Cahier spécial «Les 30 ans de l’IFJS» 1986 - 2016 > 29
«Les patients qui sourent de maladies graves ont des besoins régressifs que le Toucher-massage, qui est une
communication humaine faite d’écoute et de gestes simples, aide à satisfaire. C’est un outil d’accompagnement
incontestable pour lutter contre l’angoise, le stress et la douleur du patient en n de vie». Extrait de l’article
«Le toucher et la n de vie» de Catherine Rioult, psychologue clinicienne, inrmière et formatrice consul-
tante, dans le magazine Soins (n°648 Sept. 2000).
«L’inrmière vit un contact de grande proximité
avec le corps de l’autre, dans les soins techniques
comme dans les soins d’hygiène. Du simple tou-
cher de la main, pour rassurer le patient, au massage du
pied pour détendre une personne angoissée, nombreuses
sont les occasions de pratiquer ce contact privilégié qu’est
le Toucher-massage.
Le corps objet
Face à la confrontation quotidienne avec la maladie et la
mort, l’inrmière préfère souvent se réfugier dans la tech-
nique. Elle peut considérer le malade comme un objet et
non comme un sujet.
Le corps du sujet L’enseignement des soins inrmiers re-
présente le corps sous la forme d’un modèle anatomique et
biochimique, universel et impersonnel. Les soins modernes
morcellent le corps du patient. Si les actes techniques sont
indispensables, à certains moments l’inrmière doit savoir
mettre de côté le savoir médical au prot d’une qualité de
contact avec le patient.
Le sujet du corps À côté de ce corps, objet d’enseignement
technique et scientique, existe le sujet avec lequel l’inr-
mière entre en relation. Le patient vit des sentiments expri-
més par son corps. Il peut éprouver attirance, répulsion,
amour, agressivité, haine. C’est un être sexué. Avec certains
patients en grande sourance physique ou psychique, le
contact et le regard deviennent les seuls messagers d’une
communication profonde, d’un échange de main à main,
de peau à peau.
Du rôle prescrit au rôle propre Le Toucher-massage s’ins-
crit dans le cadre du rôle propre inrmier. La dimension
curative et réparatrice des soins inrmiers est souvent pré-
pondérante, notamment dans les services aigüs, au détri-
ment des soins centrés sur le patient, de ses besoins quoti-
diens et des soins relationnels. Par son action apaisante sur
le patient, le Toucher-massages facilite par ailleurs l’applica-
tion des soins techniques intrusif.
La peur de toucher
Toucher l’autre, son corps, sa peau, sa main, n’est-ce pas
être touché? Le toucher du corps va au-delà de la peau.
Il s’adresse à toute une histoire inconsciente, il concerne
le sentiment d’exister et l’identité du sujet. Or, toucher le
patient soulève des peurs, des émotions. Face à cette peur,
certaines inrmières développent des moyens de défense en
réduisant le corps sujet à sa pathologie, pour éviter de se
poser des questions sur l’insoutenable de la maladie et de
la mort. Dans le cas inverse, l’inrmière doit faire face a
l’inconnu de l’aect de l’autre, non maîtrisable, car étran-
ger. Ses repères habituels, structuré est construit perdent de
leur vitalité.
Le toucher professionnel Les émotions ressenties de part
et d’autres peuvent favoriser l’établissement d’un lien, d’un
attachement entre l’inrmière et le patient. Parfois une
émotion peut se teintée d’une certaine érotisation, d’où
l’importance pour l’inrmière de mettre en phase un cadre
sécurisant et de xer une limite à ses gestes pour éviter toute
équivoque. Le massage et le toucher sont sensuels, ils déve-
loppent le sens tactile. La sensualité
cependant liée à une notion de plai-
sir diérente de celle de la sexualité.
Le toucher «désérotisé», profession-
nel, de l’inrmière ne conduit pas au
sexuel. Dans la relation de soins, ce
toucher professionnel permet de soi-
gner, de prendre soin.
La bonne distance Face au désir des
hommes, et surtout à l’idée qu’elle
s’en fait, une inrmière massera
plus facilement un bébé ou une
personne âgée qu’un adulte du même
âge, de sexe opposé. Il est important que
l’inrmière s’abstienne de masser si elle ne
se sent pas à l’aise. Avec l’expérience, il
lui sera toutefois possible de masser un
plus grand nombre de personnes
car elle saura gérer les
limites et mieux
se positionner en
adoptant une
attitude douce
et armée, en
rapport avec son
projet de soins».
Accompagnement en n de vie
L’inrmière préfère souvent se
réfugier dans la technique...