UNIVERSITE DE NANTES FACULTE DE MEDECINE MASTER I SCIENCES BIOLOGIQUES ET MEDICALES UNITE D’ENSEIGNEMENT OPTIONNEL MEMOIRE REALISE dans le cadre du CERTIFICAT d’ANATOMIE, d’IMAGERIE et de MORPHOGENESE 2010-2011 UNIVERSITE DE NANTES Etude radio anatomique du segment proximal de l’artère cérébrale moyenne dans le cadre de la pathologie anévrysmale Par LE BRAS Simon LABORATOIRE D’ANATOMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANTES Président du jury : Pr. R. ROBERT Vice-Président : Pr. J.M. ROGEZ Enseignants : • • • • • • • • • • • • • • • • Laboratoire : Pr. O. ARMSTRONG Pr. O. BARON Pr. G. BERRUT Pr. C. BEAUVILLAIN Pr. D. CROCHET Dr. H. DESAL Pr. B. DUPAS Dr E. FRAMPAS Dr A. HAMEL Dr O. HAMEL Pr. Y. HELOURY Pr A. KERSAINT-GILLY Pr. J. LE BORGNE Dr M.D. LECLAIR Pr. P.A. LEHUR Pr. O. RODAT S. LAGIER et Y. BLIN - Collaboration Technique 1 Remerciements, Tout d’abord à Mr. Hamel Olivier pour m’avoir suggéré ce sujet qui s’est révélé être passionnant, ainsi que pour tous ses conseils, À Mr. DESAL, pour tout le temps qu’il m’a consacré, À Messieurs LAGIER et BLIN pour leur bonne humeur, leur disponibilité et leurs conseils, À mon père, pour son soutien, et enfin à ma mère, qui risque de m’en vouloir si je ne la cite pas. 2 Plan I- Introduction…………………………………...……p. 4 II- Rappels Anatomiques………………………….pp 3-14 ABCDEF- Origine de l’ACM Trajet de l’ACM Mode de division principale de l’ACM Terminaison de l’ACM Dimension de l’ACM Branches collatérales de l’ACM III- Matériel et Méthodes……………..………….pp. 15-23 A- Patients B- Interprétations IV- Résultats…………………………………......pp. 24-33 A- À propos du tronc principal B- À propos des branches corticales précoces C- À propos des angles V- Discussion…………………………………...pp. 34-38 A- Données épidémiologiques B- À propos des résultats VI- Conclusion..………………………………………p. 39 VII- Bibliographie…………………...………...…pp. 39-40 3 I- Introduction L’artère cérébrale moyenne ou sylvienne est la plus importante des branches de terminaison de l’artère carotide interne, tant par son diamètre que par son importance fonctionnelle. En effet elle irrigue: - par des branches centrales ; une grande partie des noyaux gris centraux - par des branches corticales ; la majeure partie de la face externe des hémisphères cérébraux (lobes pariétaux, temporaux et frontaux). Elle tire son nom de sylvienne du fait que la majeure partie de son trajet se déroule dans la scissure Latérale (décrite par Sylvius), comprise entre les lobes frontaux en haut et temporaux en bas. L’artère cérébrale moyenne est un site commun de malformations vasculaires et d’anévrysmes, pour la plupart localisés dans sa partie proximale. Un anévrysme ou ectasie artérielle est une dilatation localisée de la paroi d'une artère aboutissant à la formation d'une poche de taille variable, communiquant avec l'artère au moyen d'une zone rétrécie que l'on nomme le collet. A l’aide d’images d’archives d’angio-scanner, ce travail se propose d’expliciter différentes caractéristiques anatomiques de cette artère, afin d’envisager leur participation dans la formation des anévrysmes sylviens. Pour cela nous commencerons par des rappels anatomiques concernant l’artère cérébrale moyenne. Puis nous préciserons la méthodologie appliquée pour cette étude, avant d’en présenter les résultats. Enfin, nous terminerons par une discussion sur l’implication des caractéristiques anatomiques de l’artère sylvienne dans la formation des anévrysmes de cette dernière. Nous y aborderons également l’utilité de la prise en compte de nouveaux et potentiels facteurs de risques morphologiques. Nous nous aiderons pour cela des données fournies par la littérature internationale. II- Rappels Anatomiques (d’après [1] et [2]) Nous considérerons pour la suite de cette étude les abréviations suivantes : - ACA pour Artère Cérébrale Antérieure - ACM pour Artère Cérébrale Moyenne - ACP pour Artère Cérébrale Postérieure - ACI pour Artère Carotide Interne 4 ACA Avant Artère Communicante antérieure Droite Processus clinoïde antérieur Chiasma Optique ACM ACI Selle Turcique Artère Choroïdienne antérieure Artère Communicante Postérieure ACP Artère Basilaire Schéma 1 : Vue Supérieure du cercle artériel de cerveau ou polygone de Willis 5 Haut Gauche Corps Calleux Scissure Centrale ACA Espace Perforé Antérieur Lobe de l’Insula ACM Nerf Optique ACI Schéma 2 : Vue Antéro-Latérale de l’ACM Gauche, lobe frontal relevé 6 Haut Gauche Corps Calleux Sommet de la fissure latérale Ventricules latéraux Lobe de l’Insula Tête Noyau Caudé Noyau Lenticulaire OFP OT Artères lenticulostriées Scissure Latérale ACA ACI Genou : M1 OFP Branche corticale précoce : M2 = Opercule Fronto-Pariétal : M3 OT : M4 = Opercule Temporal Schéma 3 : Coupe Transversale de l’hémisphère Droit montrant le parcours de l’ACM 7 Haut Arrière A. centrale ou rolandique A. pariétale ascendante A. frontale ascendante A. orbitofrontale A. pariétale postérieure A. du pli courbe Scissure Latérale Artères temporales ANT/MOY/POST Schéma 4 : Vue latérale des branches corticales de l’ACM 8 A- Origine de l’ACM (Schémas 1 et 2) L’ACM participe à la formation du polygone de Willis. Il s’agit d’un système anastomotique de la base du crâne d’une importance considérable puisqu’il donne naissance à toutes les artères assurant la vascularisation du cerveau. Il repose sur 4 piliers vasculaires : - les 2 artères vertébrales, naissant à la face supérieure de l’artère subclavière. Elles pénètrent dans le canal transversaire à partir du foramen transverse de la 6ème ou 5ème vertèbre cervicale (C6 ou C5). Elles atteignent le cerveau par le foramen occipital, puis elles se rejoignent et fusionnent en avant du tronc cérébral en une unique artère basilaire ; - les 2 artères carotides internes (ACI). Elles sont issues de la division terminale des artères carotides communes en artères carotides externes et artères carotides internes. Les ACI pénètrent en intracrânien par le canal carotidien. Elles décrivent ensuite un trajet sinueux ou « siphon carotidien ». Elles donnent alors l’artère communicante postérieure et l’artère choroïdienne antérieure. Enfin, les ACI se divisent en deux artères terminales : l’ACA et l’ACM. On peut ainsi considérer le polygone de Willis en 2 segments : - l’un antérieur, carotidien, formé par les 2 artères cérébrales antérieures (ACA), réunies par l’artère communicante antérieure. - L’autre postérieur, vertébral, formé par les 2 artères cérébrales postérieures (ACP), issues de la division de l’artère basilaire. Ces 2 segments sont anastomosés par les artères communicantes postérieures, qui vont de la face postérieure de l’ACI à la face antérieure de l’ACP. Les artères communicantes postérieures réalisent un trajet oblique en arrière et en dedans, en sous croisant les bandelettes optiques, rétrochiasmatiques (cf. Schéma 1). L’ACM naît donc de la division terminale de l’ACI, depuis sa face externe. Elle est située latéralement au chiasma optique. C’est la plus grosse des deux branches terminales de l’ACI : à son origine, l’ACM fait presque 2 fois le diamètre de l’ACA. Elle constitue ainsi le véritable prolongement de l’ACI, tant par son calibre que par sa direction. 9 On peut voir, sur les Schémas 1 et 2 l’ACI qui donne ses quatre dernières branches, à savoir : - l’artère choroïdienne antérieure - l’artère communicante postérieure - l’artère cérébrale antérieure, dirigée en avant et en dedans, qui surcroise le nerf optique, pré-chiasmatique. Elles sont réunies par l’artère communicante antérieure - l’artère cérébrale moyenne L’espace perforé antérieur (Schéma 2) est limité par les racines olfactives externe et interne, situées en arrière du bulbe olfactif. C’est par là que passeront les branches centrales de l’ACM, à destinée des noyaux gris centraux. L’ACM pénètre dans la vallée sylvienne, située entre le lobe frontal en haut et temporal en bas. Au cours de ce trajet inter-hémisphérique, elle va sous croiser le lobe de l’Insula (Schéma 2) par une courbe concave vers le haut : cette incurvation est appelée le genou de l’ACM. Elle ressort de la vallée sylvienne par le pli de passage temporo-pariétal. B- Trajet de l’ACM (Schéma 3) 1) Définitions L’ACM est divisée en quatre segments : - M1 = segment basal, horizontal ou transversal - M2= segment insulaire - M3= segment operculaire - M4= segment cortical De plus, on distingue: - un segment proximal de l’ACM = M1 + M2 - un segment distal de l’ACM = M3 + M4 On définit aussi la division principale de l’ACM comme sa première division, séparant le tronc principal ou primaire en amont des troncs secondaires en aval. Cette division principale est très variable : - dans son niveau ; elle se fait généralement aux environs du genou de l’ACM. Cependant, il n’est pas rare qu’elle survienne après ou avant le genou. - dans son mode ; elle se fait généralement sous forme de bifurcation, mais nous verrons plus loin qu’il ne s’agit que d’un des nombreux modes de division de l’ACM. 10 2) Segment transversal M1 Ce premier segment s’étend de la naissance de l’ACM jusqu’à son genou, c’est-à-dire quand l’artère sous-croise le lobe de l’insula faisant saillie dans la vallée sylvienne. Selon le niveau où se fait la division principale, M1 comprendra tout ou partie du tronc principal. Ainsi : - si la division principale se fait comme dans la majorité des cas aux environs du genou, le segment M1 correspondra peu ou prou à la totalité du tronc principal. - si la division principale survient après le genou, M1 correspondra à la partie proximale du tronc principal. - Si la division principale se fait avant le genou, M1 correspondra à la totalité du tronc principal ainsi qu’à la partie proximale des troncs secondaires. 3) Segment insulaire M2 M2 débute au genou de l’ACM et se termine au sommet de la fissure sylvienne. Il a un trajet vertical. Il peut comprendre la partie distale du tronc principal lorsque la division principale n’a pas encore eu lieu. Il tient son nom du fait qu’il longe le lobe de l’Insula, sur sa partie latérale. 4) Segment operculaire M3 Ce segment débute donc au sommet de la fissure sylvienne et s’étend vers le dehors, en s’horizontalisant au fur et à mesure. Il se finit au niveau de l’extrémité externe de la fissure latérale de Sylvius, ou pli de passage temporopariétal. Il tient son nom du fait qu’il passe à proximité des opercules frontopariétal et temporal. Ces opercules recouvrent le lobe de l’Insula. Le segment M3 passe ainsi l’opercule fronto-pariétal en haut et l’opercule temporal en bas. 5) Segment cortical M4 Il correspond à l’ensemble des branches corticales qui s’épanouissent à la surface des hémisphères cérébraux. Dans cette étude radio anatomique, nous nous concentrerons uniquement sur le segment proximal de l’ACM, à savoir les segments M1 et M2. 11 C- Mode de division principal de l’ACM Ceci est une caractéristique anatomique majeure de l’ACM. Comme nous l’avons déjà expliqué plus haut, la division principale va séparer le tronc principal sylvien, en amont, des troncs secondaires, en aval. Ces derniers sont plus ou moins nombreux selon le mode de division de l’ACM. On observe 4 principaux modèles de division : - monopodique quand la division principale n’a pas lieu, observé dans 15% des cas - dipodique ou bifurqué, quand le tronc principal se divise en deux troncs secondaires, observé dans 75% des cas - tripodique ou trifurqué, quand le tronc principal se divise en trois troncs secondaires, observé dans 10% des cas - tétrapodique ou quadrifurqué, quand le tronc principal se divise en quatre troncs secondaires, observé dans 1% à 4 % des cas Remarque : Pour le mode monopodique, on ne peut bien sûr pas parler de troncs secondaires en raison de l’absence de division principale véritable… Cette division principale est donc très variable dans son mode, mais se fait dans la majorité des cas de façon dipodique. Elle est également variable dans son niveau, mais survient le plus souvent aux environs du genou c’est-à-dire au niveau de la fin du segment M1. D- Terminaison de l’ACM Après avoir émergée à la face externe du cerveau, l’ACM se termine en donnant sa dernière branche corticale : l’artère du pli courbe ou artère angulaire (cf. Schéma 4). E- Dimensions de l’ACM Le calibre de l’ACM à sa naissance est de 4 mm de diamètre, soit presque le double du diamètre de l’artère cérébrale antérieure ; c’est la plus grosse de toutes les artères du cerveau. Elle fait de 10 à 12 cm de longueur. 12 F- Branches collatérales Il faut retenir que les branches corticales naissent plus tardivement que les branches centrales. Globalement les branches corticales naissent sur les segments M2, M3, ou directement M4, alors que les branches centrales naissent sur M1. 1) Branches corticales (Schéma 4) Classiquement 10 à 12 branches corticales sont décrites. Elles naissent seules ou en partageant un tronc commun avec une ou plusieurs autres branches corticales proches. Leur distribution au cortex est fixe et constante. En revanche le niveau de leurs naissances est plus variable. Elles naissent pour la plupart des segments M2, M3, ou M4. Cependant elles peuvent naître aussi du segment M1, on parle alors de branches corticales précoces (BCP). C’est par exemple le cas d’une des branches dessinées sur le Schéma 3. Attention, elle a été représentée en rouge car même si elle naît sur le segment M1, elle appartient au segment M4 car elle est à destinée corticale. Lorsqu’elles naissent au-delà du genou, il s’agit de branches corticales tardives, qu’on désignera sous le terme de collatérales. 2) Branches centrales (Schéma 3) Les branches centrales sont également appelées artères lenticulo-striées ou artères striées latérales. Ces branches sont à destinée des noyaux gris centraux, qu’elles rejoignent en passant au travers de l’espace perforé antérieur (cf. Schéma 2). Elles naissent, pour la plupart, du segment M1, à sa face supérieure, du tronc principal ou des troncs secondaires. Cependant, certaines naissent également depuis les branches corticales précoces (BCP). 13 Pour terminer ces rappels nous mettons ci-dessous ci dessous un cliché pris lors des travaux de dissection (Photographie A). Avant ACA ACI Gauche ACM Artères Lenticulostriées BCP Artère Choroïdienne Antérieure ACP Artère Basilaire Artère Communicante Postérieure Artère Vertébrale Photographie A : Vue inférieure du cercle artériel du cerveau Remarque : Pour our l’ACM Gauche, il semble qu’après la naissance d’une BCP, le tronc principal bifurque en deux troncs secondaires. secondaires Pour l’ACM Droite,, il y a également une BCP. Cependant on peut hésiter entre un mode trifurqué ou monopodique… 14 III- Matériel et Méthodes Les photographies issues des dissections seront désignées à l’aide de lettres (A, B…) tandis que les photos issues de l’imagerie seront numérotées (1, 2…). A- Dissection Une dissection a été réalisée sur un sujet masculin, non porteur d’anévrysme, après injection des vaisseaux par voie carotidienne (80cc de latex et 12cc d’acide éthanoïque, de chaque côté). Nous utiliserons les résultats de cette dissection afin d’illustrer de façon plus anatomique les différents paramètres étudiés lors de l’étude radio-anatomique du segment proximal de l’ACM. B- Patients (Tableau 1) Deux groupes (Témoin et Cas) ont été rétrospectivement analysés et comparés (Tableau 1), créés à partir de données d’archives d’angio-scanner du service de Neuroradiologie Interventionnelle de l’hôpital Laënnec à SaintHerblain (Loire-Atlantique) : - dans le groupe Témoin, les patients n’étaient pas et n’avaient jamais été porteurs d’anévrysmes sur l’ACM. Cependant ils n’étaient pas indemnes de la pathologie anévrysmale, puisque porteurs d’anévrysmes traités ou non sur l’ACA ; - dans le groupe Cas, tous les patients étaient ou avaient été porteurs d’un ou plusieurs anévrysmes sur l’ACM. Lorsqu’une ACM était traitée chirurgicalement, il était alors impossible de l’analyser du fait de la présence d’artefacts sur les images d’angio-scanner. Ainsi, lorsque les patients avaient été traités de façon bilatérale car porteurs d’anévrysmes sylviens sur leurs deux artères, ils étaient exclus du fait que l’interprétation était rendue impossible pour chacune de leurs ACM. Cependant le traitement chirurgical des anévrysmes sylviens n’était pas un critère strict d’exclusion : par exemple, un patient porteur d’un anévrysme sylvien Droit traité, et dont l’ACM Gauche (porteuse d’anévrysme ou non) restait analysable était inclus en conséquence (cf. Photo 1). 15 Anévrysme Sylvien Droit traité Arrière ACM Gauche analysable Gauche Artéfact Photographie 1 : Vue supérieure du polygone de Willis chez un patient du groupe Cas Sur la Photographie graphie 1, on peut voir chez un patient du groupe Cas qu’un anévrysme sylvien Droit à été traité chirurgicalement. La présence d’artefact rendait alors impossible l’analyse de cette artère. En revanche, l’ACM Gauche était encore analysable, e, le patient a donc été inclus (et ceci indépendamment ndépendamment du fait qu’il ait été également porteur d’un anévrysme sylvien Gauche). Gauche Au total 67 patients ont été inclus (36 témoins et 31 cas). Le groupe Témoin moin présentait une moyenne d’âge de 50,8 ans +/+/ 13,4 (de 26 à 82 ans). Le groupe Cas présentait une moyenne d’âge de 47,3 ans +/- 11,6 (de 21 à 70 ans). Tableau 1 Témoin Sexe Cas ACM étudiées ACM étudiées Homme 14 28 15 26 Femme 22 44 16 26 Total 36 72 31 52 Tableau 1 : Individus inclus et ACM étudiées étudié : dans ans le groupe Cas, le traitement chirurgical urgical d’anévrysme rendait non-interprétable non interprétable l’ACM l’ concernée. Cependant, l’ACM controlatérale,, si elle restait interprétable, interprétable était analysée,, et cela qu’elle soit porteuse d’anévrysme ou non. Ceci rend compte mpte du nombre d’ACM étudiées étudié dans ce groupe, qui n’est pas égal au nombre réel d’ACM. 16 C- Interprétation Pour chaque patient il a été analysé différentes caractéristiques de l’ACM : 1) Tronc principal (Photos B, 2 et 3) ngueur du tronc principal a) Longueur La longueur du tronc principal a été mesurée mesurée de l’origine de l’ACM – au niveau de la division terminale de l’artère carotide interne (ACI) – jusqu’à sa division principale. En rapport avec la littérature [5, 15], cette mesure du tronc principal a été divisée selon trois sous groupes : >Tronc principal court lorsqu’il mesurait entre 3 et 12 mm >Tronc principal moyen lorsqu’il mesurait entre 13 et 21 mm >Tronc Tronc principal long lorsqu’il mesurait plus de 22 mm b) Mode ode de division du tronc principal : monopodique, dipodique, tripodique ou quadripodique. Ainsi, une division survenant : > Entre 3 et 12 mm était considérée comme précoce > Entre 13 et 21 mm était considérée comme moyenne > Au-delà delà de 22 mm était considérée comme tardive Haut Gauche Longueur du tronc Principal Bifurcation Photographie B : Vue inférieure inféri du tronc et de la division principale de l’ACM Gauche 17 Haut Trifurcation moyenne Dehors Tronc principal Genou ACA Photographie 2 : Vue Antérieure d’une trifurcation moyenne d’une ACM Gauche Haut Bifurcation précoce Dehors Troncs Secondaires Tronc principal ACI Genou Antéro d’unee bifurcation précoce d’une ACM Photographie 3 : Vue Antéro-Médiale Gauche 18 2) Branches corticales précoces (Photographies C, 4 et 5) Ces branches ne sont que d’un intérêt récent lorsque l’on se fie à la littérature internationale [11, 12]. On les définira comme des branches à destinée corticale nées au niveau du segment M1, courant parallèlement au tronc principal. Elles naissent de façon générale depuis la face inférieure de M1, sans en changer la direction. Enfin, elles sont généralement de plus petit diamètre que M1. Les BCP n’étaient pas toujours présentes, autrement dit la présence des BCP n’est pas une caractéristique anatomique systématique des ACM. Lorsqu’elles étaient retrouvées, elles pouvaient être seules ou non (1, 2 ou 3). Il a donc été pris en compte : a) Leur présence ou leur absence b) Leur nombre total c) La distance de leur naissance, mesurée depuis l’origine de l’ACM, c’est-à-dire depuis la division terminale de l’ACI Haut ACA Dedans BCP Distance de naissance d’une BCP Photographie C : Vue inférieure d’une ACM Droite 19 Haut Bifurcation tardive Troncs Secondaires Dehors ACI BCP Photographie 4 : Vue Antéro-Latérale Antéro Latérale d’une bifurcation tardive d’une ACM Gauche Haut Collatérales Dehors Genou Distances de naissance de 2 BCP BCP Antéro d’une ne ACM monopodique Gauche G Photographie 5 : Vue Antéro-Médiale 20 3) Angles des divisions (Photographies D, 6, 7, 8 et 9) Tous les anévrysmes observés dans le groupe Cas étaient localisés à l’apex d’une division, qu’il s’agisse d’une bifurcation, d’une trifurcation, ou d’une division entre le segment M1 et une BCP. En conséquence, après avoir rapporté la localisation des anévrysmes (a), nous nous sommes intéressés aux angles des divisions, que nous avons décidé de mesurer (b). Les angles des divisions étaient appréhendés de façon différente selon le groupe Témoin ou le groupe Cas : - dans le groupe Témoin il a été mesuré tous les angles des bifurcations dites « témoins », c’est-à-dire toutes les bifurcations observées chez les patients du groupe Témoin (Photographies D, 6). - dans le groupe Cas, il a été mesuré les angles des bifurcations « saines », c’est-à-dire toutes les bifurcations qui étaient retrouvées indemnes d’anévrysmes (Photographie 7). Puis il a été mesuré les angles de toutes les divisions anévrysmales, c’està-dire toutes les divisions où se trouvait un anévrysme, que ce soit à l’apex d’une bifurcation, d’un trifurcation ou d’une division entre le segment M1 et une BCP (Photographies 7, 8 et 9). Haut Dehors Bifurcation témoin Photographie D : Vue inférieure d’une bifurcation « témoin » d’une ACM Gauche chez un patient témoin 21 Bifurcation témoin Haut Dehors Photographie 6 : Vue Antérieure d’une bifurcation « témoin » d’une ACM Gauche Arrière Bifurcation « saine » Division Anévrysmale Gauche ACI Anévrysme ACA Photographie graphie 7 : Vue Supérieure du polygone de Willis 22 Division Anévrysmale Haut Dedans Photographie 8 : Vue Postérieure d’une division anévrysmale à l’apex d’une division d’une trifurcation sur une ACM Gauche Arrière Dedans Division Anévrysmale Photographie 9 : Vue Supérieure d’une division anévrysmale à l’apex d’une bifurcation d’une ACM Droite 23 IV- Résultats A- À propos du tronc principal (Tableaux 2, 3, 3bis et Figure 1) a) La longueur moyenne du tronc principal (Tableau 2) Elle a été établie à partir des mesures de la longueur des troncs principaux, prise de la naissance de l’ACM jusqu’à sa division. Les moyennes obtenues ne portent donc que sur les bifurcations et les trifurcations observées, et non sur le mode monopodique. Dans le groupe Témoin, il a été comptabilisé 55 bifurcations et 6 trifurcations, soit 61 mesures de longueur de tronc principal. Dans le groupe Cas, il a été comptabilisé 41 bifurcations et 4 trifurcations, soit 45 mesures de longueur de tronc principal. Aucune quadrifurcation n’a été retrouvée. Tableau 2 Longueur moyenne du tronc principal (en mm) ACM témoins ACM cas Gauche 20,6 +/- 10,0 16,7 +/- 6,2 Droite 20,9 +/- 10,3 18,7 +/- 7,1 Total 20,7 +/- 10,1 17,6 +/- 6,7 Tableau 2 : Longueur moyenne du tronc principal : moyennes obtenues d’après les 61 longueurs mesurées chez les témoins (55 bifurcations et 6 trifurcations), et sur les 45 longueurs mesurées chez les cas (41 bifurcations et 4 trifurcations). = significatif versus groupe Témoin Par l’application du théorème central limite, et à l’aide de la table de la loi normale centrée réduite, un test statistique paramétrique et unilatéral a été utilisé afin de comparer les longueurs moyennes totales (Gauche et Droite) entre le groupe Témoin et le groupe Cas. Il a été mis en évidence une supériorité statistiquement significative de la longueur moyenne totale du tronc principal chez le groupe Témoin vis-à-vis du groupe Cas, avec un risque α de 5%. 24 b) Le mode de division du tronc principal (Tableau 3, 3bis, et Figure 1) Ils ont été obtenus à partir des 72 ACM étudiées dans le groupe Témoin, et des 52 ACM étudiées dans le groupe Cas (cf. Tableau 1). Les bifurcations et les trifurcations ont été subdivisées en trois selon la longueur du tronc principal, en accord avec les données obtenues dans la littérature [5, 15] : - Précoce entre 3 et 12 mm - Moyenne entre 13 et 21 mm - Tardive au-delà de 22 mm Au cours de cette étude, aucune trifurcation précoce ni aucune quadrifurcation n’ont été retrouvées. Les résultats sont présentés sous forme de nombres (Tableau 3), de pourcentages (Tableau 3bis), puis sous forme d’histogramme (Figure 1). Tableau 3 Mode De division Du tronc principal ACM témoins Nombre Monopodique Précoce Bifurcation Moyenne Tardive ACM cas Nombre 11 7 14 20 10 55 19 21 12 3 3 41 Précoce Trifurcation Moyenne Tardive 6 3 Total 72 Tableau 3 : Mode de division principale 4 1 52 25 Tableau 3bis Mode de division du tronc principal ACM témoins ACM cas Pourcentage Monopodique Bifurcation Précoce Moyenne Tardive Pourcentage 15,2% 19,4% 13,5% 19,2% 27,8% 76,4% 78,8 % 36,5% 29,2% 23,1% 4,2% 5,8% Précoce Trifurcation Moyenne Tardive 7,7 % 8,4% 4,2% 1,9% Total 100% 100% Tableau 3 bis : Mode de division principale Figure 1 Mode de division principale 90 80 70 Pourcentage 60 50 Témoins Cas 40 30 20 10 0 Monopodique Dipodique Tripodique Mode de division 26 Par l’application du théorème central limite, et à l’aide de la table de la loi normale centrée réduite, un test statistique paramétrique et bilatéral a été utilisé afin de comparer les pourcentages des bifurcations observées entre le groupe Témoin et le groupe Cas. Il n’a pas été mis en évidence de différence statistiquement significative du mode dipodique entre le groupe Cas et le groupe Témoin. Il a été fait de même pour comparer la fréquence des modes monopodique et tripodique entre le groupe Témoin et le groupe Cas. Là encore aucune différence n’a été trouvée dans les deux cas. B- À propos des branches corticales précoces (Tableaux 4, 5 et 6) a) La présence ou l’absence des BCP (Tableau 4). Dans le groupe Témoin, les BCP n’ont pas été retrouvées dans 30 cas sur 72. Dans le groupe Cas, les BCP n’ont pas été retrouvées dans 21 cas sur 52. Les résultats sont présentés dans le Tableau 4 sous forme de nombres et de pourcentages respectifs. Tableau 4 ACM Témoins ACM Cas BCP Nombre Pourcentage Nombre Pourcentage Absente 30 41,7% 21 40,4% Présente 42 58,3% 31 59,6% Total 72 100% 52 100% Tableau 4 : Présence ou non des BCP Par l’application du théorème central limite, et à l’aide de la table de la loi normale centrée réduite, un test statistique paramétrique et bilatéral a été utilisé afin de comparer les pourcentages de présence de BCP observées entre le groupe Témoin et le groupe Cas. Il n’a pas été mis en évidence de différence statistiquement significative entre le groupe Cas et groupe Témoin. 27 b) Nombre de BCP (Tableau 5) Lorsque les BCP étaient présentes, elles étaient seules ou plusieurs à être retrouvées au niveau du segment M1. Les résultats du Tableau 5 sont donc présentés en conséquence, selon que une, deux, ou trois BCP était observée(s). Au total 56 BCP ont été retrouvées dans le groupe Témoin, tandis que 41 ont été retrouvées dans le groupe Cas. Tableau 5 BCP Une BCP Nombre Deux BCP Trois BCP Total ACM témoins ACM cas 31 22 11 8 1 1 31 + 11x2 + 1x3 = 56 22 + 8x2 + 1x3 = 41 Tableau 5 : Nombre total de BCP observé 28 c) Distance moyenne de naissance des BCP Elle a été établie à partir des mesures des distances entre la naissance de l’ACM et la naissance des BCP sur M1. Cette distance moyenne à été calculée pour toutes les BCP, soit en tout 56 mesures pour les 56 BCP retrouvées dans le groupe Témoin et 41 mesures pour les 41 BCP retrouvées dans le groupe Cas. Les BCP ont été retrouvées en moyenne à 13,3 mm du début de l’ACM dans le groupe Témoin, alors qu’elles ont été retrouvées en moyenne à 11, 4 mm du début de l’ACM dans le groupe Cas. Les résultats de ces mesures sont résumés dans le Tableau 6 Tableau 6 ACM témoins ACM cas 13,2 +/- 3,9 11,6 +/- 3,6 Droite 13,4 +/- 4,3 11,1 + /- 4,7 Total 13,3 +/- 4,1 11,4 +/- 4,2 Distance moyenne de naissance des BCP (en mm) Gauche Tableau 6 : Distance moyenne de naissance des BCP : moyennes obtenues à partir des 56 longueurs mesurées chez les patients du groupe Témoin et des 41 longueurs mesurées chez les patients du groupe Cas. = significatif versus Témoin Par l’application du théorème central limite, et à l’aide de la table de la loi normale centrée réduite, un test statistique paramétrique et unilatéral a été utilisé afin de comparer les distances moyennes totales (Gauche et Droite) entre le groupe Témoin et le groupe Cas. Il a été mis en évidence une supériorité statistiquement significative de la distance moyenne totale de naissance des BCP chez le groupe Témoin vis-à-vis du groupe Cas, avec un risque α de 5%. 29 D- À propos des angles (Tableaux 7 et 8, Figures 1 et 2) a) Localisation des anévrysmes sylviens La localisation des anévrysmes sylviens retrouvés au sein du groupe Cas a tout d’abord été rapportée (Tableau 7). La totalité des anévrysmes retrouvés était située à l’apex d’une division. Ceci explique le choix de la mesure de ces angles. Au total 28 divisions anévrysmales ont été analysées, les résultats sont résumés dans le Tableau 7. Tableau 7 Localisation des divisons anévrysmales Apex d’une collatérale Apex d’une BCP Apex d’une bifurcation Apex d’une trifurcation Gauche 0 5 11 1 Droite 0 3 7 1 8 soit 28,6% 18 soit 64,3% Total sur 28 divisions anévrysmales 0 2 soit 7,1% Tableau 7 : Localisation des divisions anévrysmales b) Mesures des angles Par la suite, chaque angle des divisions anévrysmales a été mesuré, et cela quel que soit le type de division : bifurcation, trifurcation ou au niveau de la division entre le segment M1 et une BCP. Cela représente 28 mesures en tout (cf. Tableau 7). Dans le but de réaliser une comparaison, la mesure des angles des bifurcations « saines » et des bifurcations « témoins » a également été réalisée, en raison de la prédominance du mode de division dipodique (cf. Tableau 3) : - les bifurcations « saines » désignent les bifurcations retrouvées dans le groupe Cas mais indemnes de tout anévrysme, soit 23 mesures en tout ; - les bifurcations « témoins » désignent les bifurcations du groupe Témoin, soit 55 mesures en tout. 30 Les résultats de ces mesures d’angles sont résumés dans le Tableau 8 et les Figures 1 et 2. Tableau 8 Angles moyens (en degrés) Témoin Angle moyen des 55 bifurcation « témoins » Cas Angle moyen des 23 bifurcations « saines » Angle moyen des 28 divisions anévrysmales Gauche 94,3° +/- 28,6 94,7° +/- 20,6 133,6° +/- 23,4 Droite 93,0° +/- 22,3 89,6° +/- 18,1 137,7° +/- 16,9 Total 93,7° +/- 25,8 92,3° +/- 19,6 135,2° +/- 21,2 Tableau 8 : Angles moyens : moyennes obtenues à partir des 55 bifurcations « témoins », des 23 bifurcations « saines » et des 28 divisions anévrysmales. = significatif versus bifurcations « témoins » et bifurcations « saines » Ce total est une valeur moyenne qu’on désignera sous le terme d’angle moyen (93,7° pour les bifurcations « témoins » ; 92,3° pour les bifurcations « saines » ; 135,2° pour les divisions anévrysmales). Ce sont ces trois valeurs moyennes que l’on a décidé de comparer les unes aux autres. Ce sont également ces valeurs d’angles moyens qui sont représentées dans la Figure 3. 31 Figure 2 200,0 Angles moyens 180,0 160,0 Angles (en degrés) 140,0 120,0 100,0 80,0 60,0 Témoins: 55 bifurcations témoins 40,0 Cas: 23 bifurcations saines 20,0 Cas: 28 bifurcations anévrysmales Individus 0,0 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 53 55 Figure 3 Angles moyens 180,0 Témoins: bifurcations témoins =93,7° 160,0 Cas: bifurcations saines =92,3° 140,0 Cas: divisions anévrysmales =135,2° 120,0 100,0 80,0 60,0 40,0 20,0 0,0 1 = significatif versus bifurcations « témoins » et bifurcations « saines » 32 Trois tests statistiques paramétriques avec un risque α de 5%, ont étés utilisés afin de comparer respectivement : 1) l’angle moyen des bifurcations « témoins » avec l’angle moyen des bifurcations « saines », par un test de Student bilatéral à 76 ddl (degré de liberté) ; 2) l’angle moyen des bifurcations « témoins » et l’angle moyen des divisions anévrysmales, par un test de Student unilatéral à 81 ddl ; 3) l’angle moyen des bifurcations « saines » et l’angle moyen des divisions anévrysmales, par un test de Student unilatéral à 49 ddl ; Dans le 1er cas il n’a pas été retrouvé de différence entre l’angle moyen des bifurcations « témoins » et l’angle moyen des bifurcations « saines ». Dans le 2ème cas il a été retrouvé une supériorité statistiquement significative entre l’angle moyen des divisons anévrysmales et l’angle moyen des bifurcations « témoins ». Dans le 3ème cas il a été retrouvé une supériorité statistiquement significative entre l’angle moyen des divisions anévrysmales et l’angle moyen des bifurcations « saines ». 33 V- Discussion L’étude de l’artère sylvienne n’est pas un fait nouveau. Son étude anatomique est véritablement inaugurée par H. Duret, dans son étude Recherches anatomiques sur la circulation de l'encéphale, en 1874. Depuis, les travaux sur cette artère et le polygone de Willis en général se sont multipliés, notamment grâce au développement des procédés d’imagerie, permettant ainsi la comparaison des résultats. A- Données épidémiologiques 1) Prévalence La prévalence des anévrysmes intracrâniens (AIC) est d’environ 2,3% [9]. Cette prévalence moyenne peut varier fortement selon les facteurs de risques (FDR). Les anévrysmes de l’ACM représentent la deuxième localisation des AIC (derrière ceux de l’ACI), soit environ 30% des AIC [9]. 2) Risque et intervalle de rupture Le risque de rupture global par an est d’environ 1,9 % [9], tandis que l’intervalle entre la formation de l’AIC et sa rupture est estimé à environ 41 semaines [8]. Les anévrysmes de l’ACM ont un risque de rupture identique à celui des anévrysmes de l’ACA, soit beaucoup plus faibles que celui des anévrysmes de la circulation postérieure du polygone de Willis (Risque Relatif x 4,1) [9]. 3) Facteurs de risque De nombreux FDR sont suspectés, mais la façon qu’a chacun d’entre eux d’agir en faveur de la formation d’AIC est le plus souvent méconnue. Certains FDR, de susceptibilité, peuvent augmenter la prévalence d’AIC [7, 9]: - antécédents personnels et/ou familiaux - le sexe féminin - l’âge - tabac - les pathologies sous-jacentes (athérosclérose, hypertension artérielle, polykystose rénale familiale autosomique dominante…) Certains FDR peuvent augmenter le risque de rupture [4, 7, 9] : - liés aux caractéristiques des patients (sexe féminin, âge…) - liés surtout aux caractéristiques des anévrysmes (taille, site…) 34 B- À propos des résultats Si l’on résume les résultats « positifs » de cette étude, c’est-à-dire les résultats divergents entre le groupe Témoin et le groupe Cas, nous avons montré que les patients du groupe Cas avaient, par rapport à ceux du groupe Témoin : - des troncs principaux plus courts ; - des BCP, non pas plus nombreuses, mais qui naissaient plus tôt sur le segment M1 ; - des angles de division plus obtus ou ouverts. 1) Données anatomiques Par rapport à la littérature, cette étude retrouve des résultats similaires, tant dans le mode de division du tronc principal que dans sa longueur moyenne [5, 13, 14, 15]. Si la prépondérance du mode dipodique n’est plus à démontrer, la classification des différents modes reste très variable, c’est notamment le cas de certaines études comptabilisant un modèle supplémentaire dit de « divisions successives » [5]. Aucune quadrifurcation de l’ACM n’a par ailleurs été retrouvée, ce qui peut s’expliquer par sa relative rareté : ce mode de division n’est en effet retrouvé que dans environ 1 à 4% des cas [13, 15]. L’analyse des BCP est plus récente [11, 12, 15], celles-ci sont en conséquence encore mal définies. Cependant il semble que leur rôle dans la pathologie anévrysmale soit de plus en plus envisagé [11, 12]. Les différentes études qui se sont intéressées aux BCP permettent néanmoins de considérer les résultats de notre étude quant à leur présence comme vraisemblables [15]. La mesure des angles de division est étonnamment peu rapportée dans la littérature [3, 6], ce qui n’a pas permis de comparaison avec les valeurs trouvées au cours de cette étude. Cependant ce travail met en évidence la différence significative observée entre les divisions pathologiques et celles indemnes d’anévrysmes, ce qui là encore paraît vraisemblable [3, 6, 15]. 2) Conséquences fonctionnelles Au regard du nombre d’anévrysmes développés à l’apex des divisions de naissance des BCP, il semble qu’elles représentent un FDR vis-à-vis du développement d’AIC, notamment lorsque l’on compare ce nombre à celui des anévrysmes observés au niveau des branches collatérales – nées après le genou de l’ACM – qui est nul. Ceci est en accord avec la littérature [12]. 35 Tous les anévrysmes retrouvés étaient localisés à l’apex d’une division.. En relation avec les résultats des mesures d’angles des divisions anévrysmales, on imagine l’importance que le flux sanguin peut avoir dans la formation des AIC à ce niveau. niveau C’est là que les études hémodynamiques prennent le relais sur les études morphologiques [3, 6, 15] et permettent d’expliquer en partie par la physiopathologie encore mal connue de la formation AIC. La mesure des angles révèle une autre tendance intéressante : les différences observées avec les divisions anévrysmales le sont pour les bifurcations « témoins » et pour les bifurcations « saines ».. Il en ressort donc que dans le groupe Cas, et plus largement chez les porteurs d’anévrysmes, l’architecture du polygone de Willis n’est pas entièrement différente des individus sains, mais qu’il s’agit bien d’une modification locale de l’architecture vasculaire. 3) Réflexion Concernant les es valeurs d’angles supérieures retrouvées au niveau des divisions anévrysmales, on peut envisager la possibilité qu’il s’agisse non pas de la cause, mais peut-être peut de la conséquence du développement d’un anévrysme à leurs sommets. En effet, certains tains anévrysmes sont parfois de taille conséquente, et il est possible qu’ils puissent exercer une certaine force sur les vaisseaux,, se rendant euxmêmes responsables, au moins en partie, parti de l’augmentation ion de l’angle de division (Photographie 10). Haut Division Anévrysmale Dedans Anévrysme +++ Genou ACA Photographie 10 : Vue Postérieure d’une ACM Gauche d’un patient du groupe Cas 36 Les AIC ne sont pas présents à la naissance des individus tels qu’ils sont observés de façon courante à l’imagerie. Ils apparaissent progressivement. Ils s’accentuent avec le temps, ce qui au regard de ce simple fait permet de comprendre que les AIC sont le résultat d’une agression, d’un stress (ou de plusieurs!) que les vaisseaux ont subis pendant une longue période. En envisageant les FDR connus (voir plus haut), ont imagine bien l’action chronique et néfaste qu’ils peuvent avoir sur les parois des vaisseaux : le tabagisme chronique, l’hypertension artérielle, l’exposition hormonale chez les femmes… Notre étude, en s’intéressant aux caractéristiques anatomiques du segment proximal de l’ACM, ne fait pas référence à ces FDR… mais plutôt au FDR hémodynamique. C’est sur ce dernier qu’une certaine morphologie de l’ACM plutôt qu’une autre aura potentiellement un retentissement sur les stress hémodynamiques que l’artère sylvienne subira. Parmi ces stress, il en est un bien connu et plus étudié que les autres : le Shear Stress (SS) [3, 6, 10]. Les AIC se forment à l’apex des divisions car c’est là que le SS est maximal. Pourtant, toutes les divisions artérielles ne portent pas d’anévrysmes de façon systématique. Pourquoi ? D’après Ingebrigsten T et. al [3], le SS sera suffisamment fort à l’apex pour entraîner un AIC s’il vient frapper un division « qui dérive d’une géométrie optimale ». Dans ce cas il se développera en réponse une ectasie à l’apex de la division. Notre étude montre les différences anatomiques qu’il existe entre les ACM des patients touchés par un anévrysme, et les ACM de patients indemnes. En se référant aux données de la littérature, on peut donc envisager que : - un tronc principal court - une naissance de BCP trop précocement sur le segment M1 - un angle de division trop obtus soient tous les trois des caractéristiques anatomiques déviant d’une géométrie optimale, et donc tous à l’origine d’une augmentation du SS au niveau de l’ACM. Ils représenteraient tous les trois des FDR morphologiques vis-à-vis du développement d’AIC. Quel(s) intérêt(s) pourrait alors revêtir une connaissance de ces FDR morphologiques ? S’ils se révèlent exacts, ils pourraient par exemple améliorer le suivi d’un patient en prévention tertiaire. Ainsi, imaginons une patiente : Madame X qui a comme antécédent un anévrysme sylvien Droit. L’étude de la morphologie de son polygone révèle sur son ACM Gauche un tronc principal court et une bifurcation > à 130°. Au regard des ces deux FDR morphologiques il lui est proposé un suivi plus rigoureux (tous les 6 mois, 1an, 2 ans…). A l’inverse, Monsieur Y n’ayant aucun de ces FDR morphologiques, bénéficie d’un suivi plus léger (tous les 5ans, 10 ans…). 37 4) Critiques Méthodologiques Certains paramètres méthodologiques auront pu biaiser nos résultats. Parmi eux, il faut parler du manque de méthodes suffisamment standardisées. Ainsi, les mesures réalisées à l’aide des outils informatiques du logiciel d’analyse (longueurs, mesures) n’étaient qu’approximatives. Ensuite, il faut reconnaître la difficulté du choix du mode de division principale. De nombreux cas de figure étaient litigieux, et certains auront pu être mal classés. Cependant la concordance de nos résultats avec les données fournies par la littérature permet de les considérer comme vraisemblables. Il faut également parler d’un possible biais de sélection. Lors de la réalisation des groupes, nous avons expliqué que le groupe Témoin avait été constitué à partir du critère de l’absence d’anévrysmes sylviens. Cependant nous avons aussi expliqué qu’ils étaient tous, ou avaient tous été porteurs d’anévrysmes sur l’ACA. Il faut donc envisager qu’ils avaient des caractéristiques anatomiques ou fonctionnelles (d’hémodynamiques notamment !) particulières. En ce cas il y a un doute quant à leur prétendue représentativité d’une population saine. On peut citer également le caractère subjectif de l’examinateur (ainsi que son manque d’expérience !). Tous cela associé au fait que l’angio-scanner, examen d’imagerie performant, ne permet néanmoins qu’une reconstruction de la réalité, il est important de considérer nos résultats avec toute la réserve qu’ils imposent. 38 VI- Conclusion Au regard des données épidémiologiques, il s’avère que les AIC représentent un réel problème de santé publique. Leurs ruptures sont souvent dramatiques, la morbi-mortalité résultant d’une hémorragie sub-arachnoïdienne (HSA) étant d’environ 60% [4]. Pour la prévention tertiaire des anévrysmes de l’ACM, la connaissance des FDR de susceptibilité (tabac, HTA…) est un indice trop mince pour suspecter le développement d’un AIC à moyen ou à long terme [16]. La prise en compte de particularités vasculaires, comme la présence de troncs principaux trop courts, d’angles des divisions trop obtus, ou encore de branches corticales précoces trop proches de l’origine de l’ACM, en tant que FDR morphologiques permettrait alors de faciliter la conduite à tenir dans la prise en charge préventive de nouveaux anévrysmes sylvien, voire plus généralement dans la prise en charge de tous les anévrysmes intracrâniens… VII- Bibliographie [1] Osborn AG, Diagnostic Cerebral Angiography 2nd edition. Editions Lippincott Williams and Wilkins 1999. Chapter 7, the Middle Cerebral Artery, pp. 135-151 [2] Perlemuter L, Waligora J, Cahiers d’Anatomie 4ème édition, tome 1 système nerveux central. Editions Masson 1980. 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