œil, hémocultures), et que le patient a déjà reçu des traitements antibiotiques à large spectre. 3.3. DUREE DU TRAITEMENT ANTIBIOTIQUE La durée du traitement antibiotique est très variable et reste arbitraire. Il n’existe actuellement aucune étude permettant de convenir d’une durée optimum du traitement antibiotique. Solomkin [27] conseille une durée inférieure à 5 jours pour les infections peu sévères. Il est même probable que ce délai puisse être raccourci pour une péritonite appendiculaire. En revanche, cet auteur recommande 5 à 14 jours pour les infections comportant un syndrome infectieux sévère. L’existence d’un syndrome septique persistant incitera à prolonger l’antibiothérapie (mais son intérêt reste à démontrer) et à rechercher par un scanner un foyer infectieux intra-abdominal. Par ailleurs, des antibiothérapies trop brèves ne sont pas recommandées chez des patients immunodéprimés ou porteurs de prothèses. Plus récemment, dans un travail très provocateur, Schein et collègues ont basé leur durée d’antibiothérapie curative sur le diagnostic peropératoire (tous les patients ayant leur traitement débuté lors de l’induction anesthésique) et ont obtenu de bons résultats tant en termes de mortalité que de morbidité [28]. Les durées d’antibiothérapie étaient les suivantes : - appendicite simple aiguë ou cholécystite aiguë, pas de poursuite postopératoire du traitement antibiotique ; - appendicite gangréneuse ou empyème vésiculaire, poursuite du traitement 24 heures ; - lésion traumatique intestinale ou perforation viscérale, poursuite du traitement 48 heures ; - péritonite diffuse généralisée, 3 à 5 jours de traitement [27]. CONCLUSION L’antibiothérapie des péritonites reste un sujet très contreversé, source au quotidien de nombreux conflits médico-chirurgicaux. Une collaboration étroite et entière des deux équipes est pourtant fondamentale. D’importantes questions, et non des moindres, restent encore à éclaircir concernant l’importance d’une antibiothérapie à spectre approprié (le plus approprié possible), le rôle des prélèvements bactériologiques peropératoires, l’importance des bactéries de moindre sensibilité et résistantes, et la durée optimum de ce traitement antibiotique. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Wittmann DH. Intraabdominal infection. World J Surg 1990;14:145-147 [2] Onderdonk AB, Bartlett JG, Louie T, Sullivan-Seigler N, Gorbach SL. Microbial synergy in experimental intra-abdominal abscesses. Infect Immun 1976;13 :22-26 261 262 MAPAR 1999 [3] Onderdonk AB, Weinstein WM, Sullivan NM, Bartlett JG, Gorbach SL. Experimental intra-abdominal abscesses in rats. Quantitative bacteriology of infected animals. Infect Immun 1974;10:1256-1259 [4] Weinstein WM, Onderdonk AB, Bartlett JG, Louie TJ, Gorbach SL. Antimicrobial therapy of experimental intraabdominal sepsis. 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