Dans les pays occidentaux, le don d’organe, anonyme et gratuit, s’inscrit dans un lien de soli-
darité et de générosité entre citoyens, sans contrepartie. En retour, les donneurs et leurs pro-
ches sont en droit d’attendre, et même d’exiger, que l’utilisation des organes soit transparente
et efficace, et que leur répartition soit équitable. C’est d’autant plus important que, malgré sa
mise en œuvre depuis plus de 50 ans, les proches d’un sujet décédé consentent difficilement
au prélèvement d’organes : celui-ci reste vécu comme une violation du tabou de la mort, une
transgression de l’intégrité voire de la sacralité du corps, et une ingérence dans le travail de
deuil. Toute anomalie et, a fortiori, toute fraude ou trafic concernant l’utilisation des greffons ne
peut donc que susciter le scandale, une perte de confiance des citoyens et donc une remise
en question du principe des dons. L’Allemagne vient d’en faire la cruelle expérience. En
juillet 2012, un chirurgien de Göttingen a été accusé d’avoir falsifié les données d’une trentaine
de ses malades pour leur faire attribuer en priorité un greffon hépatique, aux dépens d’autres
patients, dont il a mis en jeu la vie. Le même chirurgien avait auparavant exercé à Ratisbonne,
où l’on vient de découvrir qu’il avait déjà manipulé les données d’une vingtaine de malades,
mais surtout que le trafic avait continué après son départ, révélant en fait tout un système de
fraude.1-3 La même affaire vient d’éclater à Leipzig. Le scandale et l’émotion sont immenses
chez nos voisins où le don d’organe, déjà relativement faible, a chuté de façon très nette.
En Allemagne, c’est un organisme national qui contrôle de façon centralisée les prélèvements,
mais la greffe relève, elle, de la responsabilité des hôpitaux de chaque land qui sont en com-
pétition, tandis que la répartition des organes dépend d’un organisme indépendant, Euro
transplant, qui agit dans 7 pays. Le contrôle est donc difficile, et le système repose sur la pré-
somption d’honnêteté des équipes. En France, la fraude serait plus difficile, la totalité du sys-
tème, du prélèvement jusqu’au suivi de la greffe en passant par la gestion de la liste d’attente
des patients et la répartition des organes (définie par arrêté ministériel), est gérée par l’Agence
de la biomédecine, indépendante des équipes de greffe, ce qui permet de dépister toute
modification brutale d’activité. Chaque année, un tiers des équipes de greffe subissent un
contrôle de la qualité des données fournies, et un système d’audit externe vient d’être mis en
place. Les équipes confrontent annuellement leurs résultats alors que, localement, les indica-
tions de greffe relèvent de réunions multidisciplinaires et que des techniciens d’étude clinique
dépendant de l’Agence sont présents sur le terrain.
Face à la pénurie, l’organisation du don d’organes peut engendrer des frustrations locales,
des convoitises, voire des trafics, certains malades étant prêts à payer pour obtenir satisfac-
tion plus rapidement. Il faut donc être vigilant, augmenter les contrôles, la transparence et la
démocratie sanitaire pour empêcher toute erreur ou fraude locale pouvant compromettre le
fonctionnement de cette thérapeutique qui reste indispensable, faute d’alternative fiable, pour
les patients souffrant d’une défaillance terminale d’organe. •
1. Berndt C. Leber im Angebot. Süddeutsche Zeitung 2012,27 Jul.
http://www.sueddeutsche.de/gesundheit/transplantations-skandal-an-goettinger-uni-klinikum-leber-im-
angebot-1.1417466
2. University of Göttingen Medical School. Stellungnahme UMG: Lebertransplantation. 2012, 20 Jul.
http://www.med.uni-goettingen.de/de/content/presseinformationen/presseinformationen_17440.asp
3. Stafford N. Surgeon is accused of manipulating data to move his patients up organ waiting list. BMJ 2012;345:e5039.
LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 63
Mars 2013
299
Alain Tenaillon
Dons d’organe et greffes :
une organisation fragile
r
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