Cahier 8 Le toucher dans les soins infirmiers regard croisé entre la

Cahier8
Letoucherdanslessoinsinfirmiersregard
croiséentreladisciplineinfirmièreet
lanthropologie
ChantalSaintPier r e,inf,Ph.D
Professeuredudépartementdessciencesinfirmières,UQO
Flor enceVinit,PhD
Anthropologiedelasanté
Septembre2006
2
Tabledesmatières
Introduction 3
1.Regardsociohistoriquesurletoucher 3
2.Regardanthropologiquesurletoucher 5
3.Regardinfirmiersurletoucher 7
a.Lestypologiedutoucherphysiquedanslapratiqueinfirmière 8
i.L’effetphysiologique 10
ii.L’effetpsychologique 10
b.L’utilisationdutoucherchezdiverstypesdeclientèles 11
c.L’expériencedutoucher 12
Conclusion 13
Références 15
3
Le toucher demeure au centre des gestesde soins. Quotidiennement
infirmières et infirmiers, à travers leurs interventions, utilisent le toucher
physique. Bien qu’omniprésent dans les soins infirmiers, le toucher a
paradoxalementétépeuétudiédansladisciplineinfirmière.Larecensiondes
écrits présentée vise à permettre aux infirmières et infirmiers de jeter un
regard réflexif sur le toucher physique dans leur pratique quotidienne. De
plus, souhaitons qu’il redonne au toucher comme contact et qualité de
présence la place qui lui revient dans le plan thérapeutique infirmier. La
recension des écrits permettra d’optimiser ces moments privigiés de
contactthérapeutiqueensebasantsurdesdonnéesprobantes,etce,auprès
dediversesclientèles.Pourmieuxmettreencontextel’apportspécifiquede
ladisciplineinfirmière,ilaétéjugéimportantdelecroiseravecceluid’autres
disciplines, plus particulièrement les perspectives sociohistorique et
anthropologie.
Introduction
Lorsqu’il n’est pas nié ou dévalorisé, le toucher est souvent réduit à
uneformed’évidence,nejustifiantpasencelad’êtreinterrogé.Orilnesuffit
pasdetoucherpourrencontrerl’autre:enportantlamainsurlecorpsen
vuedeleguérir,lesoignantpasseoutredeuxtabousquinesontpassans
nourrir des réactions défensives: celui de l’intimité (du contact avec la
nudité physique autant qu’avec la vulnérabilité du patient) et celui de la
fréquentationquotidiennedelasouffranceetpossiblementdelamort.
1. Regardsociohistoriquesurletoucher
La question du toucher reste, en Occident, indissociable de celle du
corps. Marqué, pendant des siècles, du signe du soupçon, boudé par une
philosophie mettant en garde contre les tromperies des sens, le corps est
l’héritierd’uneapprochedualisteprogressivementinscritedansl’histoirede
la pensée occidentale. Le langage garde pourtant dans ses expressions
courantes,latraced’uneconnivencesensibleaveclemonde:nouspouvons
«laissernotreempreinte»,«toucheruneréalitédudoigt»,«avoirlamain
heureuse», autant d’expressions indiquant combienle corps n’est pas une
surface neutre, mais toujours en résonance avec ce qui l’entoure.Or les
récits et analyses rendant compte d’un affinement de la sensorialité, et
notamment du toucher, concernent principalement d’«autres cultures»,
cultures dites traditionnelles lorsqu’elles ne sont pas «primitives».
Notamment en raison de sonassimilation traditionnelle à l’un des sensles
plus grossiers, le toucher sera ainsi historiquement relié aux tâches
domestiques,tâchesplusingratesetallouéesauxfemmes,maisilseraaussi
nimbéd’uneinquiétanteétrangeté,associéauxpersonnagesdessorcières.
4
Lesdifférentesmodalitésducontactsontaffectéesparlasingularitéde
chaqueépoque.Laproximitéintimecommelesgestesdetendresseenvers
lesenfantssontcorrélativesdudéveloppementcontemporaindelapédiatrie,
de la psychologie de l’enfant et de leur diffusion dans le grand public.A
l’inverse,audébutdusiècle,lemouvementhygiénisteproscrivaitlefaitde
toucher les petits enfants, assimilant tout contact physique à unrisque de
contamination (Watson cité par Field, 1951). Le faitde toucher son propre
corps (que ce soit par détente, à travers le bain, le massage ou d’une
manière plus sexuelle, à travers la masturbation) est loin d’avoir été une
chosecommuneetacceptée;toutel’œuvredeFreudtémoignedesinterdits
liésaufaitde«setoucher»,danslaclassebourgeoisedelafinduXIXième
siècle.
Le thème du toucher traverse l’histoire du soin et occupe dans le
domaine médical et infirmier le toucher occupe une place particulre.
Toucheraucorpspourleguérirestunepratiqueimmémoriale,présentedans
l’histoire de toutes les cultures: des papyrus attestent de son usage par
certainspharaonségyptiensdemêmequedansl’Antiquitéparlesempereurs
romains (tels Hadrien ou Vespasien). A l’instar des miracles opérés par le
Christ en touchant le corps des malades, les papes et évêques utilisaient
l’impositiondesmainscommegestedeconsécrationetdesoulagementdela
douleur.Cedondeguérisoncontinueraàêtreunapanageroyal,exercépar
lesmonarquesdeFranceetd’Angleterrejusqu’auXVIIImesiècle.
Encequiconcernelamédecine,puisquelecorpsalongtempsétémise
à distance par l’interdit religieux, la médecine trouve son fondement
scientifique dans l’audace de la dissection anatomique qui transforme le
corps en un objet d’étude et de représentation. Construit sous le regard
médicalcommeunefascinantemécaniqueàdémonter,lecorpss’offreàune
investigation de plus en plus poussée: du scalpel du chirurgien au
microscopedel’histologiste,del’enveloppedepeauauxtissusetmembranes
cellulaires, ses composants révèlent tour à tour leur mystère. Le
développementde la méthode expérimentaleconstitue donc letournantde
cetteavancéeversunemédecinescientifique.Làoùle«toucheraucorps»
de la dissection se place sous le modèle paradigmatique du rapport au
cadavre, l’expérimentation décompose l’organisme en fonctions
physiologiques et le dissocie du corps sensoriel, corps vécu par le patient
dans le mouvement de son existence. Conjointement à la réforme
hospitalière et au développement de nouvelles pratiques cliniques comme
l’auscultation, la médecine se donne au XIX ième siècle les moyens de sa
prétentionthérapeutique.
Lemondemédicalseconstruitainsipourceuxquiytravaillentcomme
une«formedistinctedelaréalité»,donnantàvoir,àtraverssonhistoireet
les différentes avancées de sa thérapeutique, différentes élaborations du
5
corps.Ilconstitueunlieuclos(dontonpeutdégagerlescaractéristiqueset
le «mode de fonctionnement») et pourtant en résonance avec d’autres
scènesdelaviesocialecommeavecsespropresarrièresplanshistoriqueset
imaginaires.
Letoucher,estdoncàlafoisungestespontanédesoin,maiségalement
unsensdontlamédecines’affranchirapouraccéderàsaformescientifique,
abandonnantprogressivementdesathérapeutiqueletoucheretlesodeurs.
Aussi,lessavoirsempiriquesissuessurtoutdecellesdesfemmessoignantes
seraremplacéparunemédecinedelavisionetdeladistanceaucorps.Le
privilègeestalorsdonnéauregard(etàsalecturedessignescliniquesdu
corps).
2. Regardanthropologiquesurletoucher
Cette section abordera le toucher selon l'intérêt du thème dans la
société actuelle et plus spécifiquement la manière dont le toucher et plus
largementlesensibleestpensédansnotreculture.
Letoucherconstituelastructurefondamentaledenotreêtreaumonde.
Touchersignifie "entrer en contact avec quelqu'un ou quelque chose, de
façon légère ou violente" (Robert). Dans le sens abstrait, "toucher"
c'est"fairenaîtredesémotions".Letoucherestundenossensetunmoyen
decommunication(lapeaunousdonnedenombreuxrenseignementssurla
température, la douleur, la texture des objets. Elle a aussi un rôle de
protectioncontrelesagressionsextérieures,commeuneenveloppequifiltre
leséchangesentrelecorpsetl’environnement(Barnard,&Brazelton,1990;
Montagu,1971,1979).Surlascènesociale,nousappartenonsauQuébecà
une culture où les contacts entre individus restent très codifiés. Si la
promiscuité est imposée par les circonstances, on évitera d’ajouter au
toucherunautretypedecontact:dansunmétrobondé,ilestfréquentde
sentirl’odeurdesonvoisin,laformed’uneépauleoud’unpied;toutregard
prolongéseraenrevanchespontanémentprohibé,afind’éviterunesituation
d’intimitédetropgrandeampleur.
Si certains lieux proscrivent le toucher, d’autres au contraire se
structurentautourdelui.Al’hôpital,chezuneesthéticienne,dansuncentre
desportoudemassothérapie,l’individus’attendàlanécessitéd’uncontact
physique,voiremêmelesollicite.Letouchermisenœuvreestalorsencadré
parun«professionnalisme»limitantleséchangestroppersonnels.D’autres
situations seront plus permissives: dans un cours de danse de couple par
exemple, les figures imposent un contact avec des zones du corps
relativementintimes(lesbras,lataille,letorse)sansquelespersonnesne
se connaissent préalablement. On remarque également dans le social une
tendanceà l’évitementdu toucherau corpspar lamédiationtechnologique
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