BILAN DE LA PARTICIPATION FRANCAISE AU PROGRAMME DE FORAGE OCÉANIQUE IODP (2003 – 2013) Mars 2012 Rapport préparé par le bureau IODP-France : Bénédicte Abily, Anne-Marie Cousin et Georges Ceuleneer. Avec la contribution de : Jean-Luc Bérenguer, Gilbert Camoin, Marianne Conin, Pierre Deschamps, Christian FranceLanord, Hélène Guenet, Pierre Henry, Arnauld Heuret, Benoît Ildefonse, Paul Le Campion, Anne Le Friant, Johanna Lofi, Boris Marcaillou, Catherine Mével, Marina Rabineau, Olivier Rouxel. « Au loin, brillante encor par sa barre d’écume, La mer sans fin commence où la terre finit. » (Soleil Couchant, José M. de Hérédia, 1893) « Now the drillers know what they are drilling to find out: to read the world’s history as you would read the rings of a tree and in an area undisturbed for millions of years. » (John Steinbeck, Life, 1961) Avertissement Ce document est une version provisoire du rapport sur la participation française au programme international IODP (Integrated Ocean Drilling Program). Elle a été préparée en vue de la tenue des Journées Scientifiques IODP-France qui se dérouleront les 10 et 11 avril 2012 au Siège de l’INSU-CNRS et à l’IPGP. La phase « IODP » du programme de forage scientifique océanique a débuté le premier octobre 2003 et se terminera le 30 septembre 2013. Les nombreuses statistiques que contient ce rapport sont donc en constante évolution et ne reflètent que partiellement l’ampleur de l’effort consenti par la France et par la communauté internationale pour mener à bien cette action d’envergure. En particulier, le « staffing » des expéditions à venir n’est pas encore totalement arrêté et de nombreuses publications sont en cours de gestation. Nous prévoyons de diffuser deux versions ultérieures de ce rapport. La première fera suite aux journées scientifiques d’avril et intégrera un bilan des nombreuses discussions et débats qui ne manqueront pas de ponctuer cet événement. Elle sera également augmentée des résultats des expéditions en cours ou programmées dans un avenir très proche, et de statistiques actualisées. Une version finale du rapport sera publiée fin 2013. Nous remercions les nombreuses personnes, dont la liste est détaillée en deuxième de couverture, qui ont contribué à la rédaction des chapitres scientifiques de ce rapport (Partie II) ainsi que Catherine Mével pour sa contribution et sa lecture critique du bilan (Partie I). Merci à Patricia Maruejol qui a pris en charge la mise sur clef USB des nombreux documents qui seront distribués au cours des journées parisiennes. Lydie Guillerot fut d’une aide précieuse dans l’organisation de cette manifestation et Christiane Grappin a assuré les opérations de communication avec la presse. Le CNES nous a offert l’accès à ses services d’édition. Un grand merci enfin à Benoit Ildefonse, pour le temps qu’il nous consacra et les conseils qu’il nous prodigua lors de la migration du bureau de Montpellier vers Toulouse début 2011. Grâce au dévouement de nombreux personnels du GET, nous avons pu assurer la continuité de service auprès de la communauté IODP-France durant cette période délicate. Toulouse, le 27 mars 2012 Le bureau IODP-France Table des Matières Préambule 3 Première partie 11 I. Spécificité de la phase IODP 11 II. La France dans ECORD : fonctionnement et partenaires 14 III. Budget et mode de financement d’ECORD 17 IV. La force d’ECORD et le rôle moteur de la France : un atout pour l’avenir 19 V. Les Expéditions de la période IODP 20 1. Mode de sélection des projets et des équipes embarquées 20 2. Les Expéditions de la phase IODP : un bref aperçu 23 VI. Bilan de la participation française 29 1. Participation annuelle de la France lors des différentes phases du programme 29 2. Origine géographique des embarquants français de 1968 à 2013 31 3. Publications françaises sur les données DSDP/ODP/IODP entre 2003 et 2012 35 4. Thématiques des expéditions, des publications et des scientifiques pendant la phase IODP 5. Spécialités et statuts des embarquants français lors des expéditions IODP, et travaux post-campagnes 6. Budget du bureau IODP-France 39 42 45 Seconde partie 47 I. Résultats majeurs des Expéditions du programme IODP 47 1. La Zone Sismogène 47 2. Volcanisme et glissement de terrain 55 3. La Veine d’Eau Méditerranéenne (Mediterranean Outflow) 58 4. Diagenèse carbonatée des sédiments océaniques riches en méthane et hydrates de gaz ~1~ 60 5. Processus Microbiens à North Pond (22°46’N, Flanc Ouest de la Ride MédioAtlantique) : Initiation d’un observatoire sous-marin à long-terme couplant microbiologie, géochimie et hydrologie 62 6. Les variations du niveau marin 65 7. Formation de la croûte océanique profonde aux dorsales océaniques 72 II. Quelques projets à forte participation française pour le prochain décennal 1. Le MoHole – Voyage vers le manteau terrestre 2. Enregistrement Néogène et Paléogène récent de l’orogenèse Himalayenne et du 78 79 climat : un transect à travers le cône du Bengale 83 3. Forages profonds méditerranéens – Le projet GOLD 86 Lexique des abréviations 91 Annexes 95 ~2~ Préambule « Nous ne pouvons pénétrer dans l’écorce de la terre, et les plus grandes cavités, les mines les plus profondes, ne descendent pas à la huit millième partie de son diamètre. Nous ne pouvons donc juger que de la couche extérieure et presque superficielle ; l’intérieur de la masse nous est entièrement inconnu. A peine pouvons-nous former quelques conjectures raisonnables. » Buffon (1749) Les savants des Lumières eussent été, sans nul doute, de fervents adeptes des forages. Le projet MOHOLE, l’ancêtre commun d’IODP et des programmes qui l’ont précédé (ODP et DSDP), est né, il y a plus d’un demi-siècle, de cette même et irrépressible quête des profondeurs qui titille notre imaginaire collectif depuis l’aube de l’humanité. L’ambition du MOHOLE était de creuser un puits, non pas jusqu’au cœur de notre planète ! , mais au moins à travers son épiderme, l’écorce terrestre, là où elle est la plus mince, dans les océans, afin d’entrapercevoir « l’intérieur de la masse », d’atteindre ce que nous appelons, aujourd’hui, le « manteau ». Ambition d’apparence assez modeste, somme toute. Faisant appel au bon sens de ses lecteurs, voici ce qu’écrivit John Steinbeck dans un reportage dédié au MOHOLE publié en avril 1961dans le magazine Life : « If we can seriously plan and design stations in space and on the moon, we are surely capable of mining a few thousand feet under water. The engineering problems are far simpler. ». Ambition, démesurée, pourtant : malgré quelques essais prometteurs, le projet MOHOLE fut interrompu avant d’aboutir si bien que la nature de la croûte profonde océanique et de la discontinuité croûte/manteau (le « Moho ») restent parmi les secrets les mieux gardés de notre planète. Espoir toujours vivace pourtant : les progrès technologiques aidant, MOHOLE renaît de ses cendres et, il ne fait guère de doute qu’il sera un jour couronné de succès. Un jour prochain peut-être. Oserait-on annoncer « Avant la fin de cette décennie » ? Forer jusqu’au Moho reste, en tous cas, un projet mis en exergue dans le New Science Plan d’IODP. Il n’est pas le seul, loin de là ! Les méthodes indirectes d’auscultation de la terre, telles le magnétisme, la sismologie et la gravimétrie ont permis de nous forger une image que l’on peut espérer assez juste de la structure interne de notre planète. Grâce à elles, nous pouvons, littéralement, imaginer que le manteau terrestre est constitué de roches denses, comme les péridotites, capables de fluer et de fondre. Avancées extraordinaires, certes, sans elles nous en serions toujours au stade des « conjectures raisonnables », mais tenir dans ses mains un échantillon de ces roches profondes, pouvoir l’observer sous toutes ses facettes et percer les moindres secrets de sa texture et de sa composition est une aventure d’une toute autre dimension. Rien ne remplacera jamais l’observation directe, le contact avec le réel qui nous permet, toujours, de préciser la nature des choses, nous amène, souvent, à corriger les erreurs d’interprétation des signaux géophysiques, et nous conduit, parfois, à découvrir (au sens propre du terme) ce qui défiait l’imaginaire. Les exemples sont légion ! Nous en détaillerons quelques-uns au gré de ce rapport. Le puits le plus profond jamais foré atteint la cote –12,262 m. Les marins n’y sont pour rien ! Ce record est à mettre au crédit des géologues et ingénieurs continentaux et d’une volonté politique, celle de l’ex-URSS qui voulut ajouter cet exploit technologique à son palmarès. Il fut percé au niveau de la péninsule de Kola, en Scandinavie, dans une zone stable ~3~ (un « craton ») où la croûte terrestre est froide, très épaisse (une cinquantaine de kilomètres) et … où il ne se passe plus grand-chose sur le plan géologique, il faut bien l’avouer ! Forer sous les océans, dans les secteurs les plus actifs de notre planète, est beaucoup plus enthousiasmant mais infiniment plus ardu. Par exemple, pas moins de sept expéditions, soit environ quatorze mois d’opérations en mer, furent nécessaires pour atteindre la profondeur record de 2,111 m sous le plancher océanique au niveau du puits 504B foré sous une tranche d’eau de 3,457 m, non loin d’un centre d’expansion de l’océan Pacifique. Pour atteindre le Moho ou les grandes failles sismogéniques, il faudra être capable de percer des puits au moins trois fois plus profonds. Le tout récent navire de forage Chikyu, équipé d’un système de recirculation des boues là où ses grands frères, le Glomar Challenger et le Joides Resolution foraient « à nu », est taillé pour ce genre d’exploits. Il ne reste plus qu’à identifier les sites idéaux, ou du moins consensuels, et … d’y aller ! Glomar Challenger 1968 - 1983 Chikyu 2007 - 2012 Joides Resolution 1985 - 2012 Navires de forage utilisés lors des programmes de forages océaniques DSDP, ODP et IODP. L’arrêt du premier projet MOHOLE n’a pas refroidi l’ardeur des géologues marins. En effet, « Le métier de marin pousse ceux qui le professent à vouloir connaître les secrets de ce monde », comme écrivit si justement Christophe Colomb dans son Livres des Prophéties. Et les roches sous-marines sont une clef essentielle pour qui veut comprendre notre planète : quels processus physiques et chimiques en font un astre animé, capable de bâtir des montagnes, d’ouvrir des océans, d’ériger des volcans, de se différencier, de concentrer les richesses minérales, de s’envelopper d’une hydrosphère et d’une atmosphère, d’abriter voire de créer la vie ? C’est cette conviction et cet appel de la mer qui ont motivé la relance, dès 1968, d’un programme de forage océanique scientifique sous une forme très différente du projet MOHOLE. L’objectif, un peu obsessionnel, de forer le puits le plus profond possible, passa au second plan. Le forage fut remis à sa juste place, celle d’un outil parmi d’autres contribuant à résoudre des questions scientifiques de toute première actualité. Encore une fois, il s’agissait de préciser, de corriger, et, peut-être, de découvrir... Les porteurs de ce qui fut baptisé le Deep Sea Drilling Project, avaient un modèle à tester : celui de la tectonique des plaques. Il fallait atteindre et forer, sous des épaisseurs plus ou moins grandes de sédiments, les premiers mètres du socle basaltique. Un objectif qui restait technologiquement difficile, mais parfaitement réaliste. L’outil s’avéra adapté à la question et on put ainsi vérifier, dans les premières années de vie de DSDP, que l’âge des basaltes et des sédiments qui les coiffent croît en s’éloignant des dorsales, offrant une superbe illustration du pouvoir prédictif de la toute récente théorie de l’expansion des fonds océaniques. On se mit également à étudier systématiquement les sédiments pélagiques qui se sont révélés de merveilleuses archives du climat, de la tectonique - océanique et continentale ainsi que des circulations océaniques anciennes, pour les 200 derniers millions d’années d’histoire de la planète. De plus, nul besoin n’était de s’échiner à faire des carottages très ~4~ profonds pour répondre à certaines questions essentielles dans ces domaines. Charles Darwin lui-même adressait dès 1881 cette lettre prémonitoire à l’un de ses collègues : « Je souhaite qu’un richissime millionnaire se mette dans la tête de faire des forages dans quelque atoll du Pacifique ou de l’océan Indien, et de ramener pour examen des carottes de 500 à 600 pieds de profondeur ». Darwin aurait pu, lui aussi, contribuer à la rédaction du New Science Plan d’IODP où les récifs coralliens et l’étude des changements du niveau marin occupent une place d’honneur ! Carotte de coraux fossiles récupérée lors de l’expédition IODP 310, Tahiti Sea Level (moitiés « working » et « archive »). Scientific Drilling, vol.5. Nous sommes les héritiers directs de ces époques pionnières. Notre mission est de concrétiser les rêves des anciens et d’imaginer de nouveaux défis que nos étudiants relèveront à leur tour. En effet, la magie et la force de notre programme de forage océanique, dont la phase actuelle (IODP) se termine bientôt et passera le relais au décennal 2013-2023, résident en partie dans cette extraordinaire longévité, exemple rare, si pas unique, de programme commun à plusieurs générations de chercheurs. Le forage de Kola n’a pas survécu à la chute du régime politique qui le soutenait. D’autres programmes bien plus ambitieux, et pourtant couronnés de succès comme le fut Apollo ont eu une vie étrangement courte. La réussite ne serait-elle pas le seul gage de survie pour un programme scientifique ? Elle est, certes, une condition nécessaire mais pourquoi n’est-elle pas suffisante ? La question est pertinente mais la réponse est complexe, et n’est certainement pas unique. Nous pouvons toutefois proposer quelques pistes de réflexion. Elles nous aideront à comprendre pourquoi, paraphrasant James Hutton, « nous ne voyons pas de prospective d’une fin » aux programmes de forages océaniques. Tout d’abord, nous venons de voir que la course aux records n’a jamais été l’objectif de DSDP et de ses versions successives. Les questions scientifiques et elles seules guident, depuis 1968, la programmation des campagnes. Ces questions émanent de l’ensemble de la communauté : tout le monde peut soumettre un projet, toute idée est bienvenue et sera considérée, d’où qu’elle émane, à charge aux pairs, réunis en comités d’évaluation scientifiques et techniques, de juger de sa pertinence et de sa faisabilité. La conduite et les orientations du programme se font donc selon un mode purement « bottom up ». Ensuite, la compétition internationale a toujours été totalement étrangère à l’esprit du programme. Dès 1968, DSDP, fonctionnant à l’époque entièrement sur fonds américains, conviait de nombreux étrangers à embarquer à bord du Glomar Challenger. Le mode de ~5~ financement est devenu international en 1975 et ce fut l’occasion de réunir sous un même drapeau, celui d’IPOD (International Program for Ocean Drilling), des nations situées de chaque côté du rideau de fer. En pleine guerre froide, les exemples sont rares d’un si bel humanisme, d’une telle volonté de coopérer dans le cadre d’un programme qui, s’intéressant à l’ensemble des mers du monde, pouvait pourtant être perçu comme une entorse à la géostratégie ! L’esprit de compétition était sous-jacent à MOHOLE, non pas au projet scientifique lui-même, mais à la façon dont il a été récupéré par le pouvoir politique. Au-delà des difficultés techniques, et donc du coût, c’est peut-être ce qui lui fut fatal. Le message de félicitation adressé le 14 avril 1961 à la National Academy of Science par le président John F. Kennedy portait d’ailleurs en lui les germes de la fin du projet : les Etats-Unis avaient réussi à réaliser un exploit, non pas en atteignant le Moho mais en réussissant vaille que vaille le premier forage en eau profonde. Les politiciens considéraient donc que leur objectif était en partie atteint avec cette « première ». Cela apparaît en filigrane dans les termes du message : « I have been following with deep interest the experimental drilling in connection with the first phase of project MOHOLE. (…) The people of the United States can take pride not only in the accomplishment but in the fact that they have supported this basic scientific exploration. ». C’est donc bien l’honneur de la nation, avant tout, qu’il s’agissait de mettre en exergue ! De la même façon, le programme de missions habitées vers la Lune a perdu sa motivation essentielle le jour où une des grandes puissances a, grâce à Apollo, « gagné la partie ». Les scientifiques eussent pu espérer que le programme se prolonge. Avec l’embarquement du premier « spatio-géologue » sur Apollo 17, la science semblait reprendre ses droits. Les missions Apollo 18 et 19 étaient programmées mais, comme l’on sait, les fusées sont restées clouées au sol. Les politiques avaient décidé de courir d’autres lièvres. Quel drame pour la science ! Fort heureusement, les missions spatiales d’exploration de la Terre, des planètes et de l’univers se font, aujourd’hui, pour la plupart, selon le même mode de fonctionnement bottom up et dans le même esprit de coopération internationale qui cimente la communauté IODP et qui est, en quelque sorte, son âme. Un autre de nos atouts majeurs réside dans la diversité des objectifs scientifiques et dans la pluridisciplinarité des équipes embarquées et des équipes « à terre » qui englobent virtuellement l’ensemble des géosciences, bien au-delà des seules géosciences marines. A ce titre, pour la période actuelle, IODP, et, a fortiori, pour le prochain décennal (cf. le New Science Plan), on peut même parler d’une diversification accrue des objectifs et des moyens. Les problématiques sont toujours « aux frontières » de la connaissance mais aux questions devenues classiques, bien que toujours vivaces, de géologie structurale, de pétrologie, de sédimentologie, etc…, sont venus s’ajouter des objectifs tout aussi fondamentaux mais plus explicitement chevillés aux grandes questions de société telles la prévention des risques naturels (sismogéniques et tsunamigéniques), la compréhension des changements climatiques et ses relations avec le cycle du carbone, la détermination et la prédiction à plus ou moins court terme de l’évolution du niveau marin, sans oublier l’étude du mode de formation des ressources minérales et des sources renouvelables d’hydrocarbures. Les études fondamentales d’aujourd’hui seront les guides des prospections de demain. De plus, les projets à l’interface entre biologie et géologie, s’attachant à comprendre l’origine de la vie sur terre et, rejoignant par certains aspects les recherches en exobiologie, ont fait leur apparition assez récemment dans notre paysage. Enfin, mais cela est moins nouveau, les spécialistes de la diagraphie (« logging ») embarquant sur IODP, les techniciens en charge des instruments de mesures hydrogéologiques installés sur les puits après les opérations de forage (les « CORKs ») et les foreurs eux-mêmes sont à la pointe de la recherche technologique, les solutions qu’ils imaginent et mettent en œuvre venant ensemencer la R&D des industries pétrolières et géothermiques. Avec les CORKs et autres instruments « fonds de mer », le programme de ~6~ forage s’inscrit de plus en plus dans une démarche de type observatoire permanent, permettant d’obtenir de longues séries temporelles de mesures hydrologiques, géophysiques et géochimiques (cf. réseaux de surveillance NEPTUNE Canada et DONET). Bulles d’hydrogène et de méthane produites par l’interaction entre l’eau et les roches du manteau terrestre, allant de pair avec des processus de carbonatation et donc de piégeage du CO2 (les précipités blancs). Ces phénomènes, que l’on observe rarement à terre (ici dans l’ophiolite d’Oman), se sont révélés particulièrement actifs en milieu sous-marin, au niveau des centres d’expansion océanique et des zones de subduction. Leur étude est un des objectifs phares du New Science Plan d’IODP. Un autre point à mettre au crédit de notre programme est une gestion sans faille de ce patrimoine unique que constituent les centaines de kilomètres de carottes prélevées dans tous les océans du monde. Elles sont stockées dans plusieurs carothèques aux Etats-Unis, en Europe et au Japon et sont accessibles à l’ensemble de la communauté internationale après une courte période moratoire (un an) durant laquelle les scientifiques de la mission y ont seuls accès. Tout le monde peut soumettre une demande pour échantillonner la moitié « working » des carottes, la moitié « archive » étant préservée pour des examens non destructifs (sauf demandes de dérogations bien argumentées). De la même façon, toutes les données physicochimiques, acquises à bord sur ces échantillons, ainsi que les données de diagraphie, sont rassemblées dans des bases de données publiques et accessibles, gratuitement, en quelques clics. Il est très difficile de quantifier précisément le nombre d’études s’étant appuyées sur du matériel DSDP, OPD ou IODP, mais le chiffre est considérable. Beaucoup de nos collègues ignorent d’ailleurs que telle ou telle courbe de référence, ensemble de données, voire concept, qu’ils utilisent au quotidien est un produit direct ou dérivé des programmes de forages océaniques ! Une spécificité structurelle de la phase IODP (depuis 2003) est la création du consortium européen ECORD réunissant dix-sept pays d’Europe et auxquels s’est joint le Canada. La France a joué un rôle moteur dans cette initiative ce qui lui a valu d’être choisie par ses partenaires pour assurer l’administration du consortium. A ce titre, la France est le porte-parole de dix-huit nations auprès des deux autres grands partenaires d’IODP que sont les Etats-Unis et le Japon. Cette organisation est un atout majeur car elle permet aux pays européens pour qui il aurait été difficile de contribuer à IODP en tant que partenaires isolés de rejoindre le programme. Elle permet aussi aux Européens de jouer un rôle de premier plan en tant qu’opérateur de plate-forme. L’histoire récente a, de plus, montré qu’ECORD pouvait avoir un rôle stabilisant pour l’ensemble du programme, lorsque quelques tiraillements entre grands partenaires risquaient de faire trembler l’édifice. ~7~ Bleu foncé - Nations membres du consortium ECORD : France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Suède, Ireland, Finlande, Danemark, Suisse, Pays-Bas, Portugal, Belgique, Autriche, Norvège, Italie, Pologne, Islande, Canada. Bleu clair - Nations membres d’IODP (hors ECORD) : Etats-Unis (NSF), Japon (MEXT), Chine (MOST), Inde (MoES), Corée (KIGAM), Australie et Nouvelle Zélande (ANZIC). Durant la phase IODP, nous avons également assisté à une diversification des moyens à la mer indispensable pour aborder les nouveaux objectifs scientifiques de la communauté internationale. Le Japon a mis à la disposition du programme un nouveau navire foreur, le Chikyu, équipé d’un système de re-circulation de boues (« Riser Drilling »), indispensable, on l’a vu, pour envisager certaines opérations technologiquement ardues comme la traversée de la zone sismogénique, du Moho, ou des couches salifères comme celles du Messinien. ECORD a développé et mis en œuvre le concept des plates-formes de forage dites « spécifiques » (les MSPs) dans le but de répondre à certains objectifs inaccessibles au Joides Resolution et au Chikyu, ces derniers ne pouvant forer ni en eaux peu profondes (au niveau des récifs coralliens, entre autres) ni sous les glaces de l’océan Arctique. Les données acquises dans ces environnements sont indispensables pour améliorer la compréhension et la modélisation de l’évolution globale du climat et des circulations océaniques. DP Hunter I/B Vidar Viking Plates-formes spécifiques (MSPs) opérés par ECORD et utilisées lors des expéditions IODP 302, 310, 313 et 325. ~8~ Cette analyse ne serait pas complète si l’on n’évoquait un dernier point : les programmes de forages perdurent aussi parce qu’ils sont une source de vocation pour les jeunes. Certains de nos étudiants se sont orientés vers les Sciences de la Terre le jour où ils ont assisté à une conférence ou lu des ouvrages dédiés aux forages océaniques. Conscient de ce devoir de formation et de motivation de la jeunesse (parmi laquelle on trouve les scientifiques, les responsables de programmes et les directeurs d’Instituts de demain), IODP organise des écoles thématiques pour les enseignants de collèges et lycées, et organise leur embarquement sur certaines campagnes (opérations « Teacher at Sea » et « School of Rock »). Des visioconférences mettent régulièrement en contact les écoles et les scientifiques embarqués. Depuis 2008, ECORD organise également chaque année plusieurs écoles d’été pour les jeunes chercheurs. Ajoutons à cela les très nombreuses initiatives individuelles, spontanées et généreuses : quel embarquant sur une campagne n’a pas, dès son retour à terre, participé à des conférences grand public, alimenté des forums sur internet, répondu à des demandes de participation à des « forums des métiers » ou autres animations pédagogiques ? Par ailleurs, les enseignants chercheurs sont unanimes pour dire que leur façon d’enseigner leur discipline a profondément bénéficié de leur expérience en mer. Et la France dans tout ça, nous direz-vous ? C’est, bien entendu, la question centrale abordée dans ce rapport. Les chapitres suivants, contiennent une description factuelle de l’implication de notre communauté nationale dans IODP et de sa contribution aux percées scientifiques majeures du programme. Le bilan est, pour la France, plus que positif, mais loin de nous la tentation de sombrer dans le narcissisme hexagonal, l’histoire nous a montré les dangers d’une telle attitude ! On peut affirmer que le « retour sur investissement » est excellent pour la France, bien que ce type de formule ne soit pas vraiment adapté à l’évaluation de la recherche fondamentale. Le rôle d’un grand programme comme IODP est de mettre en place et de maintenir un contexte général favorable à l’émergence de nouvelles découvertes dont l’importance et les retombées ne sont le plus souvent perceptibles, et donc évaluables, que sur le long, voire le très long terme. Il nous paraît donc important, pour conclure ce préambule, de souligner que le programme IODP, ses prédécesseurs et ses successeurs ont, à travers leurs réalisations et leur mode de fonctionnement, valeur d’exemple pour la communauté scientifique internationale. L’humanité est confrontée, en ce début de XXIe siècle, à des défis sociétaux majeurs. Les forages océaniques peuvent et doivent contribuer à relever certains d’entre eux, touchant à l’évolution climatique, aux problèmes environnementaux, à la prévention des risques naturels, et à la recherche de ressources renouvelables,... Déployer les moyens nécessaires pour ce faire est difficilement envisageable pour une seule nation. Ce n’est d’ailleurs pas souhaitable, car ces questions concernent la Terre dans sa globalité, et nous devons donc les résoudre en commun. Nous espérons que ces pages vous convaincront que le monde a besoin d’IODP, étant déjà rendus à l’évidence qu’IODP ne peut se passer d’ECORD, ni ECORD de la France. Toulouse, mars 2012 ~9~ ~ 10 ~ Première partie I. Spécificité de la phase IODP Les chercheurs en Sciences de la Terre savent pour la plupart qu’« ODP » signifie « Ocean Drilling Program ». Beaucoup ignorent, par contre, la signification du « I » qui est venu enrichir cet acronyme pour la phase actuelle du programme (1er octobre 2003 au 30 septembre 2013). « I » évoque naturellement « International ». Il faut pourtant comprendre « Integrated ». Ce qualificatif a été rajouté à ODP pour mettre l’accent sur une des spécificités majeures d’IODP : la multiplication des moyens à la mer, en d’autres termes la mise en opération de plusieurs plates-formes, là où du temps de DSDP et d’ODP un seul navire réalisait l’ensemble des campagnes de forage. Pour compliquer les choses, IODP restera l’acronyme de la prochaine phase du programme (2013 -2023), mais le « I » signifiera bien, cette fois, « International ». Cela aura le mérite d’être plus conforme à l’intuition… Mais attention : le « D » du nouvel acronyme ne voudra plus dire « Drilling » mais « Discovery », les rédacteurs du New Science Plan ayant préféré insister sur l’objectif plutôt que sur l’outil. Cela traduit également le fait que le forage n’a plus une très bonne image auprès du public (et donc les politiques rechignent à l’afficher), ce qui est assez injuste lorsque cette méfiance s’adresse aux forages scientifiques, inoffensifs pour l’environnement, bien au contraire puisque ce moyen d’exploration de notre planète contribuera à résoudre certains problèmes environnementaux. Les chapitres qui suivent font le bilan de la phase en cours, de l’Integrated Ocean Drilling Program, donc, et, de façon moins détaillée, des phases qui l’ont précédé. Les projets du futur International Ocean Discovery Program apparaissent toutefois en filigrane tout au long de ce rapport. En effet, malgré l’évolution et surtout la diversification des objectifs scientifiques, c’est la continuité plutôt que la rupture qui caractérise le passage d’une phase à l’autre : les missions programmées dans les premières années d’IODP furent d’ailleurs évaluées et préparées au cours de la phase ODP, et nous évaluons actuellement les projets qui seront retenus pour une programmation durant le prochain décennal IODP. Le Joides Resolution tiens toujours bon la vague (il a été complètement rénové en 2007-2008) et est resté le navire le plus actif durant le décennal IODP en cours. C’est un navire conventionnel, contracté à l’année par la NSF (National Science Foundation) à une compagnie commerciale. Le Joides Resolution ne peut pas forer des fonds marins situés à très faibles profondeurs (inférieures à la centaine de mètres) mais il n’existe théoriquement aucune limite d’opération vers les plus grands fonds (fig. 1). Il embarque dans ses soutes une dizaine de km de train de tige et a foré avec succès par des fonds atteignant 6000 m. ~ 11 ~ Fig. 1 : Les différents systèmes de forage des trois plates-formes du programme Integrated Ocean Drilling Program et leurs limitations techniques relatives en termes de profondeur de pénétration de la tranche d’eau et du plancher océanique. Comme nous l’avons vu, la flotte de forage scientifique s’est enrichie il y a quelques années du Chikyu (fig. 2a). La construction du Chikyu (budget de ~800 M$) a été financée par le Gouvernement Japonais (MEXT). Ce navire représente un saut technologique majeur par rapport au Joides Resolution. Ce gigantesque navire supporte un derrick de 70 m équipé d’un système de re-circulation de boues (« riser drilling ») qui facilite les opérations de forage dans des formations instables (fig. 1 et 2b). Il permet d’envisager le forage de puits qui devraient pouvoir atteindre des profondeurs de 6 à 7 km sous le plancher océanique. a) b) Fig. 2 : a) Le navire foreur Chikyu naviguant dans les eaux japonaises aux pieds du Mont Fuji. b) Détail de la nouvelle technologie « riser drilling » du Chikyu. ~ 12 ~ Le riser a une longueur maximum de 2500 m, son poids étant le facteur limitant, ce qui constitue une sérieuse limitation dans le choix des sites qui ne doivent pas dépasser 2500 de profondeur d’eau (seulement un quart environ de la surface de l’océan mondial) (fig. 1). Le Chikyu a commencé à forer pour IODP en 2007. L’objectif prioritaire de ce navire au cours de cette phase est d’atteindre, d’étudier et d’instrumenter la zone sismogénique de la fosse de Nankai au large de l’archipel du Japon, afin de progresser dans notre compréhension des mécanismes de déclenchement des tremblements de terre (Expéditions NanTroSEIZE). Percer des puits très profonds requiert des mois voire des années de forage et le Chikyu n’a jusqu’à présent pas quitté les eaux japonaises. Les opérateurs japonais se sont engagés à faire naviguer le Chikyu dans d’autres eaux durant le prochain décennal, afin de mettre ce navire à la disposition de quelques autres projets phares de l’International Ocean Discovery Program mis en avant dans le New Science Plan. La France est fortement impliquée dans le projet NantroSEIZE : 15 scientifiques français dont deux co-chefs de missions (Pierre Henry et Siegfried Lallemant) ont embarqué à bord du Chikyu lors des différentes phases de ce projet. La phase IODP a également vu la mise en œuvre de plates-formes dites « spécifiques » (MSP pour Mission-Specific Platforms), contractées au coup par coup dans le secteur commercial pour forer dans les zones non accessibles aux deux autres navires. Opérées par ECORD, elles ont permis de forer sous la banquise (Expédition 302, Arctic Coring EXpedition), dans des récifs coralliens submergés (Expédition 310, Tahiti Sea Level et Expédition 325, Great Barrier Reef Environmental Changes) et au niveau des plateaux continentaux (Expédition 313, New Jersey Shallow Shelf, ainsi que la future Expédition 347, Baltic Sea Paleoenvironment) (fig. 1). Par rapport aux missions effectuées sur le Joides Resolution ou le Chikyu, des adaptations ont été nécessaires. Les navires contractés sont généralement assez petits et ne sont pas équipés de laboratoires. Seule une fraction de l’équipe scientifique embarque pour assurer le bon déroulement de l’expédition et effectuer les mesures des propriétés éphémères sur les carottes. Toute l’équipe scientifique se retrouve ensuite à la carothèque de Brême pour décrire les carottes et effectuer toutes les mesures standards (« The Onshore Science Party »). La communauté française est fortement impliquée dans ces expéditions d’un nouveau genre puisque qu’elles ont drainé 24% des embarquants français. Deux de ces expéditions (310 et 313) ont été dirigées par des co-chefs de mission français (Gilbert Camoin et Jean Noël Proust respectivement) et plusieurs ingénieurs logging français (Florence Einaudi et Gilles Henry pour l’expédition 310 et Simon Barry, Vanessa Hébert, Gérard Lods et Denis Neyens pour l’expédition 313) appartenant à l’équipe Transferts en Milieux Poreux du laboratoire Géosciences Montpellier (anciennement Laboratoire de Géophysique et d’Hydrodynamique en Forage) ont fait partie de l’équipe opérationnelle et technique à bord de ces deux expéditions dans le cadre de l’European Petrophysical Consortium (EPC). Une autre originalité de la phase IODP que nous avons également déjà évoquée est une ouverture sur le monde de l’éducation. Le « Consortium for Ocean Leadership » (COL) qui gère la participation américaine à IODP a lancé deux programmes de formation pour les éducateurs, dont les enseignants de collèges et de lycées : School of Rock et Teacher at Sea. COL a ponctuellement offert aux pays membres d’IODP de participer à ces activités. Deux enseignants français (Jean-Luc Berenguer et Jean-Noël Puig) ont ainsi participé au programme School of Rock en 2009, 2010 et 2011 et, deux enseignants français (Brigitte Thiberge et Jean-Marie Gautier) ont embarqué en 2010 sur l’expédition 327 (Juan de Fuca Ridge Flank Hydrogeology) dans le cadre du programme Teacher at Sea. Ces formations ont lieu à bord du Joides Resolution (School of Rock, Teacher at Sea) ou à College Station au Texas (School of Rock). ~ 13 ~ Nous allons préciser ci-dessous la structure administrative du programme, le budget, le mode de sélection des projets, et faire un balayage rapide des objectifs et réalisations d’IODP. Les aspects scientifiques seront abordés plus précisément dans les chapitres suivants, organisés sous forme de synthèses rédigées par les principaux participants à la phase actuelle et par les porteurs de quelques grands projets pour le prochain décennal. Le fil conducteur restera la place occupée par la France dans l’aventure des forages océaniques. II. La France dans ECORD : fonctionnement et partenaires Le projet DSDP a donc débuté en 1968, initialement comme un projet fonctionnant sur fonds américains. Il s’est internationalisé en 1975 avec la participation explicite de la France, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, du Japon et de l’URSS. La phase suivante, ODP, a débuté en 1985 et correspond au changement du navire porteur (le Joides Resolution qui a succédé au Glomar Challenger). Durant la phase ODP, chaque « grand » pays participait individuellement au programme. Un ensemble de plus petits partenaires ont rejoint ODP sous forme d’un consortium constitué sous l’égide de l’ESF (European Science Foundation). Avant la fin de la phase ODP (1985-2003), il est apparu clairement à tous les partenaires européens d’ODP que créer un consortium unique leur permettrait d’accroître leur visibilité et de jouer un rôle plus important. A l’initiative de la France (John Ludden était alors président d’ODPFrance), le projet JEODI (pour Joint European Ocean Drilling Initiative) a été financé de 2001 à 2003 par la Commission Européenne pour initier les discussions entre les partenaires potentiels de ce consortium. ECORD (pour European Consortium for Ocean Research Drilling) a été créé en 2003. C’est grâce à ECORD que l’Europe a pu jouer un rôle fondamental dans IODP en devenant l’un des trois opérateurs de plates-formes. Le concept de MSP a, en effet, été créé par ECORD. Ce sont des plates-formes de forage commerciales qui peuvent opérer, comme on l’a vu, dans des zones inaccessibles aux deux autre navires, les zones englacées (où la banquise dérivante nécessite la mise en œuvre d’un navire brise-glace) et les zones à faible profondeur d’eau (<100 m). Les discussions qui ont précédé la création d’ECORD ont amené ses partenaires (après un appel d’offres) à choisir l’INSU-CNRS pour en assurer le management et l’administration. La mise en place du consortium a été soutenue par la commission européenne sous la forme d’un ERA-Net, ECORD-Net (2003-2008), projet soumis puis coordonné par l’INSU-CNRS (John Ludden puis Catherine Mével). L’acte de naissance officiel d’ECORD date du 15 décembre 2003, jour où 11 pays Européens ont signé avec la Directrice de l’INSU-CNRS, Sylvie Joussaume, le Memorandum of Understanding (MoU) d’ECORD (fig. 3). A cette date, le consortium comprenait 12 pays membres : France, Allemagne, Danemark, Finlande, Royaume-Uni, Islande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Suède et Suisse. ~ 14 ~ Fig. 3 : Signature du Memorandum of Understanding le 23 décembre 2003 par les 12 pays Européens fondateurs d’ECORD. Depuis 2003, plusieurs autres nations ont rejoint ECORD : l’Espagne et le Canada en 2004, la Belgique, l’Autriche et l’Irlande en 2005 et la Pologne en 2012. ECORD compte donc à ce jour 18 partenaires (fig. 4). Fig. 4 : Nations membres du consortium ECORD en 2012 : France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Suède, Irlande, Finlande, Danemark, Suisse, Pays-Bas, Portugal, Belgique, Autriche, Norvège, Italie, Pologne, Islande, Canada. Le MoU détaille le mode de fonctionnement d’ECORD ainsi que les contributions financières de ses partenaires. Il explique en particulier la structure du consortium avec (fig. 5) : Un comité exécutif (l’ECORD Council) où sont représentés tous les pays partenaires d’ECORD. Le président de l’ECORD Council est élu par les membres. Initialement, il changeait tous les six mois. En 2011, il a été décidé d’étendre le mandat à un an pour assurer une meilleure continuité. La France a présidé l’ECORD Council d’avril à ~ 15 ~ septembre 2004 (John Ludden), d’octobre 2007 à mars 2008 (Bruno Goffé) et d’octobre 2010 à septembre 2011 (Mireille Perrin). L’ECORD Managing Agency (EMA) chargée de l’administration d’ECORD et localisée à l’INSU-CNRS. En 2003, Catherine Mével (IPGP), a été mandatée par l’INSU-CNRS pour en assurer la direction. Gilbert Camoin (CEREGE), lui a succédé le 1er janvier 2012. L’opérateur des MSPs, ESO (ECORD Science Operator), constitué d’un groupe d’universités et instituts pilotés par le British Geological Survey (BGS) et responsable de la mise en œuvre des campagnes. Outre le BGS, il comprend l’Université de Brême et l’ « European Petrophysics Consortium » (EPC) responsable de la mise en œuvre des mesures dans les puits et dont fait partie Philippe Pezard (Géosciences Montpellier). Un comité scientifique, ESSAC (ECORD Science Support and Advisory Committee), chargé de la coordination et de la participation des scientifiques des pays membres d’ECORD à IODP. Chaque pays membre y est représenté par un délégué. Le bureau ESSAC change tous les deux ans. D’octobre 2007 à septembre 2009, il a été localisé au CEREGE, sous la présidence de Gilbert Camoin. Serge Berné (Université de Perpignan) et son suppléant, Georges Ceuleneer (Observatoire Midi-Pyrénées, Toulouse) y siègent actuellement au nom de la France. Fig. 5 : Structure d’ECORD L’ECORD Managing Agency a été mandatée par l’ECORD Council pour négocier la participation d’ECORD à IODP. Les « Lead Agencies » d’IODP, NSF et MEXT, ainsi qualifiées car ce sont les deux plus gros contributeurs d’IODP sur le plan financier, ont reconnu l’apport particulièrement important d’ECORD, à la fois sur le plan intellectuel et sur le plan des opérations (avec les MSPs) en lui accordant le statut de « contributing member » (fig. 6). Ceci se traduit par 8 places pour les scientifiques d’ECORD sur chaque expédition mise en œuvre dans le cadre d’IODP (c'est-à-dire autant que les Japonais et les Américains), et une représentation importante dans les comités de la « Science Advisory Structure », en charge des orientations stratégiques du programme et de l’évaluation des projets de forage. ~ 16 ~ ECORD a rejoint IODP le 16 mars 2004 quand, au nom de l’ensemble de ses partenaires, Sylvie Joussaume, Directrice de l’INSU-CNRS (2003-2006), a signé le Memorandum avec les représentants des « Lead Agencies », NSF et MEXT. Fig. 6 : Structure d’IODP III. Budget et mode de financement d’ECORD Pour être membre d’IODP, le montant du ticket (« participation unit ») a été fixé par la NSF et MEXT à 1.5 M$ en 2004, 3.5 M$ pour la période 2005-2007 et 5.6 M$ à partir de 2008, date à laquelle le Chikyu a commencé ses opération dans le cadre d’IODP. L’objectif d’ECORD était de contribuer au niveau de 4 tickets – c’est sur cette base que se sont faites les négociations. La France, l’Allemagne et Le Royaume-Uni se sont engagés à contribuer au même niveau d’un ticket, la somme des autres membres d’ECORD devant constituer le quatrième ticket. En réalité, si les trois partenaires principaux ont tenu leur engagement, les autres partenaires n’ont pas tout-à-fait réussi à atteindre le niveau d’un ticket. Il faut noter que la France bénéficie de retours financiers d’ECORD. L’ECORD Managing Agency reçoit un budget annuel d’environ 250 k€ qui finance en particulier trois salaires : celui de l’Assistant Director de l’EMA, et ceux d’un ingénieur et d’un post-doc en géophysique de forage basé à Géoscience Montpellier, laboratoire membre de l’EPC. Le budget annuel du programme IODP fluctue selon les années autour de 150 M$ selon le nombre de campagnes effectuées, la longueur des transits, les instruments déployés, etc… (fig. 7). En 2012, le budget total d’ECORD a atteint 21.4 M$ (~16,2 M€). Mais les contributions sont très inégales, de 5.6 M$ (~4,2 M€) pour les trois plus gros contributeurs (France, Allemagne et Royaume-Uni) à 30,000 $ (~23 k€) pour les trois plus petits (Belgique, Islande et Pologne). Les diagrammes ci-dessous (fig. 7) précisent les contributions ~ 17 ~ (recalculées en Euro au cours de mars 2012) de chaque partenaire d’ECORD, ainsi que la contribution relative d’ECORD par rapport aux autres membres du programme. a) Membre d'ECORD Contribution (€) France 4 238 000 Allemagne 4 238 000 Royaume-Uni 4 238 000 Norvège 832 000 Espagne 577 000 Suisse 424 000 Suède 400 000 Canada 378 000 Pays-Bas 303 000 Danemark 129 000 Ireland 106 000 Autriche 76 000 Italie 76 000 Portugal 68 000 Finlande 50 000 Belgique 23 000 Islande 23 000 Pologne 23 000 Budget ECORD Budget IODP b) c) a) d) 16 202 000 105 000 000 Fig. 7 : Contribution de chaque membre d’ECORD (a, c, d) et contribution relative d’ECORD et de la France par rapport aux autres membres du programme IODP (a, b). Contributions recalculées en Euros au cours de mars 2012. Au sein d’ECORD, les « droits » des différents pays sont proportionnels à leur contribution financière (système des quotas pour les embarquants, par exemple, bien que l’ESSAC fasse fort heureusement preuve d’une certaine flexibilité à ce niveau). La France peut embarquer en moyenne deux scientifiques sur chaque campagne et, sur les quatre représentants d’ECORD dans chaque panel de la SAS (Science Advisory Structure, cf. chap. V-1), un est français. De ce fait, la France participe activement aux décisions stratégiques du programme. Ce sont les deux Lead Agencies, la NSF et MEXT qui financent respectivement les opérations du Joides Resolution et du Chikyu. ECORD finance les opérations des MSPs (fig. 6). Un pot commun (“IODP commingled funds”), alimenté par les partenaires internationaux, finance les coûts scientifiques associés (mesures spécifiques, publication des rapports initiaux, bases de données et carothèques) regroupés sous le vocable SOCs = Science Operation Costs (fig. 6 et 8). ECORD bénéficie d’un retour depuis les commingled funds pour couvrir les SOCs associés à la mise en œuvre des MSPs (en moyenne ~3 M$ par an). Conformément au Memorandum signé avec la NSF et MEXT, ECORD contribue annuellement à 16.8 M$ (soit 3 « participation units ») aux commingled funds. Le reste de son budget, soit ~4.6 M$, est utilisé pour financer les opérations des MSPs. L’attribution annuelle ne permet de ~ 18 ~ programmer une campagne qu’une année sur deux. A la fin de la phase actuelle, ECORD aura réalisé 5 expéditions de MSPs. Fig. 8 : Principe du pot commun dans la structure IODP (voir également la fig. 6). IV. La force d’ECORD et le rôle moteur de la France : un atout pour l’avenir On ne saurait trop insister sur le fait que la création d’ECORD a permis à l’Europe – et donc à la France – de jouer un rôle accru dans la conduite des opérations de forages océaniques scientifiques. En tant que partenaire unique, l’Europe parle d’une seule voix et joue donc un rôle beaucoup plus important que dans les phases précédentes, ODP et DSDP. ECORD a ainsi pu négocier des avantages très importants dans le programme par rapport à son niveau de contribution financière. De plus, ce n’est qu’en mutualisant son budget que l’Europe a été capable de devenir opérateur et donc de jouer un rôle très visible sur la scène internationale. ECORD est devenu incontournable, à la fois par la contribution intellectuelle de ses scientifiques mais également en offrant l’accès à des zones jusque-là inaccessibles. L’impact scientifique des campagnes MSP réalisées jusqu’à maintenant est absolument exceptionnel. Le succès d’ECORD est également reconnu par la Commission Européenne. L’objectif des ERA-Nets est d’aider des agences à s’organiser sur une thématique scientifique pour ensuite « voler de leurs propres ailes » et obtenir des financements nationaux. Le montage d’ECORD est considéré comme un grand succès puisque le consortium arrive à s’autofinancer au niveau considérable de 21.4 M$ soit environ 16 M€ par an (fig. 7). Malheureusement, malgré ce remarquable succès, ECORD n’a pas réussi à obtenir de la Commission Européenne qu’elle participe directement au financement des opérations. Ceci a conduit les partenaires d’ECORD à envisager d’autres modes de soutien de la Commission Européenne pour la prochaine phase, sur des projets spécifiques ou sur du développement technologique. Avec le rôle moteur joué par John Ludden, alors Directeur Scientifique Adjoint de l’INSU-CNRS pour les Sciences de la Terre, la France a été à la pointe de cette évolution majeure. Ceci a été reconnu par les partenaires d’ECORD puisque l’INSU-CNRS a été choisi pour en assurer l’administration. Cela a conféré au CNRS et à la France un grand ~ 19 ~ rayonnement non seulement au niveau européen mais également au niveau international puisqu’il est de fait l’interlocuteur des autres agences de financement d’IODP, et en particulier de la NSF et du MEXT. L’efficacité de l’ECORD Managing Agency dans sa gestion d’ECORD et dans ses relations avec les partenaires internationaux a été fortement appréciée comme en témoigne le fait que l’ECORD Council a décidé de prolonger son mandat d’au moins trois ans (jusqu’à 2016) pour faciliter la transition avec la nouvelle phase qui doit commencer en 2013. Avec le Royaume-Uni et l’Allemagne, la France est l’un des trois partenaires majeurs d’ECORD, l’un des trois piliers sur lesquels repose le consortium. Le fonctionnement harmonieux du consortium n’a été possible que grâce à la solidité de chacun de ces trois piliers et à leur convergence de vue. Ces trois pays partagent une vision commune sur l’évolution souhaitée d’ECORD dans un nouveau contexte international, détaillée dans le document « The Future of ECORD, 2013-2023 » (http://www.ecord.org/pub/brochure.html). Il est essentiel pour la solidité du consortium que leur financement soit maintenu au moins au même niveau. V. Les Expéditions de la période IODP 1. Mode de sélection des projets et des équipes embarquées IODP-MI (IODP – Management International) s’appuie sur une structure d’évaluation scientifique (la SAS ou Science Advisory Structure) et sur une structure opérationnelle (l’OPF pour Operations Task Force) pour sélectionner et programmer les expéditions de forage (fig. 9). La structure du SAS a été complétement remaniée en 2011. La plus haute instance du SAS fut, pendant la majeure partie de la phase IODP le Science Planning Committee (SPC). Depuis octobre 2011, elle a été remplacée par le SIPCOM (Science Implementation and Policy Committee) dont le rôle est, à quelques nuances près, équivalent à celui du SPC (fig. 9). Le rôle du SPC est défini de la manière suivante : « The SPC focuses on the long-term science planning activities necessary to achieve the objectives of IODP as expressed in the ISP (Initial Science Plan). In this capacity, SPC prioritizes, or ranks, scientific and technological objectives to optimize the scientific returns from multi-platform drilling, sampling, and related experiments. » Les termes employés pourraient donner l’impression que les activités scientifiques sont pilotées d’« en haut » selon un mode « top down ». Il faut toutefois garder à l’esprit que ce ne sont que les orientations scientifiques et technologiques très générales qui sont discutées au SPC, comité qui est par ailleurs composé en grande partie de scientifiques n’ayant pas rompu les liens avec leur activité de recherche, bien au contraire. Les travaux du SPC et du SIPCOM étaient et sont basés en grande partie sur l’avis et l’input des autres panels de la Science Advisory Structure (SAS) composés eux aussi des forces vives des laboratoires. ~ 20 ~ a) b) Fig. 9 : a) Comités et structures chargées de sélectionner et de programmer les expéditions de forage entre 2003 et septembre 2012 ; b) Comités et structures chargées de sélectionner et de programmer les expéditions de forage actuelles (depuis octobre 2011) et de la prochaine phase IODP. Le « terreau » du programme est, avant tout, un foisonnement d’idées émanant de l’ensemble de la communauté scientifique internationale et formalisées sous la forme de propositions de campagnes « non sollicitées ». Celles-ci passent bien entendu par différents filtres très rigoureux d’évaluation. Les aspects évalués par les différents comités du SAS comprennent : la pertinence et l’intérêt scientifique du projet (PEP ou Proposal Evaluation Panel), la connaissance géologique du site (SCP ou Site Characterization Panel), la faisabilité (STP ou Scientific Technology Panel) et les problèmes de sécurité (risque de percer des poches de gaz, des niveaux d’hydrates, etc…) et d’impact environnemental (dont celui lié à la migration et à la reproduction des espèces marines) (EPSP ou Environmental Protection and Safety Panel) (fig. 9). Nous ne détaillerons pas ici l’ensemble des comités nécessaires à la bonne marche du programme IODP, en particulier pour tout ce qui concerne l’opérationnel. Ces informations se trouvent facilement sur le site WEB : http://www.iodp.org/committees-and-panels. Il nous parait cependant important de noter que, malgré une lourdeur apparente, IODP est une structure capable de réactions rapides quand les événements (géologiques) l’exigent. Nous ne citerons qu’un exemple récent : suite au séisme de Tohoku, un comité ad hoc, le Detailed Planning Group on Rapid Response Drilling following the Tohoku Earthquake (le ~ 21 ~ RRD-DPG) a été mis en place, dont l’objectif est totalement explicité dans le titre. Un sismologue de l’IPGP (Satish Singh) a participé aux travaux de ce comité exceptionnel. Enfin, les relations avec l’industrie ont été assurées par l’Industry-IODP Science Program Planning Group (IIS-PPG) ayant pour vocation d’identifier des axes de coopération entre le monde du forage scientifique et le monde industriel au sens très large, incluant, outre le partenaire naturel qu’est l’industrie pétrolière, le monde minier et celui des biotechnologies, entre autres. Didier-Hubert Drapeau de Total a participé, pour la France, aux travaux de ce comité. Jusqu’à un passé récent, les propositions de forage pouvaient avoir une durée de vie très longue, leurs moutures successives passant et repassant, parfois pendant des années, le processus d’évaluation. Pour gagner en efficacité et pour permettre aux évaluateurs (internes aux comités mais aussi aux évaluateurs externes sollicités) de se concentrer sur l’évaluation de nouvelles propositions, potentiellement plus viables, le PEP sera, dans l’avenir plus vigilant sur la façon dont les recommandations auront été prises en compte et se réservera la possibilité de refuser d’emblée des demandes n’ayant pas été significativement améliorées. Comme cette amélioration ne relève pas nécessairement de problèmes de fond scientifique ou de rédaction mais de caractérisation du site, il sera important que les porteurs de projets coordonnent leur demande de forage avec des demandes de « site survey » qui implique le plus souvent des campagnes de géophysique de surface opérées par les flottes nationales (voire parfois des campagnes de plongées en submersible ou de ROV). Un important effort de phasage devrait donc, idéalement, être consenti entre les comités nationaux d’évaluation des demandes de campagnes hauturières et les étapes d’évaluation des propositions de forage. Il s’agit essentiellement d’un problème de communication entre des communautés qui n’ont pas nécessairement les mêmes « cultures ». Une de ces différences concerne en particulier le mode de constitution des équipes scientifiques. En effet, les projets de campagnes hauturières nationales incluent dès la phase d’évaluation la constitution d’une équipe scientifique et technique embarquée en plus, éventuellement, de collaborateurs « à terre ». La compétence de l’équipe proposante / embarquante est donc un facteur important dans les critères d’évaluation des projets de campagne en mer classiques. La constitution des équipes embarquées est, dans le cadre d’IODP, un processus qui succède à l’évaluation du dossier. Les porteurs de projets ne sont pas nécessairement retenus comme chefs de mission, et, même lorsque c’est le cas, ils n’ont pas la maîtrise d’œuvre pour le « staffing ». Un projet IODP est porté par un groupe de proposants, souvent assez conséquent, 10 à 20 scientifiques, mais le staffing de l’expédition de forage se fera une fois l’expédition programmée. Une fois programmé, le projet devient la « propriété » du programme. Deux co-chefs de mission sont nommés par l’opérateur sur la base de propositions faite par la SAS. L’équipe scientifique ensuite constituée doit tenir compte des droits des différents partenaires. ECORD a droit à en moyenne 8 places sur chaque campagne, ce qui représente environ le tiers de l’équipe embarquée. Un appel à candidatures est lancé pour les embarquants dans lequel sont spécifiés les besoins de telle ou telle spécialité scientifique. Les européens déposent leur candidature auprès du conseil scientifique d’ECORD (l’ESSAC) qui classe les dossiers. Typiquement, une quinzaine de candidatures sont retenues par l’ESSAC parmi lesquelles un noyau dur constitué par les 8 dossiers les plus solides et correspondant au mieux aux expertises recherchées. C’est dans ce vivier de candidats pré-classés par l’ESSAC que les co-chefs de mission feront leur choix, l’équilibre des spécialités devant cette fois être respecté pour l’ensemble des partenaires, ce qui relève parfois de la quadrature du cercle... L’ESSAC s’emploie à faire respecter ses quotas ~ 22 ~ internes : 2 embarquants pour la France, 2 pour l’Allemagne, 2 pour le Royaume-Uni et 2 pour les « small ECORD countries ». Lorsqu’un chercheur ou un groupe de chercheurs déposent un projet de forage, ils œuvrent donc pour une très large communauté. 2. Les Expéditions de la phase IODP : un bref aperçu Une cinquantaine d’expéditions de forage ont été réalisées durant la phase IODP (ou sont en cours ou programmées d’ici septembre 2013) (fig. 10a-b). Le bilan de la participation française (une centaine d’embarquants) à ces expéditions, ainsi que les résultats majeurs de bon nombre d’entre elles, seront détaillés dans les chapitres suivants. Nous nous bornons, ici, à dresser un bref panorama des grandes thématiques scientifiques et des zones d’études. a) Fig. 10 : a) Carte de localisation des sites qui ont été (ou vont être) forés lors des différentes expéditions de la phase IODP (Integrated Ocean Drilling program). b) Ci-après, tableau de synthèse sur les expéditions de la phase IODP (Classement par date d’embarquement). Les dates en bleu pour les expéditions de MSP indiquent les dates des « Onshore Science Party ». Un tableau plus complet se trouve en annexe (Annexe_Expeditions). ~ 23 ~ b) ~ 24 ~ En comparant la carte de localisation des puits anciens (DSDP et ODP) à celle des puits de la phase IODP, on constate que les études de la phase IODP furent significativement plus focalisées sur certaines zones géographiques que celles des périodes précédentes (fig. 10a et 11). Des secteurs entiers de l’océan mondial n’ont pas été forés pendant la phase IODP (l’Atlantique Sud, l’Océan Indien, la Méditerranée (bien que l’Expédition 339 se soit intéressée à l’évolution de la Méditerranée en forant dans le Golfe de Cadix à la sortie du détroit de Gibraltar). Les secteurs privilégiés au cours d’IODP furent l’Atlantique Nord, les marges actives du pourtour du Pacifique et dans les Antilles, les marges passives australiennes, néo-zélandaises, antarctiques et de Terre Neuve, le Pacifique Sud et la Polynésie. Par ailleurs, la période IODP a connu une extension vers le Nord du domaine couvert par les forages océaniques puisque l’Expédition 302 (ACEX) a foré à seulement 200 km du Pôle Nord, ce qui représente une prouesse technologique et logistique remarquable à mettre au crédit d’ECORD et des MSPs. Fig. 11 : Carte de localisation des sites qui ont été forés lors des différents programmes de forage océanique scientifique. Cette répartition des sites forés pendant la phase IODP est à mettre en relation avec l’évolution des thématiques scientifiques. On peut regrouper ces dernières en 5 grandes catégories (dont les frontières ne sont pas totalement étanches, certaines missions ayant des objectifs à cheval sur plusieurs d’entre-elles). ~ 25 ~ a) b) Fig. 12 : a) Thématiques des expéditions IODP qui ont été (ou qui vont être) réalisées entre 2004 et 2013 (cf. fig.10) ; b) Nombre d’expédition IODP par thématique. La paleoclimatologie et la paleocéanographie C’est la thématique la mieux représentée (plus d’un quart des expéditions IODP, fig. 12a-b). En dépit d’une préoccupation commune (l’évolution globale du climat et des courants océaniques), elle regroupe, dans le détail une assez grande diversité de problématiques incluant l’évolution récente du niveau marin, l’évolution du système de mousson asiatique, le rôle de la tectonique sur l’évolution des échanges entre la Méditerranée et l’Atlantique, etc… Les échelles de temps considérées sont également très variables. Par exemple, l’étude d’un ~ 26 ~ récif corallien à Tahiti durant l’expédition 310 a permis d’acquérir des archives paléoclimatiques de haute résolution qui concernent les changements du niveau marin pour la période couvrant environ les vingt derniers mille ans et la variabilité du climat durant cette période correspondant à la dernière déglaciation, et, qui permettent de reconstituer la fréquence et l'ampleur dans ce passé récent des anomalies climatiques telles que El Niño. Couvrant une période géologique beaucoup plus vaste, le forage dans l’océan Arctique durant l’expédition 302 (ACEX) a permis de récolter 400 m de carottes là où les forages précédents avaient carotté un maximum de 16 m. Cet échantillonnage exceptionnel a permis de faire un « bond de géant » dans notre description de l’évolution climatique et des conditions environnementales pendant les 55 derniers millions d’années dans l’Océan Arctique, secteur clé pour la modélisation du climat de l’ensemble de notre planète. Le risque sismogénique et tsunamigénique Il s’agit également d’une thématique fortement représentée (un quart des expéditions IODP, Fig. 12a-b). C’est la thématique essentielle abordée lors des 9 Expéditions NanTroSEIZE (pour Nankai Trough SEIsmogenic Zone Experiment) effectuées avec le Chikyu. Ces forages constituent les premières étapes d’un projet à très long terme qui est d’atteindre une des grandes failles sismogéniques liées à la subduction de la plaque pacifique sous le Japon, objectif situé à une profondeur d’environ 6 km sous le plancher océanique. La profondeur atteinte est actuellement de 2 km. Ces expéditions visent en particulier à mettre en place un réseau de senseurs dans une optique « observatoire permanent » afin de progresser dans notre capacité de prévision des grands séismes destructeurs, et souvent tsunamigénique, comme celui qui a frappé le Japon en 2011. Ces objectifs recouvrent ceux des Expéditions 334 et 344 effectuées et prévues avec le Joides Resolution au large du Costa Rica (Expéditions CRISP, fig. 10b). L’Expédition en cours 340 s’intéresse au risque tsunamigéniques liés aux glissements sous-marins en terrain volcanique au large des Antilles. L’étude de la croûte océanique au niveau des dorsales, des points chauds et des grandes provinces basaltiques Cette thématique regroupe un nombre limité d’expéditions (Fig. 12a-b). Trois d’entre elles ont été consacrées à l’approfondissement du puits 1256D. Ce puits, initié à la fin de la phase ODP, a été foré dans une croûte océanique qui s’est accrétée le long d’une portion de la dorsale Est Pacifique caractérisée par un taux d’expansion « ultra-rapide » (~22 cm/an). Le forage a, pour l’instant, atteint la transition entre le complexe filonien et la croûte gabbroïque (toit de l’ancienne chambre magmatique) à une profondeur d’environ 1521 m sous le plancher océanique. C’est le seul endroit de la planète où ce niveau lithologique et structural a pu être échantillonné in situ et hors contexte d’exhumation tectonique. Le puits 1256D constitue une section de référence exceptionnelle pour l’étude des processus d’accrétion océanique au niveau des dorsales rapides. Il s’agit d’un des sites où l’on peut envisager de mener à bien le projet MoHole. Deux expéditions (304 et 305) ont été consacrées à l’étude de la croûte océanique profonde exhumée par des processus tectoniques en contexte de dorsale à faible taux d’ouverture (dorsale Médio-Atlantique, dont le taux d’ouverture moyen est de 3 cm/an environ). Au site U1309, une section de 1400 m de gabbros de la croûte profonde a pu être carottée et a permis d’étudier les spécificités de la construction de la croûte océanique le long de grandes failles de détachement. Enfin, deux expéditions furent consacrées à l’étude des basaltes intraplaques émis en contexte de points chauds dans le Pacifique Sud (Expédition 330 Louisville Seamount Train) et dans le Pacifique Ouest (Expédition 324 Shatsky Rise Formation). ~ 27 ~ La biosphère profonde Cette thématique a connu un développement récent et se concrétise déjà par quatre expéditions IODP qui lui sont, en partie du moins, dédiées (fig.12a-b). Deux d’entre elles ont été menées par le Chikyu au large du Japon et deux autres par le Joides Resolution dans l’Atlantique équatorial et dans le Pacifique Sud. L’objectif est de déterminer quelles formes de vie se développent et se maintiennent dans des conditions extrêmes (hautes pressions, basses et hautes températures, absence de photosynthèse et conditions anoxiques, …). Les implications sont très diverses, incluant l’origine de la vie sur Terre et les possibilités d’apparition de la vie sur d’autres planètes (exobiologie), ainsi que le rôle joué par les microorganismes dans l’altération des roches du plancher océanique (basaltes, serpentines, …) et l’influence de ces processus pour le cycle du carbone et de l’hydrogène. L’installation d’un observatoire sous-marin de géomicrobiologie (Expédition 336 sur la croûte océanique jeune (8 Ma) à l’ouest de la dorsale Médio-Atlantique) va permettre d’étudier la nature des communautés microbiennes se développant dans les sédiments et les basaltes altérés à très grande profondeur (4500 m), et de déterminer la façon dont la circulation des fluides et leur composition influencent la structure et la dispersion des communautés microbiennes. L’Expédition 329 (South Pacific Gyre Subseafloor Life) a permis l’exploration d’un secteur de l’océan mondial très peu propice au développement de la vie : il est particulièrement pauvre en matière organique, les réactions d’oxydation de la matière organique et de réduction de l’azote, critiques pour le maintien de la vie, y sont particulièrement lentes. En dépit de ce handicap naturel et de ces conditions chimiquement extrêmes, il s’est avéré qu’une communauté microbienne pouvait y prospérer. Hydrologie – Marges passives - Hydrates Cette dernière catégorie pourrait s’appeler « miscellaneous ». Il s’agit surtout de regrouper les thématiques qui ne rentrent pas vraiment dans les autres catégories (mais qui pourraient y rentrer en partie). Le dénominateur commun de ces expéditions est l’hydrologie, que ce soit sur les flancs de dorsales océaniques (Expéditions 301 et 327 au niveau de la ride Juan de Fuca, dans le Pacifique Nord-Est), l’installation d’observatoires fond de mer (CORKs) au niveau de la marge ouest-américaine (partie immergée de la province volcanique des cascades), le golfe du Mexique et la marge continentale atlantique au niveau de TerreNeuve. a) b) Fig. 13 : a) Nombre d’embarquants français par thématique ; b) Nombre d’embarquants français par thématique et par expédition. ~ 28 ~ Le taux moyen de participation des scientifiques français par expédition IODP est de 1,85 (chiffre encore provisoire, le staffing des expéditions de fin 2012 et de 2013 n’étant pas encore terminé). Il est donc légèrement sous le quota de 2 embarquants par mission. Il serait de 2 si l’on excluait les campagnes d’essais technologiques sur lesquelles aucun français n’a embarqué. C’est clairement la thématique croûte océanique qui attire le plus grand nombre d’embarquants français (plus de 3 scientifiques français en moyenne par expédition) et qui permet à la France de maintenir son quota d’embarquants à un niveau quasi optimum (fig.13ab). Nous allons nous pencher plus en détail sur ces chiffres dans le chapitre suivant. Comme nous l’avons dit précédemment, trois plates-formes de forages sont utilisées pendant la phase IODP (fig. 10a) : le Joides Resolution (US) qui a été mis en service en 1985 lors du programme ODP puis rénové en 2007-2008, le Chikyu (Japon) qui a été mis en service en 2007 et les MSPs (Mission-Specific Platforms, ECORD) qui ont été utilisées à partir de 2004, au début du programme IODP. Malgré le plus faible nombre d’expéditions réalisées à bord du Chikyu (9 expéditions) et des MSPs (4 expéditions) par rapport au Joides Resolution (31 expéditions) (fig. 10a-b), les français sont, en moyenne, plus nombreux à embarquer sur ces deux plates-formes : 5 français par expédition sur les MSPs et 1,8 français par expédition sur le Chikyu contre 1,6 français par expédition sur le Joides Resolution (fig.14 a-b). a) b) Fig. 14 : a) Comparaison entre le nombre d’expéditions réalisées par les différentes plates-formes de forage et le nombre de français (scientifiques, loggeurs, co-chefs de mission et enseignants du secondaire) qui ont embarqué sur ces dernières ; b) Nombre d’embarquants français par expédition et par plate-forme. VI. Bilan de la participation française 1. Participation annuelle de la France lors des différentes phases du programme Dans l’étude statistique suivante, les participants dits français sont ceux affiliés à un laboratoire « hexagonal » lors de l’embarquement, sans préjugé de leur nationalité. Parmi nos collègues étrangers, certains se sont fixés en France suite à leur participation à une campagne de forage. A l’inverse, de nombreux chercheurs de nationalité française, ont embarqué sous divers drapeaux (Suisse, Américain, Japonais, etc...) car ils effectuaient une thèse ou un postdoctorat à l’étranger. Beaucoup ont, par la suite obtenu un poste en France. On peut donc considérer que les statistiques présentées dans ce chapitre sous-estiment la participation aux programmes DSDP, ODP et IODP des chercheurs actuellement en poste en France. ~ 29 ~ La France fut et reste fortement impliquée dans les différentes phases du programme de forage océanique scientifique (DSDP/ODP/IODP) puisque 406 français ont participé (ou vont bientôt participer) à plus de 75% des expéditions entre 1968 et 2013 (sans prendre en compte les expéditions dont les équipes scientifiques n’étaient pas encore constituées en février 2012), ce qui donne une moyenne de 9 embarquants par an (fig. 15). On note qu’aucune expédition n’a eu lieu en 1984 et en 2006 (fig. 15). a) b) Fig. 15 : a) Nombre de français ayant embarqué annuellement sur des expéditions DSDP (1968 – 1983) ODP (1985 – 2003) et IODP (2004 – 2013) ; b) Nombre d’expéditions annuelles entre 1968 et 2013. Les expéditions dont les équipes scientifiques n’étaient pas encore constituées fin février 2012 ne sont pas prises en compte. Dans le détail, la participation française était plus faible pendant la phase DSDP avec une moyenne de 6,5 embarquants par an, le nombre de legs annuels étant globalement constant entre 1968 et 1983 (~ 6,5 legs par an) (fig. 15a-b). Cette faible participation moyenne est directement liée au fait que la France ne rejoint le programme de forage DSDP qu’en 1975, lors de la mise en place du projet IPOD (International Phase for Ocean Drilling) et au fait que l’équipe scientifique embarquée était significativement plus petite (une quinzaine de personnes contre 25 environ, sur le Joides Resolution, pour les phases ultérieures). En effet, on constate que seulement 12 français (dont un co-chef de mission) embarquent sur le Glomar Challenger entre 1968 et 1974 alors que 92 français (dont 12 co-chefs de mission) y embarquent entre 1975 et 1983. La participation française au programme ODP (1985-2003) est presque deux fois plus élevée que celle du programme précédent avec une moyenne de 11,5 embarquants par an, le nombre de legs annuels étant d’environ 6 et restant globalement constant durant toute la durée de cette phase (fig. 15). On note néanmoins une chute de la participation française en 2002. C’est en 1976 et en 1986 que les français ont le plus participés aux legs DSDP et ODP avec respectivement 18 embarquants (dont 4 co-chefs de mission) et 19 embarquants (dont 3 co-chefs de mission). L’absence d’expédition en 1984, année de transition entre DSDP et ODP, s’explique par le remplacement du Glomar Challenger par le Joides Resolution. ~ 30 ~ La participation française à la phase actuelle du programme (IODP, 2004-2013) est actuellement de 86 embarquants en ne comptant que les expéditions passées ou en cours et les expéditions futures dont le staffing était établi fin février 2012 (fig. 15). Une centaine d’embarquants devrait être atteint à la fin de la phase IODP. La moyenne annuelle pour la période IODP est de 10 embarquants, mais, dans le détail, le nombre d’embarquant est très variable selon les années (fig. 15a). Cette variabilité ne reflète en rien la participation de la communauté française mais est un artefact lié au nombre aléatoire d’expéditions annuelles par rapport aux programmes précédents, avec par exemple, le passage de 2 expéditions en 2008 à 10 expéditions en 2009 (fig. 15b). Ces variations importantes du nombre d’expéditions s’expliquent par la rénovation du Joides Resolution en 2007-2008, navire réalisant 70% des expéditions pendant cette phase et, par la mise en opération des MSPs en 2004 et du Chikyu en 2007, ces nouvelles plates-formes permettant de « multiplier » les expéditions au cours d’une année (cf. fig. 10b et Annexe_Expeditions). On note donc que les minima de la période 2007-2008 ne sont en aucun cas diagnostiques d’une quelconque désaffectation de la communauté française au programme. C’est en 2005 et en 2009 que les français ont le plus participés aux expéditions IODP avec respectivement 18 embarquants (dont 2 co-chefs de mission) et 22 embarquants (dont 1 co-chef de mission et 3 enseignants du secondaire) (fig. 15a). C’est l’expédition IODP 313 (New Jersey Shallow Shelf) qui a permis l’embarquement « record » de scientifiques et ingénieurs français : 1 co-chef de mission, 4 scientifiques (onshore et offshore) et 4 ingénieurs logging (fig. 16). Les français sont absents sur environ 20% des expéditions IODP (dont certaines à vocation engineering, comme l’expédition IODP 320T par exemple, cf. fig. 12a) mais, pendant toute la période IODP, 7 scientifiques français ont été co-chefs de mission. Les expéditions IODP 321T et 328 étaient consacrées au programme School of Rocks et ont embarqué deux enseignants du secondaire français (fig. 16). L’expédition 327 a embarqué deux Outreach Teacher français dans le cadre du programme Teacher at Sea et un ingénieur CORK mais aucun scientifique français (cf. Annexe_Participants). Fig. 16 : Nombre de français ayant embarqué (ou allant embarquer) sur des expéditions IODP entre 2004 et 2013. Pour plus de détails sur les expéditions et les participants, voir la fig. 10 et les annexes (Expeditions et Participants). 2. Origine géographique des embarquants français de 1968 à 2013 Dans l’étude statistique suivante, l’origine géographique d’un participant français correspond à la localisation du laboratoire dans lequel il est en poste (permanent ou ~ 31 ~ contractuel) lors de l’embarquement. Lorsqu’un laboratoire est rattaché à une Université située dans une autre région française comme c’est le cas du Laboratoire de Géodynamique sous-marine de Villefranche qui est rattaché à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI) pendant la phase DSDP et ODP, c’est la localisation géographique du laboratoire qui est prise en compte (fig. 17). Lors de la phase DSDP, 70% des embarquants français dont les co-chefs de mission sont issus de laboratoires ou instituts localisés dans la région Parisienne (40%) et dans la région Nord-Ouest (30%) (fig. 17 et 18a). Dans ces régions, les embarquants viennent principalement des laboratoires parisiens rattachés à l’Université Paris VI (Université Pierre et Marie Curie) et du Centre National pour l’Exploitation des Océans – Centre Océanologique de Bretagne (CNEXO - COM). La majorité des autres embarquants (~19%) viennent des régions Nord-Est et Sud-Est, en particulier de l’Institut de Géologie de Strasbourg et du Laboratoire de Géodynamique sous-marine de Villefranche (fig. 17a). Lors de la phase ODP, les embarquants français viennent préférentiellement de la région du Sud-Est (35%) mais de nombreux participants (30%) sont encore issus de laboratoires ou instituts localisés dans la région Parisienne (fig. 17 et 18b). Dans ces régions, ils viennent principalement des laboratoires rattachés à l’Université Paris VI (Université Pierre et Marie Curie) et à l’Université Montpellier II. 28% des embarquants et de nombreux co-chefs de mission viennent également des régions Nord-Est (14%) et Nord-Ouest (14%). Dans ces régions, ce sont principalement les laboratoires rattachés à l’Université de Lille, l’Institut de Géologie – Centre de Géochimie de la Surface de Strasbourg et l’IFREMER – IUEM de Plouzané (Brest) qui comptent le plus d’embarquants ODP (fig. 18b). Fig. 17: Origine géographique des embarquants français (hors enseignants du secondaire) lors des différents programmes de forage. Pour simplifier, nous avons divisé la France en 6 grandes régions. Outre la région Parisienne qui correspond à la région Ile-de-France et les DOM-TOM, les autres régions sont définies en divisant la France en 4 zones globalement équivalentes, Lille se trouvant alors dans la région Nord-Est, Amiens se situant dans la région Nord-Ouest et Perpignan se trouvant dans la région Sud-Est (cf. fig. 18). La diminution du nombre de laboratoires « hébergeant » des embarquants français entre les périodes ODP et IODP (fig. 18b-c) ne reflète en aucun cas la participation moins active des laboratoires français au programme IODP mais est un artefact lié au renouvellement du paysage de la recherche française pendant cette période, i.e. au regroupement des laboratoires en grandes unités de recherche. Cette modification se faisant progressivement au cours du programme IODP, nous avons, par souci de simplicité, utilisés ~ 32 ~ les noms actuels de ces laboratoires ou instituts pour réaliser nos statistiques (fig. 18 et Annexe_Participants) sauf en cas de disparition totale d’un laboratoire (e.g. le laboratoire de pétrologie magmatique de l’Université Paul Cézanne). a) b) ~ 33 ~ c) Fig. 18 : Origine géographique des embarquants français (scientifiques, loggeurs, co-chefs de mission et enseignants du secondaire) durant les trois programmes de forage, DSDP (a), ODP (b) et IODP(c). En bleu est indiqué les laboratoires dont sont issus les co-chefs de mission et en rouge (carte IODP) est noté l’origine géographique des enseignants du secondaire. Pour la signification des abréviations, voir le lexique. Lab. – Laboratoire, Univ. – Université, Lab. Pétro. Mag. – Laboratoire de Pétrologie Magmatique. Lors de la phase IODP, 43% des embarquants français viennent de la région du SudEst, et en particulier du laboratoire Géosciences Montpellier, du CEREGE (Aix-en-Provence) et d’ISTerre (Grenoble) (fig. 17 et 18c). La région Parisienne reste cependant un pôle majeur, puisque 27% des embarquants viennent de cette région et en particulier de l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP). 22% des embarquants viennent également des régions Nord-Ouest (12%) et Nord-Est (10%). Dans ces régions, ils sont principalement issus de l’IFREMER – IUEM (Plouzané), du CRPG (Nancy) et du laboratoire Chrono-Environnement (Besançon). On note qu’environ 4% des embarquants français sont issus de laboratoires localisés dans les DOM-TOM (Réunion, Guadeloupe, Nouvelle-Calédonie), c’est la plus forte proportion depuis 1968 (fig. 17). Depuis 1968, la « population » des embarquants français a donc globalement migré du Nord-Ouest vers le Sud-Est, la région Parisienne restant cependant un pôle majeur pour les participants français aux programmes de forage océanique scientifique (fig. 17 et 18). On contraire, depuis 1968, très peu d’embarquants sont venus de la région du Sud-Ouest (5% 6% d’embarquants pour chaque programme). Pendant la phase DSDP, de nombreux embarquants (~12) étaient issus du « monde industriel » avec la participation d’établissements comme Esso Production Research (EPR-E), l’Institut Français du Pétrole (IFP), Schlumberger Limited et ELF – Aquitaine (fig. 18a). La participation de ces établissements a fortement diminué au cours du ~ 34 ~ programme ODP puisque seuls 6 scientifiques et ingénieurs de l’IFP ont embarqué sur des legs et, a été inexistante pendant toute la période IODP (fig. 18b-c). 3. Publications françaises sur les données DSDP/ODP/IODP entre 2003 et 2012 Pour le recensement des articles publiés et des abstracts présentés lors de congrès par des scientifiques français sur des données DSDP, ODP et IODP, nous avons utilisé plusieurs bases de données bibliographiques: Web of Science, Scirus, Pascal, Georef, Google Scholar, HAL (Hyper Articles en Ligne), TEL (Thèses En Ligne) et la bibliographie de chaque expédition (Expedition-related bibliography). Comme précédemment, les auteurs dits français sont ceux dont le pays d’affiliation est la France lors de la publication, sans préjuger de leur nationalité. Le processus de publication étant relativement lent, les statistiques minimisent l’activité de notre communauté pour les phases récentes du programme, et pour des travaux récents reprenant l’étude de carottes et/ou données anciennes (phases ODP et DSDP). Les statistiques présentées ici s’intéressent à la période 2003-2011 (et début 2012) qui recouvre la quasi-totalité de la durée du programme IODP. Elles sont donc en constante évolution : des articles sur les expéditions et données IODP mais également ODP et DSDP sont publiés régulièrement. Entre 2003 et 2012, environ 490 articles et ouvrages ont été publiés sur les expéditions et les données DSDP/ODP/IODP par des scientifiques français (Annexe_Publications). Ce nombre prend en compte les documents publiés par des auteurs français et ceux publiés par les Shipboard Scientific Parties des expéditions auxquelles des scientifiques français ont participé. Fig. 19 : Articles et ouvrages publiés entre 2003 et 2012 par des scientifiques français sur des expéditions et données DSDP/ODP/IODP. Les peer-reviewed papers publiés dans des revues internationales « libres » à comité de lecture représentent environ la moitié de la production scientifique DSDP/ODP/IODP française (fig. 19). Entre 2003 et 2012, les scientifiques français ont publié des articles dans 64 revues internationales à thématiques variées (cf. Annexe_Publications et fig. 20a) et en particulier dans Earth and Planetary Science Letters (16% des peer-reviewed papers), Geochemistry Geophysics Geosystems (11%) et Marine Geology (7%). 35% des articles français traitant de données DSDP/ODP/IODP ont été publiés dans des revues à Impact Factor (IF) supérieurs à 4 et, 79% dans des revues à Impact Factor supérieurs à 2 (fig. 20b). ~ 35 ~ a) b) Fig. 20 : a) Proportion de peer-reviewed papers publiés sur les programmes de forage océanique par des scientifiques français dans différentes revues internationales « libres » (l’Impact Factor est indiqué entre parenthèses). Les « Autres » revues sont indiquées dans l’Annexe_Publications. b) Proportion de peer-reviewed papers publiés sur les programmes de forage océanique par des scientifiques français dans des revues à Impact Factor variés. Les peer-reviewed-papers publiés dans des ouvrages scientifiques internationaux comme, par exemple, Geophysical monograph ou les Proceedings ODP/IODP (Scientific / Research results) (cf. Annexe_Publications), représentent 10% de de la production scientifique DSDP/ODP/IODP française (fig. 19). Les ouvrages académiques basés sur des données de forage DSDP/ODP/IODP, tels que les thèses, les mémoires de stages et les Habilitations à Diriger des Recherches (cf. Annexe_Publications), représentent une part relativement importante de la production scientifique française (environ 11%) (fig. 19). On note que ce résultat est largement sousestimé puisque, contrairement aux thèses, les mémoires de stages sont rarement référencés dans les bases de données bibliographiques. Entre 2003 et 2012, 3 thèses en moyenne ont été soutenues annuellement (cf. Annexe_Publications). La majorité de ces thèses traitaient de données ODP (~56%), seules 38% étaient basées sur des données IODP (fig. 21). Fig. 21 : Proportion des thèses soutenues entre 2003 et 2012 et basées sur des données DSDP, ODP ou IODP. (Une thèse peut se baser sur plusieurs types de données). Le reste de la production scientifique française basée sur les expéditions et les données DSDP/ODP/IODP correspond, dans l’ordre, aux articles de format court publiés dans diverses Newsletters scientifiques (Scientific Drilling, ECORD Newsletter, EOS, etc…), aux différents ouvrages ODP et IODP (Scientific Prospectus, Preliminary Reports, Proceedings) et aux non peer-reviewed papers publiés dans des revues françaises (par exemple la revue Géochronique) (fig. 19). On note que, même si le programme ODP s’est terminé en 2003, les Proceedings Scientific Results des expéditions ODP dans lesquels sont regroupés les peer-rewieved papers (cf. précédemment), ont été publiés jusqu’en 2007. En prenant en compte tous les articles publiés sur les données DSDP/ODP/IODP par les scientifiques français, on constate que la production est globalement constante entre 2003 et 2012 avec une quarantaine d’articles par an (fig. 22a). Dans 48% de ces articles, les ~ 36 ~ français sont en position de premier auteur. On note cependant un pic de production en 2006 avec plus de 50 articles dans l’année qui résulte clairement d’une augmentation des peerreviewed papers publiés dans des revues internationales « libres » (fig. 22a). Cet accroissement est lié au fait qu’à partir de 2006, les embarquants ne sont plus obligés de contribuer aux Proceeding – Scientific results ODP avant de pouvoir publier dans la littérature « libre ». Dans le détail, le nombre d’articles publiés dans des Newsletters est globalement constant depuis 2003 avec environ 10 articles par an. Le nombre de peer-rewieved papers publiés dans des ouvrages scientifiques est variable au cours du temps mais a tendance à diminuer depuis 2003-2004 (une dizaine d’articles par an) jusqu’à aujourd’hui (environ 2 articles par an) (fig. 22a). Au contraire, le nombre de peer-reviewed papers publiés dans des revues « libres » a tendance à augmenter au cours du temps : une vingtaine d’articles annuels en 2003-2004, un pallier à environ 30 articles annuels entre 2007 et 2011 et une quarantaine d’articles prévus en 2012. La production annuelle des ouvrages IODP entre 2003 et 2012 n’est pas représentée sur la figure 22a car cette production est totalement dépendante des expéditions réalisées et de la présence de co-chefs de mission sur ces dernières (cf. fig. 15). Si on s’intéresse à quel programme de forage les auteurs français (peer-reviewed papers, non peer-reviewed papers et articles publiés dans des Newsletters) ont participé, on constate que 22,2% des articles ont été publiés par des scientifiques n’ayant pas embarqué sur un leg DSDP/ODP ou sur une expédition IODP (fig. 22b). On note également que la majorité des articles (~69%) ont été publiés par des scientifique français ayant embarqué uniquement sur une expédition IODP et/ou un leg ODP. b) a) Fig. 22 : a) Nombre d’articles publiés sur les données DSDP/ODP/IODP par les scientifiques français entre 2003 et 2012. Les non peer-reviewed papers ne sont pas représentés indépendamment de l’ensemble des articles publiés car leur nombre est très faible. L’année 2012 regroupe les articles publiés au début de l’année 2012 et ceux sous presse, soumis ou en préparation. b) Proportion des articles publiés en fonction du programme auquel les auteurs français ont participé. Par exemple, la catégorie IODP/ODP indique que le(s) auteur(s) de l’article publié a embarqué sur des expéditions IODP et ODP. En prenant en compte seulement les peer-reviewed papers publiés dans des revues « libres » et dans des ouvrages scientifiques entre 2003 et 2012, on constate que la majorité des articles français (~63%) reposent sur des données ODP tandis que seuls 23% des articles sont basés sur des données IODP (fig. 23a). Ce résultat est directement lié à la longue procédure de publication de ce type d’article, i.e. 1. Traitement des échantillons/données, 2. Écriture de l’article, 3. Review de l’article, 4. Publication. Du fait de cette procédure, les articles basés sur des expéditions relativement récentes (1-3 ans) ne sont pas encore (ou très peu) publiés (fig. 23b). Ainsi, les 23% d’articles français publiés entre 2003 et 2012 sur des données IODP ne reposent que sur les expéditions relativement anciennes réalisées entre 2004 ~ 37 ~ et 2008 (i.e. 2/5 des expéditions IODP ayant embarqué des scientifiques français) (fig. 23b). Au contraire, les articles français sur les données ODP peuvent recouvrir l’ensemble des expéditions de ce programme. Par contre, de façon intéressante, on note qu’au cours de la phase IODP, une proportion encore importante d’articles (~14%) est basée sur des données DSDP. Cette distribution des peer-reviewed papers est en accord avec la proportion des thèses soutenues entre 2003 et 2012 (fig. 21). a) b) Fig. 23 : a) Proportion de peer-reviewed papers publiés, entre 2003 et 2012, dans des revues « libres » et des ouvrages scientifiques et basés sur des données ODP, IODP ou DSDP. (Un article peut se baser sur plusieurs types de données). b) Nombre de peer-rewieved papers publiés dans des revues « libres » et des ouvrages scientifiques et nombre d’article en préparation basés sur les expéditions et données IODP. Sur toute la période IODP, la proportion annuelle de peer-reviewed papers traitant de données ODP est relativement élevée (~24 par an) mais diminue globalement depuis 2003 (41 articles en 2003 contre 11 articles en 2011) (fig. 24). Au contraire, les articles basés sur des données IODP commencent à être publié dès 2006 et leur proportion annuelle augmente à partir de 2007 et est globalement constante entre 2009 et 2011 (3 articles annuels en 2007 contre 15-20 articles par an entre 2009 et 2011). La proportion annuelle d’articles traitant de données DSDP est globalement constante entre 2003 et 2011 avec une moyenne de 5 articles par an (fig. 24). Fig. 24 : Evolution du nombre d’articles peer-reviewed publiés annuellement par des scientifiques français et basés sur des données ODP, IODP et DSDP entre 2003 et 2012. Entre 2003 et 2011, environ 550 abstracts reposant sur des données DSDP/ODP/IODP ont été présentés lors de congrès internationaux par des scientifiques français (Annexe_Publications). Ce nombre prend en compte les abstracts publiés par des auteurs français et ceux publiés par les Shipboard Scientific Parties des expéditions auxquelles des ~ 38 ~ scientifiques français ont participé. Les travaux français sur les données DSDP/ODP/IODP ont principalement été présentés à l’AGU Fall Meeting et à l’EGU (50% et 14% des abstracts respectivement) (fig. 25a). De nombreux français ont également présenté ce type de travaux à la Goldschmidt Conference (6%) et à la JpGU Meeting (5%). C’est en 2008 et en 2010, que les scientifiques français ont présenté le plus d’abstracts sur des données DSDP/ODP/IODP lors de congrès internationaux (132 et 103 abstracts respectivement) (fig. 25b). b) a) Fig. 25 : a) Proportion d’abstracts traitant de données DSDP/ODP/IODP présentés par des scientifiques français lors de différents congrès internationaux. (AGU - American Geophysical Union, EGU – European Geosciences Union, JpGU – Japan Geoscience Union, JGS – Geological Society of Japan, Autres – Voir Annexe_Publications). b) Nombre d’abstracts annuels traitant de données DSDP/ODP/IODP et présentés par des scientifiques français lors de congrès internationaux entre 2003 et 2011. 4. Thématiques des expéditions, des publications et des scientifiques pendant la phase IODP En tenant compte des thématiques du Science Plan de la phase IODP (Integrated Ocean Drilling Program), 39% des expéditions relèvent de la thématique Solid Earth Cycles and Geodynamics, 35% des expéditions de la thématique Deep Biosphere and Subseafloor Ocean et 26% des expéditions de la thématique Environnemental Change, Processes and Effects entre 2004 et 2013 (fig. 26). On note qu’une expédition peut aborder plusieurs thématiques. Ce découpage est, forcément, quelque peu artificiel et fut souvent difficile à réaliser, les frontières entre disciplines, voire entre problématiques scientifiques, n’étant pas totalement étanches (heureusement !), en particulier dans le cadre d’expéditions pluridisciplinaires comme le sont les campagnes de forage. Il donne malgré tout une bonne idée générale des préoccupations et spécialités des scientifiques français impliqués. Fig. 26 : Proportion des expéditions IODP ayant abordé les différentes thématiques scientifiques du Science Plan de la phase IODP. ~ 39 ~ Chaque article (peer-reviewed papers, non peer-reviewed papers et articles publiés dans des Newsletters) publié par des scientifiques français entre 2003 et 2012 traite d’une ou plusieurs thématiques en lien avec celles des Sciences Plans des programmes IODP (Integrated Ocean Drilling Program et International Ocean Discovery Program). Déterminer un nombre restreint de thématiques communes à plus de 300 articles multidisciplinaires est une tâche ardue. Nous n’avons pas eu d’autres choix que de définir des thématiques très larges regroupant souvent plusieurs problématiques et de ne pas faire la distinction entre les objets (e.g. dorsale, subduction) et les méthodes (e.g. géophysique, paléomagnétisme) (fig. 27). On note qu’un article dont le sujet principal est le paléomagnétisme au niveau des dorsales océaniques sera comptabilisé aussi bien dans la thématique paléomagnétisme que dans la thématique dorsale - accrétion océanique. Comme précédemment, ce découpage est quelque peu artificiel et simpliste mais a le mérite de donner une vision globale, et on l’espère, proche de la réalité, des grandes thématiques de recherches découlant des expéditions de forage océanique scientifique. La thématique la plus souvent abordée dans les articles est la paléoclimatologie – paléocéanographie (25% des articles) (fig. 27). Les autres problématiques scientifiques souvent abordées (12 - 14% des articles) concernent, dans l’ordre, les problématiques traitant de paléontologie – microbiologie, des zones de subduction, des arcs et des marges et, enfin, des dorsales et des processus d’accrétion océanique (fig. 27). Fig. 27 : Thématiques des articles (peer-reviewed papers, non-peer reviewed papers et articles publiés dans des Newsletters) publiés par des scientifiques français entre 2003 et 2012. Ces thématiques sont en lien avec celles des Sciences Plans des programmes IODP (fig. 26). Si l’on s’intéresse aux thématiques des thèses soutenues entre 2003 et 2012, la plus abordée est, comme pour les articles, la paléoclimatologie – paléocéanographie (24% des thèses soutenues) (fig. 28). Les zones de subduction, les arcs et les marges restent également une thématique importante abordée dans les thèses (16%). Contrairement aux articles, l’hydrothermalisme – circulation des fluides et la sismique – géophysique – pétrophysique sont des thématiques souvent abordées dans les thèses (16% des thèses soutenues), la paléontologie – microbiologie et, les dorsales et processus d’accrétion océanique n’étant abordées que dans 11 à 8% des thèses (fig. 28). ~ 40 ~ Figure 28 : Proportion de thèses soutenues entre 2003 et 2012 abordant différentes thématiques en lien avec celles des programmes IODP. De la même manière, chaque français embarquant sur une expédition IODP est spécialiste d’une ou plusieurs thématiques en lien avec celles des Sciences Plans des programmes IODP. Ces thématiques sont à distinguer des spécialités « officielles » (fig. 31) des embarquants à bord des plates-formes de forage. En effet, la (les) thématique(s) de chaque embarquant est directement déduite de la ou des thématique(s) de leurs articles/abstracts (fig. 27) et est donc plus proche des préoccupations scientifiques de chaque embarquant, leur spécialité offshore ne correspondant pas toujours exactement à leur spécialité onshore. Ces statistiques ne prennent en compte que les embarquants des expéditions ayant déjà eu lieu (IODP 302 à IODP 339). La plus grande partie des embarquants français (~17%) sont spécialisés dans la sismique, la géophysique et la pétrophysique (fig. 29). Les scientifiques spécialistes des zones de subduction, des arcs et des marges ainsi que de l’hydrothermalisme et de la circulation des fluides sont également nombreux à embarquer (~15% des embarquants). La paléoclimatologie – paléocéanographie et la paléontologie – microbiologie n’arrivent respectivement qu’aux 5ème et 6ème places du classement des thématiques des embarquants français (10% et 7,5% des embarquants respectivement) (fig. 29). Fig. 29 : Thématiques des scientifiques français ayant embarqué sur une expédition IODP entre 2004 et début 2012. Les thématiques sont déduites de celles des articles/abstracts de chaque embarquants (fig. 27) et sont en lien avec les thématiques des Sciences Plans des programmes IODP (fig. 26). Le classement des thématiques des embarquants est globalement en accord avec celui des thématiques des expéditions (fig. 26 et 29), e.g. prédominance des thématiques en lien ~ 41 ~ avec le thème Solid Earth Cycles and Geodynamics. Par contre, on observe de nombreuses différences entre le classement des thématiques des embarquants et des expéditions et celui des thématiques des articles publiés entre 2003 et 2012 (fig. 30). En particulier, la paléoclimatologie – paléocéanographie est la thématique la plus abordée dans les articles (et les thèses) alors qu’elle représente une proportion relativement faible des expéditions et des embarquants du programme IODP (fig. 26, 28, 30). Ce résultat s’explique, en partie, par le fait que de nombreux scientifiques utilisant des données DSDP/ODP/IODP et n’ayant pas embarqué sur des expéditions IODP publient des articles sur la paléoclimatologie – paléocéanographie. Ce résultat est également lié au fait que les français embarquants sur des expéditions IODP basées sur la thématique Environnemental Change, Processes and Effects et publiant donc principalement des articles de paléoclimatologie – paléocéanographie ne sont pas toujours, strictement parlant, des paléoclimatologues/paléocéanographes mais des sédimentologues. En effet, sur ce type d’expédition, il n’y a pas toujours suffisamment de « matière » pour faire des articles strictement de sédimentologie car ce n'est généralement pas le but de la mission. Ceci explique pourquoi la thématique « sédimentologie » n’a pas été intégrée aux grandes thématiques des fig. 27 et 29 et pourquoi de nombreux articles de paléoclimatologie – paléocéanographie ont été publiés. Enfin, ce résultat semble également indiquer que les scientifiques ayant embarqué sur des expéditions IODP et travaillant sur cette thématique publient des articles plus rapidement (cf. Annexe_Expeditions). Ce même raisonnement peut être appliqué à toutes les thématiques montrant de grandes variations entre la proportion des embarquants et celle des articles (fig. 30). Fig. 30 : Comparaison entre la proportion des articles publiés par des scientifiques français entre 2003 et 2012 et celle des scientifiques français ayant embarqué sur une expédition IODP pour les différentes thématiques en lien avec les Sciences Plans des programmes IODP. 5. Spécialités et statuts des embarquants français lors des expéditions IODP, et travaux post-campagnes Il est aisé de faire le recensement des spécialités « officielles » des participants à une Expédition IODP, puisqu’elles sont spécifiées dans les proceedings de chaque Expédition. Les français qui ont embarqué sur les plates-formes de forage lors du programme IODP étaient principalement, à bord, des spécialistes des propriétés physiques des roches (17%), des ~ 42 ~ pétrologues (16%), des loggeurs (16%) et des sédimentologues (15%) (fig. 31). 8% des embarquants étaient co-chefs de mission. Pour le détail des spécialités « officielles », voir l’Annexe_Participants. Fig. 31 : Spécialités « officielles » des embarquants français (hors enseignants du secondaire) à bord des plates-formes de forage lors des expéditions IODP. (Biosphère : microbiologie, géochimie organique, micropaléontologie et palynologie) Il nous a été demandé de préciser autant que faire se peut le statut des scientifiques au moment de leur participation à une expédition, le volume et la nature des travaux postcampagnes effectués par les embarquants et leurs collaborateurs à terre, ainsi qu’un ordre d’idée du financement dont ils ont disposé pour ces travaux. Les chiffres présentés dans ce paragraphes sont encore provisoires car basés sur un recensement en cours portant sur l’ensemble des embarquants et participants « on shore » aux campagnes IODP. Il repose entre autres sur un questionnaire envoyé à l’ensemble des participants. Bien que les résultats de cette étude soient encore partiels, ils sont malgré tout significatifs de grandes tendances et méritent d’être exposés ici. Parmi les embarquants français, les deux statuts les plus représentés sont les Maîtres de Conférences (30%) et les Directeurs de Recherche CNRS (22%). Concernant les jeunes, 11% étaient des doctorants et 15% étaient des chercheurs débutants (ATER et Post-Doc). Tout cela est détaillé dans la figure 32. Fig. 32: Statut des embarquants français sur les expéditions IODP. (MCF : Maître de Conférences, DR : Directeur de Recherche, CR : Chargé de recherche, ATER : Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche, Post-Doc : Post-doctorant, IR : Ingénieur de Recherche). Le temps consacré à l’exploitation d’une expédition est très variable d’un embarquant à l’autre, il varie de 2 mois d’activité temps plein jusqu’à plusieurs années dans le cadre d’une thèse. En moyenne, le temps consacré à l’exploitation d’une expédition est de 6,5 mois. ~ 43 ~ 70% des embarquants français interrogés ont collaboré avec des scientifiques non embarquants français ou étrangers (Américains, Allemands, Anglais, Belges, Canadiens, etc…) pour exploiter les échantillons et les données de leur expédition (fig. 33). L’exploitation des échantillons est souvent réalisée, du moins en partie, par des étudiants de Master ou des stagiaires (27% des scientifiques non embarquants). Les autres scientifiques français non embarquants fortement impliqués dans l’exploitation des données sont principalement des personnels permanents : des enseignants-chercheurs (22% des scientifiques non embarquants) et des chercheurs (16% des scientifiques non embarquants) (fig. 33). Comme précédemment, le temps consacré à l’exploitation d’une expédition par les scientifiques non embarquants est très variable, il s’échelonne de 0,2 mois à 20 mois d’activité temps plein. Certaines expéditions et projets embarquants de nombreux français comme l’expédition 313 ou le projet NanTroSEIZE (cf. Annexe_Expeditions), présentent d’importantes collaborations internationales. Fig. 33 : Statut des scientifiques non embarquants qui ont participé à l’exploitation des échantillons et des données d’une expédition IODP. (Autres Permanents : permanents dont le statut n’a pas été précisé). Le traitement des échantillons/données des expéditions est financé à plus de 65% par l’INSU via le soutien post-campagne et divers appels d’offres (DyETI, 3F, …) (fig. 34). L’obtention de crédits pour l’exploitation des échantillons et des données des campagnes IODP n’est pas automatique, en France, et est loin d’être triviale en cette période de réduction sans précédent du budget de la recherche et en particulier du soutien de base des laboratoires. Le canal « naturel » de financement est donc une demande de soutien post-campagne auprès de l’INSU mais l’enveloppe financière dévolue à ce soutien est devenue très maigre et doit être partagée avec les très nombreuses demandes faisant suite aux campagnes de la flotte nationale. Les participants à une campagne IODP ne peuvent espérer, actuellement, récupérer qu’une somme de l’ordre d’une dizaine de k€ via ce canal, ce qui est clairement insuffisant au vu du volume important d’analyses à réaliser dans un délai très bref. En effet, chaque naviguant et collaborateur on shore s’engage formellement (au travers d’une « sample request » remplie avant l’expédition) à réaliser le programme d’analyse projeté et à publier ses résultats dans un délai relativement court (deux ans maximum). Par ailleurs, une réunion post-cruise est organisée un à deux ans après la fin de l’expédition et chaque embarquant est tenu d’y participer et d’y présenter ses résultats préliminaires. Il y a également les grands congrès internationaux (AGU, EGU, Goldschmidt, …) auquel il est de bon ton de participer, surtout quand une session spéciale y est organisée suite à une expédition IODP. La participation au post-cruise meeting ne pose pas de problème, elle est prise en charge pour tous les embarquants français, voire pour la plupart des collaborateurs on shore, par le bureau IODP-France. Mais le budget de ce bureau est limité (cf. ci-dessous), n’est en aucun cas destiné au soutien de travaux analytiques et ne permet que très exceptionnellement de prendre en charge des missions à congrès. Une difficulté supplémentaire est liée au fait que la plupart des appels d’offres français se font sur une base ~ 44 ~ annuelle et la date de soumission des projets et, a fortiori, la date de réunion des comités de programme… et le moment où les crédits sont réellement disponibles, sont rarement en phase avec le retour de campagne. Cette situation est très handicapante pour notre communauté nationale et ne contribue pas à rendre attractive, pour les chercheurs français, l’embarquement sur une expédition IODP. Dans un monde idéal, le budget de soutien aux chercheurs français consacrant une « tranche de vie » assez importante au bon déroulement d’un programme d’envergure, le plus grand programme international en Sciences de la Terre, faut-il le rappeler, devrait être beaucoup plus important et permettre de prendre en charge, outre les frais analytiques, des salaires de thésards et de post-doctorants. C’est ainsi que fonctionnent la plupart de nos partenaires. En particulier, l’Allemagne bénéficie d’un budget d’accompagnement au programme IODP dix fois supérieur à celui de la France. Fig. 34 : Type de financement alloué aux embarquants français pour le traitement des échantillons et des données des expéditions IODP. (National : INSU, Laboratoire : fonds propres des laboratoires). Dans un registre plus optimiste, l’avantage d’IODP est que le contexte d’une expédition est particulièrement favorable au développement de coopérations internationales qui se tissent naturellement au cours du travail en commun à bord. De nombreuses recherches post-cruise peuvent être en partie menées, voire financées, dans ce cadre trans-frontières. Une grande partie du budget français « post-campagne » (30,5%) est ainsi issus de financement Européen (fig. 34). Par exemple, l’Expédition 310 (Tahiti) a pu bénéficier du soutien du programme EUROMARC de l’ESF (European Science Fondation), mais celui-ci n’a lancé qu’un seul appel d’offres et cette opportunité n’a donc pas été renouvelée. En moyenne, le montant du financement obtenu par les embarquants français pour l’exploitation d’une expédition tourne autour de 20 k€. Dans le détail, il s’échelonne cependant de 2 k€ à 160 k€ selon les expéditions. Ce sont l’expédition 310 (Tahiti Sea Level), le projet NanTroSEIZE et les expéditions 304-305 qui ont bénéficié des plus gros soutiens, respectivement 160 k€ (INSU et EUROMARC), 133 k€ pour 6 campagnes (INSU) et 48 k€ pour deux campagnes (INSU). 6. Budget du bureau IODP-France Le TGIR (Très Grandes Infrastructures de Recherche) attribue une somme annuelle pour le fonctionnement d’ECORD/IODP France. Cette somme est passée de 150 k€ au début du programme à 200 k€ quand le Chikyu a commencé ses opérations. Cette somme couvre le fonctionnement du bureau IODP-France ainsi que la participation des représentants de l’INSU-CNRS aux réunions de l’ECORD Council et aux réunions internationales (telles que ~ 45 ~ celles de l’IODP Council et de l’International Working Group + qui a discuté de la nouvelle phase du programme). Une bonne partie du budget (les trois-quarts environ) est gérée directement par le bureau IODP-France qui anime la communauté nationale. Ce bureau a d’abord été localisé à Géosciences Montpellier (Benoit Ildefonse), et a déménagé récemment (début 2011) au laboratoire Géosciences Environnement Toulouse (Georges Ceuleneer, Bénédicte Abily et Anne-Marie Cousin). En 2011, le budget géré par le bureau ECORD/IODP-France a été de 162,5 k€. Il a principalement servi à financer les missions des embarquants français pour les pre-cruise (co-chef de mission) et les post-cruise meeting (22,5%), les missions des membres français des divers panels et comités ECORD/IODP (17,9%) et les missions des scientifiques français lors de l’embarquement (15,9%), et à rémunérer la coordinatrice scientifique du bureau (21,5%) (fig. 35). L’overhead du laboratoire Géosciences Environnement Toulouse pour l’hébergement du bureau IODP-France est d’environ 8% (fig. 35). Cette somme est très modeste quand on sait qu’une personne du GET, Anne-Marie Cousin, consacre 1/3 de son temps environ à des tâches de gestion et d’infographie directement dédiées à IODP, et que le même bureau bénéficie d’aides ponctuelles mais régulières des services informatiques du laboratoire. La façon dont le budget du bureau IODP-France était ventilé avant la migration du bureau à Toulouse était comparable, dans les grandes lignes, à l’exemple de l’année 2011 (Benoit Ildefonse, com. pers.). Fig. 35 : Budget du bureau IODP-France pour l’année 2011. Communication & Education Outreach : participation à des congrès, écoles d’été ECORD, programme School of Rock ; Réunions exceptionnelles : Rapid Response Drilling Detailed Planning Group ; Mission membres du bureau IODP-France : participation à des congrès, réunions ECORD/IODP-France ; Equipement : matériel informatique ; Fonctionnement : ouvrages, migration site web, périphériques informatiques, mobilier. Le budget du bureau IODP France est donc juste suffisant pour faire face à l’incontournable. Nous ne disposons que d’une marge de manœuvre très étroite pour d’autres opérations destinées à animer et à soutenir des activités de la communauté nationale. Par exemple, en 2011, nous avons pu consacrer 5% de notre budget pour aider, sous forme de prise en charge de leurs missions, des enseignants participants au programme School of Rock et des jeunes chercheurs participants aux écoles d’été gérées par ECORD (fig. 35). ~ 46 ~ Seconde partie I. Résultats majeurs des Expéditions du programme IODP 1. La Zone Sismogène La grande majorité des séismes de magnitude supérieure à 8, et les huit plus gros séismes jamais enregistrés (de magnitude 8.7 à 9.5), se sont produits au niveau de fosses de subduction. Comme le plan de faille activé lors de ces séismes se situe en mer, ils produisent des tsunamis qui peuvent être plus dévastateurs que le séisme lui-même dans les régions où les côtes sont très peuplées, comme cela a été le cas à Sumatra en décembre 2004 et au Japon en mars 2011. Les Japonais ont construit le navire de forage riser Chikyu pour pouvoir atteindre un plan de faille de subduction dans la zone où ces séismes se produisent, appelée la zone sismogène. Au niveau d’une fosse de subduction, la lithosphère océanique plonge sous le rebord d’un continent ou sous un arc insulaire à une vitesse variant, pour l’ensemble des cas observés, de 2 cm à 11 cm/an. La descente de la lithosphère dans le manteau terrestre est marquée par une zone d’activité sismique jusqu’à une profondeur pouvant atteindre 700 km, que l’on appelle le plan de Bénioff. La zone sismogène est située au-dessus de cette surface qui suit la lithosphère plongeante, au niveau de la zone de faille qui accommode le mouvement relatif des plaques. Seule une partie de cette faille glisse lors des séismes de subduction. En particulier, la partie proche de la fosse rayonne très peu d’ondes sismiques et, dans de nombreux cas, l’inversion des données de tsunami indique que la rupture s’est arrêtée avant d’atteindre la fosse. Hyndman, Wang et Yamano ont formulé l’hypothèse selon laquelle les limites de la zone sismogène seraient déterminées par la température et la composition minérale. En profondeur, la base de la zone sismogène correspondrait à la base de la croûte de la plaque chevauchante, ou à une température de 400±50°C en raison de la plasticité des roches à des températures supérieures. Vers la surface, la limite de la zone sismogène correspondrait à la transformation de minéraux argileux de type smectite en illite, vers 100150°C. Des expériences en laboratoire suggèrent cependant que la transition sismiqueasismique peut se faire à des températures plus basses, vers 60°C, ce qui est cohérent avec les résultats de Boris Marcaillou (embarquant sur l’expédition 333 d’IODP). Restaient aussi des cas un peu mystérieux de séismes rayonnant peu d’énergie sismique et produisant des tsunamis disproportionnés comme celui de Sanriku en 1896 ou de Mentawai en 2010. Ces séismes peuvent correspondre à des mouvements proches de la fosse, en dehors de la zone communément définie comme sismogène. Le projet SEIZE (pour SEIsmogenic Zone Experiment) a pour but de comprendre les phénomènes à l’origine de la transition haute, entre la zone de rupture cosismique et la zone supposée asismique vers la fosse. Il consiste à échantillonner in situ la zone de faille aux profondeurs sismogènes et à y implanter des capteurs, mais aussi à caractériser par une série de puits moins profonds l’ensemble de la marge et de la plaque entrant en subduction. Deux projets ont été retenus, concernant la zone de subduction de Nankai au Japon (NanTroSEIZE) et la zone de subduction du Costa Rica (CRISP). Sur le site de NanTroSEIZE, un réseau câblé d’observation (DONET) comprenant instrumentation fond de mer et instrumentation de puits ~ 47 ~ (sismographes, accéléromètres, clinomètres, jauges de déformation, température, pression de fluide) est aussi en cours d’installation. a. NanTroSEIZE Le projet NanTroSEIZE s’est focalisé sur une zone où un grand chevauchement (appelé chevauchement satellite) remonte à travers la plaque supérieure du plan de faille principal (qui suit à peu près le toit de la croûte océanique plongeante) vers la surface (Figure 1). Ce chevauchement se divise en plusieurs branches qui atteignent le fond de la mer entre le domaine du bassin d’avant-arc où se sont déposés des sédiments peu déformés et le prisme d’accrétion, constitué de sédiments décollés de la plaque plongeante et formant une chaine de plis et chevauchements (Figure 2). Le chevauchement satellite coïncide également avec la limite vers la fosse du glissement cosismique lors du dernier grand séisme ayant affecté la zone, le séisme de To-Nankai en 1944. Il paraissait alors évident que cette faille était la terminaison de la zone sismogène et que son mouvement pendant les grands séismes contribuait au tsunami. Avant les forages, nous pouvions aussi imaginer que le bassin d’avant-arc et le prisme d’accrétion étaient deux domaines géologiquement différents, correspondant à deux épisodes de subduction successifs (plaque Pacifique jusqu’à la fin du Miocène Inférieur puis plaque Philippine du Miocène Supérieur jusqu’à l’actuel), séparés par une période d’une dizaine de millions d’années d’interruption. Figure 1 : Localisation du séisme de To-Nankai et schéma de la zone sismogène montrant la disposition des sites de forages. Le forage profond est prévu au site C0002 de 2012 à 2014. La participation française au projet NantroSEIZE a été significative : 13 participants Français (dont deux co-chefs) provenant de 9 laboratoires se sont répartis sur 6 des 7 expéditions réalisées de 2007 jusqu’à maintenant. Un groupe important a travaillé sur les propriétés physiques à partir des diagraphies et des mesures sur échantillons pour étudier leur évolution avec la déformation à différentes échelles (Marianne Conin, Sylvain Bourlange, Laurent Louis, Pierre Henry, Siegfried Lallemant). L’étude fine des structures de déformation a aussi motivé l’embarquement de spécialistes en géologie structurale (Olivier Fabbri, Vincent Famin). Les fluides ont été abordés du point de vue des propriétés physiques (estimation de la pression, de la saturation en gaz, de la perméabilité ; Mai-Linh Doan, Marianne Conin, Pierre Henry) et de la géochimie (équilibres et réactions avec le sédiment ; Christine Destrigneville). Les français ont aussi contribué de façon importante à la détermination de l’état de contrainte (Mai-Linh Doan, Marianne Conin) et aux travaux de modélisation mécanique et thermique (Boris Marcaillou, Marianne Conin, Pierre Henry). En marge du projet NanTroSEIZE, l’étude des dépôts résultants de grands glissements de terrain affectant les pentes du prisme d’accrétion (projet NanTroSLIDE) a été menée au cours de l’expédition 333 (Co-chef : Pierre Henry). Cet objectif concernant le risque gravitaire a suscité une importante participation Européenne. Au-delà de leur intérêt pour la thématique ~ 48 ~ zone sismogène, les forages réalisés dans la plaque plongeante permettent la détermination de la composition chimique et isotopique de la pile de sédiment entrant dans la subduction, des données cruciales pour les géochimistes étudiant le recyclage des éléments dans les subductions. Deux étudiantes d’ISTerre (Grenoble) travaillant sur ce thème avec Catherine Chauvel ont ainsi embarqué (Shasa Labanieh, Exp. 322; Marion Garçon, Exp. 333). Aujourd’hui, une série de forages relativement peu profonds (< 2 km) a été réalisée le long d’un profil, des observatoires ont été installés sur deux sites et les capacités de forage riser du Chikyu ont été testées. La phase de forage riser profond débute cette année. Nous avons maintenant une bonne caractérisation géologique et géophysique de la marge mais l’investigation de la zone sismogène elle-même ne fait que commencer. Cependant des résultats importants ont été déjà obtenus, et remettent en question certaines des hypothèses formulées. Un premier résultat des forages est le jeune âge du prisme d’accrétion (moins de 2.5 Ma) et du bassin d’avant-arc (moins de 1.6 Ma) (Figure 2). La structure actuelle de la marge date donc de moins de 2,5 Ma et la limite supposée de la zone sismogène correspond à une brève interruption de l’accrétion vers 2-2,5 Ma, et non à un héritage géologique plus ancien. Une interruption comparable de l’accrétion est actuellement observée au front de déformation et dure depuis 400 000 à 800 000 ans. Figure 2 : Coupe sismique interprétée au travers de la marge de Nankai (adapté de Moore et al., 2009). Les âges des unités stratigraphiques traversées en forage sont indiqués en vert pour les sédiments du bassin d’avant-arc, en jaune pour les sédiments de pente et en gris pour les sédiments accrétés. Ensuite, il est progressivement apparu que la branche principale du chevauchement satellite avait cessé d’être active il y a environ 1.3 Ma. Après une période où ce chevauchement a fonctionné comme chevauchement hors séquence en bordure d’un prisme d’accrétion en croissance, sa vitesse de glissement s’est réduite de plus d’ordre de grandeur, devenant inférieure à 0,1 mm/an (1/400 de la vitesse de convergence). De plus, ce chevauchement est maintenant recoupé par des décrochements actifs visibles dans la bathymétrie. Il est clair que cette faille ne peut plus être la terminaison active de la zone sismogène. Une cause possible de cette évolution est un changement du niveau de décollement sous le prisme d’accrétion, suivi de l’arrêt, probablement temporaire, de ~ 49 ~ l’accrétion frontale. Ce changement de régime peut être compris par un calcul d’équilibre des forces faisant intervenir le poids des sédiments accrétés et les coefficients de friction sur les failles. Un autre résultat important concerne l’état de contrainte, qui a pu être déterminé de différentes façons : étude de la stabilité des parois des puits (breakouts), mesures d’anisotropie du rebond élastique sur échantillons, analyse des failles à diverses échelles, anisotropie de la vitesse des ondes P. La contrainte maximale horizontale suit généralement la déformation compressive NW-SE (elle peut varier de perpendiculaire à la fosse à parallèle à la convergence des plaques N305), sauf dans une zone en arrière des chevauchements satellites où une extension perpendiculaire à la fosse est maintenant observée, tout au moins dans le premier kilomètre sous le fond marin (Figure 3). La présence de cette zone en extension n’est pas liée au fonctionnement de ce chevauchement qui est maintenant inactif, mais semble plutôt liée à l’équilibre entre forces tectonique et potentiel gravitaire autour de la rupture de pente. Une modélisation mécanique réalisée par Marianne Conin pendant sa thèse (embarquante sur les expéditions 314, 319 sur Nankai, et 334 au Costa Rica) permet d’estimer les coefficients de frottement effectifs compatibles avec cet état de contrainte actuel à 0.1 pour le décollement du prisme d’accrétion et à 0.2-0.25 pour le chevauchement satellite. Figure 3 : Orientation de la contrainte horizontale maximale déterminée à partir de la déformation de la paroi des puits (à gauche) (adapté de Lin et al., 2010 et Kinoshita et al., 2009). Au Site C0002, la contrainte horizontale maximale parallèle à la fosse traduit un régime de contrainte en extension perpendiculaire à la fosse, exprimé par des failles normales dans la bathymétrie. Exemple d’image de résistivité obtenue par Logging While Drilling (à droite) montrant des fractures compressives (breakout) et en tension, d’orientation orthogonale, dans la paroi du puits au Site C0001. Le quatrième résultat, et probablement celui qui a la plus grande importance immédiate, est la mise en évidence, à une profondeur de seulement quelques centaines de mètres, de modifications discrètes liées à l’échauffement transitoire de la zone de faille par des glissements rapides (cosismiques) aussi bien dans le chevauchement satellite que dans le chevauchement frontal émergeant dans la fosse. Un groupe de chercheurs de l’expédition 316 (comprenant Olivier Fabbri) a montré que la matière organique présente dans les sédiments (vitrinite) a subi dans ces deux failles une maturation anormale dans des zones d’épaisseur centimétrique (Figure 4). La transformation des argiles de smectite en illite est aussi observée ~ 50 ~ localement. Toutefois, les premiers travaux sur les mêmes échantillons n’avaient pas retrouvé les mêmes traces que celles observées dans d’autres zones de failles, comme celle de Chi-Chi à Taiwan : décarbonatation, cristallisation d’oxydes magnétiques, et fusion partielle. Dans les forages peu profonds de Nankai, les températures atteintes sur le plan de faille pendant le glissement sont probablement supérieures à 350°C, mais inférieures à 550°C. Figure 4 : une cartographie de la réflectance de la vitrinite est superposée sur des photos de carottes prélevées (A) dans le chevauchement satellite et (B) dans le chevauchement frontal (Sakaguchi et al., 2011). Le sédiment est transformé en brèche dans les failles et présente des niveaux cisaillés noirs d’épaisseur centimétrique. La réflectance de la vitrinite (Ro) est une mesure de la maturation thermique de la matière organique. L’augmentation locale de la réflectance dans les niveaux cisaillés noirs indique une augmentation importante, mais brève, de température lors de séismes. Dans ce contexte, le séisme de Tohoku du 11 mars 2011 a encore secoué davantage le paradigme de la limite supérieure asismique. Les données récemment publiées par les Japonais montrent que la rupture a atteint la fosse pendant le séisme, et même que le glissement maximal a pu augmenter de 50 m jusqu’à 80 m (en horizontal) dans les 40 km les plus proches de la fosse et que le déplacement de cette zone constitue la source principale du tsunami. Cette zone du plan de faille, cependant, rayonne peu d’énergie sismique, ce qui amène à penser qu’un mécanisme particulier est responsable de la lubrification de la zone de faille, comme cela avait été proposé pour la partie nord de la faille de Chi-Chi à Taiwan. La campagne J-FAST (expédition 343 ; embarquant français : Marianne Conin) prévue en AvrilMai a pour but principal de mesurer l’échauffement dans la zone de faille et de retrouver dans les sédiments déformés la trace de cet événement ou d’évènements antérieurs similaires. Les données acquises lors des premières phases de NanTroSEIZE permettent de connaître l’état actuel de la marge. Ces résultats, ainsi que les observations effectuées lors des derniers gros séismes de subduction dans le monde ont profondément modifié notre vision du cycle sismique. Les propriétés physiques intrinsèques des zones de failles sont un élément important, mais ne sont donc pas le seul facteur déterminant l’amplitude du mouvement ~ 51 ~ cosismique. D’une part, les mécanismes à l’origine de la réduction dynamique du frottement sont multiples et dépendent entre autres de l’amplitude du mouvement et de la vitesse (e.g. pressurisation thermique). D’autre part, il semble maintenant probable que les variations de contrainte au cours des grands séismes sont suffisantes pour amener une partie de la marge, et non seulement la zone de faille, à la limite de rupture. La déformation qui en résulte, et le chemin suivit par la rupture (branchement sur un chevauchement, propagation jusqu’à la fosse ou arrêt en profondeur) dépendront alors de l’état de contrainte tectonique (statique) dans la marge. Les modèles mécaniques de type prisme de Coulomb rendent compte de la diversité des états de contrainte dans les marges actives : critique extensif, critique compressif ou stable. Les observations consécutives au séisme de Tohoku montrent que la sollicitation d’une marge proche de l’état critique extensif par un grand séisme peut induire une extension cosismique et une augmentation du mouvement vers la fosse. D’une manière générale, la zone de rupture co-sismique, le long de laquelle se propage le glissement, semble être plus étendue que la zone où la rupture sismique peut s’initier, qui correspond à la zone sismogène au sens strict. Qu’en est-il de Nankai, et d’autres subductions ? Plus encore maintenant, le forage profond est nécessaire pour comprendre la génération des tsunamis par les séismes de subduction. Il doit cependant être effectué dans un contexte d’observatoire sous-marin, permettant l’étude détaillée de l’activité microsismique, le suivi de la déformation et des variations temporelles de contrainte dans la marge (ceci incluant la pression du fluide interstitiel). Les Japonais ont compris l’importance d’associer en mer l’échantillonnage in situ avec une stratégie d’observation à long terme. Est-ce bien le cas ailleurs ? b. Le projet CRISP, ou l’étude de la zone sismogène d’une marge érosive Le projet CRISP vise à mieux contraindre les processus qui contrôlent la nucléation des grands séismes et la propagation de la rupture sismique dans la partie peu profonde des zones de subduction. Il s’agit du second projet de forage océanique dédié à ce type d’étude. Le premier projet, appelé NanTroSEIZE et initié en 2007, a déjà fourni d’importants résultats pour la compréhension de la transition haute de la zone sismogène dans une marge continentale en accrétion (cf. précédemment). Ce second projet vise à comprendre ce qui se passe dans les marges sans accrétion ou érosives, qui représentent un peu plus de la moitié des marges continentales affectées par une subduction océanique, communément appelées marges actives. Il existe en effet deux grandes catégories de marges actives, de caractéristiques et de géométries différentes, même il est vraisemblable que les marges puissent alterner d’un état à l’autre au cours de leur histoire en fonction, notamment, de la quantité de sédiments à la fosse. Dans les marges en accrétion, une partie des sédiments déposés sur la plaque océanique sont décollés au niveau de la fosse pour former un ensemble plissé et faillé appelé prisme d’accrétion. La partie restante des sédiments est d’abord subduite sous le prisme puis peut ensuite être sous-plaquée, ou transportée plus en profondeur (figure 1). Dans les autres cas, l’épaisseur sédimentaire sur la plaque plongeante est en général plus faible et tous les sédiments entrent en subduction. Les marges érosives sont aussi caractérisées par la présence de failles normales dans la plaque supérieure accompagnée d’une subsidence de la pente, qui peut être recouverte d’importants dépôts. Le mécanisme proposé pour expliquer cette subsidence est l’érosion tectonique de la marge à sa base. ~ 52 ~ Figure 1 : schéma de la partie frontale des deux types de marges rencontrées dans les zones de subduction. En haut : marge en accrétion ; en bas : marge érosive (figure adaptée de figures non publiées de P. Vannuchi). La zone d’épaisseur variable entre la marge et la lithosphère océanique subduite est appelée le chenal de subduction et c’est dans ce chenal, ou le long de ses limites que se localise le plan de glissement principal activé lors des mégaséismes. Dans le cas d’une marge en accrétion, le matériel dans le chenal de subduction est essentiellement constitué de sédiments marins plus ou moins lithifiés et peut également comprendre des lambeaux de croûte océanique. Dans le cas d’une marge érosive, il peut comprendre un part importante de matériel arraché à la plaque supérieure. Différents processus ont été envisagés pour expliquer cette érosion : l’échappement de fluides surpressés du chenal de subduction, les variations de la friction et de l’état de contrainte au cours du cycle sismique, et la rugosité de la plaque plongeante. Dans les deux types de marges, la composition du matériel dans le chenal de subduction et son état physique (e.g. contenu en eau, pression de fluide) déterminent les propriétés de friction du plan de glissement de la zone de subduction et la géométrie de la marge. En théorie, ils devraient donc aussi influencer la propagation de la rupture sismique. Le projet CRISP s’intéresse à la marge érosive du Costa Rica, au large de la baie d’Osa (figure 2). Cette marge a été choisie car elle présente un faible apport sédimentaire, une importante sismicité dont la variabilité latérale peut être mise en relation avec des variations de géométrie du système de subduction. Des études à terre montrent que la marge costaricaine est composée de la formation dite de ‘mélange d’Osa’ formée par l’accrétion de monts sous-marins. Elle est marquée par le passage en subduction d’une ride océanique, appelée ride des Cocos qui est mécaniquement résistante et peut contribuer à augmenter l’érosion basale. La zone de transition sismique – asismique le long du plan de subduction y est supposée relativement peu profonde et devrait pouvoir être atteinte par en forage riser avec le Chikyu au cours de la phase 2 du projet. ~ 53 ~ Figure 2 : Carte bathymétrique montrant la localisation du projet de forage CRISP au large du Costa Rica, côté Pacifique (d’après Vannucchi et al. 2011). Cocos Ridge : ride des Cocos, Carnegie Ridge : ride de Carnégie. La première phase du projet CRISP est focalisée sur le matériel entrant en subduction et sur les sédiments déposés sur la plaque supérieure (figure 3). Les objectifs sont de (1) caractériser la nature, les propriétés et le flux de matériel entrant dans le chenal de subduction, (2) estimer la composition, la texture et les propriétés physiques de la plaque supérieure, (3) évaluer la subsidence et donc l’érosion tectonique à partir de la sédimentation des sédiments de pente, et ainsi quantifier le flux de matière de la plaque supérieure vers le chenal de subduction, (4) caractériser les interactions entres les fluides et la roche, le système hydrologique et les processus géochimiques actifs dans la plaque supérieure, (5) déterminer le champ de contrainte au travers de la limite supérieure de la zone sismogène. Au cours de l’expédition IODP 334 qui a eu lieu en avril 2011, 4 sites ont été forés et plus de 1,6 km de carottes ont été récoltés et analysés. La pile complète des sédiments de pente déposés sur la plaque supérieure a été forée à deux sites, qui devraient servir de trous pilotes pour la phase de forages plus profonds. Parmi les résultats importants de ces forages, nous avons mis en évidence des remontées de fluides d’origine profonde dans deux zones de failles observées dans la prolongation de réflecteurs pentés interprétés comme de grandes failles normales plates se branchant sur le décollement à l’interplaque (figure 3). Nous avons aussi atteint et caractérisé des roches situées au toit de la plaque supérieure. Ces roches sont assez altérées et nous n’avons pas encore la certitude qu’elles correspondent à la formation d’Osa. Elles pourraient correspondre à une zone de conglomérats déposés sur une surface d’érosion, entre les sédiments de pentes et les roches de la plaque supérieure. L’analyse des sédiments de pente a montré un taux de sédimentation très important (0,1 à 1 km/Ma) relativement aux autres secteurs autour de la péninsule de Nicoya, qui pourrait résulter du soulèvement de la partie terrestre lors du passage en subduction de la ride des Cocos, et/ou d’une forte subsidence due ~ 54 ~ à de l’érosion basale. L’analyse des foraminifères benthiques confirme une subsidence rapide de la marge ou cours du dernier 1,5 Ma. Cette campagne a également permis d’échantillonner pour la première fois les basaltes de la ride des Cocos qui constituent un témoignage de la signature du point chaud des Galapagos. Les objectifs suivants pour CRISP sont de mieux contraindre la nature de la plaque supérieure en approfondissant les sites déjà forés, de forer le décollement et la séquence subduite, et de mieux caractériser les sédiments entrant dans la fosse de subduction. Figure 3 : ligne sismique montrant la partie frontale de la marge érosive du Costa Rica, au large de la péninsule d’Osa, et forages effectués au cours de la phase 1 du projet CRISP (Vannucchi et al., 2011). 2. Volcanisme et glissement de terrain Expedition 340: Lesser Antilles Volcanism and Landslides “Drilling volcanic landslides deposits and volcanoclastic sediments in the Lesser Antilles Arc: implications for hazard assessment and long term magmatic evolution of the arc” Proposants du projet initial : - Institut de Physique du Globe de Paris, France : Anne Le Friant, Georges Boudon, Jean-Christophe Komorowski, Christine Deplus, B. Villemant - University of Bristol, UK : Steve Sparks - University of Plymouth, UK : Malcolm Hart - University of Southampton, UK : Martin Palmer, Peter Talling, Jess Trofimovs - Seismic Research Unit, University of West Indies, Trinidad : Richard Robertson - University of Rhode Island, USA : Steve Carey - Penn State University and USGS, USA : Barry Voight - Geological Survey, Japan : Osamu Ishizuka Dates de programmation : 3 Mars – 17 avril 2012 Co-Chefs de l’Expédition : A. Le Friant (IPGP, Paris); O. Ishizuka (Geological SurveyJapan) ~ 55 ~ a. Objectifs Scientifiques L’arc des Petites Antilles se compose de nombreux édifices volcaniques dont 12 au moins ont été actifs dans les 10 000 dernières années. Les édifices volcaniques de l’arc se caractérisent d’une part par leur exceptionnelle diversité de composition magmatique mais aussi par leur diversité de styles éruptifs tout le long de l’arc avec des différences marquées entre les édifices du Nord et ceux du Sud. Par exemple, de grandes déstabilisations de flanc de volcan se sont produites dans la partie Sud de l’arc tandis que dans la partie Nord, les volumes mis en jeux sont beaucoup moins importants (Boudon et al., 2007). De même les variations de sédimentation et de production magmatique entre le Nord et le Sud sont probablement à relier avec la morphologie et la construction de l’arc. Ces variations n’ont pas été observées sur d’autres arcs comme Izu Bonin où des forages ODP ont déjà été réalisés (leg 126, e.g. Taylor, 1992; Fujioka et al., 1992). Le volcanisme des Antilles a déjà été bien étudié générant une base de données indispensable pour envisager des forages IODP afin de répondre à quelques questions fondamentales sur les processus volcaniques et sédimentaires en zone de subduction. Nous avons montré qu’au moins 52 déstabilisations de flanc s’étaient produites sur les volcans de l’arc des Petites Antilles dont au moins 15 dans les derniers 12 000 ans (Boudon et al., 2007, Lebas et al., 2011). Les études autour de Montserrat ont montré qu’au cours d’une éruption comme Soufrière Hills, au moins 75 % des produits émis par le volcan s’épanchaient en mer (Le Friant et al., 2009a). Des forages IODP ont été réalisés pour étudier les grands glissements qui s’étaient produits autour des îles d’Hawaii (ODP leg 126: e.g. Garcia, 1993, Garcia et al., 1994; leg 200: e.g. Garcia et al., 2006) ou des Canaries (ODP leg 157: e.g. Schneider et al., 1997, Goldstrand, 1998, Schmincke et al., 1998). Ces forages étaient localisés dans les turbidites au-delà des dépôts d’avalanche de débris à plus de 4000 m de profondeur, les profils de sismique réflexion acquis directement sur les dépôts d’avalanche de débris ne permettant pas de les imager correctement. En revanche, les profils de sismique réflexion acquis sur les avalanches de débris des Petites Antilles ont permis d’obtenir une bonne image des dépôts et des sédiments à leur base (e.g. Deplus et al., 2001, Le Friant et al., 2003a). Certaines de ces avalanches ont probablement généré des tsunamis. Le projet de forage IODP que nous proposons permettra pour la première fois d’acquérir des carottes dans les dépôts d’avalanche de débris dans une zone où la fréquence des déstabilisations semble plus importante qu’ailleurs (e.g. Hawaii: 1/350 ka, Moore et al., 1989). De plus, les analyses récentes des carottes marines prélevées lors de la campagne Caraval (2002, N/O L’Atalante) ont permis de reconnaître un nombre d’éruptions explosives plus important que celui déduit des seules études à terre où les dépôts des éruptions sont parfois masqués ou érodés. En revanche, nous avons été limités par la longueur de nos carottes marines de l’ordre de la dizaine de mètres (maximum : 15 m) qui ne nous a pas permis de remonter suffisamment dans le temps (entre 25 000 et 250 000 ans en fonction du taux de sédimentation). Le principal objectif de ce projet IODP est maintenant d’aller plus loin afin d’obtenir un enregistrement complet de l’activité éruptive et de la sédimentation volcanoclastique des complexes volcaniques les plus actifs de l’arc des Petites Antilles lors du dernier million d’années. Nous proposons de réaliser 10 forages, choisis stratégiquement autour de trois sites en tenant compte de la dissymétrie de l’arc : Montserrat au Nord (où le volcan de Soufrière Hills est en activité depuis 1995), la Martinique (et sa tristement célèbre Montagne Pelée), et la Dominique (ou plusieurs centres éruptifs sont considérés comme actifs et ont produit d’importantes éruptions pliniennes). Nous avons identifié trois thèmes principaux dans ce projet et un thème additionnel : ~ 56 ~ 1. Améliorer la connaissance et la compréhension des processus de mise en place des avalanches de débris et de leur fréquence, avec des implications sur l’évaluation du risque tsunami. 2. Accéder à l’histoire éruptive à long terme des volcans de l’arc des Petites Antilles (documenter les cycles de construction et de destruction volcanique). 3. Documenter l’évolution magmatique à long terme de l’arc. 4. Documenter la dispersion des sédiments en milieu océanique. b. Localisation des forages proposés Les forages carottés (~ 100 à 500 m) seront réalisés au large de La Martinique, la Dominique et Montserrat, d’une part dans les avalanches de débris (mise en place et mécanismes) et d’autre part dans les sédiments et les tephra (histoire volcanologique des édifices), Figure 01. Les profondeurs demandées ont été déduites des profils de sismique existants en utilisant une vitesse de 1800 m/s (Urgeles et al., 1997). Figure 01 : Localisation des sites de forage proposés c. Résultats attendus Les résultats de ces forages vont significativement améliorer notre compréhension de l’histoire et de l’évolution des centres volcaniques dans cette région fournissant de nouvelles contraintes sur les processus de fonctionnement d’un arc. Ces volcans, qui ont un exceptionnel enregistrement de déstabilisations de flanc pendant le quaternaire et sont encore ~ 57 ~ actuellement instables, posent en effet des risques considérables pour la population des Antilles majoritairement concentrée près des côtes. L’analyse des échantillons s’attachera à répondre aux questions suivantes: 1/ Quels processus et quelles échelles spatio-temporelles caractérisent l’activité éruptive et sa migration le long de l’arc ? 2/ Quelle est la nature du volcanisme durant les premiers stades sous-marins ou sub-aériens de construction des complexes volcaniques (composition chimique, taux de production, explosivité, rôle de la construction par rapport aux processus de destruction) ? 3/ Quel est l’âge et quels sont les mécanismes qui contrôlent le transport des avalanches de débris générées lors des déstabilisations de flanc ? 4/ Quel est le rôle de l’érosion, de l’incorporation des sédiments et/ou de l’eau ainsi que de la fragmentation sur la mobilité des avalanches de débris ? Le volcanisme en Martinique, en Dominique et à Montserrat est représentatif des principaux processus et échelles de temps du volcanisme de l’arc des Petites Antilles, en grande partie similaire à celui d’autres arcs. Ce projet aura des implications importantes en termes de compréhension globale du volcanisme d’arc de subduction. Réaliser des forages aux Antilles offre donc une occasion unique d’acquérir des données et des informations cruciales qui ne pourraient être obtenues par aucun autre moyen, sur les processus de construction et de destruction des édifices volcaniques à l’échelle d’un arc volcanique, ainsi que sur les processus de transport et de recyclage des sédiments volcanogéniques dans les bassins océaniques. 3. La Veine d’Eau Méditerranéenne (Mediterranean Outflow) Tremblements de Terre, Changements Climatiques et Rivières de Sables : Six Millions d’années d’Histoire de la Terre L’Expédition IODP 339 « Mediterranean Outflow » s’est achevée le 17 janvier 2012. Huit mille mètres de puits ont été forés dans le plancher océanique au niveau du Golfe de Cadix et sur la marge continentale à l’ouest du Portugal. Cette expédition a apporté beaucoup de réponses attendues à nos questions, ainsi que des résultats scientifiques totalement inattendus. Ces quelques lignes rédigées à bord, en fin de campagne, sont destinées à vous faire part de quelques-uns des résultats majeurs de cette Expédition. a. Impulsion Tectonique de la Terre Nous avons cherché à comprendre comment le détroit de Gibraltar avait initialement servi de barrière puis de passerelle entre l’Océan Atlantique et la Mer Méditerranée durant les 6 derniers millions d’années. Nous avons pu identifier la trace d’une Veine d’Eau Méditerranéenne profonde et puissante à travers le détroit de Gibraltar qui a débuté il y a plus de 4,5 millions d’années. Mais nous avons également mis en évidence le rôle joué par une « impulsion tectonique » à la jonction entre les plaques Afrique et Europe. C’est elle qui a fermé le détroit de Gibraltar il y a un peu plus de 6 millions d’année, puis l’a ré-ouvert environ un million d’années plus tard. Ce même forçage tectonique a provoqué des épisodes successifs de subsidence de bassin ponctués par des périodes de surrection – la remontée par compaction de volcans de boue à la surface et à travers le plancher océanique. Les carottes que nous avons récupérées conservent l’enregistrement de ces processus. Les effondrements sous-marins, les coulées chaotiques de débris et les déversements massifs ~ 58 ~ de sables en haute mer, marquent le moment où les plaques tectoniques sont rentrées en collision, ce qui s’accompagna d’un nombre accru de tremblements de Terre et de tsunamis. Au niveau de 4 sites, parmi les 7 forés, une portion majeure de l’enregistrement géologique fait lacune dans les carottes de sédiments – et des évidences de hiatus mineurs s’observent au niveau des autres sites. La surrection tectonique régionale a confiné le flux d’eau de mer profond et a créé un courant si puissant qu’il a lessivé et érodé le plancher océanique. Et, quand l’impulsion tectonique a diminué, ces mêmes courants de fond se sont calmés mais étaient toujours suffisamment actifs pour déposer des montagnes de boue. b. Modification du paradigme pour la prospection pétrolière Nous avons cherché à comprendre plus en détails la nature et les propriétés des boues et des sables déposés par ces courants de fond. Ces dépôts sédimentaires sont appelés des contourites car les courants qui les déposent suivent de très près les contours du plancher océanique. Le golfe de Cadix a d’ailleurs été considéré comme le premier ‘laboratoire contourite’ au monde, mais il n’avait jamais été foré à des fins scientifiques, jusqu’à aujourd’hui. Nous avons prélevé des kilomètres de carottes de contourites, et disposons d’un meilleur aperçu de leurs caractéristiques, et nous avons validé sans l’ombre d’un doute le paradigme existant sur la sédimentation des contourites sous une vitesse de flux croissante et décroissante. Nous avons également trouvé beaucoup plus de sable que prévu – remplissant les chenaux de contourites coupés par des rivières sous-marines, soit sous forme d’épaisses couches au sein des montagnes de boues, soit sous forme d’un immense banc de sable s’étendant sur 100 km au niveau du détroit de Gibraltar. Tout ceci témoigne de la grande force, de la vitesse élevée et de la longue durée de ces courants de fond qui sont dues à la Veine d’Eau Méditerranéenne. Nous avions prévu de forer plus de 1500 mètres dans ce banc de sable – mais nous avons perdu un carottier en acier de 10 mètres de long à la base du premier puits, passé quelques heures angoissantes avec un train de tige coincé dans le puits suivant, puis procédé à un sauvetage in-extremis de l’assemblage complet de base de puits à notre troisième tentative. Du sable meuble de la partie supérieure du puits s’était simplement effondré du fait du mouvement du trépan à la base de ce dernier. Nous n’avons pu pénétrer ce banc que sur 230 m, mais c’était suffisant pour proposer un nouveau paradigme sur la recherche de réservoirs profonds adaptés au pétrole et au gaz. L’épaisseur, l’étendue et les propriétés de ces sables de contourites font d’eux une cible idéale pour de futures prospections, dans des zones où ils sont enterrés assez profondément pour permettre le piégeage des hydrocarbures. c. Déchiffrer le code du climat Notre premier site, sur la marge Ouest du Portugal a été totalement consacré à l’obtention d’un enregistrement sédimentaire marin le plus complet possible sur les changements climatiques des derniers 1,5 millions d’années. Ceci permettrait de suivre les traces d’au moins 4 âges glaciaires majeurs de l’histoire récente de la Terre, et d’apporter une nouvelle archive marine à travers des sédiments océaniques non perturbés afin de la comparer avec les enregistrements des carottes de glaces des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique, et avec de nombreux enregistrements terrestres. Nous avons maintenant récupéré cet enregistrement en parfait état sur de multiples carottes. Les analyses réalisées à ~ 59 ~ bord ont déjà révélé des évidences de cycles climatiques. Cependant, il faudra plusieurs mois et même plusieurs années de recherches assidues à terre pour décoder correctement les signaux des changements climatiques du passé et pour documenter les périodes de changement très rapide comparables au réchauffement global que nous vivons actuellement. Par contre, nous ne nous attendions pas à ce que les montagnes de boue de contourite que nous avions ensuite forées dans le Golfe de Cadix montrassent exactement le même signal climatique. Et, en réalité, un signal plus étendu puisque les taux de sédimentation au niveau des amoncellements de contourite étaient 3 à 6 fois plus importants au niveau du Golfe de Cadix qu’au niveau de la marge Portugaise. Ceci permettra un échantillonnage plus détaillé et, peut-être même, constituera une bien meilleure archive des changements climatiques. Déchiffrer le code du climat en utilisant les contourites sera plus difficile puisque ces dépôts sont constitués d’un mélange de sédiments issus de sources variées. Les océans et le climat sont inextricablement liés. Il semble qu’il y ait un signal irrépressible de cette connexion dans les sédiments contourites – une résonance océanique que nous essayerons d’expliquer dans des recherches futures. 4. Diagenèse carbonatée des sédiments océaniques riches en méthane et hydrates de gaz Sur les marges continentales où s’accumulent rapidement des sédiments riches en matière organique, la dégradation des composés organiques par des processus microbiens et abiotiques conduit à la formation d’hydrocarbures dont la composition dépend de leur degré de maturation. Le méthane (CH4) est l’hydrocarbure gazeux qui domine dans les produits de transformation microbienne de la matière organique; le méthane est également associé aux hydrocarbures lourds qui sont produits par des réactions abiotiques au cours de l’enfouissement. Ces deux types de méthane « biogénique » et « thermogénique » peuvent donc être présents dans les sédiments jusqu’à des profondeurs de plusieurs centaines de mètres sous le fond de la mer à l’état dissous, gazeux ou solide suivant leur concentration et les conditions de pression et température. Lorsque les sédiments sont sursaturés en méthane, le méthane est piégé dans les structures cristallines des hydrates de gaz, encore appelées clathrates, qui se forment dans des conditions de haute pression et basse température, c’est-àdire principalement dans les zones polaires et l’océan profond. Leur présence dans les sédiments océaniques avait été détectée par sismique pour la première fois en 1970 au cours du leg 41 du DSDP sur la Blake Ridge dans l’Atlantique Ouest (Ewing and Hollister, 1972). Depuis cette date, la présence d’hydrates de gaz a été reconnue sur l’ensemble des marges des océans et jusqu’à des profondeurs d’eau de plus de 5000 m, comme dans les fosses de Nankai et du Pérou (Kvenvolden et Lorenson, 2001). Plusieurs expéditions des programmes DSDP, ODP et IODP ont été dédiées en partie ou en totalité à l’étude des hydrates de gaz ce qui a permis d’obtenir des informations sur leur distribution, leur composition ainsi que sur les processus sédimentaires associés. Un objectif important de ces études concernait également l’évaluation des stocks de méthane potentiellement exploitables, contenus dans ces réservoirs océaniques profonds. Les processus diagénétiques conduisant à la formation de méthane et à la précipitation de carbonates dans les sédiments anoxiques ont été décrits de façon synthétique grâce aux résultats du leg 76 du DSDP sur la Blake Ridge (Claypool et Threlkeld, 1983; Matsumoto, 1983). Ces travaux ont ensuite été complétés par la découverte dans des sites variés de nouveaux exemples de carbonates diagénétiques enfouis jusqu’à plusieurs centaines de mètres ~ 60 ~ de profondeur dans des sédiments océaniques riches en méthane et/ou contenant des hydrates de gaz. La diagenèse anoxique correspond à une succession de processus biogéochimiques et abiotiques, qui transforment les composés organiques et le méthane (ou d’autres hydrocarbures) pour produire l’alcalinité permettant la précipitation des carbonates. Ces réactions induisent des fractionnements isotopiques très importants entre les composés carbonés réduits qui se trouvent très appauvris en 13C par rapport aux composés carbonés oxydés. Les carbonates présentent ainsi des valeurs de δ13C spécifiques des différents processus diagénétiques : valeurs très négatives pour les carbonates produits par l’oxydation anaérobie du méthane, valeurs très positives pour les carbonates produits par méthanogenèse. La caractérisation minéralogique et isotopique des carbonates diagénétiques se révèle essentielle pour connaître leurs conditions de formation comme l’illustrent les résultats obtenus récemment lors de l’Expédition IODP 323 sur les carbonates diagénétiques des sédiments de la mer de Bering (Pierre et al., 2010). Sur la marge beringienne de la mer de Bering, les sédiments sont très riches en matière organique et en méthane ; ils contiennent de nombreuses intercalations de carbonates diagénétiques qui sont présentes tout au long des 750 mètres de la série sédimentaire déposée au cours du Pléistocène depuis au moins 2 Ma, ce qui démontre que leur formation a été un processus permanent pendant toute cette période. La grande diversité de minéralogie des carbonates (calcite magnésienne, dolomite et carbonates ferrifères) et la grande variabilité des compositions isotopiques de l’oxygène et du carbone (+2,84 < δ18O ‰ V-PDB < +9,19 ; -20,52 < δ13C ‰ V-PDB < +11,37) révèlent la succession des réactions diagénétiques décrites précédemment. Dans les sédiments de sub-surface où le sulfate était disponible dans les eaux interstitielles, l’oxydation anaérobie du méthane couplée à la réduction sulfato-bactérienne conduisait à la précipitation de calcite magnésienne. Plus en profondeur où les eaux interstitielles sont dépourvues de sulfate, la méthanogenèse par fermentation microbienne de la matière organique produisait du CO2 qui était transformé en alcalinité par altération des silicates (en particulier les argiles), conduisant à la précipitation de dolomites et de carbonates ferrifères. ~ 61 ~ L’image ci-dessus prise en rétrodiffusion au microscope électronique à balayage montre l’association de deux phases de carbonates diagénétiques plus ou moins riches en fer. La calcite magnésienne se présente sous forme de fins cristaux fibreux allongés recouverts par de très petits cristaux de carbonate à fort contraste donc riche en fer. Les cristaux de sidérite correspondent aux petits rhomboèdres (1 à 2 µm) à fort contraste. La différence de composition isotopique du carbone de ces deux types de carbonates (δ13C calcite = -6‰ ; δ13C sidérite = +10,6‰) confirme qu’ils se sont formés pendant des stades diagénétiques différents, dans la zone d’oxydation anaérobie du méthane pour la calcite et dans la zone de méthanogenèse pour la sidérite. Références Claypool GE et Threlkeld CN (1983) Anoxic diagenesis and methane generation in sediments of the Blake Outer Ridge, Deep Sea Drilling Project Site 533, Leg 76. In: Sheridan RE, Gradstein FM et al., Init. Repts. DSDP, 76: Washington (U.S. Govt. Printing Office) 391-402. Ewing JI and Hollister CH (1972) Regional aspects of deep sea drilling in the western North Atlantic , Initial Reports, Deep Sea Drilling Project 11, 951-972. Kvenvolden KA and Lorenson (2001) The global occurrence of natural gas hydrates, AGU Geophysical Monograph 124, 3-18. Matsumoto R (1983) Mineralogy and geochemistry of carbonate diagenesis of the Pliocene and Pleistocene hemipelagic mud on the Blake Outer Ridge, Site 533, Leg 76. In: Sheridan RE, Gradstein FM et al., Init. Repts. DSDP, 76: Washington (U.S. Govt. Printing Office) 411-427. Pierre C, Blanc-Valleron MM, Maerz C, Ravelo AC, Takahashi K, Alvarez-Zarikian C and IODP 323 Scientific Party (2010). Carbonate diagenesis in the methane-rich sediments of the Beringian margin, IODP 323 Expedition. AGU, San Francisco (USA), 13- 17 December 2010. 5. Processus Microbiens à North Pond (22°46’N, Flanc Ouest de la Ride MédioAtlantique) : Initiation d’un observatoire sous-marin à long-terme couplant microbiologie, géochimie et hydrologie L’expédition 336 a mis en œuvre avec succès un observatoire sous-marin géomicrobiologique sur la croûte océanique jeune (8 Ma) à 22°45’N et 46°05’W. Les sites de forage sont localisés dans le bassin de « North Pond » sur le flanc de la dorsale médioatlantique à une profondeur de 4414 à 4483 m (Figs. 1 et 2). North Pond est un bassin sédimentaire isolé de 8x15 km environ, délimité à l’Est et à l’Ouest par un relief dont la hauteur peut atteindre 2000 m. Les précédentes campagnes de forage et d’exploration ont mis en évidence une circulation active d’eau de mer dans la section volcanique sous la pile sédimentaire, d’une épaisseur maximale de 300 m. Les études géothermiques (température, flux de chaleur) ont montré que la zone d’infiltration de l’eau de mer se produit principalement dans la partie Sud-Est du bassin et est dirigée vers le Nord-Ouest (Langseth et al., 1984). L’objectif principal de l’Expédition 336 était donc de comprendre comment cette circulation de fluide affecte les processus microbiens et géochimiques au sein de la section superficielle de la croûte océanique jeune. Le but scientifique principal de l’Expédition 336 est d’étudier la nature des communautés microbiennes du plancher océanique, à la fois au niveau des basaltes altérés et des sédiments océaniques. Il s’agit à la fois de tester l’hypothèse que les bactéries jouent un rôle actif dans l’altération de la croûte océanique, et dans le même temps, de savoir dans quelle mesure la circulation des fluides et la géochimie influencent les structures des communautés microbiennes. La dispersion de la faune microbienne dans les sédiments du ~ 62 ~ plancher océanique ainsi que la biogéographie (i.e. la distribution géographique des espèces) seront également étudiés. Le but opérationnel principal de l’Expédition 336 était l’installation de trois observatoires de type CORKs1 dans les puits de forage afin d’initier le suivit à long terme de la microbiologie, de la géochimie et de l’hydrologie. Ces observatoires permettront de mesurer les paramètres physico-chimiques dans le temps et d’étudier les processus in situ après que les perturbations et contaminations induites par le forage se soient dissipées. Un échantillonnage systématique a été réalisé sur les carottes de roches volcaniques et de sédiments provenant des sites de forages instrumentés avec le système CORK afin de mener des études microbiologiques, pétrologiques et géochimiques après la mission. Figure 1 : Localisation de la zone de North Pond sur le flanc Ouest de la Dorsale Médio-Atlantique. Figure 2 : Carte bathymétrique du North Pond indiquant la localisation des forages DSDP 395A et ODP 1074A, et les sites de forage de la mission IODP336 : U1382, U1383 et U1384. Les données bathymétriques sont issues de Villinger et al. (2010). a. IODP 336 : Déroulement de la mission Le forage U1382A, situé seulement à 50 m à l’Ouest du Site 395, a permis de carotter la croûte océanique supérieure entre 110 et 210 mbsf2. Le taux de récupération de la section volcanique et plutonique a été de 31% et différentes unités lithologiques avec des caractéristiques géochimiques et pétrographiques distinctes ont été identifiées. Comme déjà identifiée dans le puits 395A, une brèche sédimentaire est intercalée entre deux unités 1 2 CORK : Circulation Obviation Retrofit Kit mbsf : meters below seafloor (mètres sous le plancher océanique) ~ 63 ~ majeures de coulées basaltiques (massives et en coussin). Elle contient des clastes de basalte, des gabbros et des péridotites de manteau ; cette unité a été interprétée comme le dépôt d’un éboulement issu des reliefs environnants. Le forage U1383C a permis de récupérer 50,3 m de carotte provenant d’une profondeur de 69,5 à 331,5 mbsf. Les basaltes sont des tholéiites de type aphyrique à hautement porphyrique riches en plagioclase et olivine. Ils sont frais à modérément altérés, avec des minéraux secondaires argileux de type saponite, nontronite et céladonite, des oxyhydroxydes de fer, des carbonates et des zéolites. Ces phases secondaires remplacent la mésostase, le verre et les olivines dans différentes proportions. Plusieurs niveaux de calcaire micritique ont été identifiés entre des coulées de laves en coussin. L’épaisseur de sédiment au niveau des sites 1382 et 1384 est de 90 m environ, et varie de 38 à 52 m pour le site 1383. Les sédiments sont essentiellement des boues à nannofossiles avec des niveaux de sables grossiers à foraminifères et parfois des clastes de basalte, de serpentinite, de gabbro et des débris de bivalves. Les derniers mètres des sections de carotte APC3 sont constitués de sédiments argileux bruns potentiellement affectés par des apports hydrothermaux. Le carottage XCB4 à l’interface sédiment-basalte a permis de récupérer environ 1 m de basalte bréchifié avec du calcaire micritique. Les sédiments ont été très largement échantillonnés sur le bateau pour le prélévement des eaux interstitielles et pour les études microbiologiques et géochimiques. La détermination des concentrations en oxygène dissous montre des profils avec des valeurs minimales dans les profondeurs intermédiaires, ce qui indique la diffusion de l’oxygène dans la pile sédimentaire à partir des deux interfaces, avec une consommation d’oxygène par l’activité microbienne aérobique au sein des sédiments. En plus des outils traditionnels de diagraphie, un nouvel outil de logging a été utilisé pour la première fois. Il s’agit du « Deep Exploration Biosphere Investigative tool » qui a été spécifiquement développé pour la détection de la vie microbienne in situ dans les puits de forage du plancher océanique. Des avancées majeures dans l’étude des processus biogéochimiques des flancs de dorsale est attendue grâce aux observatoires de type CORK. Les nouvelles générations de CORK instrumentés permettent maintenant de mener des études multidisciplinaires en hydrogéologie, géochimie et microbiologie, ainsi que de réaliser des expérimentations in situ sous le plancher océanique. Lors de l’expédition 336, deux observatoires fonctionnels ont été installés dans les puits nouvellement U1382A et U1383C. Des outils d’échantillonnage et de mesure ont également été placés dans un puits préexistant (395A). Bien que la tête du CORK pour le puits 395A se soit cassée et qu’un autre puits ait été abandonné à cause d’une défaillance du trépan (U1383B), ils restent très utiles pour de futurs observatoires scientifiques. Le CORK du puits U1382A a été configuré pour l’isolation et l’échantillonnage d’une seule zone de la partie supérieure de la croûte océanique, comprise entre 90 et 210 mbsf. Le CORK du puits U1383C est en revanche à trois niveaux qui permet l’échantillonnage d’une première zone constituée de coulées basaltiques avec du calcaire intercalé (environ 70-146 mbsf), puis d’une zone de coulées basaltiques avec de nombreux niveaux à hyaloclastites (146-200 mbsf), et enfin d’une zone plus profonde (environ 200331,5 mbsf), composée de laves plus massives avec ponctuellement des hyaloclastites dans la partie supérieure. 3 4 ACP: Advanced Piston Corer XCB : Extended Core Barrel ~ 64 ~ b. Un site de premier ordre pour une recherche interdisciplinaire L’altération de la croûte océanique par l’eau de mer est l’un des processus les plus importants contrôlant la chimie des océans et la formation des dépôts métallifères des grands fonds marins. Récemment, le rôle potentiel des micro-organismes endolithiques dans l’altération basse température de la croûte océanique a été identifié. Cependant, l’étude de la biosphère profonde au sein de la croûte océanique volcanique est actuellement limitée par rapport aux études menées dans les sédiments marins profonds. Afin de mieux comprendre l’importance globale de la biosphère profonde et de son implication dans les réactions eau-roches, une gamme d’expériences alliant la microbiologie, la biogéochimie et l’hydrologie va être conduite sur plusieurs années sur le site de North Pond. Cette expédition IODP permettra, pour la première fois, de mettre en pratique plusieurs nouveaux traceurs et outils biogéochimiques pour l’étude d’une biosphère profonde active dans un contexte de flanc de dorsale de basse température. Les équipes françaises de l’Ifremer et de l’IPGP vont réaliser des approches combinant le marquage moléculaire, l’étude de la signature en isotope stable (O, C, S, et Fe) et la minéralogie des phases secondaires (ex. carbonate, pyrite, argile, oxyhydroxydes de fer). L’objectif étant de localiser spécifiquement au sein des minéraux les cellules individuelles, afin d'enquêter sur leur affiliation phylogénétique, tout en caractérisant les microhabitats, les interactions passées et les sousproduits métaboliques (i.e. biomineralizations). Ce jeu de données sera interprété dans le cadre des études de diversité et d’activité microbienne réalisées sur les mêmes échantillons. Cette approche permettra ultimement de mieux contraindre l'étendue de la colonisation microbienne en profondeur, sa diversité, son activité, ainsi que son effet dans la spéciation et la distribution des traceurs chimiques dans la croûte océanique. Références Langseth, M. G., Hyndman, R. D., Becker, K., Hickman, S. H., and Salisbury, M. H., 1984, The hydrogeological regime of isolated sediment ponds in mid-ocean ridges, in Biju-Duval, B., Moore, J. C., and al., e., eds., Initial Reports DSDP 78, Washington, DC, US Government Printing Office, p. 825-837. Villinger, H. et al., 2010, Cruise report Maria S. Merian cruise MSM11, http://www.ifm.zmaw.de/fileadmin/files/leitstelle/merian/MSM11/MSM11-1-SCR.pdf. 6. Les variations du niveau marin a. Position du problème L’impact de la hausse dramatique du niveau marin liée au réchauffement climatique global risque d’être directement ou indirectement ressenti par une grande partie de la population mondiale. Les incertitudes sur les prévisions du niveau marin pour 2100 restent cependant importantes (0,5 – 2,0 m) puisqu’elles sont basées sur des enregistrements instrumentaux qui s’étendent sur les derniers 150 ans seulement, et que la dynamique actuelle des calottes glaciaires en réponse à un réchauffement climatique terrestre contemporain est mal comprise. Une des plus importantes préoccupations des chercheurs en Sciences de la Terre est d’améliorer notre connaissance du rythme et du comportement des calottes glaciaires en réponse au réchauffement climatique en reconstituant la chronologie, les amplitudes, les taux, ~ 65 ~ les mécanismes, et les effets des variations du niveau marin à différentes échelles de temps. Contraindre l’histoire des changements du niveau marin permet également de fournir des données directement utilisables par des chercheurs d’autres disciplines du fait des relations étroites entre l’eustasie et la croissance des calottes glaciaires et la décomposition, la nutrition et la productivité océanique, le stockage du carbone et la chimie des océans. Les enregistrements en continu des sédiment marins apportent des informations sur la gamme de variabilité du niveau marin, depuis des périodes chaudes, avec des niveaux de CO2 élevés, qui étaient virtuellement sans glace et caractérisées par des niveaux marins d’une dizaine de mètres plus élevés qu’aujourd’hui (de 100 à 33 Ma), à des périodes pendant lesquelles les calottes glaciaires de l’Antarctique étaient stables (à partir de 33 Ma) et des périodes caractérisées par des changements climatiques brutaux pendant lesquelles les calottes de glaces recouvraient la majorité du Nord de l’Amérique et de l’Europe (2,5 Ma à aujourd’hui). Les fluctuations du niveau marin résultent des variations du volume d’eau dans les océans ou du volume de basins océaniques, du fait de l’interaction spatiale et temporelle complexe d’un spectre de processus, incluant la subsidence thermique de la lithosphère, la compaction des dépôts de sédiments, les changements dans l’apport sédimentaire des zones côtières et dans la charge isostatique et/ou flexurale de la croûte, la redistribution de masse de la glace terrestre qui affecte le niveau de la mer en déformant le plancher océanique (à travers la déformation isostatique) et la surface des océans (à travers des changements de gravité), et divers autres mouvements tectoniques verticaux au niveau des bassins. La reconstitution de la variation du niveau marin eustatique est donc un défi considérable et nécessite la coordination de nombreux transects de puits de forage onshore et offshore représentant de multiples périodes de temps dans des contextes tectoniques et sédimentaires variés, incluant des systèmes siliciclastiques, carbonatés et mixtes. b. Les contributions d’IODP et d’ECORD aux études de la variation du niveau marin Durant les 5 dernières années, les contributions d’IODP et d’ECORD aux études de la variation du niveau marin se sont focalisées sur le raffinage de la chronologie, des amplitudes et des mécanismes des variations du niveau marin eustatique. Parmi les 4 expéditions réalisées, 2 se sont concentrées sur la période Oligocène - Actuel au niveau de marges continentales essentiellement siliciclastiques (L’Expédition 313 « New Jersey Shallow Shelf » en Avril - Juillet 2009 – avec Jean- Noël Proust comme co-chef de mission ECORD – et l’Expédition 317 « Canterbury Basin » en Novembre 2009 - Janvier 2010), et les 2 autres se sont focalisées sur les enregistrements haute résolution de la hausse du niveau marin lors de la dernière déglaciation par les récifs coralliens (23-6 ka ; l’Expédition 310 « Tahiti Sea Level » en Octobre - Novembre 2005 – avec Gilbert Camoin comme co-chef de mission ECORD – et l’Expédition 325 « Great Barrier Reef Environmental Change » en Février - Avril 2010). L’ESO (ECORD Science Operator) a joué un rôle essentiel dans ce projet en opérant trois campagnes ayant nécessité la mise en œuvre des plates-formes spécifiques (MSP) : les expéditions 310 (« D/P Hunter »), 313 (« L/B Kayd ») et 325 (« D/V Greatship Maya »). Les variations du niveau marin de l’Oligocène à l’Actuel au niveau de marges continentales essentiellement siliciclastiques ~ 66 ~ Les deux expéditions se focalisant sur les variations du niveau marin de l’Oligocène à l’Actuel au niveau de marges continentales majoritairement siliciclastiques poursuivent l’effort commun pour l’acquisition d’une large couverture géographique des enregistrements du niveau marin après la réalisation de plusieurs transects de forage ODP (Ocean Drilling Program) à travers la marge du New Jersey (ODP Legs 150, 150X, 174A, and 174AX) et les Bahamas (Leg 166 et sites des plates-formes spécifiques) et la réalisation d’une expérience ciblée sur l’amplitude du niveau marin sur le Plateau Marion, au Nord-Est de l’Australie (Leg 194). Les objectifs de ces deux expéditions étaient similaires et visaient à comprendre l’importance relative des niveaux marins globaux (eustasie) à l’Oligocène et à l’Actuel par rapport à la tectonique locale et aux processus sédimentaires à partir de l’étude des ensembles sédimentaires (séquences) et de leurs discordances. L’approche utilisée pour déterminer les amplitudes eustatiques consiste à combiner une structure bien délimitée de séquence stratigraphique et des analyses de backstripping. Au cours de ces deux expéditions, la comparaison entre la chronologie des variations du niveau de base et l’âge de la décroissance du niveau marin prédit par le proxy glacio-eustatique δ18O était considérée comme un objectif principal afin d’améliorer l’enregistrement des fluctuations du volume des glaces. Expédition 313 « New Jersey Shallow Shelf » Pas moins de 15 réflecteurs régionalement cartographiés ont été recoupés au niveau de plusieurs sites de forage lors de l’Expédition 313 et ont été étudiés en détails par les sédimentologues et par les stratigraphes d’ECORD (Maria Angela Bassetti, Stephen Hesselbo, David Hodgson and Marina Rabineau). Fig. 1 – Chronologie basée sur l’intégration des âges biostratigraphiques et isotopiques (Sr) au niveau des sites M0027 – M0029 de l’expédition 313. (D’après Mountain, Proust and Expedition 313 Science Party, 2010, Scientific Drilling, 10, 2634). ~ 67 ~ Les sédiments collectés pendant l’Expédition 313 se sont déposés sur un plateau continental dominé par les vagues et les rivières, et pendant des intervalles de dégradation de la pente du clinoforme. L’ensemble sédimentaire a été daté à l’Oligocène supérieur – Miocène moyen, à partir d’études biostratigraphiques (principalement basées sur les palynomorphes, les foraminifères et les nanofossiles calcaires) et de datations Rb/Sr effectuées sur des coquilles de mollusques et des foraminifères. Un diagramme préliminaire Age-Profondeur a été réalisé (Fig. 1) et sera amélioré au cours des études onshore. Les variations des paléo-profondeurs sont des données critiques pour estimer l’amplitude des changements du niveau marin et ont été déterminées à partir de divers assemblages de microfossiles (foraminifères benthiques, dinokystes et palynomorphes terrigènes, les deux derniers étant étudiés par des scientifiques d’ECORD, Ulrich Kotthoff et Francine McCarthy) situés dans des intervalles individuels limités, dans leur partie supérieure, par des discordances. Ils suggèrent des variations du niveau marin d’une amplitude atteignant 60 m pendant les périodes étudiées. Le constituant eustatique réel impliqué dans ces variations sera extrait des enregistrements stratigraphiques en utilisant des méthodes de backstripping qui prennent en compte les effets de la compaction des sédiments, de la charge (la réponse de la croûte à la masse des sédiments susjacents), et des variations de la profondeur de l’eau sur la subsidence du bassin. Expédition 317 « Canterbury Basin » Forer dans le bassin de Canterbury, sur la marge Est de l'île Sud de la Nouvelle Zélande, a permis de tirer profit des fort taux d’alimentation de sédiments Néogène qui préservent un enregistrement haute-fréquence (périodes de 0,1 à 0,5 Ma) des cycles de dépôt. Fig. 2 – Lithostratigraphie et stratigraphie sismique du bassin de Canterbury (D’après Fulthorpe et al., en préparation pour être soumis à Scientific Drilling). 19 limites de séquences sismiques datées du Miocène Moyen au Pléistocène ont été précédemment définies à partir de l’interprétation de séquence stratigraphique et l’Expédition 317 fut destinée à la collecte de « vérités de terrain » pour les 4 séquences supérieures (Fig. ~ 68 ~ 2). L’impact des variations du niveau marin a été enregistré à différentes échelles. A très grande échelle, il a été démontré que les paléo-plateaux Pliocène et ceux plus anciens n’étaient pas exposés à l’atmosphère au niveau des limites de séquence alors que ceux plus récents étaient exposés lors de fluctuations eustatiques Pléistocène de forte amplitude. Les séquences forées lors de l’Expédition 317 sont à la frontière entre la cyclicité de Milankovitch et des cycles de plus longues périodes, de troisième ordre, sismiquement visibles; la période de la plupart des séquences sismiques varie de ~0,1 à ~0,4 Ma. L’approche utilisée consiste à dater les limites des séquences sismiques du clinoforme, en particulier par l’étude biostratigraphique des nannofossiles, ce qui a été réalisé par Laura Pea (ECORD), à analyser les faciès associés afin d’apporter des informations pour estimer des amplitudes eustatiques et à étudier les corrélations à petite échelle entre la lithologie et les limites de séquences sismiques, à partir des changements de la composition lithologique, de la présence de sédiments transportés et de la nature des contacts, ce qui a été réalisé par les sédimentologues d’ECORD Helen Lever and David Kemp. En complément des travaux sur le niveau marin, d’autres études ont été menées lors de l’Expédition 317. Les premiers échantillons microbiologiques issus du plancher océanique dans un contexte de plateau/pente continental(e), incluant l’échantillon le plus profond récolté pour des études microbiologiques au cours d’un forage océanique scientifique (1925 m au Site U1352), ont été étudiés par une microbiologiste (Maria-Cristina Ciobanu) et une géochimiste (Julius Lipp) d’ECORD. Les enregistrements de la hausse du niveau marin lors de la dernière déglaciation par les récifs coralliens Les carbonates de faible profondeur, et spécialement les récifs coralliens, sont sensibles aux changements environnementaux et aux variations du niveau marin en raison de la dépendance à la lumière du soleil de nombreux organismes sécrétant des carbonates, et de leurs besoins écologiques spécifiques (salinités et températures de l’eau de surface, nutriments et contenus clastiques, etc…). La datation précise des récifs coralliens par spectrométrie de masse est de première importance pour déterminer la chronologie des événements de déglaciation et donc pour comprendre les mécanismes à l’origine des cycles glaciaire – interglaciaire. Les récifs coralliens apportent donc l’enregistrement le plus détaillé et le plus direct sur les variations du niveau marin, mais ne peut être déterminé que jusqu’au Pléistocène inférieur. Les deux expéditions basées sur cette thématique et opérées par ESO sur des platesformes spécifiques, l’Expédition 310 « Tahiti Sea Level » - avec Gilbert Camoin comme cochef de mission ECORD - et l’Expédition 325 « Great Barrier Reef Environmental Change », étaient les deux premières expéditions de ce type effectuées par un programme de forage océanique scientifique. Les deux expéditions étaient liées au même proposal (Proposal #519 by ECORD PI Camoin et al., 2002) et avaient les mêmes objectifs : 1) reconstituer la hausse du niveau marin lors de la dernière déglaciation (i.e. 23–6 ka), 2) déterminer la variabilité climatique durant cette période, et 3) évaluer l’impact des changements environnementaux et des variations du niveau marin sur le développement des récifs. Expéditions 310 « Tahiti Sea Level » et 325 « Great Barrier Reef Environmental Changes » L’Expédition 325 ayant été opérée très récemment (Février-Avril 2010), les résultats présentés ci-dessous et liés aux trois objectifs listés précédemment concernent principalement l’Expédition 310. ~ 69 ~ Niveau marin et impact sur le développement des récifs – Les scientifiques d’ECORD ont joué un rôle essentiel dans l’acquisition des données sur les variations du niveau marin puisque le contexte chronologique a été déterminé par deux laboratoires géochimiques Européens (Le CEREGE – Pierre Deschamps – et l’Université d’Oxford – Alexander Thomas) couplé avec des informations sédimentologiques et paléobiologiques principalement fournies par Gilbert Camoin (ECORD) – Co-chef de mission de l’Expédition. Fig. 3 – Courbe du niveau marin de Tahiti reconstruite à partir de datations U/Th sur des coraux prélevés dans des carottes forées offshore et onshore au niveau de l’île de Tahiti. La courbe bleue épaisse qui prolonge la courbe marron précédemment déterminée à partir de données onshore du niveau marin indique clairement la présence de l’événement MWP-1A. (D’après Deschamps et al., soumis à Nature.). Une nouvelle courbe pour les derniers 16 ka a été reconstruite à partir des âges U-série déterminés sur des échantillons de coraux, ce qui fournit alors un enregistrement complet et détaillé sur la hausse du niveau de la mer pendant cette période clef de la dernière déglaciation. Ces données apportent des contraintes strictes et définitives sur l’amplitude (16±2 m) et la durée du Meltwater Pulse (MWP)-1A, indiquant de manière indiscutable que le MWP-1A a dû se terminer au moins avant 14,3 ka et a très probablement débuté autour de 14,65 ka, ce qui contraste clairement avec la chronologie précédemment déduite de l’enregistrement des récifs de la Barbade (Fig. 3). Ceci indique que le MWP-1A est contemporain du réchauffement Bølling, suggérant une relation temporelle, et probablement causale, entre ces deux grands événements de la dernière déglaciation. La hausse du niveau marin pendant ce dramatique événement était donc d’environ 50 mm/an, ce qui induit inévitablement des impacts considérables sur la circulation océanique et le climat global comme le suggèrent des modélisations numériques récentes. Ces résultats couplés avec des modélisations d’ajustement glacio-isostatique (GIA) indiquent une importante contribution des calottes de glace de l’Antarctique dans le Meltwater Pulse (MWP)-1A. Les changements de composition des assemblages coralliens coïncident avec les variations abruptes du taux de ~ 70 ~ croissance du récif et reflètent la réponse de la pile récifale à croissance ascendante à la hausse non-monotone du niveau marin et aux changements environnementaux contemporains. Aucune rupture majeure dans le développement du récif n’est observée entre 16 et 10 ka. Un « noyage » naissant et un retrait général du complexe récifal a cependant été mis en évidence dans la fenêtre de temps 14,6-13,9 ka, contemporaine du MWP-1A, ce qui laisse supposer que la croissance du récif est décalée par rapport à la hausse du niveau marin. Les récifs s’accrètent principalement par des processus d’aggradation à des taux de croissance de 10 mm/an en moyenne, ce qui exclut donc un impact catastrophique sur le développement du récif tel que la cessation temporaire de la croissance du récif comme précédemment déduit des enregistrements existants sur les récifs coralliens. Les résultats préliminaires obtenus sur les carottes récifales forées pendant l’Expédition 325 indiquent qu’un enregistrement précis des variations du niveau marin pendant la dernière période glaciaire complètera les résultats obtenus à Tahiti, démontrant alors que la stratégie de forage dans ces deux régions, Tahiti et la grande barrière de corail, était appropriée pour obtenir un enregistrement complet de la hausse du niveau marin lors de la dernière déglaciation dans le Pacifique Sud. Des résultats de première importance ont également été obtenus sur la chronologie de l’avant-dernière déglaciation au niveau de Tahiti lorsque le niveau marin était remonté à ~85 m au-dessous du niveau marin actuel en 137 ka, et avait fluctué sur une échelle de temps millénaire au cours de la déglaciation. Ceci indique que la pénultième déglaciation a été plus précoce à l’égard de l’insolation estivale de l’hémisphère Nord que la dernière déglaciation, initiée lorsqu’elle était à son minimum (Fig. 4). Fig. 4 – Diagramme du niveau marin pour MIS 3, l’avant-dernière déglaciation et MIS 6. (a) Diagramme Age vs. Subsidence corrigée de la profondeur. (b) Subsidence/surrection corrigée des élévations des coraux vs. Age, pour l’avant-dernière déglaciation. (D’après Thomas et al., Science, 324, 1186-1189). Variabilité climatique – Les coraux collectés au cours de l’Expédition 310 ont conduit à l’exploration de la variabilité climatique du Pacifique tropical Sud à travers la reconstruction mensuelle des températures de la surface des océans (SST pour sea-surface temperatures) pendant diverses fenêtres de temps de la dernière déglaciation. Des géochimistes d’ECORD, Thomas Felis et Edmund Hathorne, ont développé de nouvelles ~ 71 ~ techniques géochimiques et de nouveaux proxys pour reconstruire les SST. A 15 ka, une variabilité interannuelle prononcée durant des périodes El Nino-Southern Oscillation (ENSO), avec des SST plus faibles de 3,5°C par rapport à aujourd’hui, suggère que la variabilité interannuelle ENSO dans cette région était plus forte à la fin de la dernière déglaciation. A 12,4 et 14,2 ka, correspondant au refroidissement brutal Younger Dryas (YD) et au réchauffement Bølling–Allerød (B–A) de l’hémisphère Nord, respectivement, la moyenne annuelle des SST était plus faible de 2,6 à 3,1°C à 12,4 ka et de 1,0 à 1,6°C à 14,2 ka par rapport aux SST actuelles, sans changements significatifs dans l’amplitude du cycle saisonnier des SST. Un déplacement de 1,5°C vers de plus faibles SST s’est produit de 13,1 à 12,4 ka, apportant de nouvelles évidences sur un refroidissement prononcé de l’est au centre du Pacifique tropical Sud pendant l’événement Younger Dryas de l’hémisphère Nord. 7. Formation de la croûte océanique profonde aux dorsales océaniques La période IODP a connu un nombre relativement restreint d’expéditions dédiées à la thématique roches « dures ». Trois d’entre elles furent dédiées à la croûte océanique se formant en contexte de dorsales à taux d’expansion ultra-rapide, où l’apport magmatique est particulièrement abondant, deux autres se sont intéressées au contexte de dorsale lente, où l’apport magmatique est, a priori, beaucoup plus restreint et où l’action de grandes failles de détachement semble dominer la structuration de la croûte océanique. Une expédition sera consacrée dans quelques mois à la poursuite de l’exploration du Hess Deep, initiée durant la phase ODP (Expédition IODP 345). Nous dressons ci-dessous un bref bilan de ces opérations. Des informations complémentaires peuvent être trouvées dans la Thematic Review-2 d’IODP « Oceanic Crustal Structure and Formation », publication téléchargeable sur le site internet http://www.iodp.org/trc/2/ et jointe aux documents fournis aux participants des journées IODP-France d’avril 2012. a. Contexte d’expansion ultra-rapide La connaissance géologique (directe) que nous avons de la croûte océanique profonde est basée sur des observations effectuées dans deux contextes : les ophiolites (fragments de lithosphère océanique ancienne charriés sur les continents) et les sections de croûte profonde exposées sur le fond de la mer du fait du jeu de failles. Chacun d’eux présente des limitations importantes. Le contexte de formation des ophiolites est encore très mystérieux et fortement débattu : s’agit-il vraiment de témoins fiables des dorsales océaniques ? Ne seraient-ce pas des reliques d’anciens bassins marginaux ? Cette ambiguïté n’existe pas pour les roches abyssales, bien entendu, mais l’on est en droit de se demander si les contextes fortement tectonisés remontant des roches profondes sont représentatifs des processus d’accrétions océaniques les plus courants. En tous cas, à quelques exceptions près (le Hess Deep et le Pito Deep dans le Pacifique Est), seule la croûte profonde formée au niveau de dorsales à faible apport magmatique est accessible par ce biais. Echantillonner la croûte profonde (au moins son sommet) formée au centre d’un segment de dorsale à forte vitesse d’expansion, à fort apport magmatique et non détruit par la tectonique fut considéré comme une priorité dès la fin de la phase ODP. C’est ce constat qui a motivé le projet de forage « Superfast Crust », soumis initialement à l’évaluation des comités IODP en 1998. Le choix du site (futur Site 1256, Fig. ~ 72 ~ 1) fut dicté par plusieurs critères. La vitesse d’expansion, d’abord : un secteur du Pacifique caractérisé par des vitesses d’expansion record (atteignant 22 cm/an d’ouverture totale) a été retenu. Cela donnait accès à un « endmember » dans les processus d’accrétion océanique. De plus le complexe filonien est d’autant plus mince que la vitesse d’expansion est grande, selon certaines données sismiques et certains calculs, ce qui augmentait les chances de traverser cet horizon pour atteindre la croûte profonde supposée avoir cristallisé dans une chambre magmatique. Un autre critère fut l’absence de tectonique apparente dans les données sismiques acquises lors du site survey de ce site. Enfin, l’expérience du puits 504B nous avait appris qu’il était très ardu de forer dans une croûte jeune, instable et chaude (en l’occurrence 5 Ma). Le site 1256 est situé dans une croûte plus âgée (15 Ma) que celle du site 504. Ce choix s’est avéré excellent, et les hypothèses concernant la faible épaisseur du complexe filonien correctes, puisque cinq mois de forage environ ont suffi pour atteindre une profondeur de 1500 m là où 14 mois furent nécessaires pour atteindre 2111 m au niveau du puits 504B, et que le complexe filonien a bien été traversé sur toute son épaisseur. Fig. 1. Localisation du Site 1256. Le forage du puits 1256D a été initié lors du Leg 206 d’ODP et poursuivi au cours des Expéditions 309 et 312 d’IODP (Fig. 2a). Le résultat emblématique de ces missions est donc d’avoir atteint l’objectif majeur : la transition entre le complexe filonien et les gabbros du toit de la chambre magmatique. Plus récemment, l’Expédition 335 (13 Avril – 3 Juin 2011) a été conduite dans l’espoir de pénétrer plus profondément dans les gabbros de la chambre magmatique. Espoir déçu en raison de difficultés techniques. ~ 73 ~ a) b) Fig. 2. a) Log lithologique, chimique et pétrophysique du puits 1256D à l’issue de l’Expédition IODP 312 ; b) Log lithologique détaillé de l’interface entre la croûte superficielle (complexe filonien) et la croûte profonde (gabbros) au niveau du puits 1256D à l’issue de l’Expédition IODP 335. Il n’empêche qu’atteindre ce niveau de la croûte océanique a permis de mettre en évidence l’existence d’une zone extraordinairement complexe (hétérogénéité lithologique en partie responsable des difficultés rencontrées au cours de l’Expédition 335, d’ailleurs) (fig. 2b). Cette interface entre le domaine relativement bien connu de la croûte superficielle et cette « terra nondum cognita » que constitue la croûte profonde s’est avérée être le siège de processus fondamentaux pour les échanges entre les enveloppes internes et externes de la planète. Le magma chaud provenant du manteau et convectant dans la chambre magmatique est capable d’assimiler la croûte supérieure altérée par l’eau de mer. Les données du puits 1256D, complétées d’observations dans les ophiolites, indiquent de plus que cette zone de transition entre la chambre magmatique et le complexe filonien est une limite mobile: elle monte et descend au gré du duel que se livrent magmas et fluides hydrothermaux. Ces cycles permettent d’accroître considérablement la surface de réaction entre les enveloppes profondes et superficielles de la planète et gouvernent donc en partie les bilans globaux (carbone, hydrogène, etc…). Au-delà de cette avancée majeure, les informations obtenues in situ au niveau du puits 1256D sur la nature et la composition des roches constituant la croûte océanique, sur leurs ~ 74 ~ propriétés physiques, leur état d’altération, etc… sont d’une valeur inestimable pour calibrer les données géophysiques et donc améliorer les méthodes d’imagerie indirecte de la lithosphère dans l’ensemble des océans. En particulier, les données du puits 1256D, confrontées à celles du puits 504B, ont permis de battre en brèche une croyance comme quoi la transition entre les couches sismiques 2 et 3 (limite entre croûte supérieure et croûte inférieure définie par une discontinuité de vitesse sismique) ne correspondait pas à une transition lithologique et chimique (limite entre diabases et gabbros) et reflétait plutôt une limite physique liée à la fracturation et à la pénétration du front d’altération hydrothermale. b. Contexte d’expansion lente : Genèse de la croûte océanique au niveau des grandes failles de détachement La bathymétrie au niveau des dorsales à faible vitesse d’expansion est infiniment plus variée et tortueuse que le long des dorsales rapides. Elle témoigne de l’importance des processus tectoniques dans ces environnements où le taux d’apport magmatique est très variable dans l’espace et dans le temps, et peut être, localement, très restreint pendant plusieurs millions d’années. Ce contexte est favorable à la mise à l’affleurement sur le plancher océanique de surfaces structurales correspondant à de grandes failles normales, dites « de détachement ». Le plan de faille imagé sur la fig. 3 a une extension d’une dizaine de kilomètres. Fig. 3 : Plan d’une faille de détachement active le long de la dorsale Medio-Atlantique à 13°19’N, expression en surface d’un « Oceanic Core Complex » (MacLeod et al., 2009). Les expéditions de forage IODP 304 et 305 ont été dédiées à l’étude de l’un de ces « Oceanic Core Complex » situé vers 30°N le long de la dorsale Medio-Atlantique (MAR) et appelé Atlantis Massif (fig. 4). Avant ces expéditions, on supposait que ces grandes failles normales ne se développaient que dans des contextes où l’apport magmatique était quasi nul (on parlait d’expansion « amagmatique ») où la croûte océanique était donc quasi inexistante et le manteau sub-affleurant. Les données géophysiques de surface (sismique,…) et l’échantillonnage par dragage semblaient confirmer cette hypothèse : des mesures de vitesses sismiques élevées, typiques du manteau terrestre légèrement altéré par l’eau de mer (« serpentinisé »), avaient été mesurées et ~ 75 ~ les dragues avaient, en effet, remontées des échantillons de péridotites (roches constitutives du manteau) partiellement transformées en serpentines (fig. 4). Fig.4 Localisation des sites IODP forés lors des Expéditions 304-305, MAR 30°N. Voici ce que les modèles prédisaient (fig. 5): sous ces failles de détachement on imaginait une mince pellicule de manteau très altéré (serpentinites) passant en profondeur à des péridotites mantelliques relativement anhydres entrecoupées de rares roches magmatiques (gabbros, roches issues de la cristallisation de basaltes). Cette association lithologique avait été observée dans des environnements similaires lors de certains forages (puits ODP 920D, vers 23°N le long de la dorsale Medio-Atlantique, par exemple) et l’on croyait que c’était la règle générale. Fig. 5 : Modèle des « Oceanic Core Complex » avant les Expéditions IODP 304 et 305. Les Expéditions IODP 304 et 305 furent un grand succès technologique puisqu’elles permirent de forer un puits (U1309D) de 1415 m avec un taux de récupération rarement atteint pour des puits aussi profonds (75% du puits a pu être carotté (et quelles carottes !) (fig. 6a-b). Avec le puits 735B foré au cours de la période ODP au niveau de la ride Sud-Ouest Indienne (1500 m de profondeur et quasi 90% de récupération), le puits U1309D est une des sources d’information majeures que nous possédions sur la nature de la croûte océanique formée en contexte d’expansion lente. ~ 76 ~ Fig. 6 : a) Carotte de gabbro récoltée au cours des Expéditions IODP 304 et 305 illustrant le taux de récupération exceptionnel ; b) Distribution et proportion des lithologies le long du puits U1309D (blanc : pas de recouvrement). Noter la très grande diversité de type de roches « gabbroïques » dans ce puits. La surprise fut grande: quasi 100% de ces carottes étaient de nature gabbroïque et non péridotitique (fig. 6a-b). Autrement dit, la preuve d’une activité magmatique beaucoup plus importante que prévu là où le modèle et les données sismiques prédisaient la quasi absence de production de magma ! Ce forage conduisit à formuler un nouveau concept de construction de croûte océanique le long de failles d’extension lithosphérique s’enracinant dans des corps magmatiques, illustré dans le schéma de la fig. 7. Ceci illustre la moralité selon laquelle rien ne peut remplacer l’échantillonnage direct et, dans ces contextes, seul l’outil de forage permettait d’effectuer un tel échantillonnage. Fig. 7 : Un des modèles actuels de formation des «Oceanic Core Complex » (Planert et al., 2010). ~ 77 ~ Ce résultat n’est pas anecdotique: il bouleverse nos conceptions sur l’accrétion océanique. Le paradigme selon lequel la croûte océanique est construite par le magmatisme et, ensuite, « détruite » par la tectonique a évolué vers un modèle où tectonique et magmatisme participent tous deux à sa construction (fig. 7). Ceci a de lourdes conséquence pour les calculs de bilans de chaleur et de matière, les propriétés mécaniques de la lithosphère, les cycles géochimiques, en particulier ceux des éléments sensibles aux interactions entre roches magmatiques et fluides hydrothermaux, les zones de failles étant des contextes privilégiées pour ces échanges. Bien entendu, ni la grande diversité de type de roches récolté dans ce puits (fig. 7b) ni, a fortiori, l’organisation, les relations mutuelles de ces lithologies, leur composition, leur état d’altération et de déformation etc… n’auraient pu être prédit sans forage. On voit sur la figure 7b, entre autres, que des cumulats très « primitifs », produits par la cristallisation fractionnée de magmas très chauds issus directement de la fusion partielle du manteau (troctolite et couleurs vertes sur le log) côtoient des cumulats très « évolués », produits par la cristallisation de magmas ayant eu le temps de se refroidir dans la croûte et de s’enrichir en certains éléments qui participaient peu à la fabrication des cumulats primitifs, comme le Fe et le Ti (gabbro à oxydes et couleurs noires sur le log). Un résultat important est que ces lithologies (et tous les intermédiaires – couleurs bleues), sont réparties de façon totalement aléatoire dans la croûte accrétée le long d’une faille de détachement. Ceci, avec d’autres arguments d’ordre structural et géochronologique, est compatible avec une alimentation magmatique discontinue, la faille normale servant en quelque sorte de drain canalisant les fractions magmatiques extraites du manteau. La variabilité de l’état de différenciation, de déformation, etc… des roches gabbroïques pourrait être le reflet de la variabilité dans le temps de l’état thermique et du rapport magma/roche le long de la faille. II. Quelques projets à forte participation française pour le prochain décennal Ce chapitre présente une brève synthèse de trois projets portés en partie par des scientifiques français et qui pourraient être réalisés au cours du prochain décennal IODP (2013-2023). Il s’agit : (1) du projet « MoHole », dont le but est de réaliser un forage à travers la totalité de la croûte océanique et d’atteindre la discontinuité croûte/manteau (Moho). Adresse web du projet MoHole et régions du Pacifique proposées dans le projet MoHole. (2) du projet “Bengal Fan” destiné à mieux comprendre les relations entre l’orogenèse himalayenne et l’évolution du climat (dont la mousson) dans cette région du globe. ~ 78 ~ Photo satellite du Golfe du Bengale, du delta du Gange et d’une partie de l’Himalaya. (Image MODIS NASA, 7 novembre 2011). (3) du projet “GOLD” (Gulf Of Lion Drilling) dédié à la thématique “Messinien”, c’est-àdire aux événements climatiques et tectoniques ayant conduit à des variations extrêmes du niveau marin en Méditerranée. Gauche : Logo du colloque de Banyuls-sur-Mer consacré au projet GOLD ; Droite : Carte montrant la distribution et l’étendue des évaporites messiniennes dans la Méditerranée avec la localisation des sites DSDP et ODP qui ont forés dans ces dépôts évaporitiques (Rouchy et Caruso, 2006). Un aperçu plus général des thématiques et des projets de forage pour le prochain décennal d’IODP est exposé dans le document « New Science Plan » joint à ce rapport sur la clé USB et téléchargeable sur le site : http://www.iodp.org/Science-Plan-for-2013-2023/. Les scientifiques français ayant contribué à la rédaction du New Science Plan sont Gilbert Camoin (membre du « Writing Committee » et du « Steering Committee »), Catherine Mével et Marguerite Godard. 1. Le MoHole – Voyage vers le manteau terrestre La formation, l'évolution et le recyclage de la lithosphère océanique sont une des clefs de la dynamique globale de la planète Terre, dominant notamment sa différentiation chimique et son évolution physique. Ce processus comprend le transfert de matière et d'énergie depuis le manteau vers la croûte, puis de la croûte vers l'océan et l'atmosphère. En l'absence de lumière, la croûte océanique accueille la vie dans des habitats sous-marins et souterrains uniques, analogue possible des conditions d'émergence de la vie sur Terre. A partir de sa formation aux dorsales océaniques, la lithosphère océanique échange avec l'eau de mer, séquestre des matériaux de surface (en particulier eau et CO2), pour finalement les recycler ~ 79 ~ dans le manteau asthénosphérique. Le carbone est un élément fondamental pour la vie et l'environnement terrestre. Néanmoins, la contribution du manteau, le plus volumineux réservoir terrestre, au budget global du carbone reste très mal contrainte en l'absence d'observations directes. Nous n'avons à ce jour aucun échantillon de manteau frais in-situ. Quelques kilogrammes de péridotites résiduelles fraîches échantillonnés sous une croûte océanique intacte constitueraient un trésor de nouvelles informations sur la dynamique et l'évolution de la Terre, comparable à celui qu'ont représenté les échantillons lunaires d'Apollo. Le projet soumis à IODP en avril 2012 a pour ambition d'être le document de référence pour les objectifs scientifiques à long terme du projet MoHole; il résulte d'une longue série de workshops et réunions depuis 2006, en particulier: - "Mission Moho", Portland, Septembre 2006 (Christie et al., 2006, Ildefonse et al., 2007) - "Melting, Magma, Fluids and Life", Southampton, Juillet 2009 (Teagle et al., 2009) - "INVEST", Bremen, Septembre 2009 (Bach et al., 2010, Ravelo et al., 2010) - "The MoHole, A Crustal Journey and Mantle Quest", Kanazawa, Juin 2010 (Ildefonse et al., 2010a, 2010b) - "Mantle Frontier", Washington DC, Septembre 2010 (Workshop Report Writing Group, 2011) Ce document résume aussi la vision actuelle pour la planification, les développements technologiques et les opérations, telle qu'elle est détaillée dans les rapports des workshops "MoHole" et "Mantle Frontier" en 2010. Le projet MoHole relève directement des "challenges" 8, 9 et 10 du plan scientifique d'IODP pour 2013-2023 (New Science Plan, pages 40 à 46). La communauté française y est très présente, notamment via Benoit Ildefonse (CNRS, Montpellier), qui a mené l'ensemble des activités liées à sa mise en œuvre depuis 2006, et qui est un des porteurs du projet. L'échantillonnage d'une section complète de la croûte océanique était la motivation originelle du forage océanique scientifique. Le MoHole se veut le point culminant d'une quête commencée il y a plusieurs décennies par IODP, ODP et DSDP, depuis la première proposition de l'AMSOC (American Miscellaneous Society) en 1957 (e.g. Bascom, 1961 ; Crombie, 1964 ; Teagle and Ildefonse, 2011). Cet objectif a été présent dans tous les documents de prospective depuis le démarrage du forage océanique scientifique (e.g. Murray et al., 2002 ; Teagle et al., 2004). La bathymétrie et la structure sismique de la croûte océanique rapide sont relativement uniformes, et l'essentiel de la croûte subductée dans le manteau au cours des derniers 200 millions d'années (et qui est donc pertinente pour l'étude des cycles géochimiques globaux) a été produite aux dorsales rapides. L'objectif du projet MoHole aujourd'hui est de forer l'intégralité de la croûte océanique aux dorsales rapides, jusqu'au manteau supérieur (fig. 1). Récupérer pour la première fois des échantillons frais du manteau in-situ est fondamental pour notre compréhension de la dynamique et de la différentiation de notre planète. La discontinuité de Mohorovičić, communément appelée "Moho", est une interface imagée sismiquement, en dessous de laquelle les vitesses d'ondes compressives sont supérieures à 8 km/s, communément un réflecteur bien marqué entre 5 et 8 km de profondeur dans la lithosphère océanique. A ce jour, les hypothèses sur la nature géologique du Moho (e.g. est-ce la limite croûte-manteau ?) n'ont jamais été testées. De nombreuses hypothèses de première importance concernant l'accrétion crustale et les interactions entre lithosphère, hydrosphère et biosphère, peuvent être testées directement par forage, et le seront lors de notre voyage vers le manteau (fig. 1). ~ 80 ~ Fig. 1 : Coupe schématique de la lithosphère rapide, et pénétration prévue du MoHole. L'épaisseur des sédiments et de la croûte supérieure sont celles documentées dans le puits ODP 1256D (en noir sur la figure ; Wilson et al., 2006). A: Contact complexe filonien / gabbro dans le puits 1256D. B: Ichofossiles microbiens dans les basaltes de l'ophiolite de Troodos (McLoughlin et al., 2009). C: Schémas des modèles comparés d'accrétion de la croute inférieure (d'après Korenaga et Kelemen, 1998) et variations schématiques relatives de paramètres observables en fonction du mode de refroidissement. D: Péridotite mantellique (xénolithe de Polynésie française; Tommasi et al., 2004). Les objectifs scientifiques du projet MoHole peuvent être résumés ainsi (cf. fig.1) : - Déterminer in-situ la composition, la structure et les propriétés physiques du manteau supérieur convectif (tel qu'il est fossilisé dans la lithosphère océanique) et caractériser les processus de migration des liquides magmatiques. Déterminer la signification géologique du Moho et du litage sismique dans la croûte rapide. Déterminer la composition globale de la croûte afin d'établir le lien entre les laves émises en surface et leur source mantellique. Déterminer le(s) mode(s) d'accrétion crustale aux dorsales rapides. Déterminer l'étendue et l'intensité des échanges hydrothermaux entre la lithosphère océanique et l'eau de mer, et estimer le flux chimique vers le manteau via la subduction. Déterminer la contribution de la lithosphère océanique aux cycles géochimiques globaux, du carbone en particulier. Déterminer les limites et les facteurs de contrôle de la vie dans la lithosphère océanique. Calibrer les mesures sismiques régionales par la mesure sur échantillons et en puits. ~ 81 ~ - Comprendre l'origine des anomalies magnétiques marines et quantifier la contribution des roches de la croûte inférieure à la signature magnétique de la croûte océanique. Trois régions du Pacifique sont actuellement candidates pour le MoHole, un puits de 6000 mètres ou plus dans la lithosphère océanique rapide (cf. carte au début du chapitre). Le choix du site du MoHole requiert l'acquisition de données géophysiques supplémentaires dans ces trois régions. La profondeur d'eau est au minimum de 3500 mètres. Le cadre géographique et technique des futures opérations du MoHole peut maintenant être construit, puisqu'il est aujourd'hui technologiquement réalisable. Sa faisabilité a fait l'objet d'une étude indépendante, commandée par IODP en 2011 (Blade Energy Partners, 2011). Les choix technologiques et les développements associés seront essentiels pour le succès du projet. La recirculation continue des boues de forage est la première priorité technologique pour forer un puits ultra-profond. Les autres points importants nécessitant un développement technologique sont le forage et la mesure en puits à haute température (≤ 250°C), des trépans spécialisés pour les roches très dures et abrasives, des tiges de forages à haute résistance en tension, des boues spécifiques pour les hautes températures, et de nouvelles stratégies de tubage et de cimentage. Les rapports des deux workshops en 2010 insistent sur le besoin à court terme d'un travail de planification détaillé du MoHole, permettant aux scientifiques et aux ingénieurs de travailler ensemble dès maintenant à l'identification des solutions à mettre en œuvre. Références Bach, W., Ravelo, C., Behrmann, J., Camoin, G., Duncan, R., Edwards, K., Gulick, S., Inagaki, S., Pälike, H., and Tada, R., 2010. IODP New Ventures in Exploring Scientific Targets (INVEST): Defining the New Goals of an International Drilling Program. Sci. Drill., 9, 54-64. doi:10.2204/iodp.sd.9.12.2010. Bascom, W.N., 1961. A Hole in the Bottom of the Sea: The Story of the Mohole Project. Garden City, New York (Doubleday and Company, Inc.): 352 pp. Blade Energy Partners, 2011. Project Mohole Initial Feasibility Study for 2017 drilling, prepared for IODP. Available online (http://www.iodp.org/weblinks/Featured-Publications-HOME-PAGE/IODP-ProjectMoHole-Initial-Feasibility-Study-PDF-). Christie, D.M., Ildefonse, B., Abe, N., Arai, S., Bach, W., Blackman, D.K., Duncan, R., Hooft, E., Humphris, S.E., and Miller, D.J., 2006. Meeting report. Mission Moho: Formation and Evolution of Oceanic Lithosphere. Eos, Trans., AGU, 87 (48), 539. Crombie, W.J., 1964. Why the Mohole? Adventures in the Inner Space. Little, Brown & Co, Boston, 230 pp. Ildefonse, B., Christie, D.M., and Mission Moho Workshop Steering Committee, 2007. 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The "Road to the MoHole" four decades on: Deep drilling at Site 1256. EOS, Trans. Am. Geophys. Union, 85: 521,530-531. Teagle, D., Ildefonse, B., Blackman, D.K., Edwards, K., Bach, W., Abe, N., Coggon, R., and Dick, H., 2009. Melting, Magma, Fluids and Life; Challenges for the next generation of scientific ocean drilling into the oceanic lithosphere. Workshop Report. Southampton, July 2009, http://www.interridge.org/ files/interridge/MMFL_wkshp_rpt_2009_final.pdf. Teagle, D., and Ildefonse, B., 2011. Journey to the Mantle of the Earth, Nature, 471, 437-439. doi:10.1038/471437a. Tommasi, A., Godard, M., Coromina, G., Dautria, J.M., and Barsczus, H., 2004. Seismic anisotropy and compositionally induced velocity anomalies in the lithosphere above mantle plumes: a petrological and microstructural study of mantle xenoliths from French Polynesia. Earth Planet. Sci. Lett., 227: 539-556. doi:10.1016/j.epsl.2004.09.019. Wilson, D.S., Teagle, D.A.H., Alt, J.C., Banerjee, N.R., Umino, S., Miyashita, S., Acton, G.D., Anma, R., Barr, S.R., Belghoul, A., Carlut, J., Christie, D.M., Coggon, R.M., Cooper, K.M., Cordier, C., Crispini, L., Durand, S.R., Einaudi, F., Galli, L., Gao, Y.J., Geldmacher, J., Gilbert, L.A., Hayman, N.W., Herrero-Bervera, E., Hirano, N., Holter, S., Ingle, S., Jiang, S.J., Kalberkamp, U., Kerneklian, M., Koepke, J., Laverne, C., Vasquez, H.L.L., Maclennan, J., Morgan, S., Neo, N., Nichols, H.J., Park, S.H., Reichow, M.K., Sakuyama, T., Sano, T., Sandwell, R., Scheibner, B., Smith-Duque, C.E., Swift, S.A., Tartarotti, P., Tikku, A.A., Tominaga, M., Veloso, E.A., Yamasaki, T., Yamazaki, S. and Ziegler, C., 2006. Drilling to gabbro in intact ocean crust. Science, 312(5776): 1016-1020. Workshop Report Writing Group, 2011. Executive Summary: “Mantle Frontier” Workshop. Sci. Drill., 11, 5357. doi:10.2204/iodp.sd.11.07.2011. 2. Enregistrement Néogène et Paléogène récent de l’orogenèse Himalayenne et du climat : un transect à travers le cône du Bengale Le projet IODP 552 s’inscrit dans la problématique des relations climat-érosiontectonique et est destiné à reconstituer un enregistrement de l’érosion du bassin Himalayen depuis l’Oligocène. Cet enregistrement doit permettre de documenter l’initiation de la surrection himalayenne pour laquelle nous ne disposons que de très peu d’indices entre 20 et 40 millions d’années, de documenter des taux d’érosion continus et fiables sur les 20 derniers millions d’années et de comprendre certain processus de transport sédimentaires dans les mega-fans sédimentaires (fig. 1). Les données permettront de tester des modèles d’évolution de la chaîne himalayenne en fonction de son contexte tectonique et de ses interactions superficielles avec la mousson asiatique ou le cycle global du carbone. Ce projet a été initié en 1999 et est complet depuis les derniers survey réalisés en 2006 dans le cadre de la mission RV-Sonne SO-188. Le projet a été examiné par le SSP (Site Survey Panel) en 2008 et est classé n°1 dans l’Océan Indien depuis. Un atelier de synthèse sur les propositions IODP dans l’Océan Indien s’est tenu à Goa fin 2011 et a confirmé l'intérêt de la communauté pour ce projet. Peu d’autres projets IODP sont réalisables dans l’Océan Indien car la plupart des autres projets sont situés en mer d’Arabie dans des zones interdites pour des raisons de sécurité. D’autres projets associés à cette thématique sont programmés ou prévus en mer de Chine. Enfin un atelier Magellan est prévu en septembre 2011 avec nos collègues de l’Université de Brême pour l’élaboration d’une proposition de forage dans la partie septentrionale du cône du Bengale. Il s’agit de produire un enregistrement à très haute résolution temporelle de l’érosion pour documenter les relations entre climat, érosion et subsidence au sud du Bangladesh. Ce volet « court terme » est particulièrement important pour comprendre les processus qui contrôlent la stabilité du Bangladesh et est très complémentaire des approches long terme. ~ 83 ~ Fig. 1 : Coupe sismique interprétée E-W du cône du Bengale. En rouge le transect de six forages du projet IODP 552 à travers le cône du Bengale à 8°N. Le forage le plus oriental doit permettre d’atteindre des sédiments allant jusqu’à 35-40 millions d’années. Les lentilles grisées figurent les principaux chenaux de transport turbiditique. En France, les travaux récents dans ce domaine portent essentiellement sur des approches préparatoires pour comprendre les processus de transfert sédimentaires depuis les zones d’érosion actives en Himalaya jusqu’au basin océanique (fig. 2). Il s’agit à la fois de calibrer des traceurs minéralogiques et géochimiques qui pourront êtres appliqués sur ce type de sédiments et de comprendre le lien entre les conditions climatiques sur les derniers cycles climatiques et les processus d’érosion. Ces travaux ont permis en particulier de comprendre et de quantifier les flux de carbone organiques et inorganiques associés à l’érosion actuelle de l’Himalaya à partir des sédiments de rivières. Des approches parallèles ont permis de tester des traceurs quantitatifs des taux d’érosion et de provenance des produits d’érosion. Enfin des enregistrements sédimentaires en mer et dans la plaine du Gange sont étudiés pour reconstituer l’évolution de l’érosion au cours du dernier cycle glaciaire-interglaciaire. ~ 84 ~ Fig. 2 : Etude des sédiments transportés par le Gange - (a) image des vitesses d’écoulement de l’eau dans une section du Gange au Bangladesh, obtenue avec une sonde acoustique. Localement, sur une verticale, un profil d’échantillonnage de matière en suspension a été réalisé : (b) Profil des concentrations, (c) Spectres granulométriques aux différentes profondeurs d’échantillonnage, (d) Profils des diamètres de grain médian (D50) et maximum (D84), (e) Profils des concentrations en SiO2 et Al2O3 de la matière en suspension. Cet échantillonnage illustre la ségrégation granulométrique, minéralogique et géochimique qui existe entre le fond et la surface d’une tranche d’eau. L’intégration de ces variations dans le temps et l’espace ont permis d’extrapoler pour le Gange les caractéristiques moyennes des sédiments transportés. Références récentes sur le sujet Singh, S. K., Kumar, A., and France-Lanord, C., 2006. Sr and 87Sr/86Sr in waters and sediments of the Brahmaputra river system: Silicate weathering, CO2 consumption and Sr flux. Chemical Geology 234, 308320. Galy, V., France-Lanord, C., Beyssac, O., Faure, P., Kudrass, H., and Palhol, F., 2007. Efficient organic carbon burial in the Bengal fan sustained by the Himalayan erosional system. Nature 450, 407-410. Galy, V., Beyssac, O., France-Lanord, C., and Eglinton, T., 2008. Recycling of graphite during Himalayan erosion: a geological stabilisation of carbon in the crust. Science 322, 943-945. Galy, V., France-Lanord, C., and Lartiges, B., 2008. Loading and fate of particulate organic carbon from the Himalaya to the Ganga-Brahmaputra delta. Geochimica et Cosmochimica Acta 72, 1767–1787. Galy, V., François, L., France-Lanord, C., Faure, P., Kudrass, H., Palhol, F., and Singh, S., 2008. C4 plants decline in the Himalayan basin since the Last Glacial Maximum. . Quaternary Science Reviews 27, 1396-1409. Clift, P. D., Giosan, L., Carter, A., Garzanti, E., Galy, V., Tabrez, A. R., Pringle, M., Campbell, I. H., FranceLanord, C., Blusztajn, J., Allen, C., Alizai, A., Lückge, A., Danish, M., and Rabbani, M. M., 2010. 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Galy, V., France-Lanord, C., Beyssac, O., Lartiges , B., and Rhaman, M., 2011. Organic Carbon Cycling During Himalayan Erosion: Processes, Fluxes and Consequences for the Global Carbon Cycle. In: Lal, R., Sivakumar, M. V. K., Faiz, S. M. A., Rahman, M., and Islam, K. R. Eds.), Climate Change and Food Security in South Asia. Springer Science. Garzanti, E., Ando, S., France-Lanord, C., Censi, P., Vignola, P., and Galy, V., 2011. Mineralogical and chemical variability of fluvial sediments 2. Suspended-load silt (Ganga–Brahmaputra, Bangladesh). Earth and Planetary Science Letters 302, 107-120. Lupker, M., France‐Lanord, C., Lavé, J., Bouchez, J., Galy, V., Métivier, F., Gaillardet, J., Lartiges, B., and Mugnier, J., 2011. A Rouse‐based method to integrate the chemical composition of river sediments: Application to the Ganga basin. Journal of Geophysical Research 112, F04012. Lupker, M., France‐Lanord, Galy, V., C., Lavé, J., Bouchez, J., Lartiges, B., Gajurel, A.P., Guilmette, C., Rahman, M., Singh, S.K., Sinha, R. 2012. Predominant Floodplain Over Mountain Weathering Of Himalayan Sediments (Ganga Basin), Geochimica Et Cosmochimica Acta, in press. 3. Forages profonds méditerranéens – Le projet GOLD Les bassins de la Méditerranée sont à bien des égards des laboratoires naturels tant sur la formation et l’évolution des marges, l’enregistrement sédimentaire, l’influence de l’héritage tectonique et du flux sédimentaire sur les mouvements verticaux. D’autre part, un événement géodynamique majeur, caractérisé par la chute brutale du niveau marin en Méditerranée, a eu lieu lors de la crise de salinité messinienne (autour de 6 Ma) (cf. carte de la distribution des évaporites messiniennes au début du chapitre). Il nous fournit de formidables repères géologiques et chronologiques, aussi bien en mer qu'à terre, permettant une approche « source to sink » afin d’étudier les relations entre érosion, sédimentation et mouvements verticaux associés. Le projet GOLD (Gulf Of Lion Drilling) se situe en Méditerranée occidentale (cf. cidessous). Son but est de réaliser le 1er forage profond jamais foré dans le Golfe du Lion, à 200 km des côtes, afin d’étudier les variations du climat global et celles du niveau marin, les ~ 86 ~ événements extrêmes comme le Messinien, la formation et l’évolution de marges passives, et la biosphère profonde, c’est-à-dire la limite de la vie dans des conditions de pression, de température ou de salinité extrêmes. Le forage pourrait aussi fournir de nouveaux éléments concernant les ressources naturelles, le stockage du CO2, les minéraux rares… Ce forage, accessible sous 2400 m d'eau en pied de talus, traversant 7 à 7,5 km de sédiments représentant 23 millions d’années de dépôts, jusqu’au socle, nécessite un navire foreur équipé d’un BOP (Blow Out Preventer) permettant de traverser la couche salifère messinienne d’un kilomètre d’épaisseur (jamais atteinte). Aucun forage académique précédent n’a traversé cette couche âgée d’environ 5,5 Ma, et encore moins les dépôts sous-jacents antérieurs. Cette réalisation est désormais possible pour les scientifiques internationaux grâce au nouveau navire foreur de recherche japonais, le Chikyu, de la branche japonaise de l’IODP (JAMSTEC-CDEX). Le projet, qui regrouperait autour d’une très grande infrastructure une centaine de chercheurs internationaux et une large palette de disciplines des sciences de la mer (géologie, microbiologie, géochimie, géophysique, biologie) et des sciences de l’ingénieur (instrumentation, traitement du signal) est un véritable challenge scientifique et technique. Les retombées aussi bien d’ordre scientifique qu’économique sont immenses et multiples. Un dossier devrait être déposé auprès d’IODP en avril 2012. Colloque de Banyuls Le projet GOLD a été l’occasion d’un colloque international, du 19 au 22 Octobre 2010 au laboratoire de Banyuls-sur-Mer, qui a regroupé 60 participants issus de 12 pays et comprenant des intervenants de 5 compagnies pétrolières (Total, Melrose, Statoil, Petrobras, ~ 87 ~ Sonatrach). Les présentations (keynotes) et l’animation des différentes sessions ont été assurées par des scientifiques du JAMSTEC, de l’IFREMER, de l’IFP-Energies Nouvelles, de l’INSU, de l’Univ. Européenne de Bretagne, de l’Action Marges, de GéosciencesMontpellier, de l’IUEM, de l’UPMC, du BRGM, de Petrobras, de Melrose et enfin d’ECORD-IODP (http://wwz.ifremer.fr/drogm/Colloques/Gold-Project-Banyuls). Le compte-rendu du colloque peut être trouvé sur le site de l’ESF-Magellan (http://www.esf.org/magellan – cliquer sur Science Meetings) ou dans une communication à la Newsletter ECORD N°16, April 2011 p.12 également disponible sur http://halinsu.archives-ouvertes.fr/insu-00590331/fr/. La majeure partie des interventions, nonconfidentielles, a été filmée et est disponible sur le site de l’UPCM : http://www.congres.upmc.fr/gold/. A la suite de ce colloque, l’équipe directrice du projet GOLD a été adoptée : Scientific Leader : Marina RABINEAU, LDO, IUEM – Brest Comité directeur : - M. Rabineau - Junichiro Kuroda, Institute for Research on Earth Evolution Japan Agency for MarineEarth Science and Technology, FREE/JAMSTEC, Japon - Andre Droxler, Dept of Earth Science, Rice University, Houston, Texas, USA - Nobuhisa Egushi, Center for Deep Earth Exploration (CDEX), JAMSTEC, Japan Steering comitee : - France : D. Aslanian (IFREMER), C. Gorini (UPMC), K. Alain (LM2E), N. Thouveny (CEREGE), O. Rouxel (IUEM), J. Lofi (Univ. Montpellier), F. Lucazeau (IPGP), F. Roure (IFP-Energies Nouvelles), E. Burov (UPMC), J.-P. Suc (UPMC), B. Dennielou (IFREMER) - Japan : K. Takai (JAMSTEC), F. Inagaki (JAMSTEC), M. Takeuchi (AIST), N. Ohkouchi (JAMSTEC) - USA : J. Amend, B. Haq (NSF), L. Giosan (WHOI), G. Scott (BGC), Al Deino (BGC), S.-M. Popescu (LSU) - Canada : M. Constantin (Univ. Laval) - Nouvelle-Zélande : F. Bacje (GNS Science, Wellington) - Allemagne: K-U Hinrichs (Marum, Bremen) - Royaume-Uni. : R. Flecker (Univ. Bristol), T. Mc Genity (Univ. Essex) - Italie : F. Lirer, (IAMC-CNR, Napoli), D. Praeg (OGS, Trieste), M. Sproveri IAMCCNR, Napoli), S. Lugli (Univ. di Morano), V. Manzi (Univ. di Parma) - Espagne : F. Sierro (Univ. Salamanca), J. Hernandez-Molina (Univ. Vigo) - Suisse : J. Mc Kenzie (ETH, Zurich) - Pays-Bas : S. Cloetingh (VU, Amsterdam) Impact économique (rédigé pour le projet EQUIPEX-non retenu) L’impact économique du projet GOLD intéresse deux axes. Le premier concerne les retombées du forage GOLD sur des applications économiques telles que : - la recherche pétrolière : hormis le potentiel pétrolier sous le sel de la marge du Golfe du Lion, le projet GOLD devrait permettre de mieux comprendre, à partir des questions ciblées qui lui sont adressés, le processus de genèse général des marges passives, leur évolution thermique, et la nature des terrains sous le sel, trois paramètres cruciaux dans la formation des hydrocarbures. ~ 88 ~ - La recherche minière, l’échantillonnage des séries salifères et anté-salifères offrira un potentiel pour la recherche de minéraux rares à fort potentiel économique (ex : Lithium, terres-rares) – non pas uniquement en vue d’une exploitation, mais comme laboratoire d’étude naturel. - L’étude de la séquestration du CO2 (test sur l’étanchéité de la couche de sel). - L’industrie pharmaceutique, liée au volet de la biosphère profonde et à l’étude des organismes vivants dans des conditions extrêmes. Le deuxième concerne l’activité en elle-même autour du forage GOLD : - Ravitaillement de la plateforme (humain et matériel). - Ravitaillement de la plateforme (alimentaire, consommables, etc…). - Utilisation des engins maritimes de la région concernée. - Développement des études d’impact sur l’environnement. - Développement de techniques nouvelles : Energies Renouvelables Marines embarquées sur la plateforme pour limiter le CO2… Projet compagnon AMD (Algerian Margin Drilling) A la suite du colloque international à Banyuls, la SONATRACH nous a invité les 28 et 29 juin 2011 à présenter nos travaux et notre projet GOLD et à considérer la faisabilité d’un forage compagnon sur la marge Algérienne. La marge algérienne possède une histoire plus complexe que celle du Golfe du Lion et certains thèmes ne peuvent pas être abordés de la même façon (par exemple, la situation géographique de la marge algérienne ne permet pas la même approche pour la paléoclimatologie) mais d’autres thèmes surgissent, comme l’instrumentation du puits de forage en vue de l’étude des risques sismiques, et l’intérêt d’avoir deux forages compagnons, AMD (Algerian Margin Drilling) au Sud et GOLD au Nord de la Méditerranée occidentale, sur la majeure partie des thèmes scientifiques est apparu clairement autant aux participants de cette réunion à Alger, qu’au comité directeur du Projet GOLD, et au correspondant du JAMSTEC, institut japonais qui s’occupe du bateau foreur Chikyu. Nous avons également interpellé la direction d’IODP, favorable au projet AMD, sur la question de la confidentialité d’une partie des données du projet AMD et des solutions semblent à l’étude. GOLD dans la presse Le projet a reçu un large écho dans la presse : - Dépêche de l’AFP – Avril 2010. Interview téléphonique le 5 Mai 2011 Sébastien Garnier – Radio France Bleu – Hérault. Emission du 6 Mai à 7h20 (3 minutes). Article Midi Libre, 5 Mai 2011 Cet épais mystère en sous-sel dans le Golfe du Lion Interview téléphonique le 9 Mai 2011 Francois David – Radio France – Perpignan. Emission dans la semaine (doit envoyer CD). Invitée du Jour de Florence Gault, RCF Méditerranée – le 12 Mai 2011 en direct émission de 7h20. Interview téléphonique le 13 Mai 2011 Pierre-Louis Pagès – Nice Matin http://liesidotorg.wordpress.com/2011/05/04/le-forage-gold-de-la-mediterranee/ Interview téléphonique Janvier 2012, Hervé Kempf – Le Monde, publication article paru le 17 Janvier 2012. Interview téléphonique Janvier 2012, Olivier Schlama – Midi libre, publication article paru le 23 Janvier 2012. ~ 89 ~ ~ 90 ~ Lexique des abréviations 3F : Fluide, Flux, Faille ACEX : Artic Coring EXpedition AGU : American Geophysical Union AIST : Advanced Industrial Science and Technology AMD : Algerian Margin Drilling AMSOC : American Miscellaneous SOCiety ANZIC : Australian-New Zealand IODP Consortium APC : Advanced Piston Corer B–A : Bølling–Allerød BCR : Bremen Core Repository BGC : Berkeley Geochronology Center BGS : British Geological Survey BRGM : Bureau de Recherches Géologiques et Minières GEC : Laboratoire Géosciences et Environnement Cergy CEREGE : Centre Européen de Recherche et d’Enseignement des Géosciences de l’Environnement CDEX : Center for Deep Earth eXploration CFR : Centre des Faibles Radioactivités CGS : Centre de Géochimie de la Surface CNEXO : Centre National pour l’Exploitation des Océans CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique COL : Consortium for Ocean Leadership COM : Centre Océanologique de Bretagne CORK : Circulation Obviation Retrofit Kit CREGU : Centre de Recherches sur la Géologie des Matières Premières Minérales CRG : Centre de Recherche Géophysique CRISP : Costa Rica Seismogenesis Project CRPG : Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques DONET : Dense Ocean-floor Network system for Earthquakes and Tsunamis DSDP : Deep Sea Drilling Project DT - CNRS : Division Technique INSU - Centre National de la Recherche Scientifique DyETI : Dynamique et Evolution de la Terre Interne ECORD : European Consortium for Ocean Research Drilling EDP : Engineering Development Panel EGERIE : Equipe Géodynamique d’Echanges Recherche Industrie Enseignement EGU : European Geosciences Union EMA : ECORD Managing Agency ENS : Laboratoire de Géologie de l’Ecole Normale Supérieure ENS - Lab. Géol. : Laboratoire de Géologie de l’Ecole Normale Supérieure ENSM : Ecole Nationale Supérieure des Mines ENSO : El Nino-Southern Oscillation EPC : European Petrophysics Consortium EPOC : Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et Continentaux EPR - E : Esso Production Research – European EPSP : Environmental Protection and Safety Panel ERA-Net : European Research Area Networks ~ 91 ~ ESF : European Science Foundation ESO : ECORD Science Operator ESSAC : ECORD Science Support and Advisory Committee ETH : Eidgenössische Technische Hochschule Zürich (Swiss Federal Institute of Technology Zurich) GET : Géosciences Environnement Toulouse GOLD : Gulf Of Lion Drilling GSC : Géologie des Systèmes Carbonatés GCR : Gulf Coast repository GIA : Glacial Isostatic Adjustment HAL : Hyper Articles en Ligne IAMC-CNR : Istituto per l'Ambiente Marino Costiero del Consiglio Nazionale delle Ricerche (Institute for Coastal Marine Environment of the National Research Council) IF : Impact Factor IFP : Institut Française du Pétrole IIS-PPG : Industry-IODP Science Program Planning Group IFREMER : Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer IMPMC : Institut de Minéralogie et de Physique des Milieux Condensés INSU : Institut National des Sciences de l’Univers INTECHMER : Institut National des Sciences et Techniques de la Mer IODP : Integrated Ocean Drilling Program ou International Ocean Discovery Program IODP-MI : IODP Management International IOs : Implementing Organizations IPGP : Institut de Physique du Globe IPG Strasbourg : Institut de Physique du Globe de Strasbourg IPOD : International Program for Ocean Drilling ISP : Initial Science Plan ISTeP : Institut des Sciences de la Terre de Paris ISTerre : Institut des Sciences de la Terre (Grenoble) ISTO : Institut des Sciences de la Terre d’Orléans IUEM : Institut Universitaire Européen de la Mer IRAMIS : Institut Rayonnement Matière de Saclay (Anciennement Laboratoire Pierre Süe– DRECAM) IRD : Institut de Recherche pour le Développement JAMSTEC : Japan Agency for Marine-earth Science and TEChnology J-DESC : Japan Drilling Earth Science Consortium JGS : Geological Society of Japan JEODI : Joint European Ocean Drilling Initiative JpGU : Japan Geoscience Union KCC : Kochi Core Center KIGAM : Korea Institute of Geoscience and Mineral Resources ( Interim Asian Consortium) LaRGe : Laboratoire de Recherche en Géosciences et Energies LDO : Laboratoire Domaines Océaniques (IUEM) LGHF : Laboratoire de Géophysique et Hydrodynamique en Forage LGIT : Laboratoire de Géophysique Interne et Tectonophysique LM2E : Laboratoire de Microbiologie des Environnements Extrêmes LMF : Laboratoire de Mesures en Forages LOCEAN : Laboratoire d’Océanographie et du Climat - Expérimentations et Approches Numériques LSCE : Laboratoire des Sciences du Climat et l'Environnement ~ 92 ~ LSGM : Laboratoire de Sédimentologie et Géochimie Marines LSU : Louisiana State University LWD : Logging While Drilling MEXT : Japan’s Ministry of Education, Culture, Sports, Science and Technology MIS : Marine Isotope State MOST : People’s Republic of China Ministry of Science and Technology MoES : Ministry of Earth Science, India MoU : Memorandum of Understanding MNHN : Museum National d’Histoire Naturelle MNHM - Lab. Géol. : Laboratoire de Géologie du Muséum National d’Histoire Naturelle MSP : Mission-Specific Platforms MWP : Meltwater Pulse NanTroSEIZE : Nankai Trough SEIsmogenic Zone Experiment NanTroSLIDE : Nankai Trough Submarine Landslides History NEPTUNE Canada : North East Pacific Time-series Undersea Network Experiments NSF : U.S. National Science Foundation OGS : instituto nazionale di Oceanografia e di Geofisica Sperimental (National Institute of Oceanography and Experimental Geophysics) ODP : Ocean Drilling Program ORSTOM : Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer (actuellement IRD) OTF : Operations Task Force Paris VI : Université Pierre et Marie Curie (UPMC) Paris VII : Université Paris-Diderot Paris XI : Université Paris Sud Orsay PEAT : Pacific Equatorial Age Transect PEP : Proposal Evaluation Panel R&D : Research and Development ROV : Remotely Operated Vehicle RRD-DPG : Detailed Planning Group on Rapid Response Drilling following the Tohoku Earthquake SAS : Science Advisory Structure SASEC : Science Advisory Structure Executive Committee SCP : Site Characterization Panel SEIZE : SEIsmogenic Zone Experiment SIPCOM : Science Implementation and Policy Committee SOCs : Science Operation Costs SPC : Science Planning Committee SSEP : Science Steering and Evaluation Panel SSP : Site Survey Panel SST : Sea-Surface Temperatures STP : Scientific Technology Panel TEL : Thèses En Ligne TGIR : Très Grandes Infrastructures de Recherche UBO : Université de Bretagne Occidentale UPJV - Lab. Géol. : Laboratoire de géologie de l’Université de Picardie Jules Verne USSAC : U.S. Science Advisory Committee UV : Vrije Universiteit Amsterdam (University Amsterdam) WHOI : Woods Hole Oceanographic Institution XCB : Extended Core Barrel YD : Younger Dryas ~ 93 ~ ~ 94 ~ Annexe_Participants Liste des français ayant embarqués ou allant embarquer sur une Expédition IODP (hors Expéditions en cours de staffing à la fin du mois de février 2012). (En gras : co-chefs de mission, en italique : loggeurs, souligné: enseignants) Exp. 302 Année Nom 2004 Frédérique Eynaud Spécialité "officielle" Micropaleontologist (foraminifers) Affiliation (Nom actuel des laboratoires) EPOC, Univ. Bordeaux I, Talence 302 2004 Jérôme Gattacceca Paleomagnetist CEREGE, Univ. Aix-Marseille III, Aix-en-Provence 303 2004 Alain Mazaud Paleomagnetist LSCE, Gif-sur-Yvette 304 2004 Florence Einaudi Logging Staff Scientist Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II 304 2004 Muriel Andréani Metamorphic Petrologist IPG, Paris 304 2004 Marguerite Godard Geochemist Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II 304 2004 Marion Drouin Metamorphic Petrologist Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II 305 2005 Daniele Brunelli Igneous Petrologist Lab. Pierre Süe–DRECAM (IRAMIS), Gif sur Yvette 305 2005 Javier Escartín Structural Geologist IPG, Univ. Paris VI, Paris 305 306 2005 2005 Benoît Ildefonse Yohan J.B. Guyodo Co-chief Scientist Paleomagnetist Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II LSCE, Gif-sur-Yvette 307 2005 Philippe Léonide Organic Geochemist GSC, Univ. Provence, Marseille 309 2005 Christine Laverne Metamorphic Petrologist Lab. Pétrologie Magmatique, Univ. Aix-Marseille III 309 2005 Carole Cordier Igneous Petrologist IUEM, UBO, Plouzané 309 2005 Florence Einaudi Logging Staff Scientist Géosciences Montpellier 309 2005 Akram Belghoul Logging Trainee Géosciences Montpellier 310 310 2005 2005 Gilbert Camoin Hendrik Braaksma Co-chief Scientist Petrophysics Staff Scientist CEREGE, Aix-en-Provence Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II 310 2005 Guy Cabioch Carbonate Sedimentologist IRD, Nouméa 310 2005 Pierre Deschamps Inorganic Geochemist CEREGE, Aix-en-Provence 310 2005 Florence Einaudi Logging Engineer, Assistant Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II 310 2005 Gilles Henry Logging Engineer Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II 311 2005 Marie-Madeleine Blanc-Valleron Sedimentologist Lab. Géologie, MNHM, Paris 312 2005 Christine Laverne Metamorphic Petrologist Lab. Pétrologie Magmatique, Univ. Aix-Marseille III 312 2005 Julie Carlut Paleomagnetist Lab. Géologie, ENS, Paris 313 313 2009 2009 Jean-Noël Proust Maria-Angela Bassetti Co-chief Scientist Modeller / Stratigraphic Correlator Géosciences Rennes, Univ. Rennes I IUEM, Plouzané 313 2009 Marina Rabineau Sedimentologist IUEM, Plouzané 313 2009 Christophe Basile Petrophysicist / Physical properties specialist ISTerre, Univ. Joseph Fourier, Grenoble 313 2009 Johanna Lofi Petrophysics Staff Scientist Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II 313 2009 Simon Barry Logging Engineer Géosciences Montpellier 313 2009 Vanessa Hébert Logging Engineer Géosciences Montpellier 313 2009 Gérard Lods Logging Engineer Géosciences Montpellier 313 2009 Denis Neyens Logging Engineer Géosciences Montpellier 314 2007 Sylvain Bourlange LWD Specialist (Physical Properties) CRPG, Nancy 314 2007 Marianne Conin LWD Specialist (Physical Properties) CEREGE - College de France, Aix en Provence 315 315 2007 2007 Siegfried Lallemant Vincent Famin Co-chief Scientist Structural Geologist GEC, Univ. Cergy-Pontoise Géosciences Réunion - IPGP, Univ. Réunion, Saint-Denis 315 2007 Pierre Henry Physical Properties Specialist CEREGE - College de France, Aix-en-Provence 316 2008 Olivier Fabbri Structural Geologist Chrono-Environnement, Univ. Franche-Comté, Besançon 316 2008 Laurent Louis Physical Properties (hydrogeology) GEC, Univ. Cergy-Pontoise 317 2009 Maria-Cristina Ciobanu Microbiologist IUEM, Plouzané 319 2009 Christophe Buret Sedimentologist Lab. de Géologie, UPJV, Amiens 319 2009 Marianne Conin Physical Properties / Downhole Measurements Specialist CEREGE - College de France, Aix-en-Provence 319 2009 Mai-Linh Doan ISTerre, Univ. Joseph Fourier, Grenoble 321 2009 Catherine Beltran Physical Properties / Logging Specialist Sedimentologist ISTeP, Univ. Paris VI 321T 2009 Jean-Luc Berenguer SOR (School Of Rock) Teacher Centre International de Valbonne 322 2009 Christine Destrigneville Inorganic Geochemist GET, UPS, Toulouse 322 2009 Shasa Labanieh Petrologist ISTerre, Univ. Joseph Fourier, Grenoble 323 2009 Catherine Pierre Physical Properties Specialist LOCEAN, Univ. Paris VI 324 2009 Claire Carvallo Paleomagnetist IMPMC, Univ. Paris VI 324 2009 Adélie Delacour Igneous Petrologist (alteration) IPG, Paris 325 2010 Raphaël Bourillot Carbonate Sedimentologist Biogéosciences, Univ. Bourgogne, Dijon 325 2010 Didier Loggia Physical Properties Specialist Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II 325 2010 Claire Seard Carbonate Sedimentologist CEREGE, Aix-en-Provence 327 2010 Sylvain Morvan CORK Engineer Lab. Géologie, ENS, Paris 327 2010 Jean-Marie Gautier Outreach Officer (Teacher at sea) College Jean Vilar, Saint Sever, Calvados 327 2010 Brigitte Thiberge Outreach Officer (Teacher at sea) Lycée Alain Chartier, Bayeux, Calvados 328 2010 Jean-Noël Puig SOR (School Of Rock) Participant College Marguerite de Navarre, Pau 329 2010 Laurent Toffin Microbiologist IFREMER, Plouzané 330 2011 Fabien Deschamps Petrologist (Alteration) ISTerre, Univ. Joseph Fourier, Grenoble 330 2011 Cédric Hamelin Petrologist IPG, Paris 331 2010 Jean-Louis Birrien Microbiologist IUEM, Plouzané 333 333 2010 2010 Pierre Henry Marion Garçon Co-chief Scientist Inorganic Geochemist CEREGE, Aix-en-Provence ISTerre, Grenoble 333 2010 Boris Marcaillou Physical Properties Specialist LaRGe, UAG, Pointe à Pitre, Guadeloupe ~ 95 ~ 334 2011 Marianne Conin Dowhnhole Tools / Physical Properties Specialist CEREGE, Aix-en-Provence 334 2011 Arnauld Heuret Structural Geologist Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II 335 2011 Benoît Ildefonse Co-chief Scientist Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II 335 2011 Marguerite Godard Inorganic Geochemist Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II 335 2011 Lydéric France Alteration Petrologist CRPG, Nancy 335 2011 Bénédicte Abily Alteration Petrologist GET, UPS, Toulouse 336 2011 Nicolas Backert Sedimentologist Géosystèmes, Univ. Lille I, Villeneuve d'Ascq 336 2011 Paul Le Campion Petrologist IPG, Paris 336 2011 Olivier Rouxel Petrologist IFREMER, Plouzané 339 2011 Johanna Lofi Logging Staff Scientist Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II 339 2011 Emmanuelle Ducassou Sedimentologist EPOC, Univ. Bordeaux I, Talence 339 2011 Maria Fernanda Sanchez Goni Palynologist EPOC, Univ. Bordeaux I, Talence 340 340 2012 2012 Anne Le Friant Georges Boudon Co-chief Scientist Structural Geologist IPG, Paris IPG, Paris 340 2012 Sara Lafuerza Colas Physical Properties / Downhole Measurements Specialist IPG, Paris 340 2012 Benoît Villemant Inorganic Geochemist IPG, Univ. Paris VI, Paris 341 2013 Guilhem Hoareau Inorganic Geochemist Chrono-Environnement, Univ. Franche-Comté, Besançon 341 2013 Emmanuel Chapron Sedimentologist ISTO, Univ. Orléans, Orléans 342 2012 Slah Boulila Sedimentologist ISTeP, Univ. Paris VI 342 2012 Cécile Cournede Physical Properties Specialist CEREGE, Aix-en-Provence ~ 96 ~ Annexe_Expeditions Caractéristiques de l'ensemble des Expéditions IODP (sauf Expédition 347 dont les dates ne sont pas encore précisées) (Mise à jour fin février 2012) Exp. Nom Plate-forme Date Zone géographique Site Thématique Co-chef de mission 301 Juan de Fuca Hydrogeology Joides Resolution 27.06.04 - 21.08.04 Juan de Fuca 1026 et U1301 DBSO Fisher A. & Urabe T. Joides Resolution 21.08.04 - 25.09.04 Marge du Costa Rica 1253 – 1255 DBSO / SECG Kastner M. MSP - Vidar Vicking, 07.08.04 - 15.09.04 Ocean Arctic M0001 - M0004 ECPE Backman J. & Moran K. 301T Costa Rica Hydrogeology 302 Arctic Coring EXpedition (ACEX) 303 North Atlantic Climate 1 304 305 306 307 Oceanic Core Complex Formation, Atlantis Massif 1 Oceanic Core Complex Formation, Atlantis Massif 2 North Atlantic Climate 2 Modern Carbonate Mounds: Porcupine Drilling 2 10 5 2 Joides Resolution 25.09.04 - 17.11.04 Atlantique Nord U1302 - U1308 ECPE Channell J. & Sato T. 1 2 1 2 Joides Resolution 17.11.04 - 08.01.05 Atlantique Central U1309 – U1311 SECG Blackman D. & John B. 4 12 4 3 1 Joides Resolution 08.01.05 - 02.03.05 Atlantique Central U1309 SECG Ildefonse B. & Ohara Y. 3 12 4 3 1 Joides Resolution 02.03.05 - 25.04.05 Atlantique Nord U1312–U1315 ECPE Kanamatsu T. & Stein R. 1 4 4 2 Joides Resolution 25.04.05 - 30.05.05 U1316–U1318 ECPE / DBSO Ferdelman T. & Kano A. 1 7 4 2 Joides Resolution 30.05.05 - 08.07.05 Golfe du Mexique U1319–U1324 DBSO Flemings P. & Behrmann J. 08.07.05 - 28.08.05 Pacifique Est 1256 SECG Teagle D. & Umino S. 4 9 3 Tahiti M0005 - M0026 ECPE Camoin G. & Iryu Y. 6 11 6 U1325–U1329 DBSO Riedel M. & Collett T. 1 3 3 SECG Alt J.C. & Miyashita S. 2 9 2 2 5 2 2 4 1 2 2 Oden, Sovetskiy Soyuz (08.11.04 - 23.11.04) Marge continentale Irlandaise 308 Gulf of Mexico Hydrogeology 309 Superfast Spreading Rate Crust 2 Joides Resolution 310 Tahiti Sea Level MSP - DP Hunter 311 Cascadia Margin Gas Hydrates Joides Resolution 28.08.05 - 28.10.05 312 Superfast Spreading Rate Crust 3 Joides Resolution 28.10.05 - 28.12.05 Chikyu 21.09.07 - 15.11.07 Chikyu 16.11.07 - 18.12.07 Chikyu 19.12.07 - 05.02.08 Joides Resolution 25.01.09 – 05.03.09 Joides Resolution 05.03.09 – 04.05.09 Pacifique Central 314 315 316 320T 320 IODP NanTroSEIZE Stage 1, LWD Transect IODP NanTroSEIZE Stage 1, Megasplay Riser Pilot IODP NanTroSEIZE Stage 1, Shallow Megasplay and Frontal Thrusts Transit & Sea Trials Pacific Equatorial Age Transect (PEAT) 06.10.05 - 16.11.05 (13.02.06 - 04.03.06) Marge de Cascadia (Ile de Vancouver) Pacifique Est Fosse de Nankai (Japon) Fosse de Nankai (Japon) Fosse de Nankai (Japon) Ontong Java Plateau (Pacifique Sud) Boundary Deep Riser 1 05.07.10 - 05.09.10 Chikyu 19.07.10 - 20.08.10 331 Deep Hot Biosphere Chikyu 01.09.10 - 04.10.10 328 Cascadia ACORK Joides Resolution 05.09.10 - 18.09.10 329 South Pacific Gyre Subseafloor Life Joides Resolution 09.10.10 - 13.12.10 Chikyu 25.10.10 - 11.12.10 Chikyu 12.12.10 - 10.01.11 Joides Resolution 13.12.10 - 11.02.11 332 333 330 334 IODP NanTroSEIZE Stage 2, Riserless Observatory 2 IODP NanTroSEIZE Stage 2, Inputs Coring 2 and Heat Flow Louisville Seamount Trail Costa Rica Seismogenesis Project 2 807, U1330 DBSO - C0009 et C0010 SECG / DBSO 1 U1339-U1345 ECPE / DBSO 04.01.10 - 08.03.10 326 2 1 04.11.09 - 04.01.10 (02.07.10 - 16.07.10) 3 2 Joides Resolution Joides Resolution 3 Fisher A. Joides Resolution Hydrogeology IODP NanTroSEIZE Stage 3, Plate 7 DBSO Canterbury Basin Sea Level Changes Juan de Fuca Ridge-Flank 2 U1301 Wilkes Land Glacial History 327 Kimura G. & Screaton E. Juan de Fuca 318 11.02.10 - 07.04.10 SECG / DBSO 3 317 MSP - Greatship Maya 2 C0004 et C0006 - C0008 3 04.09.09 - 03.11.09 Great Barrier Reef Environmental 4 14 Joides Resolution 325 2 2 Shatsky Rise Formation 324 Subduction Inputs 3 2 01.09.09 - 10.10.09 IODP NanTroSEIZE Stage 2, 2 1 Chikyu 322 3 9 05.07.09 - 04.09.09 Bering Sea Paleoceanography Ashi J. & Lallemant S. Lyle M. & Raffi I. Joides Resolution 323 Riser/Riserless Observatory 1 SECG / DBSO ECPE 05.05.09 - 31.08.09 Hydrogeology IODP NanTroSEIZE Stage 2, C0001 et C0002 U1337-U1338 Chikyu 319 SECG / DBSO Kinoshita M. & Tobin H.J. Pacifique Central 22.06.09 - 05.07.09 (PEAT) Juan de Fuca Ridge-Flank C0001 - C0006 Pälike H. & Nishi H. Joides Resolution 321T Fosse de Nankai (Japon) Mer de Béring (Kamtchatka) Fosse de Nankai L. & Saffer D. Ravelo C. & Takahashi K. 2 1 2 2 1 3 1 2 2 2 5 1 SECG Sager W. & Sano T. 2 2 1 2 Nouvelle-Zélande U1351-U1354 ECPE Fulthorpe C. & Hoyanagi K. 1 1 2 Antarctique U1355-U1361 ECPE Escutia C. & Brinkhuis H. Australie M0030 - M0058 ECPE Webster J. & Yokoyama Y. 3 1 2 Juan de Fuca U1362, U1363, U1301, 1027 DBSO Fisher A. & Tsuji T. 1 2 C0002 SECG Tobin H. & Kinoshita M. C0013 - C0017 DBSO Mottl M. & Takai K. 1 2 U1364 DBSO / SECG Davis E. NW) Fosse de Nankai (Japon) Fosse d'Okinawa (Japon) Marge de Cascadia (Ile de Vancouver) Pacifique Sud Fosse de Nankai (Japon) Fosse de Nankai (Japon) Pacifique Sud Nouvelle-Zélande SECG / DBSO Underwood M.B. & Saito S 3 1 U1346-U1350 (Japon) Shatsky Rise (Pacifique C0011 et C0012 Araki E., Byrne T., McNeill 1 U1365-U1371 DBSO D'Hondt S. & Inagaki F. C0002 et C0010 SECG / DBSO Kopf A. & Araki E. 1 C0011 et C0012 SECG / DBSO Henry P. & Kanamatsu T. 3 U1372-U1377 SECG Koppers A. & Yamazaki T. 2 Joides Resolution 13.03.11 - 12.04.11 Marge du Costa Rica U1378-U1381 SECG Vannucchi P. & Ujiie K. 2 335 Superfast Spreading Rate Crust 4 Joides Resolution 13.04.11 - 03.06.11 Pacifique Est 1256 SECG Teagle D. & Ildefonse B. 4 336 Mid-Atlantic Ridge Microbiology Joides Resolution 16.09.11 – 16.11.11 Atlantique Central 395, U1382-U1384 DBSO Edwards K. & Bach W. 3 339 Mediterranean Outflow Joides Resolution 17.11.11 – 17.01.12 Mer Méditérannée U1385 - U1391 ECPE Joides Resolution 03.03.12 – 17.04.12 Antilles CARI-01 - CARI-14 SECG Le Friant A. & Ishizuka O. Joides Resolution 15.02.12 – 03.03.12 Atlantique central U1309 SECG Blackman D. Chikyu 01.04.12 – 21.05.12 Japon J-FAST1, J-FAST2 SECG 340 340T 343 342 (CRISP) Lesser Antilles Volcanism and Landslides Atlantis Massif Oceanic Core Complex APL Japan Trench Fast Drilling Project Paleogene Newfoundland Sediment Drifts 337 Deep Coalbed Biosphere off Shimokita 338 344 IODP NanTroSEIZE Stage 3, Plate Boundary Deep Riser 2 Costa Rica Seismogenesis Project 2 (CRISP) Joides Resolution 02.06.12 – 01.08.12 Chikyu 06.07.12 – 15.09.12 Chikyu 19.09.12 – 31.01.13 Joides Resolution 23.10.12 – 11.12.12 Terre-Neuve Péninsule de Shimokita (Japon) Fosse de Nankai (Japon) Marge du Costa Rica Hess Deep (Pacifique 345 Hess Deep Plutonic Crust Joides Resolution 11.12.12 – 10.02.13 346 Asian Monsoon Joides Resolution 21.08.13 – 28.09.13 Mer du Japon Joides Resolution 29.05.13 – 29.07.13 Alaska 341 Southern Alaska Margin Tectonics, Climate & Sedimentation 1 2 Mountain G. & Proust J.-N. 04.05.09 – 22.06.09 Pacific Equatorial Age Transect 5 3 ECPE Joides Resolution 321 2 ECPE New Jersey MSP - L/B Kayd 5 U1331-U1336 Marge continentale du New Jersey Shallow Shelf 1256 4 M0027 - M0029 30.04.09 - 17.07.09 (06.11.09 - 04.12.09) 313 N Emb. N Publi. N Newsl. N Art. Prep. N Ouv. IODP N Thèse Est) 1073, JA-1, -3, -4, - 5, -13, -14, -15, Hernández-Molina F.J. & Stow D. ECPE Norris R. & Wilson P. Inagaki F. & Hinrichs K.-U. C0002F SECG / DBSO Tobin H. & Kinoshita M. CRIS 1 - CRIS 5, CRIS 7 - CRIS 11 SECG Harris R. & Sakaguchi A. HD-01 - HD-04 SECG Gillis K. & Snow J. ECPE Tada R. & Murray R. ECPE Jaeger J. & Gulick S. 1 GOAL-15 - 18, GOA-15, GOA-16, GOA-18, KB-2A 2 1 4 3 2 1 2 3 4 2 2 DBSO : Deep Biosphere and Subseafloor Ocean SECG : Solid Earth Cycles and Geodynamics ECPE : Environnemental Change, Processes and Effects (...) : Etude Onshore des carottes N Emb. : Nombre d'embarquants français N Publi. : Nombre de peer-reviewed papers publiés dans des revues internationales "libres" et dans des ouvrages scientifiques par des scientifiques français N Newsl. : Nombre d'articles publiés dans des Newsletters et dans des revues françaises par des scientifiques français N Art. Prep. : Nombre d'articles français en préparation, soumis ou sous presse. N Ouv. IODP : Nombre d'ouvrages IODP publiés par des scientifiques français N Thèse : Nombre de thèses soutenues en France ~ 97 ~ 1 1 1 Mori, J., Brodsky, E., DBSO JS-1, JS-3 - 5, JS-9, JS-10 - 11, ECS- 1 Kodaira, S. & Chester, F. C9001 SENR-1B, -10, - 11, -16, -18, -19 1 1 ~ 98 ~