couverture 5 - IODP France

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BILAN DE LA PARTICIPATION FRANCAISE AU PROGRAMME DE
FORAGE OCÉANIQUE IODP (2003 – 2013)
Mars 2012
Rapport préparé par le bureau IODP-France :
Bénédicte Abily, Anne-Marie Cousin et Georges Ceuleneer.
Avec la contribution de :
Jean-Luc Bérenguer, Gilbert Camoin, Marianne Conin, Pierre Deschamps, Christian FranceLanord, Hélène Guenet, Pierre Henry, Arnauld Heuret, Benoît Ildefonse, Paul Le Campion,
Anne Le Friant, Johanna Lofi, Boris Marcaillou, Catherine Mével, Marina Rabineau, Olivier
Rouxel.
« Au loin, brillante encor par
sa barre d’écume,
La mer sans fin commence où
la terre finit. »
(Soleil Couchant, José M. de
Hérédia, 1893)
« Now the drillers know what
they are drilling to find out: to
read the world’s history as you
would read the rings of a tree
and in an area undisturbed for
millions of years. »
(John Steinbeck, Life, 1961)
Avertissement
Ce document est une version provisoire du rapport sur la participation française au
programme international IODP (Integrated Ocean Drilling Program). Elle a été préparée en
vue de la tenue des Journées Scientifiques IODP-France qui se dérouleront les 10 et 11 avril
2012 au Siège de l’INSU-CNRS et à l’IPGP.
La phase « IODP » du programme de forage scientifique océanique a débuté le
premier octobre 2003 et se terminera le 30 septembre 2013. Les nombreuses statistiques que
contient ce rapport sont donc en constante évolution et ne reflètent que partiellement
l’ampleur de l’effort consenti par la France et par la communauté internationale pour mener à
bien cette action d’envergure. En particulier, le « staffing » des expéditions à venir n’est pas
encore totalement arrêté et de nombreuses publications sont en cours de gestation.
Nous prévoyons de diffuser deux versions ultérieures de ce rapport. La première fera
suite aux journées scientifiques d’avril et intégrera un bilan des nombreuses discussions et
débats qui ne manqueront pas de ponctuer cet événement. Elle sera également augmentée des
résultats des expéditions en cours ou programmées dans un avenir très proche, et de
statistiques actualisées. Une version finale du rapport sera publiée fin 2013.
Nous remercions les nombreuses personnes, dont la liste est détaillée en deuxième de
couverture, qui ont contribué à la rédaction des chapitres scientifiques de ce rapport (Partie II)
ainsi que Catherine Mével pour sa contribution et sa lecture critique du bilan (Partie I). Merci
à Patricia Maruejol qui a pris en charge la mise sur clef USB des nombreux documents qui
seront distribués au cours des journées parisiennes. Lydie Guillerot fut d’une aide précieuse
dans l’organisation de cette manifestation et Christiane Grappin a assuré les opérations de
communication avec la presse. Le CNES nous a offert l’accès à ses services d’édition. Un
grand merci enfin à Benoit Ildefonse, pour le temps qu’il nous consacra et les conseils qu’il
nous prodigua lors de la migration du bureau de Montpellier vers Toulouse début 2011. Grâce
au dévouement de nombreux personnels du GET, nous avons pu assurer la continuité de
service auprès de la communauté IODP-France durant cette période délicate.
Toulouse, le 27 mars 2012
Le bureau IODP-France
Table des Matières
Préambule
3
Première partie
11
I. Spécificité de la phase IODP
11
II. La France dans ECORD : fonctionnement et partenaires
14
III. Budget et mode de financement d’ECORD
17
IV. La force d’ECORD et le rôle moteur de la France : un atout pour l’avenir
19
V. Les Expéditions de la période IODP
20
1. Mode de sélection des projets et des équipes embarquées
20
2. Les Expéditions de la phase IODP : un bref aperçu
23
VI. Bilan de la participation française
29
1. Participation annuelle de la France lors des différentes phases du programme
29
2. Origine géographique des embarquants français de 1968 à 2013
31
3. Publications françaises sur les données DSDP/ODP/IODP entre 2003 et 2012
35
4. Thématiques des expéditions, des publications et des scientifiques pendant la
phase IODP
5. Spécialités et statuts des embarquants français lors des expéditions IODP, et
travaux post-campagnes
6. Budget du bureau IODP-France
39
42
45
Seconde partie
47
I. Résultats majeurs des Expéditions du programme IODP
47
1. La Zone Sismogène
47
2. Volcanisme et glissement de terrain
55
3. La Veine d’Eau Méditerranéenne (Mediterranean Outflow)
58
4. Diagenèse carbonatée des sédiments océaniques riches en méthane et hydrates de
gaz
~1~
60
5. Processus Microbiens à North Pond (22°46’N, Flanc Ouest de la Ride MédioAtlantique) : Initiation d’un observatoire sous-marin à long-terme couplant
microbiologie, géochimie et hydrologie
62
6. Les variations du niveau marin
65
7. Formation de la croûte océanique profonde aux dorsales océaniques
72
II. Quelques projets à forte participation française pour le prochain décennal
1. Le MoHole – Voyage vers le manteau terrestre
2. Enregistrement Néogène et Paléogène récent de l’orogenèse Himalayenne et du
78
79
climat : un transect à travers le cône du Bengale
83
3. Forages profonds méditerranéens – Le projet GOLD
86
Lexique des abréviations
91
Annexes
95
~2~
Préambule
« Nous ne pouvons pénétrer dans l’écorce de la terre, et les plus grandes cavités, les mines les
plus profondes, ne descendent pas à la huit millième partie de son diamètre. Nous ne pouvons
donc juger que de la couche extérieure et presque superficielle ; l’intérieur de la masse nous
est entièrement inconnu. A peine pouvons-nous former quelques conjectures raisonnables. »
Buffon (1749)
Les savants des Lumières eussent été, sans nul doute, de fervents adeptes des forages.
Le projet MOHOLE, l’ancêtre commun d’IODP et des programmes qui l’ont précédé (ODP et
DSDP), est né, il y a plus d’un demi-siècle, de cette même et irrépressible quête des
profondeurs qui titille notre imaginaire collectif depuis l’aube de l’humanité. L’ambition du
MOHOLE était de creuser un puits, non pas jusqu’au cœur de notre planète ! , mais au moins
à travers son épiderme, l’écorce terrestre, là où elle est la plus mince, dans les océans, afin
d’entrapercevoir « l’intérieur de la masse », d’atteindre ce que nous appelons, aujourd’hui, le
« manteau ». Ambition d’apparence assez modeste, somme toute. Faisant appel au bon sens
de ses lecteurs, voici ce qu’écrivit John Steinbeck dans un reportage dédié au MOHOLE
publié en avril 1961dans le magazine Life : « If we can seriously plan and design stations in
space and on the moon, we are surely capable of mining a few thousand feet under water. The
engineering problems are far simpler. ». Ambition, démesurée, pourtant : malgré quelques
essais prometteurs, le projet MOHOLE fut interrompu avant d’aboutir si bien que la nature de
la croûte profonde océanique et de la discontinuité croûte/manteau (le « Moho ») restent
parmi les secrets les mieux gardés de notre planète. Espoir toujours vivace pourtant : les
progrès technologiques aidant, MOHOLE renaît de ses cendres et, il ne fait guère de doute
qu’il sera un jour couronné de succès. Un jour prochain peut-être. Oserait-on annoncer
« Avant la fin de cette décennie » ? Forer jusqu’au Moho reste, en tous cas, un projet mis en
exergue dans le New Science Plan d’IODP. Il n’est pas le seul, loin de là !
Les méthodes indirectes d’auscultation de la terre, telles le magnétisme, la sismologie
et la gravimétrie ont permis de nous forger une image que l’on peut espérer assez juste de la
structure interne de notre planète. Grâce à elles, nous pouvons, littéralement, imaginer que le
manteau terrestre est constitué de roches denses, comme les péridotites, capables de fluer et
de fondre. Avancées extraordinaires, certes, sans elles nous en serions toujours au stade des
« conjectures raisonnables », mais tenir dans ses mains un échantillon de ces roches
profondes, pouvoir l’observer sous toutes ses facettes et percer les moindres secrets de sa
texture et de sa composition est une aventure d’une toute autre dimension. Rien ne remplacera
jamais l’observation directe, le contact avec le réel qui nous permet, toujours, de préciser la
nature des choses, nous amène, souvent, à corriger les erreurs d’interprétation des signaux
géophysiques, et nous conduit, parfois, à découvrir (au sens propre du terme) ce qui défiait
l’imaginaire. Les exemples sont légion ! Nous en détaillerons quelques-uns au gré de ce
rapport.
Le puits le plus profond jamais foré atteint la cote –12,262 m. Les marins n’y sont
pour rien ! Ce record est à mettre au crédit des géologues et ingénieurs continentaux et d’une
volonté politique, celle de l’ex-URSS qui voulut ajouter cet exploit technologique à son
palmarès. Il fut percé au niveau de la péninsule de Kola, en Scandinavie, dans une zone stable
~3~
(un « craton ») où la croûte terrestre est froide, très épaisse (une cinquantaine de kilomètres)
et … où il ne se passe plus grand-chose sur le plan géologique, il faut bien l’avouer ! Forer
sous les océans, dans les secteurs les plus actifs de notre planète, est beaucoup plus
enthousiasmant mais infiniment plus ardu. Par exemple, pas moins de sept expéditions, soit
environ quatorze mois d’opérations en mer, furent nécessaires pour atteindre la profondeur
record de 2,111 m sous le plancher océanique au niveau du puits 504B foré sous une tranche
d’eau de 3,457 m, non loin d’un centre d’expansion de l’océan Pacifique. Pour atteindre le
Moho ou les grandes failles sismogéniques, il faudra être capable de percer des puits au moins
trois fois plus profonds. Le tout récent navire de forage Chikyu, équipé d’un système de recirculation des boues là où ses grands frères, le Glomar Challenger et le Joides Resolution
foraient « à nu », est taillé pour ce genre d’exploits. Il ne reste plus qu’à identifier les sites
idéaux, ou du moins consensuels, et … d’y aller !
Glomar Challenger
1968 - 1983
Chikyu
2007 - 2012
Joides Resolution
1985 - 2012
Navires de forage utilisés lors des programmes de forages océaniques DSDP, ODP et IODP.
L’arrêt du premier projet MOHOLE n’a pas refroidi l’ardeur des géologues marins. En
effet, « Le métier de marin pousse ceux qui le professent à vouloir connaître les secrets de ce
monde », comme écrivit si justement Christophe Colomb dans son Livres des Prophéties. Et
les roches sous-marines sont une clef essentielle pour qui veut comprendre notre planète :
quels processus physiques et chimiques en font un astre animé, capable de bâtir des
montagnes, d’ouvrir des océans, d’ériger des volcans, de se différencier, de concentrer les
richesses minérales, de s’envelopper d’une hydrosphère et d’une atmosphère, d’abriter voire
de créer la vie ? C’est cette conviction et cet appel de la mer qui ont motivé la relance, dès
1968, d’un programme de forage océanique scientifique sous une forme très différente du
projet MOHOLE. L’objectif, un peu obsessionnel, de forer le puits le plus profond possible,
passa au second plan. Le forage fut remis à sa juste place, celle d’un outil parmi d’autres
contribuant à résoudre des questions scientifiques de toute première actualité. Encore une fois,
il s’agissait de préciser, de corriger, et, peut-être, de découvrir...
Les porteurs de ce qui fut baptisé le Deep Sea Drilling Project, avaient un modèle à
tester : celui de la tectonique des plaques. Il fallait atteindre et forer, sous des épaisseurs plus
ou moins grandes de sédiments, les premiers mètres du socle basaltique. Un objectif qui
restait technologiquement difficile, mais parfaitement réaliste. L’outil s’avéra adapté à la
question et on put ainsi vérifier, dans les premières années de vie de DSDP, que l’âge des
basaltes et des sédiments qui les coiffent croît en s’éloignant des dorsales, offrant une superbe
illustration du pouvoir prédictif de la toute récente théorie de l’expansion des fonds
océaniques. On se mit également à étudier systématiquement les sédiments pélagiques qui se
sont révélés de merveilleuses archives du climat, de la tectonique - océanique et continentale ainsi que des circulations océaniques anciennes, pour les 200 derniers millions d’années
d’histoire de la planète. De plus, nul besoin n’était de s’échiner à faire des carottages très
~4~
profonds pour répondre à certaines questions essentielles dans ces domaines. Charles Darwin
lui-même adressait dès 1881 cette lettre prémonitoire à l’un de ses collègues : « Je souhaite
qu’un richissime millionnaire se mette dans la tête de faire des forages dans quelque atoll du
Pacifique ou de l’océan Indien, et de ramener pour examen des carottes de 500 à 600 pieds
de profondeur ». Darwin aurait pu, lui aussi, contribuer à la rédaction du New Science Plan
d’IODP où les récifs coralliens et l’étude des changements du niveau marin occupent une
place d’honneur !
Carotte de coraux fossiles récupérée lors de l’expédition IODP 310, Tahiti Sea Level
(moitiés « working » et « archive »). Scientific Drilling, vol.5.
Nous sommes les héritiers directs de ces époques pionnières. Notre mission est de
concrétiser les rêves des anciens et d’imaginer de nouveaux défis que nos étudiants relèveront
à leur tour. En effet, la magie et la force de notre programme de forage océanique, dont la
phase actuelle (IODP) se termine bientôt et passera le relais au décennal 2013-2023, résident
en partie dans cette extraordinaire longévité, exemple rare, si pas unique, de programme
commun à plusieurs générations de chercheurs.
Le forage de Kola n’a pas survécu à la chute du régime politique qui le soutenait.
D’autres programmes bien plus ambitieux, et pourtant couronnés de succès comme le fut
Apollo ont eu une vie étrangement courte. La réussite ne serait-elle pas le seul gage de survie
pour un programme scientifique ? Elle est, certes, une condition nécessaire mais pourquoi
n’est-elle pas suffisante ? La question est pertinente mais la réponse est complexe, et n’est
certainement pas unique. Nous pouvons toutefois proposer quelques pistes de réflexion. Elles
nous aideront à comprendre pourquoi, paraphrasant James Hutton, « nous ne voyons pas de
prospective d’une fin » aux programmes de forages océaniques.
Tout d’abord, nous venons de voir que la course aux records n’a jamais été l’objectif
de DSDP et de ses versions successives. Les questions scientifiques et elles seules guident,
depuis 1968, la programmation des campagnes. Ces questions émanent de l’ensemble de la
communauté : tout le monde peut soumettre un projet, toute idée est bienvenue et sera
considérée, d’où qu’elle émane, à charge aux pairs, réunis en comités d’évaluation
scientifiques et techniques, de juger de sa pertinence et de sa faisabilité. La conduite et les
orientations du programme se font donc selon un mode purement « bottom up ».
Ensuite, la compétition internationale a toujours été totalement étrangère à l’esprit du
programme. Dès 1968, DSDP, fonctionnant à l’époque entièrement sur fonds américains,
conviait de nombreux étrangers à embarquer à bord du Glomar Challenger. Le mode de
~5~
financement est devenu international en 1975 et ce fut l’occasion de réunir sous un même
drapeau, celui d’IPOD (International Program for Ocean Drilling), des nations situées de
chaque côté du rideau de fer. En pleine guerre froide, les exemples sont rares d’un si bel
humanisme, d’une telle volonté de coopérer dans le cadre d’un programme qui, s’intéressant à
l’ensemble des mers du monde, pouvait pourtant être perçu comme une entorse à la
géostratégie ! L’esprit de compétition était sous-jacent à MOHOLE, non pas au projet
scientifique lui-même, mais à la façon dont il a été récupéré par le pouvoir politique. Au-delà
des difficultés techniques, et donc du coût, c’est peut-être ce qui lui fut fatal. Le message de
félicitation adressé le 14 avril 1961 à la National Academy of Science par le président John F.
Kennedy portait d’ailleurs en lui les germes de la fin du projet : les Etats-Unis avaient réussi à
réaliser un exploit, non pas en atteignant le Moho mais en réussissant vaille que vaille le
premier forage en eau profonde. Les politiciens considéraient donc que leur objectif était en
partie atteint avec cette « première ». Cela apparaît en filigrane dans les termes du message :
« I have been following with deep interest the experimental drilling in connection with the
first phase of project MOHOLE. (…) The people of the United States can take pride not only
in the accomplishment but in the fact that they have supported this basic scientific
exploration. ». C’est donc bien l’honneur de la nation, avant tout, qu’il s’agissait de mettre en
exergue ! De la même façon, le programme de missions habitées vers la Lune a perdu sa
motivation essentielle le jour où une des grandes puissances a, grâce à Apollo, « gagné la
partie ». Les scientifiques eussent pu espérer que le programme se prolonge. Avec
l’embarquement du premier « spatio-géologue » sur Apollo 17, la science semblait reprendre
ses droits. Les missions Apollo 18 et 19 étaient programmées mais, comme l’on sait, les
fusées sont restées clouées au sol. Les politiques avaient décidé de courir d’autres lièvres.
Quel drame pour la science ! Fort heureusement, les missions spatiales d’exploration de la
Terre, des planètes et de l’univers se font, aujourd’hui, pour la plupart, selon le même mode
de fonctionnement bottom up et dans le même esprit de coopération internationale qui
cimente la communauté IODP et qui est, en quelque sorte, son âme.
Un autre de nos atouts majeurs réside dans la diversité des objectifs scientifiques et
dans la pluridisciplinarité des équipes embarquées et des équipes « à terre » qui englobent
virtuellement l’ensemble des géosciences, bien au-delà des seules géosciences marines. A ce
titre, pour la période actuelle, IODP, et, a fortiori, pour le prochain décennal (cf. le New
Science Plan), on peut même parler d’une diversification accrue des objectifs et des moyens.
Les problématiques sont toujours « aux frontières » de la connaissance mais aux questions
devenues classiques, bien que toujours vivaces, de géologie structurale, de pétrologie, de
sédimentologie, etc…, sont venus s’ajouter des objectifs tout aussi fondamentaux mais plus
explicitement chevillés aux grandes questions de société telles la prévention des risques
naturels (sismogéniques et tsunamigéniques), la compréhension des changements climatiques
et ses relations avec le cycle du carbone, la détermination et la prédiction à plus ou moins
court terme de l’évolution du niveau marin, sans oublier l’étude du mode de formation des
ressources minérales et des sources renouvelables d’hydrocarbures. Les études fondamentales
d’aujourd’hui seront les guides des prospections de demain. De plus, les projets à l’interface
entre biologie et géologie, s’attachant à comprendre l’origine de la vie sur terre et, rejoignant
par certains aspects les recherches en exobiologie, ont fait leur apparition assez récemment
dans notre paysage. Enfin, mais cela est moins nouveau, les spécialistes de la diagraphie
(« logging ») embarquant sur IODP, les techniciens en charge des instruments de mesures
hydrogéologiques installés sur les puits après les opérations de forage (les « CORKs ») et les
foreurs eux-mêmes sont à la pointe de la recherche technologique, les solutions qu’ils
imaginent et mettent en œuvre venant ensemencer la R&D des industries pétrolières et
géothermiques. Avec les CORKs et autres instruments « fonds de mer », le programme de
~6~
forage s’inscrit de plus en plus dans une démarche de type observatoire permanent, permettant
d’obtenir de longues séries temporelles de mesures hydrologiques, géophysiques et
géochimiques (cf. réseaux de surveillance NEPTUNE Canada et DONET).
Bulles d’hydrogène et de méthane
produites par l’interaction entre l’eau et
les roches du manteau terrestre, allant de
pair avec des processus de carbonatation
et donc de piégeage du CO2 (les précipités
blancs). Ces phénomènes, que l’on observe
rarement à terre (ici dans l’ophiolite
d’Oman), se sont révélés particulièrement
actifs en milieu sous-marin, au niveau des
centres d’expansion océanique et des
zones de subduction. Leur étude est un des
objectifs phares du New Science Plan
d’IODP.
Un autre point à mettre au crédit de notre programme est une gestion sans faille de ce
patrimoine unique que constituent les centaines de kilomètres de carottes prélevées dans tous
les océans du monde. Elles sont stockées dans plusieurs carothèques aux Etats-Unis, en
Europe et au Japon et sont accessibles à l’ensemble de la communauté internationale après
une courte période moratoire (un an) durant laquelle les scientifiques de la mission y ont seuls
accès. Tout le monde peut soumettre une demande pour échantillonner la moitié « working »
des carottes, la moitié « archive » étant préservée pour des examens non destructifs (sauf
demandes de dérogations bien argumentées). De la même façon, toutes les données physicochimiques, acquises à bord sur ces échantillons, ainsi que les données de diagraphie, sont
rassemblées dans des bases de données publiques et accessibles, gratuitement, en quelques
clics. Il est très difficile de quantifier précisément le nombre d’études s’étant appuyées sur du
matériel DSDP, OPD ou IODP, mais le chiffre est considérable. Beaucoup de nos collègues
ignorent d’ailleurs que telle ou telle courbe de référence, ensemble de données, voire concept,
qu’ils utilisent au quotidien est un produit direct ou dérivé des programmes de forages
océaniques !
Une spécificité structurelle de la phase IODP (depuis 2003) est la création du
consortium européen ECORD réunissant dix-sept pays d’Europe et auxquels s’est joint le
Canada. La France a joué un rôle moteur dans cette initiative ce qui lui a valu d’être choisie
par ses partenaires pour assurer l’administration du consortium. A ce titre, la France est le
porte-parole de dix-huit nations auprès des deux autres grands partenaires d’IODP que sont
les Etats-Unis et le Japon. Cette organisation est un atout majeur car elle permet aux pays
européens pour qui il aurait été difficile de contribuer à IODP en tant que partenaires isolés de
rejoindre le programme. Elle permet aussi aux Européens de jouer un rôle de premier plan en
tant qu’opérateur de plate-forme. L’histoire récente a, de plus, montré qu’ECORD pouvait
avoir un rôle stabilisant pour l’ensemble du programme, lorsque quelques tiraillements entre
grands partenaires risquaient de faire trembler l’édifice.
~7~
Bleu foncé - Nations membres du consortium ECORD : France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne,
Suède, Ireland, Finlande, Danemark, Suisse, Pays-Bas, Portugal, Belgique, Autriche, Norvège, Italie,
Pologne, Islande, Canada. Bleu clair - Nations membres d’IODP (hors ECORD) : Etats-Unis (NSF),
Japon (MEXT), Chine (MOST), Inde (MoES), Corée (KIGAM), Australie et Nouvelle Zélande (ANZIC).
Durant la phase IODP, nous avons également assisté à une diversification des moyens
à la mer indispensable pour aborder les nouveaux objectifs scientifiques de la communauté
internationale. Le Japon a mis à la disposition du programme un nouveau navire foreur, le
Chikyu, équipé d’un système de re-circulation de boues (« Riser Drilling »), indispensable, on
l’a vu, pour envisager certaines opérations technologiquement ardues comme la traversée de
la zone sismogénique, du Moho, ou des couches salifères comme celles du Messinien.
ECORD a développé et mis en œuvre le concept des plates-formes de forage dites
« spécifiques » (les MSPs) dans le but de répondre à certains objectifs inaccessibles au Joides
Resolution et au Chikyu, ces derniers ne pouvant forer ni en eaux peu profondes (au niveau
des récifs coralliens, entre autres) ni sous les glaces de l’océan Arctique. Les données
acquises dans ces environnements sont indispensables pour améliorer la compréhension et la
modélisation de l’évolution globale du climat et des circulations océaniques.
DP Hunter
I/B Vidar Viking
Plates-formes spécifiques (MSPs) opérés par ECORD et utilisées lors des expéditions IODP 302, 310, 313 et
325.
~8~
Cette analyse ne serait pas complète si l’on n’évoquait un dernier point : les
programmes de forages perdurent aussi parce qu’ils sont une source de vocation pour les
jeunes. Certains de nos étudiants se sont orientés vers les Sciences de la Terre le jour où ils
ont assisté à une conférence ou lu des ouvrages dédiés aux forages océaniques. Conscient de
ce devoir de formation et de motivation de la jeunesse (parmi laquelle on trouve les
scientifiques, les responsables de programmes et les directeurs d’Instituts de demain), IODP
organise des écoles thématiques pour les enseignants de collèges et lycées, et organise leur
embarquement sur certaines campagnes (opérations « Teacher at Sea » et « School of
Rock »). Des visioconférences mettent régulièrement en contact les écoles et les scientifiques
embarqués. Depuis 2008, ECORD organise également chaque année plusieurs écoles d’été
pour les jeunes chercheurs. Ajoutons à cela les très nombreuses initiatives individuelles,
spontanées et généreuses : quel embarquant sur une campagne n’a pas, dès son retour à terre,
participé à des conférences grand public, alimenté des forums sur internet, répondu à des
demandes de participation à des « forums des métiers » ou autres animations pédagogiques ?
Par ailleurs, les enseignants chercheurs sont unanimes pour dire que leur façon d’enseigner
leur discipline a profondément bénéficié de leur expérience en mer.
Et la France dans tout ça, nous direz-vous ? C’est, bien entendu, la question centrale
abordée dans ce rapport. Les chapitres suivants, contiennent une description factuelle de
l’implication de notre communauté nationale dans IODP et de sa contribution aux percées
scientifiques majeures du programme. Le bilan est, pour la France, plus que positif, mais loin
de nous la tentation de sombrer dans le narcissisme hexagonal, l’histoire nous a montré les
dangers d’une telle attitude ! On peut affirmer que le « retour sur investissement » est
excellent pour la France, bien que ce type de formule ne soit pas vraiment adapté à
l’évaluation de la recherche fondamentale. Le rôle d’un grand programme comme IODP est
de mettre en place et de maintenir un contexte général favorable à l’émergence de nouvelles
découvertes dont l’importance et les retombées ne sont le plus souvent perceptibles, et donc
évaluables, que sur le long, voire le très long terme.
Il nous paraît donc important, pour conclure ce préambule, de souligner que le
programme IODP, ses prédécesseurs et ses successeurs ont, à travers leurs réalisations et leur
mode de fonctionnement, valeur d’exemple pour la communauté scientifique internationale.
L’humanité est confrontée, en ce début de XXIe siècle, à des défis sociétaux majeurs. Les
forages océaniques peuvent et doivent contribuer à relever certains d’entre eux, touchant à
l’évolution climatique, aux problèmes environnementaux, à la prévention des risques naturels,
et à la recherche de ressources renouvelables,... Déployer les moyens nécessaires pour ce faire
est difficilement envisageable pour une seule nation. Ce n’est d’ailleurs pas souhaitable, car
ces questions concernent la Terre dans sa globalité, et nous devons donc les résoudre en
commun. Nous espérons que ces pages vous convaincront que le monde a besoin d’IODP,
étant déjà rendus à l’évidence qu’IODP ne peut se passer d’ECORD, ni ECORD de la France.
Toulouse, mars 2012
~9~
~ 10 ~
Première partie
I.
Spécificité de la phase IODP
Les chercheurs en Sciences de la Terre savent pour la plupart qu’« ODP » signifie
« Ocean Drilling Program ». Beaucoup ignorent, par contre, la signification du « I » qui est
venu enrichir cet acronyme pour la phase actuelle du programme (1er octobre 2003 au 30
septembre 2013). « I » évoque naturellement « International ». Il faut pourtant comprendre
« Integrated ». Ce qualificatif a été rajouté à ODP pour mettre l’accent sur une des spécificités
majeures d’IODP : la multiplication des moyens à la mer, en d’autres termes la mise en
opération de plusieurs plates-formes, là où du temps de DSDP et d’ODP un seul navire
réalisait l’ensemble des campagnes de forage. Pour compliquer les choses, IODP restera
l’acronyme de la prochaine phase du programme (2013 -2023), mais le « I » signifiera bien,
cette fois, « International ». Cela aura le mérite d’être plus conforme à l’intuition… Mais
attention : le « D » du nouvel acronyme ne voudra plus dire « Drilling » mais « Discovery »,
les rédacteurs du New Science Plan ayant préféré insister sur l’objectif plutôt que sur l’outil.
Cela traduit également le fait que le forage n’a plus une très bonne image auprès du public (et
donc les politiques rechignent à l’afficher), ce qui est assez injuste lorsque cette méfiance
s’adresse aux forages scientifiques, inoffensifs pour l’environnement, bien au contraire
puisque ce moyen d’exploration de notre planète contribuera à résoudre certains problèmes
environnementaux.
Les chapitres qui suivent font le bilan de la phase en cours, de l’Integrated Ocean
Drilling Program, donc, et, de façon moins détaillée, des phases qui l’ont précédé. Les projets
du futur International Ocean Discovery Program apparaissent toutefois en filigrane tout au
long de ce rapport. En effet, malgré l’évolution et surtout la diversification des objectifs
scientifiques, c’est la continuité plutôt que la rupture qui caractérise le passage d’une phase à
l’autre : les missions programmées dans les premières années d’IODP furent d’ailleurs
évaluées et préparées au cours de la phase ODP, et nous évaluons actuellement les projets qui
seront retenus pour une programmation durant le prochain décennal IODP.
Le Joides Resolution tiens toujours bon la vague (il a été complètement rénové en
2007-2008) et est resté le navire le plus actif durant le décennal IODP en cours. C’est un
navire conventionnel, contracté à l’année par la NSF (National Science Foundation) à une
compagnie commerciale. Le Joides Resolution ne peut pas forer des fonds marins situés à très
faibles profondeurs (inférieures à la centaine de mètres) mais il n’existe théoriquement aucune
limite d’opération vers les plus grands fonds (fig. 1). Il embarque dans ses soutes une dizaine
de km de train de tige et a foré avec succès par des fonds atteignant 6000 m.
~ 11 ~
Fig. 1 : Les différents systèmes de forage des trois plates-formes du programme Integrated Ocean Drilling
Program et leurs limitations techniques relatives en termes de profondeur de pénétration de la tranche d’eau et
du plancher océanique.
Comme nous l’avons vu, la flotte de forage scientifique s’est enrichie il y a quelques
années du Chikyu (fig. 2a). La construction du Chikyu (budget de ~800 M$) a été financée par
le Gouvernement Japonais (MEXT). Ce navire représente un saut technologique majeur par
rapport au Joides Resolution. Ce gigantesque navire supporte un derrick de 70 m équipé d’un
système de re-circulation de boues (« riser drilling ») qui facilite les opérations de forage dans
des formations instables (fig. 1 et 2b). Il permet d’envisager le forage de puits qui devraient
pouvoir atteindre des profondeurs de 6 à 7 km sous le plancher océanique.
a)
b)
Fig. 2 : a) Le navire foreur Chikyu naviguant dans les eaux japonaises aux pieds du Mont Fuji. b) Détail de la
nouvelle technologie « riser drilling » du Chikyu.
~ 12 ~
Le riser a une longueur maximum de 2500 m, son poids étant le facteur limitant, ce qui
constitue une sérieuse limitation dans le choix des sites qui ne doivent pas dépasser 2500 de
profondeur d’eau (seulement un quart environ de la surface de l’océan mondial) (fig. 1). Le
Chikyu a commencé à forer pour IODP en 2007. L’objectif prioritaire de ce navire au cours de
cette phase est d’atteindre, d’étudier et d’instrumenter la zone sismogénique de la fosse de
Nankai au large de l’archipel du Japon, afin de progresser dans notre compréhension des
mécanismes de déclenchement des tremblements de terre (Expéditions NanTroSEIZE). Percer
des puits très profonds requiert des mois voire des années de forage et le Chikyu n’a jusqu’à
présent pas quitté les eaux japonaises. Les opérateurs japonais se sont engagés à faire
naviguer le Chikyu dans d’autres eaux durant le prochain décennal, afin de mettre ce navire à
la disposition de quelques autres projets phares de l’International Ocean Discovery Program
mis en avant dans le New Science Plan. La France est fortement impliquée dans le projet
NantroSEIZE : 15 scientifiques français dont deux co-chefs de missions (Pierre Henry et
Siegfried Lallemant) ont embarqué à bord du Chikyu lors des différentes phases de ce projet.
La phase IODP a également vu la mise en œuvre de plates-formes dites « spécifiques »
(MSP pour Mission-Specific Platforms), contractées au coup par coup dans le secteur
commercial pour forer dans les zones non accessibles aux deux autres navires. Opérées par
ECORD, elles ont permis de forer sous la banquise (Expédition 302, Arctic Coring
EXpedition), dans des récifs coralliens submergés (Expédition 310, Tahiti Sea Level et
Expédition 325, Great Barrier Reef Environmental Changes) et au niveau des plateaux
continentaux (Expédition 313, New Jersey Shallow Shelf, ainsi que la future Expédition
347, Baltic Sea Paleoenvironment) (fig. 1). Par rapport aux missions effectuées sur le Joides
Resolution ou le Chikyu, des adaptations ont été nécessaires. Les navires contractés sont
généralement assez petits et ne sont pas équipés de laboratoires. Seule une fraction de l’équipe
scientifique embarque pour assurer le bon déroulement de l’expédition et effectuer les
mesures des propriétés éphémères sur les carottes. Toute l’équipe scientifique se retrouve
ensuite à la carothèque de Brême pour décrire les carottes et effectuer toutes les mesures
standards (« The Onshore Science Party »). La communauté française est fortement impliquée
dans ces expéditions d’un nouveau genre puisque qu’elles ont drainé 24% des embarquants
français. Deux de ces expéditions (310 et 313) ont été dirigées par des co-chefs de mission
français (Gilbert Camoin et Jean Noël Proust respectivement) et plusieurs ingénieurs logging
français (Florence Einaudi et Gilles Henry pour l’expédition 310 et Simon Barry, Vanessa
Hébert, Gérard Lods et Denis Neyens pour l’expédition 313) appartenant à l’équipe Transferts
en Milieux Poreux du laboratoire Géosciences Montpellier (anciennement Laboratoire de
Géophysique et d’Hydrodynamique en Forage) ont fait partie de l’équipe opérationnelle et
technique à bord de ces deux expéditions dans le cadre de l’European Petrophysical
Consortium (EPC).
Une autre originalité de la phase IODP que nous avons également déjà évoquée est
une ouverture sur le monde de l’éducation. Le « Consortium for Ocean Leadership » (COL) qui
gère la participation américaine à IODP a lancé deux programmes de formation pour les
éducateurs, dont les enseignants de collèges et de lycées : School of Rock et Teacher at Sea. COL
a ponctuellement offert aux pays membres d’IODP de participer à ces activités. Deux enseignants
français (Jean-Luc Berenguer et Jean-Noël Puig) ont ainsi participé au programme School of
Rock en 2009, 2010 et 2011 et, deux enseignants français (Brigitte Thiberge et Jean-Marie
Gautier) ont embarqué en 2010 sur l’expédition 327 (Juan de Fuca Ridge Flank
Hydrogeology) dans le cadre du programme Teacher at Sea. Ces formations ont lieu à bord
du Joides Resolution (School of Rock, Teacher at Sea) ou à College Station au Texas (School
of Rock).
~ 13 ~
Nous allons préciser ci-dessous la structure administrative du programme, le budget, le
mode de sélection des projets, et faire un balayage rapide des objectifs et réalisations d’IODP.
Les aspects scientifiques seront abordés plus précisément dans les chapitres suivants,
organisés sous forme de synthèses rédigées par les principaux participants à la phase actuelle
et par les porteurs de quelques grands projets pour le prochain décennal. Le fil conducteur
restera la place occupée par la France dans l’aventure des forages océaniques.
II.
La France dans ECORD : fonctionnement et partenaires
Le projet DSDP a donc débuté en 1968, initialement comme un projet fonctionnant sur
fonds américains. Il s’est internationalisé en 1975 avec la participation explicite de la France,
de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, du Japon et de l’URSS. La phase suivante, ODP, a
débuté en 1985 et correspond au changement du navire porteur (le Joides Resolution qui a
succédé au Glomar Challenger). Durant la phase ODP, chaque « grand » pays participait
individuellement au programme. Un ensemble de plus petits partenaires ont rejoint ODP sous
forme d’un consortium constitué sous l’égide de l’ESF (European Science Foundation). Avant
la fin de la phase ODP (1985-2003), il est apparu clairement à tous les partenaires européens
d’ODP que créer un consortium unique leur permettrait d’accroître leur visibilité et de jouer
un rôle plus important. A l’initiative de la France (John Ludden était alors président d’ODPFrance), le projet JEODI (pour Joint European Ocean Drilling Initiative) a été financé de 2001
à 2003 par la Commission Européenne pour initier les discussions entre les partenaires
potentiels de ce consortium. ECORD (pour European Consortium for Ocean Research
Drilling) a été créé en 2003. C’est grâce à ECORD que l’Europe a pu jouer un rôle
fondamental dans IODP en devenant l’un des trois opérateurs de plates-formes. Le concept de
MSP a, en effet, été créé par ECORD. Ce sont des plates-formes de forage commerciales qui
peuvent opérer, comme on l’a vu, dans des zones inaccessibles aux deux autre navires, les
zones englacées (où la banquise dérivante nécessite la mise en œuvre d’un navire brise-glace)
et les zones à faible profondeur d’eau (<100 m).
Les discussions qui ont précédé la création d’ECORD ont amené ses partenaires (après
un appel d’offres) à choisir l’INSU-CNRS pour en assurer le management et l’administration.
La mise en place du consortium a été soutenue par la commission européenne sous la forme
d’un ERA-Net, ECORD-Net (2003-2008), projet soumis puis coordonné par l’INSU-CNRS
(John Ludden puis Catherine Mével). L’acte de naissance officiel d’ECORD date du 15
décembre 2003, jour où 11 pays Européens ont signé avec la Directrice de l’INSU-CNRS,
Sylvie Joussaume, le Memorandum of Understanding (MoU) d’ECORD (fig. 3). A cette date,
le consortium comprenait 12 pays membres : France, Allemagne, Danemark, Finlande,
Royaume-Uni, Islande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Suède et Suisse.
~ 14 ~
Fig. 3 : Signature du Memorandum
of Understanding le 23 décembre
2003 par les 12 pays Européens
fondateurs d’ECORD.
Depuis 2003, plusieurs autres nations ont rejoint ECORD : l’Espagne et le Canada en
2004, la Belgique, l’Autriche et l’Irlande en 2005 et la Pologne en 2012. ECORD compte
donc à ce jour 18 partenaires (fig. 4).
Fig. 4 : Nations membres du consortium
ECORD en 2012 : France, Allemagne,
Royaume-Uni, Espagne, Suède, Irlande,
Finlande, Danemark, Suisse, Pays-Bas,
Portugal, Belgique, Autriche, Norvège, Italie,
Pologne, Islande, Canada.
Le MoU détaille le mode de fonctionnement d’ECORD ainsi que les contributions
financières de ses partenaires. Il explique en particulier la structure du consortium avec (fig.
5) :

Un comité exécutif (l’ECORD Council) où sont représentés tous les pays partenaires
d’ECORD. Le président de l’ECORD Council est élu par les membres. Initialement, il
changeait tous les six mois. En 2011, il a été décidé d’étendre le mandat à un an pour
assurer une meilleure continuité. La France a présidé l’ECORD Council d’avril à
~ 15 ~
septembre 2004 (John Ludden), d’octobre 2007 à mars 2008 (Bruno Goffé) et
d’octobre 2010 à septembre 2011 (Mireille Perrin).

L’ECORD Managing Agency (EMA) chargée de l’administration d’ECORD et
localisée à l’INSU-CNRS. En 2003, Catherine Mével (IPGP), a été mandatée par
l’INSU-CNRS pour en assurer la direction. Gilbert Camoin (CEREGE), lui a succédé
le 1er janvier 2012.

L’opérateur des MSPs, ESO (ECORD Science Operator), constitué d’un groupe
d’universités et instituts pilotés par le British Geological Survey (BGS) et responsable
de la mise en œuvre des campagnes. Outre le BGS, il comprend l’Université de Brême
et l’ « European Petrophysics Consortium » (EPC) responsable de la mise en œuvre
des mesures dans les puits et dont fait partie Philippe Pezard (Géosciences
Montpellier).

Un comité scientifique, ESSAC (ECORD Science Support and Advisory Committee),
chargé de la coordination et de la participation des scientifiques des pays membres
d’ECORD à IODP. Chaque pays membre y est représenté par un délégué. Le bureau
ESSAC change tous les deux ans. D’octobre 2007 à septembre 2009, il a été localisé
au CEREGE, sous la présidence de Gilbert Camoin. Serge Berné (Université de
Perpignan) et son suppléant, Georges Ceuleneer (Observatoire Midi-Pyrénées,
Toulouse) y siègent actuellement au nom de la France.
Fig. 5 : Structure d’ECORD
L’ECORD Managing Agency a été mandatée par l’ECORD Council pour négocier la
participation d’ECORD à IODP. Les « Lead Agencies » d’IODP, NSF et MEXT, ainsi
qualifiées car ce sont les deux plus gros contributeurs d’IODP sur le plan financier, ont
reconnu l’apport particulièrement important d’ECORD, à la fois sur le plan intellectuel et sur
le plan des opérations (avec les MSPs) en lui accordant le statut de « contributing member »
(fig. 6). Ceci se traduit par 8 places pour les scientifiques d’ECORD sur chaque expédition
mise en œuvre dans le cadre d’IODP (c'est-à-dire autant que les Japonais et les Américains),
et une représentation importante dans les comités de la « Science Advisory Structure », en
charge des orientations stratégiques du programme et de l’évaluation des projets de forage.
~ 16 ~
ECORD a rejoint IODP le 16 mars 2004 quand, au nom de l’ensemble de ses
partenaires, Sylvie Joussaume, Directrice de l’INSU-CNRS (2003-2006), a signé le
Memorandum avec les représentants des « Lead Agencies », NSF et MEXT.
Fig. 6 : Structure d’IODP
III.
Budget et mode de financement d’ECORD
Pour être membre d’IODP, le montant du ticket (« participation unit ») a été fixé par la
NSF et MEXT à 1.5 M$ en 2004, 3.5 M$ pour la période 2005-2007 et 5.6 M$ à partir de
2008, date à laquelle le Chikyu a commencé ses opération dans le cadre d’IODP. L’objectif
d’ECORD était de contribuer au niveau de 4 tickets – c’est sur cette base que se sont faites les
négociations. La France, l’Allemagne et Le Royaume-Uni se sont engagés à contribuer au
même niveau d’un ticket, la somme des autres membres d’ECORD devant constituer le
quatrième ticket. En réalité, si les trois partenaires principaux ont tenu leur engagement, les
autres partenaires n’ont pas tout-à-fait réussi à atteindre le niveau d’un ticket.
Il faut noter que la France bénéficie de retours financiers d’ECORD. L’ECORD
Managing Agency reçoit un budget annuel d’environ 250 k€ qui finance en particulier trois
salaires : celui de l’Assistant Director de l’EMA, et ceux d’un ingénieur et d’un post-doc en
géophysique de forage basé à Géoscience Montpellier, laboratoire membre de l’EPC.
Le budget annuel du programme IODP fluctue selon les années autour de 150 M$
selon le nombre de campagnes effectuées, la longueur des transits, les instruments déployés,
etc… (fig. 7).
En 2012, le budget total d’ECORD a atteint 21.4 M$ (~16,2 M€). Mais les
contributions sont très inégales, de 5.6 M$ (~4,2 M€) pour les trois plus gros contributeurs
(France, Allemagne et Royaume-Uni) à 30,000 $ (~23 k€) pour les trois plus petits (Belgique,
Islande et Pologne). Les diagrammes ci-dessous (fig. 7) précisent les contributions
~ 17 ~
(recalculées en Euro au cours de mars 2012) de chaque partenaire d’ECORD, ainsi que la
contribution relative d’ECORD par rapport aux autres membres du programme.
a) Membre d'ECORD Contribution (€)
France
4 238 000
Allemagne
4 238 000
Royaume-Uni
4 238 000
Norvège
832 000
Espagne
577 000
Suisse
424 000
Suède
400 000
Canada
378 000
Pays-Bas
303 000
Danemark
129 000
Ireland
106 000
Autriche
76 000
Italie
76 000
Portugal
68 000
Finlande
50 000
Belgique
23 000
Islande
23 000
Pologne
23 000
Budget ECORD
Budget IODP
b)
c)
a)
d)
16 202 000
105 000 000
Fig. 7 : Contribution de chaque membre d’ECORD (a, c, d) et contribution relative d’ECORD et de la France
par rapport aux autres membres du programme IODP (a, b). Contributions recalculées en Euros au cours de
mars 2012.
Au sein d’ECORD, les « droits » des différents pays sont proportionnels à leur
contribution financière (système des quotas pour les embarquants, par exemple, bien que
l’ESSAC fasse fort heureusement preuve d’une certaine flexibilité à ce niveau). La France
peut embarquer en moyenne deux scientifiques sur chaque campagne et, sur les quatre
représentants d’ECORD dans chaque panel de la SAS (Science Advisory Structure, cf. chap.
V-1), un est français. De ce fait, la France participe activement aux décisions stratégiques du
programme.
Ce sont les deux Lead Agencies, la NSF et MEXT qui financent respectivement les
opérations du Joides Resolution et du Chikyu. ECORD finance les opérations des MSPs (fig.
6). Un pot commun (“IODP commingled funds”), alimenté par les partenaires internationaux,
finance les coûts scientifiques associés (mesures spécifiques, publication des rapports initiaux,
bases de données et carothèques) regroupés sous le vocable SOCs = Science Operation Costs
(fig. 6 et 8). ECORD bénéficie d’un retour depuis les commingled funds pour couvrir les
SOCs associés à la mise en œuvre des MSPs (en moyenne ~3 M$ par an). Conformément au
Memorandum signé avec la NSF et MEXT, ECORD contribue annuellement à 16.8 M$ (soit
3 « participation units ») aux commingled funds. Le reste de son budget, soit ~4.6 M$, est
utilisé pour financer les opérations des MSPs. L’attribution annuelle ne permet de
~ 18 ~
programmer une campagne qu’une année sur deux. A la fin de la phase actuelle, ECORD aura
réalisé 5 expéditions de MSPs.
Fig. 8 : Principe du pot commun
dans la structure IODP (voir
également la fig. 6).
IV.
La force d’ECORD et le rôle moteur de la France : un atout pour l’avenir
On ne saurait trop insister sur le fait que la création d’ECORD a permis à l’Europe – et
donc à la France – de jouer un rôle accru dans la conduite des opérations de forages
océaniques scientifiques. En tant que partenaire unique, l’Europe parle d’une seule voix et
joue donc un rôle beaucoup plus important que dans les phases précédentes, ODP et DSDP.
ECORD a ainsi pu négocier des avantages très importants dans le programme par rapport à
son niveau de contribution financière. De plus, ce n’est qu’en mutualisant son budget que
l’Europe a été capable de devenir opérateur et donc de jouer un rôle très visible sur la scène
internationale. ECORD est devenu incontournable, à la fois par la contribution intellectuelle
de ses scientifiques mais également en offrant l’accès à des zones jusque-là inaccessibles.
L’impact scientifique des campagnes MSP réalisées jusqu’à maintenant est absolument
exceptionnel. Le succès d’ECORD est également reconnu par la Commission Européenne.
L’objectif des ERA-Nets est d’aider des agences à s’organiser sur une thématique scientifique
pour ensuite « voler de leurs propres ailes » et obtenir des financements nationaux. Le
montage d’ECORD est considéré comme un grand succès puisque le consortium arrive à
s’autofinancer au niveau considérable de 21.4 M$ soit environ 16 M€ par an (fig. 7).
Malheureusement, malgré ce remarquable succès, ECORD n’a pas réussi à obtenir de la
Commission Européenne qu’elle participe directement au financement des opérations. Ceci a
conduit les partenaires d’ECORD à envisager d’autres modes de soutien de la Commission
Européenne pour la prochaine phase, sur des projets spécifiques ou sur du développement
technologique.
Avec le rôle moteur joué par John Ludden, alors Directeur Scientifique Adjoint de
l’INSU-CNRS pour les Sciences de la Terre, la France a été à la pointe de cette évolution
majeure. Ceci a été reconnu par les partenaires d’ECORD puisque l’INSU-CNRS a été choisi
pour en assurer l’administration. Cela a conféré au CNRS et à la France un grand
~ 19 ~
rayonnement non seulement au niveau européen mais également au niveau international
puisqu’il est de fait l’interlocuteur des autres agences de financement d’IODP, et en
particulier de la NSF et du MEXT. L’efficacité de l’ECORD Managing Agency dans sa
gestion d’ECORD et dans ses relations avec les partenaires internationaux a été fortement
appréciée comme en témoigne le fait que l’ECORD Council a décidé de prolonger son
mandat d’au moins trois ans (jusqu’à 2016) pour faciliter la transition avec la nouvelle phase
qui doit commencer en 2013.
Avec le Royaume-Uni et l’Allemagne, la France est l’un des trois partenaires majeurs
d’ECORD, l’un des trois piliers sur lesquels repose le consortium. Le fonctionnement
harmonieux du consortium n’a été possible que grâce à la solidité de chacun de ces trois
piliers et à leur convergence de vue. Ces trois pays partagent une vision commune sur
l’évolution souhaitée d’ECORD dans un nouveau contexte international, détaillée dans le
document « The Future of ECORD, 2013-2023 » (http://www.ecord.org/pub/brochure.html).
Il est essentiel pour la solidité du consortium que leur financement soit maintenu au moins au
même niveau.
V.
Les Expéditions de la période IODP
1. Mode de sélection des projets et des équipes embarquées
IODP-MI (IODP – Management International) s’appuie sur une structure d’évaluation
scientifique (la SAS ou Science Advisory Structure) et sur une structure opérationnelle (l’OPF
pour Operations Task Force) pour sélectionner et programmer les expéditions de forage (fig.
9). La structure du SAS a été complétement remaniée en 2011. La plus haute instance du SAS
fut, pendant la majeure partie de la phase IODP le Science Planning Committee (SPC).
Depuis octobre 2011, elle a été remplacée par le SIPCOM (Science Implementation and
Policy Committee) dont le rôle est, à quelques nuances près, équivalent à celui du SPC (fig.
9). Le rôle du SPC est défini de la manière suivante : « The SPC focuses on the long-term
science planning activities necessary to achieve the objectives of IODP as expressed in the
ISP (Initial Science Plan). In this capacity, SPC prioritizes, or ranks, scientific and
technological objectives to optimize the scientific returns from multi-platform drilling,
sampling, and related experiments. » Les termes employés pourraient donner l’impression que
les activités scientifiques sont pilotées d’« en haut » selon un mode « top down ». Il faut
toutefois garder à l’esprit que ce ne sont que les orientations scientifiques et technologiques
très générales qui sont discutées au SPC, comité qui est par ailleurs composé en grande partie
de scientifiques n’ayant pas rompu les liens avec leur activité de recherche, bien au contraire.
Les travaux du SPC et du SIPCOM étaient et sont basés en grande partie sur l’avis et l’input
des autres panels de la Science Advisory Structure (SAS) composés eux aussi des forces vives
des laboratoires.
~ 20 ~
a)
b)
Fig. 9 : a) Comités et
structures
chargées
de
sélectionner
et
de
programmer les expéditions
de forage entre 2003 et
septembre 2012 ; b) Comités
et structures chargées de
sélectionner
et
de
programmer les expéditions
de forage actuelles (depuis
octobre 2011) et de la
prochaine phase IODP.
Le « terreau » du programme est, avant tout, un foisonnement d’idées émanant de
l’ensemble de la communauté scientifique internationale et formalisées sous la forme de
propositions de campagnes « non sollicitées ». Celles-ci passent bien entendu par différents
filtres très rigoureux d’évaluation. Les aspects évalués par les différents comités du SAS
comprennent : la pertinence et l’intérêt scientifique du projet (PEP ou Proposal Evaluation
Panel), la connaissance géologique du site (SCP ou Site Characterization Panel), la faisabilité
(STP ou Scientific Technology Panel) et les problèmes de sécurité (risque de percer des
poches de gaz, des niveaux d’hydrates, etc…) et d’impact environnemental (dont celui lié à la
migration et à la reproduction des espèces marines) (EPSP ou Environmental Protection and
Safety Panel) (fig. 9).
Nous ne détaillerons pas ici l’ensemble des comités nécessaires à la bonne marche du
programme IODP, en particulier pour tout ce qui concerne l’opérationnel. Ces informations se
trouvent facilement sur le site WEB : http://www.iodp.org/committees-and-panels.
Il nous parait cependant important de noter que, malgré une lourdeur apparente, IODP
est une structure capable de réactions rapides quand les événements (géologiques) l’exigent.
Nous ne citerons qu’un exemple récent : suite au séisme de Tohoku, un comité ad hoc, le
Detailed Planning Group on Rapid Response Drilling following the Tohoku Earthquake (le
~ 21 ~
RRD-DPG) a été mis en place, dont l’objectif est totalement explicité dans le titre. Un
sismologue de l’IPGP (Satish Singh) a participé aux travaux de ce comité exceptionnel.
Enfin, les relations avec l’industrie ont été assurées par l’Industry-IODP Science
Program Planning Group (IIS-PPG) ayant pour vocation d’identifier des axes de coopération
entre le monde du forage scientifique et le monde industriel au sens très large, incluant, outre
le partenaire naturel qu’est l’industrie pétrolière, le monde minier et celui des biotechnologies,
entre autres. Didier-Hubert Drapeau de Total a participé, pour la France, aux travaux de ce
comité.
Jusqu’à un passé récent, les propositions de forage pouvaient avoir une durée de vie
très longue, leurs moutures successives passant et repassant, parfois pendant des années, le
processus d’évaluation. Pour gagner en efficacité et pour permettre aux évaluateurs (internes
aux comités mais aussi aux évaluateurs externes sollicités) de se concentrer sur l’évaluation
de nouvelles propositions, potentiellement plus viables, le PEP sera, dans l’avenir plus
vigilant sur la façon dont les recommandations auront été prises en compte et se réservera la
possibilité de refuser d’emblée des demandes n’ayant pas été significativement améliorées.
Comme cette amélioration ne relève pas nécessairement de problèmes de fond scientifique ou
de rédaction mais de caractérisation du site, il sera important que les porteurs de projets
coordonnent leur demande de forage avec des demandes de « site survey » qui implique le
plus souvent des campagnes de géophysique de surface opérées par les flottes nationales
(voire parfois des campagnes de plongées en submersible ou de ROV). Un important effort de
phasage devrait donc, idéalement, être consenti entre les comités nationaux d’évaluation des
demandes de campagnes hauturières et les étapes d’évaluation des propositions de forage. Il
s’agit essentiellement d’un problème de communication entre des communautés qui n’ont pas
nécessairement les mêmes « cultures ».
Une de ces différences concerne en particulier le mode de constitution des équipes
scientifiques. En effet, les projets de campagnes hauturières nationales incluent dès la phase
d’évaluation la constitution d’une équipe scientifique et technique embarquée en plus,
éventuellement, de collaborateurs « à terre ». La compétence de l’équipe proposante /
embarquante est donc un facteur important dans les critères d’évaluation des projets de
campagne en mer classiques. La constitution des équipes embarquées est, dans le cadre
d’IODP, un processus qui succède à l’évaluation du dossier. Les porteurs de projets ne sont
pas nécessairement retenus comme chefs de mission, et, même lorsque c’est le cas, ils n’ont
pas la maîtrise d’œuvre pour le « staffing ». Un projet IODP est porté par un groupe de
proposants, souvent assez conséquent, 10 à 20 scientifiques, mais le staffing de l’expédition
de forage se fera une fois l’expédition programmée. Une fois programmé, le projet devient la
« propriété » du programme. Deux co-chefs de mission sont nommés par l’opérateur sur la
base de propositions faite par la SAS. L’équipe scientifique ensuite constituée doit tenir
compte des droits des différents partenaires. ECORD a droit à en moyenne 8 places sur
chaque campagne, ce qui représente environ le tiers de l’équipe embarquée. Un appel à
candidatures est lancé pour les embarquants dans lequel sont spécifiés les besoins de telle ou
telle spécialité scientifique. Les européens déposent leur candidature auprès du conseil
scientifique d’ECORD (l’ESSAC) qui classe les dossiers. Typiquement, une quinzaine de
candidatures sont retenues par l’ESSAC parmi lesquelles un noyau dur constitué par les 8
dossiers les plus solides et correspondant au mieux aux expertises recherchées. C’est dans ce
vivier de candidats pré-classés par l’ESSAC que les co-chefs de mission feront leur choix,
l’équilibre des spécialités devant cette fois être respecté pour l’ensemble des partenaires, ce
qui relève parfois de la quadrature du cercle... L’ESSAC s’emploie à faire respecter ses quotas
~ 22 ~
internes : 2 embarquants pour la France, 2 pour l’Allemagne, 2 pour le Royaume-Uni et 2
pour les « small ECORD countries ». Lorsqu’un chercheur ou un groupe de chercheurs
déposent un projet de forage, ils œuvrent donc pour une très large communauté.
2. Les Expéditions de la phase IODP : un bref aperçu
Une cinquantaine d’expéditions de forage ont été réalisées durant la phase IODP (ou
sont en cours ou programmées d’ici septembre 2013) (fig. 10a-b). Le bilan de la participation
française (une centaine d’embarquants) à ces expéditions, ainsi que les résultats majeurs de
bon nombre d’entre elles, seront détaillés dans les chapitres suivants. Nous nous bornons, ici,
à dresser un bref panorama des grandes thématiques scientifiques et des zones d’études.
a)
Fig. 10 : a) Carte de localisation des sites qui ont été (ou vont être) forés lors des différentes expéditions de la
phase IODP (Integrated Ocean Drilling program). b) Ci-après, tableau de synthèse sur les expéditions de la
phase IODP (Classement par date d’embarquement). Les dates en bleu pour les expéditions de MSP indiquent
les dates des « Onshore Science Party ». Un tableau plus complet se trouve en annexe (Annexe_Expeditions).
~ 23 ~
b)
~ 24 ~
En comparant la carte de localisation des puits anciens (DSDP et ODP) à celle des
puits de la phase IODP, on constate que les études de la phase IODP furent significativement
plus focalisées sur certaines zones géographiques que celles des périodes précédentes (fig. 10a
et 11). Des secteurs entiers de l’océan mondial n’ont pas été forés pendant la phase IODP
(l’Atlantique Sud, l’Océan Indien, la Méditerranée (bien que l’Expédition 339 se soit
intéressée à l’évolution de la Méditerranée en forant dans le Golfe de Cadix à la sortie du
détroit de Gibraltar). Les secteurs privilégiés au cours d’IODP furent l’Atlantique Nord, les
marges actives du pourtour du Pacifique et dans les Antilles, les marges passives
australiennes, néo-zélandaises, antarctiques et de Terre Neuve, le Pacifique Sud et la
Polynésie. Par ailleurs, la période IODP a connu une extension vers le Nord du domaine
couvert par les forages océaniques puisque l’Expédition 302 (ACEX) a foré à seulement 200
km du Pôle Nord, ce qui représente une prouesse technologique et logistique remarquable à
mettre au crédit d’ECORD et des MSPs.
Fig. 11 : Carte de localisation des sites qui ont été forés lors des différents programmes de forage océanique
scientifique.
Cette répartition des sites forés pendant la phase IODP est à mettre en relation avec
l’évolution des thématiques scientifiques. On peut regrouper ces dernières en 5 grandes
catégories (dont les frontières ne sont pas totalement étanches, certaines missions ayant des
objectifs à cheval sur plusieurs d’entre-elles).
~ 25 ~
a)
b)

Fig. 12 : a) Thématiques des
expéditions IODP qui ont été (ou
qui vont être) réalisées entre 2004
et 2013 (cf. fig.10) ; b) Nombre
d’expédition
IODP
par
thématique.
La paleoclimatologie et la paleocéanographie
C’est la thématique la mieux représentée (plus d’un quart des expéditions IODP, fig.
12a-b). En dépit d’une préoccupation commune (l’évolution globale du climat et des courants
océaniques), elle regroupe, dans le détail une assez grande diversité de problématiques
incluant l’évolution récente du niveau marin, l’évolution du système de mousson asiatique, le
rôle de la tectonique sur l’évolution des échanges entre la Méditerranée et l’Atlantique, etc…
Les échelles de temps considérées sont également très variables. Par exemple, l’étude d’un
~ 26 ~
récif corallien à Tahiti durant l’expédition 310 a permis d’acquérir des archives
paléoclimatiques de haute résolution qui concernent les changements du niveau marin pour la
période couvrant environ les vingt derniers mille ans et la variabilité du climat durant cette
période correspondant à la dernière déglaciation, et, qui permettent de reconstituer la
fréquence et l'ampleur dans ce passé récent des anomalies climatiques telles que El Niño.
Couvrant une période géologique beaucoup plus vaste, le forage dans l’océan Arctique durant
l’expédition 302 (ACEX) a permis de récolter 400 m de carottes là où les forages précédents
avaient carotté un maximum de 16 m. Cet échantillonnage exceptionnel a permis de faire un
« bond de géant » dans notre description de l’évolution climatique et des conditions
environnementales pendant les 55 derniers millions d’années dans l’Océan Arctique, secteur
clé pour la modélisation du climat de l’ensemble de notre planète.

Le risque sismogénique et tsunamigénique
Il s’agit également d’une thématique fortement représentée (un quart des expéditions
IODP, Fig. 12a-b). C’est la thématique essentielle abordée lors des 9 Expéditions
NanTroSEIZE (pour Nankai Trough SEIsmogenic Zone Experiment) effectuées avec le
Chikyu. Ces forages constituent les premières étapes d’un projet à très long terme qui est
d’atteindre une des grandes failles sismogéniques liées à la subduction de la plaque pacifique
sous le Japon, objectif situé à une profondeur d’environ 6 km sous le plancher océanique. La
profondeur atteinte est actuellement de 2 km. Ces expéditions visent en particulier à mettre en
place un réseau de senseurs dans une optique « observatoire permanent » afin de progresser
dans notre capacité de prévision des grands séismes destructeurs, et souvent tsunamigénique,
comme celui qui a frappé le Japon en 2011. Ces objectifs recouvrent ceux des Expéditions
334 et 344 effectuées et prévues avec le Joides Resolution au large du Costa Rica
(Expéditions CRISP, fig. 10b). L’Expédition en cours 340 s’intéresse au risque
tsunamigéniques liés aux glissements sous-marins en terrain volcanique au large des Antilles.

L’étude de la croûte océanique au niveau des dorsales, des points chauds et des
grandes provinces basaltiques
Cette thématique regroupe un nombre limité d’expéditions (Fig. 12a-b). Trois d’entre
elles ont été consacrées à l’approfondissement du puits 1256D. Ce puits, initié à la fin de la
phase ODP, a été foré dans une croûte océanique qui s’est accrétée le long d’une portion de la
dorsale Est Pacifique caractérisée par un taux d’expansion « ultra-rapide » (~22 cm/an). Le
forage a, pour l’instant, atteint la transition entre le complexe filonien et la croûte gabbroïque
(toit de l’ancienne chambre magmatique) à une profondeur d’environ 1521 m sous le plancher
océanique. C’est le seul endroit de la planète où ce niveau lithologique et structural a pu être
échantillonné in situ et hors contexte d’exhumation tectonique. Le puits 1256D constitue une
section de référence exceptionnelle pour l’étude des processus d’accrétion océanique au
niveau des dorsales rapides. Il s’agit d’un des sites où l’on peut envisager de mener à bien le
projet MoHole. Deux expéditions (304 et 305) ont été consacrées à l’étude de la croûte
océanique profonde exhumée par des processus tectoniques en contexte de dorsale à faible
taux d’ouverture (dorsale Médio-Atlantique, dont le taux d’ouverture moyen est de 3 cm/an
environ). Au site U1309, une section de 1400 m de gabbros de la croûte profonde a pu être
carottée et a permis d’étudier les spécificités de la construction de la croûte océanique le long
de grandes failles de détachement. Enfin, deux expéditions furent consacrées à l’étude des
basaltes intraplaques émis en contexte de points chauds dans le Pacifique Sud (Expédition 330
Louisville Seamount Train) et dans le Pacifique Ouest (Expédition 324 Shatsky Rise
Formation).
~ 27 ~

La biosphère profonde
Cette thématique a connu un développement récent et se concrétise déjà par quatre
expéditions IODP qui lui sont, en partie du moins, dédiées (fig.12a-b). Deux d’entre elles ont
été menées par le Chikyu au large du Japon et deux autres par le Joides Resolution dans
l’Atlantique équatorial et dans le Pacifique Sud. L’objectif est de déterminer quelles formes
de vie se développent et se maintiennent dans des conditions extrêmes (hautes pressions,
basses et hautes températures, absence de photosynthèse et conditions anoxiques, …). Les
implications sont très diverses, incluant l’origine de la vie sur Terre et les possibilités
d’apparition de la vie sur d’autres planètes (exobiologie), ainsi que le rôle joué par les microorganismes dans l’altération des roches du plancher océanique (basaltes, serpentines, …) et
l’influence de ces processus pour le cycle du carbone et de l’hydrogène. L’installation d’un
observatoire sous-marin de géomicrobiologie (Expédition 336 sur la croûte océanique jeune
(8 Ma) à l’ouest de la dorsale Médio-Atlantique) va permettre d’étudier la nature des
communautés microbiennes se développant dans les sédiments et les basaltes altérés à très
grande profondeur (4500 m), et de déterminer la façon dont la circulation des fluides et leur
composition influencent la structure et la dispersion des communautés microbiennes.
L’Expédition 329 (South Pacific Gyre Subseafloor Life) a permis l’exploration d’un secteur
de l’océan mondial très peu propice au développement de la vie : il est particulièrement
pauvre en matière organique, les réactions d’oxydation de la matière organique et de
réduction de l’azote, critiques pour le maintien de la vie, y sont particulièrement lentes. En
dépit de ce handicap naturel et de ces conditions chimiquement extrêmes, il s’est avéré qu’une
communauté microbienne pouvait y prospérer.
 Hydrologie – Marges passives - Hydrates
Cette dernière catégorie pourrait s’appeler « miscellaneous ». Il s’agit surtout de
regrouper les thématiques qui ne rentrent pas vraiment dans les autres catégories (mais qui
pourraient y rentrer en partie). Le dénominateur commun de ces expéditions est l’hydrologie,
que ce soit sur les flancs de dorsales océaniques (Expéditions 301 et 327 au niveau de la ride
Juan de Fuca, dans le Pacifique Nord-Est), l’installation d’observatoires fond de mer
(CORKs) au niveau de la marge ouest-américaine (partie immergée de la province volcanique
des cascades), le golfe du Mexique et la marge continentale atlantique au niveau de TerreNeuve.
a)
b)
Fig. 13 : a) Nombre d’embarquants français par thématique ; b) Nombre d’embarquants français par
thématique et par expédition.
~ 28 ~
Le taux moyen de participation des scientifiques français par expédition IODP est de
1,85 (chiffre encore provisoire, le staffing des expéditions de fin 2012 et de 2013 n’étant pas
encore terminé). Il est donc légèrement sous le quota de 2 embarquants par mission. Il serait
de 2 si l’on excluait les campagnes d’essais technologiques sur lesquelles aucun français n’a
embarqué. C’est clairement la thématique croûte océanique qui attire le plus grand nombre
d’embarquants français (plus de 3 scientifiques français en moyenne par expédition) et qui
permet à la France de maintenir son quota d’embarquants à un niveau quasi optimum (fig.13ab). Nous allons nous pencher plus en détail sur ces chiffres dans le chapitre suivant.
Comme nous l’avons dit précédemment, trois plates-formes de forages sont utilisées
pendant la phase IODP (fig. 10a) : le Joides Resolution (US) qui a été mis en service en 1985
lors du programme ODP puis rénové en 2007-2008, le Chikyu (Japon) qui a été mis en service
en 2007 et les MSPs (Mission-Specific Platforms, ECORD) qui ont été utilisées à partir de
2004, au début du programme IODP. Malgré le plus faible nombre d’expéditions réalisées à
bord du Chikyu (9 expéditions) et des MSPs (4 expéditions) par rapport au Joides Resolution
(31 expéditions) (fig. 10a-b), les français sont, en moyenne, plus nombreux à embarquer sur
ces deux plates-formes : 5 français par expédition sur les MSPs et 1,8 français par expédition
sur le Chikyu contre 1,6 français par expédition sur le Joides Resolution (fig.14 a-b).
a)
b)
Fig. 14 : a) Comparaison entre le nombre d’expéditions réalisées par les différentes plates-formes de forage et le
nombre de français (scientifiques, loggeurs, co-chefs de mission et enseignants du secondaire) qui ont embarqué
sur ces dernières ; b) Nombre d’embarquants français par expédition et par plate-forme.
VI.
Bilan de la participation française
1. Participation annuelle de la France lors des différentes phases du programme
Dans l’étude statistique suivante, les participants dits français sont ceux affiliés à un
laboratoire « hexagonal » lors de l’embarquement, sans préjugé de leur nationalité. Parmi nos
collègues étrangers, certains se sont fixés en France suite à leur participation à une campagne
de forage. A l’inverse, de nombreux chercheurs de nationalité française, ont embarqué sous
divers drapeaux (Suisse, Américain, Japonais, etc...) car ils effectuaient une thèse ou un postdoctorat à l’étranger. Beaucoup ont, par la suite obtenu un poste en France. On peut donc
considérer que les statistiques présentées dans ce chapitre sous-estiment la participation aux
programmes DSDP, ODP et IODP des chercheurs actuellement en poste en France.
~ 29 ~
La France fut et reste fortement impliquée dans les différentes phases du programme
de forage océanique scientifique (DSDP/ODP/IODP) puisque 406 français ont participé (ou
vont bientôt participer) à plus de 75% des expéditions entre 1968 et 2013 (sans prendre en
compte les expéditions dont les équipes scientifiques n’étaient pas encore constituées en
février 2012), ce qui donne une moyenne de 9 embarquants par an (fig. 15). On note
qu’aucune expédition n’a eu lieu en 1984 et en 2006 (fig. 15).
a)
b)
Fig. 15 : a) Nombre de français ayant embarqué annuellement sur des expéditions DSDP (1968 – 1983)
ODP (1985 – 2003) et IODP (2004 – 2013) ; b) Nombre d’expéditions annuelles entre 1968 et 2013. Les
expéditions dont les équipes scientifiques n’étaient pas encore constituées fin février 2012 ne sont pas
prises en compte.
Dans le détail, la participation française était plus faible pendant la phase DSDP avec
une moyenne de 6,5 embarquants par an, le nombre de legs annuels étant globalement
constant entre 1968 et 1983 (~ 6,5 legs par an) (fig. 15a-b). Cette faible participation moyenne
est directement liée au fait que la France ne rejoint le programme de forage DSDP qu’en
1975, lors de la mise en place du projet IPOD (International Phase for Ocean Drilling) et au
fait que l’équipe scientifique embarquée était significativement plus petite (une quinzaine de
personnes contre 25 environ, sur le Joides Resolution, pour les phases ultérieures). En effet,
on constate que seulement 12 français (dont un co-chef de mission) embarquent sur le Glomar
Challenger entre 1968 et 1974 alors que 92 français (dont 12 co-chefs de mission) y
embarquent entre 1975 et 1983. La participation française au programme ODP (1985-2003)
est presque deux fois plus élevée que celle du programme précédent avec une moyenne de
11,5 embarquants par an, le nombre de legs annuels étant d’environ 6 et restant globalement
constant durant toute la durée de cette phase (fig. 15). On note néanmoins une chute de la
participation française en 2002. C’est en 1976 et en 1986 que les français ont le plus
participés aux legs DSDP et ODP avec respectivement 18 embarquants (dont 4 co-chefs de
mission) et 19 embarquants (dont 3 co-chefs de mission). L’absence d’expédition en 1984,
année de transition entre DSDP et ODP, s’explique par le remplacement du Glomar
Challenger par le Joides Resolution.
~ 30 ~
La participation française à la phase actuelle du programme (IODP, 2004-2013) est
actuellement de 86 embarquants en ne comptant que les expéditions passées ou en cours et les
expéditions futures dont le staffing était établi fin février 2012 (fig. 15). Une centaine
d’embarquants devrait être atteint à la fin de la phase IODP. La moyenne annuelle pour la
période IODP est de 10 embarquants, mais, dans le détail, le nombre d’embarquant est très
variable selon les années (fig. 15a). Cette variabilité ne reflète en rien la participation de la
communauté française mais est un artefact lié au nombre aléatoire d’expéditions annuelles par
rapport aux programmes précédents, avec par exemple, le passage de 2 expéditions en 2008 à
10 expéditions en 2009 (fig. 15b). Ces variations importantes du nombre d’expéditions
s’expliquent par la rénovation du Joides Resolution en 2007-2008, navire réalisant 70% des
expéditions pendant cette phase et, par la mise en opération des MSPs en 2004 et du Chikyu
en 2007, ces nouvelles plates-formes permettant de « multiplier » les expéditions au cours
d’une année (cf. fig. 10b et Annexe_Expeditions). On note donc que les minima de la période
2007-2008 ne sont en aucun cas diagnostiques d’une quelconque désaffectation de la
communauté française au programme. C’est en 2005 et en 2009 que les français ont le plus
participés aux expéditions IODP avec respectivement 18 embarquants (dont 2 co-chefs de
mission) et 22 embarquants (dont 1 co-chef de mission et 3 enseignants du secondaire) (fig.
15a).
C’est l’expédition IODP 313 (New Jersey Shallow Shelf) qui a permis l’embarquement
« record » de scientifiques et ingénieurs français : 1 co-chef de mission, 4 scientifiques
(onshore et offshore) et 4 ingénieurs logging (fig. 16). Les français sont absents sur environ
20% des expéditions IODP (dont certaines à vocation engineering, comme l’expédition IODP
320T par exemple, cf. fig. 12a) mais, pendant toute la période IODP, 7 scientifiques français
ont été co-chefs de mission. Les expéditions IODP 321T et 328 étaient consacrées au
programme School of Rocks et ont embarqué deux enseignants du secondaire français (fig.
16). L’expédition 327 a embarqué deux Outreach Teacher français dans le cadre du
programme Teacher at Sea et un ingénieur CORK mais aucun scientifique français (cf.
Annexe_Participants).
Fig. 16 : Nombre de
français
ayant
embarqué (ou allant
embarquer) sur des
expéditions
IODP
entre 2004 et 2013.
Pour plus de détails
sur les expéditions et
les participants, voir
la fig. 10 et les
annexes (Expeditions
et Participants).
2. Origine géographique des embarquants français de 1968 à 2013
Dans l’étude statistique suivante, l’origine géographique d’un participant français
correspond à la localisation du laboratoire dans lequel il est en poste (permanent ou
~ 31 ~
contractuel) lors de l’embarquement. Lorsqu’un laboratoire est rattaché à une Université
située dans une autre région française comme c’est le cas du Laboratoire de Géodynamique
sous-marine de Villefranche qui est rattaché à l’Université Pierre et Marie Curie (Paris VI)
pendant la phase DSDP et ODP, c’est la localisation géographique du laboratoire qui est prise
en compte (fig. 17).
Lors de la phase DSDP, 70% des embarquants français dont les co-chefs de mission
sont issus de laboratoires ou instituts localisés dans la région Parisienne (40%) et dans la
région Nord-Ouest (30%) (fig. 17 et 18a). Dans ces régions, les embarquants viennent
principalement des laboratoires parisiens rattachés à l’Université Paris VI (Université Pierre et
Marie Curie) et du Centre National pour l’Exploitation des Océans – Centre Océanologique
de Bretagne (CNEXO - COM). La majorité des autres embarquants (~19%) viennent des
régions Nord-Est et Sud-Est, en particulier de l’Institut de Géologie de Strasbourg et du
Laboratoire de Géodynamique sous-marine de Villefranche (fig. 17a).
Lors de la phase ODP, les embarquants français viennent préférentiellement de la
région du Sud-Est (35%) mais de nombreux participants (30%) sont encore issus de
laboratoires ou instituts localisés dans la région Parisienne (fig. 17 et 18b). Dans ces régions,
ils viennent principalement des laboratoires rattachés à l’Université Paris VI (Université
Pierre et Marie Curie) et à l’Université Montpellier II. 28% des embarquants et de nombreux
co-chefs de mission viennent également des régions Nord-Est (14%) et Nord-Ouest (14%).
Dans ces régions, ce sont principalement les laboratoires rattachés à l’Université de Lille,
l’Institut de Géologie – Centre de Géochimie de la Surface de Strasbourg et l’IFREMER –
IUEM de Plouzané (Brest) qui comptent le plus d’embarquants ODP (fig. 18b).
Fig. 17: Origine géographique des embarquants français (hors enseignants du secondaire) lors des différents
programmes de forage. Pour simplifier, nous avons divisé la France en 6 grandes régions. Outre la région
Parisienne qui correspond à la région Ile-de-France et les DOM-TOM, les autres régions sont définies en
divisant la France en 4 zones globalement équivalentes, Lille se trouvant alors dans la région Nord-Est, Amiens
se situant dans la région Nord-Ouest et Perpignan se trouvant dans la région Sud-Est (cf. fig. 18).
La diminution du nombre de laboratoires « hébergeant » des embarquants français
entre les périodes ODP et IODP (fig. 18b-c) ne reflète en aucun cas la participation moins
active des laboratoires français au programme IODP mais est un artefact lié au
renouvellement du paysage de la recherche française pendant cette période, i.e. au
regroupement des laboratoires en grandes unités de recherche. Cette modification se faisant
progressivement au cours du programme IODP, nous avons, par souci de simplicité, utilisés
~ 32 ~
les noms actuels de ces laboratoires ou instituts pour réaliser nos statistiques (fig. 18 et
Annexe_Participants) sauf en cas de disparition totale d’un laboratoire (e.g. le laboratoire de
pétrologie magmatique de l’Université Paul Cézanne).
a)
b)
~ 33 ~
c)
Fig. 18 : Origine géographique des embarquants français (scientifiques, loggeurs, co-chefs de mission et
enseignants du secondaire) durant les trois programmes de forage, DSDP (a), ODP (b) et IODP(c). En bleu est
indiqué les laboratoires dont sont issus les co-chefs de mission et en rouge (carte IODP) est noté l’origine
géographique des enseignants du secondaire. Pour la signification des abréviations, voir le lexique. Lab. –
Laboratoire, Univ. – Université, Lab. Pétro. Mag. – Laboratoire de Pétrologie Magmatique.
Lors de la phase IODP, 43% des embarquants français viennent de la région du SudEst, et en particulier du laboratoire Géosciences Montpellier, du CEREGE (Aix-en-Provence)
et d’ISTerre (Grenoble) (fig. 17 et 18c). La région Parisienne reste cependant un pôle majeur,
puisque 27% des embarquants viennent de cette région et en particulier de l’Institut de
Physique du Globe de Paris (IPGP). 22% des embarquants viennent également des régions
Nord-Ouest (12%) et Nord-Est (10%). Dans ces régions, ils sont principalement issus de
l’IFREMER – IUEM (Plouzané), du CRPG (Nancy) et du laboratoire Chrono-Environnement
(Besançon). On note qu’environ 4% des embarquants français sont issus de laboratoires
localisés dans les DOM-TOM (Réunion, Guadeloupe, Nouvelle-Calédonie), c’est la plus forte
proportion depuis 1968 (fig. 17).
Depuis 1968, la « population » des embarquants français a donc globalement migré du
Nord-Ouest vers le Sud-Est, la région Parisienne restant cependant un pôle majeur pour les
participants français aux programmes de forage océanique scientifique (fig. 17 et 18). On
contraire, depuis 1968, très peu d’embarquants sont venus de la région du Sud-Ouest (5% 6% d’embarquants pour chaque programme).
Pendant la phase DSDP, de nombreux embarquants (~12) étaient issus du
« monde industriel » avec la participation d’établissements comme Esso Production
Research (EPR-E), l’Institut Français du Pétrole (IFP), Schlumberger Limited et ELF –
Aquitaine (fig. 18a). La participation de ces établissements a fortement diminué au cours du
~ 34 ~
programme ODP puisque seuls 6 scientifiques et ingénieurs de l’IFP ont embarqué sur des
legs et, a été inexistante pendant toute la période IODP (fig. 18b-c).
3. Publications françaises sur les données DSDP/ODP/IODP entre 2003 et 2012
Pour le recensement des articles publiés et des abstracts présentés lors de congrès par
des scientifiques français sur des données DSDP, ODP et IODP, nous avons utilisé plusieurs
bases de données bibliographiques: Web of Science, Scirus, Pascal, Georef, Google Scholar,
HAL (Hyper Articles en Ligne), TEL (Thèses En Ligne) et la bibliographie de chaque
expédition (Expedition-related bibliography). Comme précédemment, les auteurs dits français
sont ceux dont le pays d’affiliation est la France lors de la publication, sans préjuger de leur
nationalité. Le processus de publication étant relativement lent, les statistiques minimisent
l’activité de notre communauté pour les phases récentes du programme, et pour des travaux
récents reprenant l’étude de carottes et/ou données anciennes (phases ODP et DSDP). Les
statistiques présentées ici s’intéressent à la période 2003-2011 (et début 2012) qui recouvre la
quasi-totalité de la durée du programme IODP. Elles sont donc en constante évolution : des
articles sur les expéditions et données IODP mais également ODP et DSDP sont publiés
régulièrement.
Entre 2003 et 2012, environ 490 articles et ouvrages ont été publiés sur les expéditions
et les données DSDP/ODP/IODP par des scientifiques français (Annexe_Publications). Ce
nombre prend en compte les documents publiés par des auteurs français et ceux publiés par
les Shipboard Scientific Parties des expéditions auxquelles des scientifiques français ont
participé.
Fig. 19 : Articles et ouvrages publiés entre 2003 et 2012 par des scientifiques français sur des expéditions et
données DSDP/ODP/IODP.
Les peer-reviewed papers publiés dans des revues internationales « libres » à comité
de lecture représentent environ la moitié de la production scientifique DSDP/ODP/IODP
française (fig. 19). Entre 2003 et 2012, les scientifiques français ont publié des articles dans
64 revues internationales à thématiques variées (cf. Annexe_Publications et fig. 20a) et en
particulier dans Earth and Planetary Science Letters (16% des peer-reviewed papers),
Geochemistry Geophysics Geosystems (11%) et Marine Geology (7%). 35% des articles
français traitant de données DSDP/ODP/IODP ont été publiés dans des revues à Impact Factor
(IF) supérieurs à 4 et, 79% dans des revues à Impact Factor supérieurs à 2 (fig. 20b).
~ 35 ~
a)
b)
Fig. 20 : a) Proportion de peer-reviewed papers publiés sur les programmes de forage océanique par des
scientifiques français dans différentes revues internationales « libres » (l’Impact Factor est indiqué entre
parenthèses). Les « Autres » revues sont indiquées dans l’Annexe_Publications. b) Proportion de peer-reviewed
papers publiés sur les programmes de forage océanique par des scientifiques français dans des revues à Impact
Factor variés.
Les peer-reviewed-papers publiés dans des ouvrages scientifiques internationaux
comme, par exemple, Geophysical monograph ou les Proceedings ODP/IODP (Scientific /
Research results) (cf. Annexe_Publications), représentent 10% de de la production
scientifique DSDP/ODP/IODP française (fig. 19).
Les ouvrages académiques basés sur des données de forage DSDP/ODP/IODP, tels
que les thèses, les mémoires de stages et les Habilitations à Diriger des Recherches (cf.
Annexe_Publications), représentent une part relativement importante de la production
scientifique française (environ 11%) (fig. 19). On note que ce résultat est largement sousestimé puisque, contrairement aux thèses, les mémoires de stages sont rarement référencés
dans les bases de données bibliographiques. Entre 2003 et 2012, 3 thèses en moyenne ont été
soutenues annuellement (cf. Annexe_Publications). La majorité de ces thèses traitaient de
données ODP (~56%), seules 38% étaient basées sur des données IODP (fig. 21).
Fig. 21 : Proportion des thèses
soutenues entre 2003 et 2012 et
basées sur des données DSDP,
ODP ou IODP. (Une thèse peut
se baser sur plusieurs types de
données).
Le reste de la production scientifique française basée sur les expéditions et les données
DSDP/ODP/IODP correspond, dans l’ordre, aux articles de format court publiés dans diverses
Newsletters scientifiques (Scientific Drilling, ECORD Newsletter, EOS, etc…), aux différents
ouvrages ODP et IODP (Scientific Prospectus, Preliminary Reports, Proceedings) et aux non
peer-reviewed papers publiés dans des revues françaises (par exemple la revue Géochronique)
(fig. 19). On note que, même si le programme ODP s’est terminé en 2003, les Proceedings Scientific Results des expéditions ODP dans lesquels sont regroupés les peer-rewieved papers
(cf. précédemment), ont été publiés jusqu’en 2007.
En prenant en compte tous les articles publiés sur les données DSDP/ODP/IODP par
les scientifiques français, on constate que la production est globalement constante entre 2003
et 2012 avec une quarantaine d’articles par an (fig. 22a). Dans 48% de ces articles, les
~ 36 ~
français sont en position de premier auteur. On note cependant un pic de production en 2006
avec plus de 50 articles dans l’année qui résulte clairement d’une augmentation des peerreviewed papers publiés dans des revues internationales « libres » (fig. 22a). Cet
accroissement est lié au fait qu’à partir de 2006, les embarquants ne sont plus obligés de
contribuer aux Proceeding – Scientific results ODP avant de pouvoir publier dans la littérature
« libre ».
Dans le détail, le nombre d’articles publiés dans des Newsletters est globalement
constant depuis 2003 avec environ 10 articles par an. Le nombre de peer-rewieved papers
publiés dans des ouvrages scientifiques est variable au cours du temps mais a tendance à
diminuer depuis 2003-2004 (une dizaine d’articles par an) jusqu’à aujourd’hui (environ 2
articles par an) (fig. 22a). Au contraire, le nombre de peer-reviewed papers publiés dans des
revues « libres » a tendance à augmenter au cours du temps : une vingtaine d’articles annuels
en 2003-2004, un pallier à environ 30 articles annuels entre 2007 et 2011 et une quarantaine
d’articles prévus en 2012. La production annuelle des ouvrages IODP entre 2003 et 2012 n’est
pas représentée sur la figure 22a car cette production est totalement dépendante des
expéditions réalisées et de la présence de co-chefs de mission sur ces dernières (cf. fig. 15).
Si on s’intéresse à quel programme de forage les auteurs français (peer-reviewed
papers, non peer-reviewed papers et articles publiés dans des Newsletters) ont participé, on
constate que 22,2% des articles ont été publiés par des scientifiques n’ayant pas embarqué sur
un leg DSDP/ODP ou sur une expédition IODP (fig. 22b). On note également que la majorité
des articles (~69%) ont été publiés par des scientifique français ayant embarqué uniquement
sur une expédition IODP et/ou un leg ODP.
b)
a)
Fig. 22 : a) Nombre d’articles publiés sur les données DSDP/ODP/IODP par les scientifiques français entre
2003 et 2012. Les non peer-reviewed papers ne sont pas représentés indépendamment de l’ensemble des
articles publiés car leur nombre est très faible. L’année 2012 regroupe les articles publiés au début de l’année
2012 et ceux sous presse, soumis ou en préparation. b) Proportion des articles publiés en fonction du
programme auquel les auteurs français ont participé. Par exemple, la catégorie IODP/ODP indique que le(s)
auteur(s) de l’article publié a embarqué sur des expéditions IODP et ODP.
En prenant en compte seulement les peer-reviewed papers publiés dans des revues
« libres » et dans des ouvrages scientifiques entre 2003 et 2012, on constate que la majorité
des articles français (~63%) reposent sur des données ODP tandis que seuls 23% des articles
sont basés sur des données IODP (fig. 23a). Ce résultat est directement lié à la longue
procédure de publication de ce type d’article, i.e. 1. Traitement des échantillons/données, 2.
Écriture de l’article, 3. Review de l’article, 4. Publication. Du fait de cette procédure, les
articles basés sur des expéditions relativement récentes (1-3 ans) ne sont pas encore (ou très
peu) publiés (fig. 23b). Ainsi, les 23% d’articles français publiés entre 2003 et 2012 sur des
données IODP ne reposent que sur les expéditions relativement anciennes réalisées entre 2004
~ 37 ~
et 2008 (i.e. 2/5 des expéditions IODP ayant embarqué des scientifiques français) (fig. 23b).
Au contraire, les articles français sur les données ODP peuvent recouvrir l’ensemble des
expéditions de ce programme. Par contre, de façon intéressante, on note qu’au cours de la
phase IODP, une proportion encore importante d’articles (~14%) est basée sur des données
DSDP. Cette distribution des peer-reviewed papers est en accord avec la proportion des
thèses soutenues entre 2003 et 2012 (fig. 21).
a)
b)
Fig. 23 : a) Proportion de peer-reviewed papers publiés, entre 2003 et 2012, dans des revues « libres » et des
ouvrages scientifiques et basés sur des données ODP, IODP ou DSDP. (Un article peut se baser sur plusieurs
types de données). b) Nombre de peer-rewieved papers publiés dans des revues « libres » et des ouvrages
scientifiques et nombre d’article en préparation basés sur les expéditions et données IODP.
Sur toute la période IODP, la proportion annuelle de peer-reviewed papers traitant de
données ODP est relativement élevée (~24 par an) mais diminue globalement depuis 2003 (41
articles en 2003 contre 11 articles en 2011) (fig. 24). Au contraire, les articles basés sur des
données IODP commencent à être publié dès 2006 et leur proportion annuelle augmente à
partir de 2007 et est globalement constante entre 2009 et 2011 (3 articles annuels en 2007
contre 15-20 articles par an entre 2009 et 2011). La proportion annuelle d’articles traitant de
données DSDP est globalement constante entre 2003 et 2011 avec une moyenne de 5 articles
par an (fig. 24).
Fig. 24 : Evolution du
nombre
d’articles
peer-reviewed publiés
annuellement par des
scientifiques français
et basés sur des
données ODP, IODP
et DSDP entre 2003 et
2012.
Entre 2003 et 2011, environ 550 abstracts reposant sur des données DSDP/ODP/IODP
ont été présentés lors de congrès internationaux par des scientifiques français
(Annexe_Publications). Ce nombre prend en compte les abstracts publiés par des auteurs
français et ceux publiés par les Shipboard Scientific Parties des expéditions auxquelles des
~ 38 ~
scientifiques français ont participé. Les travaux français sur les données DSDP/ODP/IODP
ont principalement été présentés à l’AGU Fall Meeting et à l’EGU (50% et 14% des abstracts
respectivement) (fig. 25a). De nombreux français ont également présenté ce type de travaux à
la Goldschmidt Conference (6%) et à la JpGU Meeting (5%). C’est en 2008 et en 2010, que
les scientifiques français ont présenté le plus d’abstracts sur des données DSDP/ODP/IODP
lors de congrès internationaux (132 et 103 abstracts respectivement) (fig. 25b).
b)
a)
Fig. 25 : a) Proportion d’abstracts traitant de données DSDP/ODP/IODP présentés par des scientifiques français
lors de différents congrès internationaux. (AGU - American Geophysical Union, EGU – European Geosciences
Union, JpGU – Japan Geoscience Union, JGS – Geological Society of Japan, Autres – Voir
Annexe_Publications). b) Nombre d’abstracts annuels traitant de données DSDP/ODP/IODP et présentés par des
scientifiques français lors de congrès internationaux entre 2003 et 2011.
4. Thématiques des expéditions, des publications et des scientifiques pendant la
phase IODP
En tenant compte des thématiques du Science Plan de la phase IODP (Integrated
Ocean Drilling Program), 39% des expéditions relèvent de la thématique Solid Earth Cycles
and Geodynamics, 35% des expéditions de la thématique Deep Biosphere and Subseafloor
Ocean et 26% des expéditions de la thématique Environnemental Change, Processes and
Effects entre 2004 et 2013 (fig. 26). On note qu’une expédition peut aborder plusieurs
thématiques. Ce découpage est, forcément, quelque peu artificiel et fut souvent difficile à
réaliser, les frontières entre disciplines, voire entre problématiques scientifiques, n’étant pas
totalement étanches (heureusement !), en particulier dans le cadre d’expéditions
pluridisciplinaires comme le sont les campagnes de forage. Il donne malgré tout une bonne
idée générale des préoccupations et spécialités des scientifiques français impliqués.
Fig. 26 : Proportion des
expéditions IODP ayant abordé
les
différentes
thématiques
scientifiques du Science Plan de
la phase IODP.
~ 39 ~
Chaque article (peer-reviewed papers, non peer-reviewed papers et articles publiés
dans des Newsletters) publié par des scientifiques français entre 2003 et 2012 traite d’une ou
plusieurs thématiques en lien avec celles des Sciences Plans des programmes IODP
(Integrated Ocean Drilling Program et International Ocean Discovery Program). Déterminer
un nombre restreint de thématiques communes à plus de 300 articles multidisciplinaires est
une tâche ardue. Nous n’avons pas eu d’autres choix que de définir des thématiques très
larges regroupant souvent plusieurs problématiques et de ne pas faire la distinction entre les
objets (e.g. dorsale, subduction) et les méthodes (e.g. géophysique, paléomagnétisme) (fig.
27). On note qu’un article dont le sujet principal est le paléomagnétisme au niveau des
dorsales océaniques sera comptabilisé aussi bien dans la thématique paléomagnétisme que
dans la thématique dorsale - accrétion océanique. Comme précédemment, ce découpage est
quelque peu artificiel et simpliste mais a le mérite de donner une vision globale, et on
l’espère, proche de la réalité, des grandes thématiques de recherches découlant des
expéditions de forage océanique scientifique.
La thématique la plus souvent abordée dans les articles est la paléoclimatologie –
paléocéanographie (25% des articles) (fig. 27). Les autres problématiques scientifiques
souvent abordées (12 - 14% des articles) concernent, dans l’ordre, les problématiques traitant
de paléontologie – microbiologie, des zones de subduction, des arcs et des marges et, enfin,
des dorsales et des processus d’accrétion océanique (fig. 27).
Fig. 27 : Thématiques des articles (peer-reviewed papers, non-peer reviewed papers et articles publiés dans
des Newsletters) publiés par des scientifiques français entre 2003 et 2012. Ces thématiques sont en lien avec
celles des Sciences Plans des programmes IODP (fig. 26).
Si l’on s’intéresse aux thématiques des thèses soutenues entre 2003 et 2012, la plus
abordée est, comme pour les articles, la paléoclimatologie – paléocéanographie (24% des
thèses soutenues) (fig. 28). Les zones de subduction, les arcs et les marges restent également
une thématique importante abordée dans les thèses (16%). Contrairement aux articles,
l’hydrothermalisme – circulation des fluides et la sismique – géophysique – pétrophysique
sont des thématiques souvent abordées dans les thèses (16% des thèses soutenues), la
paléontologie – microbiologie et, les dorsales et processus d’accrétion océanique n’étant
abordées que dans 11 à 8% des thèses (fig. 28).
~ 40 ~
Figure 28 : Proportion de thèses
soutenues entre 2003 et 2012
abordant différentes thématiques
en
lien
avec
celles
des
programmes IODP.
De la même manière, chaque français embarquant sur une expédition IODP est
spécialiste d’une ou plusieurs thématiques en lien avec celles des Sciences Plans des
programmes IODP. Ces thématiques sont à distinguer des spécialités « officielles » (fig. 31)
des embarquants à bord des plates-formes de forage. En effet, la (les) thématique(s) de chaque
embarquant est directement déduite de la ou des thématique(s) de leurs articles/abstracts (fig.
27) et est donc plus proche des préoccupations scientifiques de chaque embarquant, leur
spécialité offshore ne correspondant pas toujours exactement à leur spécialité onshore. Ces
statistiques ne prennent en compte que les embarquants des expéditions ayant déjà eu lieu
(IODP 302 à IODP 339).
La plus grande partie des embarquants français (~17%) sont spécialisés dans la
sismique, la géophysique et la pétrophysique (fig. 29). Les scientifiques spécialistes des zones
de subduction, des arcs et des marges ainsi que de l’hydrothermalisme et de la circulation des
fluides sont également nombreux à embarquer (~15% des embarquants). La paléoclimatologie
– paléocéanographie et la paléontologie – microbiologie n’arrivent respectivement qu’aux
5ème et 6ème places du classement des thématiques des embarquants français (10% et 7,5% des
embarquants respectivement) (fig. 29).
Fig. 29 : Thématiques des scientifiques français ayant embarqué sur une expédition IODP entre 2004 et début
2012. Les thématiques sont déduites de celles des articles/abstracts de chaque embarquants (fig. 27) et sont en
lien avec les thématiques des Sciences Plans des programmes IODP (fig. 26).
Le classement des thématiques des embarquants est globalement en accord avec celui
des thématiques des expéditions (fig. 26 et 29), e.g. prédominance des thématiques en lien
~ 41 ~
avec le thème Solid Earth Cycles and Geodynamics. Par contre, on observe de nombreuses
différences entre le classement des thématiques des embarquants et des expéditions et celui
des thématiques des articles publiés entre 2003 et 2012 (fig. 30). En particulier, la
paléoclimatologie – paléocéanographie est la thématique la plus abordée dans les articles (et
les thèses) alors qu’elle représente une proportion relativement faible des expéditions et des
embarquants du programme IODP (fig. 26, 28, 30). Ce résultat s’explique, en partie, par le
fait que de nombreux scientifiques utilisant des données DSDP/ODP/IODP et n’ayant pas
embarqué sur des expéditions IODP publient des articles sur la paléoclimatologie –
paléocéanographie. Ce résultat est également lié au fait que les français embarquants sur des
expéditions IODP basées sur la thématique Environnemental Change, Processes and Effects
et publiant donc principalement des articles de paléoclimatologie – paléocéanographie ne
sont pas toujours, strictement parlant, des paléoclimatologues/paléocéanographes mais des
sédimentologues. En effet, sur ce type d’expédition, il n’y a pas toujours suffisamment de
« matière » pour faire des articles strictement de sédimentologie car ce n'est généralement pas
le but de la mission. Ceci explique pourquoi la thématique « sédimentologie » n’a pas été
intégrée aux grandes thématiques des fig. 27 et 29 et pourquoi de nombreux articles de
paléoclimatologie – paléocéanographie ont été publiés. Enfin, ce résultat semble également
indiquer que les scientifiques ayant embarqué sur des expéditions IODP et travaillant sur cette
thématique publient des articles plus rapidement (cf. Annexe_Expeditions). Ce même
raisonnement peut être appliqué à toutes les thématiques montrant de grandes variations entre
la proportion des embarquants et celle des articles (fig. 30).
Fig. 30 : Comparaison entre la proportion des articles publiés par des scientifiques français entre 2003 et
2012 et celle des scientifiques français ayant embarqué sur une expédition IODP pour les différentes
thématiques en lien avec les Sciences Plans des programmes IODP.
5. Spécialités et statuts des embarquants français lors des expéditions IODP, et
travaux post-campagnes
Il est aisé de faire le recensement des spécialités « officielles » des participants à une
Expédition IODP, puisqu’elles sont spécifiées dans les proceedings de chaque Expédition.
Les français qui ont embarqué sur les plates-formes de forage lors du programme IODP
étaient principalement, à bord, des spécialistes des propriétés physiques des roches (17%), des
~ 42 ~
pétrologues (16%), des loggeurs (16%) et des sédimentologues (15%) (fig. 31). 8% des
embarquants étaient co-chefs de mission. Pour le détail des spécialités « officielles », voir
l’Annexe_Participants.
Fig. 31 : Spécialités « officielles » des
embarquants
français
(hors
enseignants du secondaire) à bord des
plates-formes de forage lors des
expéditions
IODP.
(Biosphère :
microbiologie, géochimie organique,
micropaléontologie et palynologie)
Il nous a été demandé de préciser autant que faire se peut le statut des scientifiques au
moment de leur participation à une expédition, le volume et la nature des travaux postcampagnes effectués par les embarquants et leurs collaborateurs à terre, ainsi qu’un ordre
d’idée du financement dont ils ont disposé pour ces travaux. Les chiffres présentés dans ce
paragraphes sont encore provisoires car basés sur un recensement en cours portant sur
l’ensemble des embarquants et participants « on shore » aux campagnes IODP. Il repose entre
autres sur un questionnaire envoyé à l’ensemble des participants. Bien que les résultats de
cette étude soient encore partiels, ils sont malgré tout significatifs de grandes tendances et
méritent d’être exposés ici.
Parmi les embarquants français, les deux statuts les plus représentés sont les Maîtres
de Conférences (30%) et les Directeurs de Recherche CNRS (22%). Concernant les jeunes,
11% étaient des doctorants et 15% étaient des chercheurs débutants (ATER et Post-Doc).
Tout cela est détaillé dans la figure 32.
Fig. 32: Statut des embarquants
français sur les expéditions IODP.
(MCF : Maître de Conférences, DR :
Directeur de Recherche, CR : Chargé
de
recherche,
ATER :
Attaché
Temporaire d’Enseignement et de
Recherche, Post-Doc : Post-doctorant,
IR : Ingénieur de Recherche).
Le temps consacré à l’exploitation d’une expédition est très variable d’un embarquant
à l’autre, il varie de 2 mois d’activité temps plein jusqu’à plusieurs années dans le cadre d’une
thèse. En moyenne, le temps consacré à l’exploitation d’une expédition est de 6,5 mois.
~ 43 ~
70% des embarquants français interrogés ont collaboré avec des scientifiques non
embarquants français ou étrangers (Américains, Allemands, Anglais, Belges, Canadiens,
etc…) pour exploiter les échantillons et les données de leur expédition (fig. 33).
L’exploitation des échantillons est souvent réalisée, du moins en partie, par des étudiants de
Master ou des stagiaires (27% des scientifiques non embarquants). Les autres scientifiques
français non embarquants fortement impliqués dans l’exploitation des données sont
principalement des personnels permanents : des enseignants-chercheurs (22% des
scientifiques non embarquants) et des chercheurs (16% des scientifiques non embarquants)
(fig. 33). Comme précédemment, le temps consacré à l’exploitation d’une expédition par les
scientifiques non embarquants est très variable, il s’échelonne de 0,2 mois à 20 mois
d’activité temps plein. Certaines expéditions et projets embarquants de nombreux français
comme l’expédition 313 ou le projet NanTroSEIZE (cf. Annexe_Expeditions), présentent
d’importantes collaborations internationales.
Fig. 33 : Statut des scientifiques non
embarquants qui ont participé à
l’exploitation des échantillons et des
données d’une expédition IODP.
(Autres Permanents : permanents dont
le statut n’a pas été précisé).
Le traitement des échantillons/données des expéditions est financé à plus de 65% par
l’INSU via le soutien post-campagne et divers appels d’offres (DyETI, 3F, …) (fig. 34).
L’obtention de crédits pour l’exploitation des échantillons et des données des campagnes
IODP n’est pas automatique, en France, et est loin d’être triviale en cette période de réduction
sans précédent du budget de la recherche et en particulier du soutien de base des laboratoires.
Le canal « naturel » de financement est donc une demande de soutien post-campagne auprès
de l’INSU mais l’enveloppe financière dévolue à ce soutien est devenue très maigre et doit
être partagée avec les très nombreuses demandes faisant suite aux campagnes de la flotte
nationale. Les participants à une campagne IODP ne peuvent espérer, actuellement, récupérer
qu’une somme de l’ordre d’une dizaine de k€ via ce canal, ce qui est clairement insuffisant au
vu du volume important d’analyses à réaliser dans un délai très bref.
En effet, chaque naviguant et collaborateur on shore s’engage formellement (au
travers d’une « sample request » remplie avant l’expédition) à réaliser le programme
d’analyse projeté et à publier ses résultats dans un délai relativement court (deux ans
maximum). Par ailleurs, une réunion post-cruise est organisée un à deux ans après la fin de
l’expédition et chaque embarquant est tenu d’y participer et d’y présenter ses résultats
préliminaires. Il y a également les grands congrès internationaux (AGU, EGU, Goldschmidt,
…) auquel il est de bon ton de participer, surtout quand une session spéciale y est organisée
suite à une expédition IODP. La participation au post-cruise meeting ne pose pas de
problème, elle est prise en charge pour tous les embarquants français, voire pour la plupart des
collaborateurs on shore, par le bureau IODP-France. Mais le budget de ce bureau est limité
(cf. ci-dessous), n’est en aucun cas destiné au soutien de travaux analytiques et ne permet que
très exceptionnellement de prendre en charge des missions à congrès. Une difficulté
supplémentaire est liée au fait que la plupart des appels d’offres français se font sur une base
~ 44 ~
annuelle et la date de soumission des projets et, a fortiori, la date de réunion des comités de
programme… et le moment où les crédits sont réellement disponibles, sont rarement en phase
avec le retour de campagne. Cette situation est très handicapante pour notre communauté
nationale et ne contribue pas à rendre attractive, pour les chercheurs français, l’embarquement
sur une expédition IODP. Dans un monde idéal, le budget de soutien aux chercheurs français
consacrant une « tranche de vie » assez importante au bon déroulement d’un programme
d’envergure, le plus grand programme international en Sciences de la Terre, faut-il le
rappeler, devrait être beaucoup plus important et permettre de prendre en charge, outre les
frais analytiques, des salaires de thésards et de post-doctorants. C’est ainsi que fonctionnent la
plupart de nos partenaires. En particulier, l’Allemagne bénéficie d’un budget
d’accompagnement au programme IODP dix fois supérieur à celui de la France.
Fig. 34 : Type de financement alloué
aux embarquants français pour le
traitement des échantillons et des
données
des
expéditions
IODP.
(National : INSU, Laboratoire : fonds
propres des laboratoires).
Dans un registre plus optimiste, l’avantage d’IODP est que le contexte d’une
expédition est particulièrement favorable au développement de coopérations internationales
qui se tissent naturellement au cours du travail en commun à bord. De nombreuses recherches
post-cruise peuvent être en partie menées, voire financées, dans ce cadre trans-frontières. Une
grande partie du budget français « post-campagne » (30,5%) est ainsi issus de financement
Européen (fig. 34). Par exemple, l’Expédition 310 (Tahiti) a pu bénéficier du soutien du
programme EUROMARC de l’ESF (European Science Fondation), mais celui-ci n’a lancé
qu’un seul appel d’offres et cette opportunité n’a donc pas été renouvelée.
En moyenne, le montant du financement obtenu par les embarquants français pour
l’exploitation d’une expédition tourne autour de 20 k€. Dans le détail, il s’échelonne
cependant de 2 k€ à 160 k€ selon les expéditions. Ce sont l’expédition 310 (Tahiti Sea Level),
le projet NanTroSEIZE et les expéditions 304-305 qui ont bénéficié des plus gros soutiens,
respectivement 160 k€ (INSU et EUROMARC), 133 k€ pour 6 campagnes (INSU) et 48 k€
pour deux campagnes (INSU).
6. Budget du bureau IODP-France
Le TGIR (Très Grandes Infrastructures de Recherche) attribue une somme annuelle
pour le fonctionnement d’ECORD/IODP France. Cette somme est passée de 150 k€ au début
du programme à 200 k€ quand le Chikyu a commencé ses opérations. Cette somme couvre le
fonctionnement du bureau IODP-France ainsi que la participation des représentants de
l’INSU-CNRS aux réunions de l’ECORD Council et aux réunions internationales (telles que
~ 45 ~
celles de l’IODP Council et de l’International Working Group + qui a discuté de la nouvelle
phase du programme).
Une bonne partie du budget (les trois-quarts environ) est gérée directement par le
bureau IODP-France qui anime la communauté nationale. Ce bureau a d’abord été localisé à
Géosciences Montpellier (Benoit Ildefonse), et a déménagé récemment (début 2011) au
laboratoire Géosciences Environnement Toulouse (Georges Ceuleneer, Bénédicte Abily et
Anne-Marie Cousin). En 2011, le budget géré par le bureau ECORD/IODP-France a été de
162,5 k€. Il a principalement servi à financer les missions des embarquants français pour les
pre-cruise (co-chef de mission) et les post-cruise meeting (22,5%), les missions des membres
français des divers panels et comités ECORD/IODP (17,9%) et les missions des scientifiques
français lors de l’embarquement (15,9%), et à rémunérer la coordinatrice scientifique du
bureau (21,5%) (fig. 35). L’overhead du laboratoire Géosciences Environnement Toulouse
pour l’hébergement du bureau IODP-France est d’environ 8% (fig. 35). Cette somme est très
modeste quand on sait qu’une personne du GET, Anne-Marie Cousin, consacre 1/3 de son
temps environ à des tâches de gestion et d’infographie directement dédiées à IODP, et que le
même bureau bénéficie d’aides ponctuelles mais régulières des services informatiques du
laboratoire. La façon dont le budget du bureau IODP-France était ventilé avant la migration
du bureau à Toulouse était comparable, dans les grandes lignes, à l’exemple de l’année 2011
(Benoit Ildefonse, com. pers.).
Fig. 35 : Budget du bureau IODP-France pour l’année 2011. Communication & Education Outreach :
participation à des congrès, écoles d’été ECORD, programme School of Rock ; Réunions exceptionnelles :
Rapid Response Drilling Detailed Planning Group ; Mission membres du bureau IODP-France : participation
à des congrès, réunions ECORD/IODP-France ; Equipement : matériel informatique ; Fonctionnement :
ouvrages, migration site web, périphériques informatiques, mobilier.
Le budget du bureau IODP France est donc juste suffisant pour faire face à
l’incontournable. Nous ne disposons que d’une marge de manœuvre très étroite pour d’autres
opérations destinées à animer et à soutenir des activités de la communauté nationale. Par
exemple, en 2011, nous avons pu consacrer 5% de notre budget pour aider, sous forme de
prise en charge de leurs missions, des enseignants participants au programme School of Rock
et des jeunes chercheurs participants aux écoles d’été gérées par ECORD (fig. 35).
~ 46 ~
Seconde partie
I.
Résultats majeurs des Expéditions du programme IODP
1. La Zone Sismogène
La grande majorité des séismes de magnitude supérieure à 8, et les huit plus gros
séismes jamais enregistrés (de magnitude 8.7 à 9.5), se sont produits au niveau de fosses de
subduction. Comme le plan de faille activé lors de ces séismes se situe en mer, ils produisent
des tsunamis qui peuvent être plus dévastateurs que le séisme lui-même dans les régions où
les côtes sont très peuplées, comme cela a été le cas à Sumatra en décembre 2004 et au Japon
en mars 2011. Les Japonais ont construit le navire de forage riser Chikyu pour pouvoir
atteindre un plan de faille de subduction dans la zone où ces séismes se produisent, appelée la
zone sismogène.
Au niveau d’une fosse de subduction, la lithosphère océanique plonge sous le rebord
d’un continent ou sous un arc insulaire à une vitesse variant, pour l’ensemble des cas
observés, de 2 cm à 11 cm/an. La descente de la lithosphère dans le manteau terrestre est
marquée par une zone d’activité sismique jusqu’à une profondeur pouvant atteindre 700 km,
que l’on appelle le plan de Bénioff. La zone sismogène est située au-dessus de cette surface
qui suit la lithosphère plongeante, au niveau de la zone de faille qui accommode le
mouvement relatif des plaques. Seule une partie de cette faille glisse lors des séismes de
subduction. En particulier, la partie proche de la fosse rayonne très peu d’ondes sismiques et,
dans de nombreux cas, l’inversion des données de tsunami indique que la rupture s’est arrêtée
avant d’atteindre la fosse. Hyndman, Wang et Yamano ont formulé l’hypothèse selon laquelle
les limites de la zone sismogène seraient déterminées par la température et la composition
minérale. En profondeur, la base de la zone sismogène correspondrait à la base de la croûte de
la plaque chevauchante, ou à une température de 400±50°C en raison de la plasticité des
roches à des températures supérieures. Vers la surface, la limite de la zone sismogène
correspondrait à la transformation de minéraux argileux de type smectite en illite, vers 100150°C. Des expériences en laboratoire suggèrent cependant que la transition sismiqueasismique peut se faire à des températures plus basses, vers 60°C, ce qui est cohérent avec les
résultats de Boris Marcaillou (embarquant sur l’expédition 333 d’IODP). Restaient aussi des
cas un peu mystérieux de séismes rayonnant peu d’énergie sismique et produisant des
tsunamis disproportionnés comme celui de Sanriku en 1896 ou de Mentawai en 2010. Ces
séismes peuvent correspondre à des mouvements proches de la fosse, en dehors de la zone
communément définie comme sismogène.
Le projet SEIZE (pour SEIsmogenic Zone Experiment) a pour but de comprendre les
phénomènes à l’origine de la transition haute, entre la zone de rupture cosismique et la zone
supposée asismique vers la fosse. Il consiste à échantillonner in situ la zone de faille aux
profondeurs sismogènes et à y implanter des capteurs, mais aussi à caractériser par une série
de puits moins profonds l’ensemble de la marge et de la plaque entrant en subduction. Deux
projets ont été retenus, concernant la zone de subduction de Nankai au Japon (NanTroSEIZE)
et la zone de subduction du Costa Rica (CRISP). Sur le site de NanTroSEIZE, un réseau câblé
d’observation (DONET) comprenant instrumentation fond de mer et instrumentation de puits
~ 47 ~
(sismographes, accéléromètres, clinomètres, jauges de déformation, température, pression de
fluide) est aussi en cours d’installation.
a. NanTroSEIZE
Le projet NanTroSEIZE s’est focalisé sur une zone où un grand chevauchement
(appelé chevauchement satellite) remonte à travers la plaque supérieure du plan de faille
principal (qui suit à peu près le toit de la croûte océanique plongeante) vers la surface (Figure
1). Ce chevauchement se divise en plusieurs branches qui atteignent le fond de la mer entre le
domaine du bassin d’avant-arc où se sont déposés des sédiments peu déformés et le prisme
d’accrétion, constitué de sédiments décollés de la plaque plongeante et formant une chaine de
plis et chevauchements (Figure 2). Le chevauchement satellite coïncide également avec la
limite vers la fosse du glissement cosismique lors du dernier grand séisme ayant affecté la
zone, le séisme de To-Nankai en 1944. Il paraissait alors évident que cette faille était la
terminaison de la zone sismogène et que son mouvement pendant les grands séismes
contribuait au tsunami. Avant les forages, nous pouvions aussi imaginer que le bassin
d’avant-arc et le prisme d’accrétion étaient deux domaines géologiquement différents,
correspondant à deux épisodes de subduction successifs (plaque Pacifique jusqu’à la fin du
Miocène Inférieur puis plaque Philippine du Miocène Supérieur jusqu’à l’actuel), séparés par
une période d’une dizaine de millions d’années d’interruption.
Figure 1 : Localisation du séisme de To-Nankai et schéma de la zone sismogène montrant la disposition des
sites de forages. Le forage profond est prévu au site C0002 de 2012 à 2014.
La participation française au projet NantroSEIZE a été significative : 13 participants
Français (dont deux co-chefs) provenant de 9 laboratoires se sont répartis sur 6 des 7
expéditions réalisées de 2007 jusqu’à maintenant. Un groupe important a travaillé sur les
propriétés physiques à partir des diagraphies et des mesures sur échantillons pour étudier leur
évolution avec la déformation à différentes échelles (Marianne Conin, Sylvain Bourlange,
Laurent Louis, Pierre Henry, Siegfried Lallemant). L’étude fine des structures de déformation
a aussi motivé l’embarquement de spécialistes en géologie structurale (Olivier Fabbri,
Vincent Famin). Les fluides ont été abordés du point de vue des propriétés physiques
(estimation de la pression, de la saturation en gaz, de la perméabilité ; Mai-Linh Doan,
Marianne Conin, Pierre Henry) et de la géochimie (équilibres et réactions avec le sédiment ;
Christine Destrigneville). Les français ont aussi contribué de façon importante à la
détermination de l’état de contrainte (Mai-Linh Doan, Marianne Conin) et aux travaux de
modélisation mécanique et thermique (Boris Marcaillou, Marianne Conin, Pierre Henry). En
marge du projet NanTroSEIZE, l’étude des dépôts résultants de grands glissements de terrain
affectant les pentes du prisme d’accrétion (projet NanTroSLIDE) a été menée au cours de
l’expédition 333 (Co-chef : Pierre Henry). Cet objectif concernant le risque gravitaire a
suscité une importante participation Européenne. Au-delà de leur intérêt pour la thématique
~ 48 ~
zone sismogène, les forages réalisés dans la plaque plongeante permettent la détermination de
la composition chimique et isotopique de la pile de sédiment entrant dans la subduction, des
données cruciales pour les géochimistes étudiant le recyclage des éléments dans les
subductions. Deux étudiantes d’ISTerre (Grenoble) travaillant sur ce thème avec Catherine
Chauvel ont ainsi embarqué (Shasa Labanieh, Exp. 322; Marion Garçon, Exp. 333).
Aujourd’hui, une série de forages relativement peu profonds (< 2 km) a été réalisée le
long d’un profil, des observatoires ont été installés sur deux sites et les capacités de forage
riser du Chikyu ont été testées. La phase de forage riser profond débute cette année. Nous
avons maintenant une bonne caractérisation géologique et géophysique de la marge mais
l’investigation de la zone sismogène elle-même ne fait que commencer. Cependant des
résultats importants ont été déjà obtenus, et remettent en question certaines des hypothèses
formulées.
Un premier résultat des forages est le jeune âge du prisme d’accrétion (moins de 2.5
Ma) et du bassin d’avant-arc (moins de 1.6 Ma) (Figure 2). La structure actuelle de la marge
date donc de moins de 2,5 Ma et la limite supposée de la zone sismogène correspond à une
brève interruption de l’accrétion vers 2-2,5 Ma, et non à un héritage géologique plus ancien.
Une interruption comparable de l’accrétion est actuellement observée au front de déformation
et dure depuis 400 000 à 800 000 ans.
Figure 2 : Coupe sismique interprétée au travers de la marge de Nankai (adapté de Moore et al., 2009). Les
âges des unités stratigraphiques traversées en forage sont indiqués en vert pour les sédiments du bassin
d’avant-arc, en jaune pour les sédiments de pente et en gris pour les sédiments accrétés.
Ensuite, il est progressivement apparu que la branche principale du chevauchement
satellite avait cessé d’être active il y a environ 1.3 Ma. Après une période où ce
chevauchement a fonctionné comme chevauchement hors séquence en bordure d’un prisme
d’accrétion en croissance, sa vitesse de glissement s’est réduite de plus d’ordre de grandeur,
devenant inférieure à 0,1 mm/an (1/400 de la vitesse de convergence). De plus, ce
chevauchement est maintenant recoupé par des décrochements actifs visibles dans la
bathymétrie. Il est clair que cette faille ne peut plus être la terminaison active de la zone
sismogène. Une cause possible de cette évolution est un changement du niveau de
décollement sous le prisme d’accrétion, suivi de l’arrêt, probablement temporaire, de
~ 49 ~
l’accrétion frontale. Ce changement de régime peut être compris par un calcul d’équilibre des
forces faisant intervenir le poids des sédiments accrétés et les coefficients de friction sur les
failles.
Un autre résultat important concerne l’état de contrainte, qui a pu être déterminé de
différentes façons : étude de la stabilité des parois des puits (breakouts), mesures
d’anisotropie du rebond élastique sur échantillons, analyse des failles à diverses échelles,
anisotropie de la vitesse des ondes P. La contrainte maximale horizontale suit généralement la
déformation compressive NW-SE (elle peut varier de perpendiculaire à la fosse à parallèle à
la convergence des plaques N305), sauf dans une zone en arrière des chevauchements
satellites où une extension perpendiculaire à la fosse est maintenant observée, tout au moins
dans le premier kilomètre sous le fond marin (Figure 3). La présence de cette zone en
extension n’est pas liée au fonctionnement de ce chevauchement qui est maintenant inactif,
mais semble plutôt liée à l’équilibre entre forces tectonique et potentiel gravitaire autour de la
rupture de pente. Une modélisation mécanique réalisée par Marianne Conin pendant sa thèse
(embarquante sur les expéditions 314, 319 sur Nankai, et 334 au Costa Rica) permet d’estimer
les coefficients de frottement effectifs compatibles avec cet état de contrainte actuel à 0.1
pour le décollement du prisme d’accrétion et à 0.2-0.25 pour le chevauchement satellite.
Figure 3 : Orientation de la contrainte horizontale maximale déterminée à partir de la déformation de la
paroi des puits (à gauche) (adapté de Lin et al., 2010 et Kinoshita et al., 2009). Au Site C0002, la contrainte
horizontale maximale parallèle à la fosse traduit un régime de contrainte en extension perpendiculaire à la
fosse, exprimé par des failles normales dans la bathymétrie. Exemple d’image de résistivité obtenue par
Logging While Drilling (à droite) montrant des fractures compressives (breakout) et en tension,
d’orientation orthogonale, dans la paroi du puits au Site C0001.
Le quatrième résultat, et probablement celui qui a la plus grande importance
immédiate, est la mise en évidence, à une profondeur de seulement quelques centaines de
mètres, de modifications discrètes liées à l’échauffement transitoire de la zone de faille par
des glissements rapides (cosismiques) aussi bien dans le chevauchement satellite que dans le
chevauchement frontal émergeant dans la fosse. Un groupe de chercheurs de l’expédition 316
(comprenant Olivier Fabbri) a montré que la matière organique présente dans les sédiments
(vitrinite) a subi dans ces deux failles une maturation anormale dans des zones d’épaisseur
centimétrique (Figure 4). La transformation des argiles de smectite en illite est aussi observée
~ 50 ~
localement. Toutefois, les premiers travaux sur les mêmes échantillons n’avaient pas retrouvé
les mêmes traces que celles observées dans d’autres zones de failles, comme celle de Chi-Chi
à Taiwan : décarbonatation, cristallisation d’oxydes magnétiques, et fusion partielle. Dans les
forages peu profonds de Nankai, les températures atteintes sur le plan de faille pendant le
glissement sont probablement supérieures à 350°C, mais inférieures à 550°C.
Figure 4 : une cartographie de la réflectance de la vitrinite est superposée sur des photos de carottes prélevées
(A) dans le chevauchement satellite et (B) dans le chevauchement frontal (Sakaguchi et al., 2011). Le sédiment
est transformé en brèche dans les failles et présente des niveaux cisaillés noirs d’épaisseur centimétrique. La
réflectance de la vitrinite (Ro) est une mesure de la maturation thermique de la matière organique.
L’augmentation locale de la réflectance dans les niveaux cisaillés noirs indique une augmentation importante,
mais brève, de température lors de séismes.
Dans ce contexte, le séisme de Tohoku du 11 mars 2011 a encore secoué davantage le
paradigme de la limite supérieure asismique. Les données récemment publiées par les
Japonais montrent que la rupture a atteint la fosse pendant le séisme, et même que le
glissement maximal a pu augmenter de 50 m jusqu’à 80 m (en horizontal) dans les 40 km les
plus proches de la fosse et que le déplacement de cette zone constitue la source principale du
tsunami. Cette zone du plan de faille, cependant, rayonne peu d’énergie sismique, ce qui
amène à penser qu’un mécanisme particulier est responsable de la lubrification de la zone de
faille, comme cela avait été proposé pour la partie nord de la faille de Chi-Chi à Taiwan. La
campagne J-FAST (expédition 343 ; embarquant français : Marianne Conin) prévue en AvrilMai a pour but principal de mesurer l’échauffement dans la zone de faille et de retrouver dans
les sédiments déformés la trace de cet événement ou d’évènements antérieurs similaires.
Les données acquises lors des premières phases de NanTroSEIZE permettent de
connaître l’état actuel de la marge. Ces résultats, ainsi que les observations effectuées lors des
derniers gros séismes de subduction dans le monde ont profondément modifié notre vision du
cycle sismique. Les propriétés physiques intrinsèques des zones de failles sont un élément
important, mais ne sont donc pas le seul facteur déterminant l’amplitude du mouvement
~ 51 ~
cosismique. D’une part, les mécanismes à l’origine de la réduction dynamique du frottement
sont multiples et dépendent entre autres de l’amplitude du mouvement et de la vitesse (e.g.
pressurisation thermique). D’autre part, il semble maintenant probable que les variations de
contrainte au cours des grands séismes sont suffisantes pour amener une partie de la marge, et
non seulement la zone de faille, à la limite de rupture. La déformation qui en résulte, et le
chemin suivit par la rupture (branchement sur un chevauchement, propagation jusqu’à la fosse
ou arrêt en profondeur) dépendront alors de l’état de contrainte tectonique (statique) dans la
marge. Les modèles mécaniques de type prisme de Coulomb rendent compte de la diversité
des états de contrainte dans les marges actives : critique extensif, critique compressif ou
stable. Les observations consécutives au séisme de Tohoku montrent que la sollicitation d’une
marge proche de l’état critique extensif par un grand séisme peut induire une extension
cosismique et une augmentation du mouvement vers la fosse. D’une manière générale, la zone
de rupture co-sismique, le long de laquelle se propage le glissement, semble être plus étendue
que la zone où la rupture sismique peut s’initier, qui correspond à la zone sismogène au sens
strict. Qu’en est-il de Nankai, et d’autres subductions ? Plus encore maintenant, le forage
profond est nécessaire pour comprendre la génération des tsunamis par les séismes de
subduction. Il doit cependant être effectué dans un contexte d’observatoire sous-marin,
permettant l’étude détaillée de l’activité microsismique, le suivi de la déformation et des
variations temporelles de contrainte dans la marge (ceci incluant la pression du fluide
interstitiel). Les Japonais ont compris l’importance d’associer en mer l’échantillonnage in situ
avec une stratégie d’observation à long terme. Est-ce bien le cas ailleurs ?
b. Le projet CRISP, ou l’étude de la zone sismogène d’une marge érosive
Le projet CRISP vise à mieux contraindre les processus qui contrôlent la nucléation
des grands séismes et la propagation de la rupture sismique dans la partie peu profonde des
zones de subduction. Il s’agit du second projet de forage océanique dédié à ce type d’étude.
Le premier projet, appelé NanTroSEIZE et initié en 2007, a déjà fourni d’importants résultats
pour la compréhension de la transition haute de la zone sismogène dans une marge
continentale en accrétion (cf. précédemment). Ce second projet vise à comprendre ce qui se
passe dans les marges sans accrétion ou érosives, qui représentent un peu plus de la moitié des
marges continentales affectées par une subduction océanique, communément appelées marges
actives.
Il existe en effet deux grandes catégories de marges actives, de caractéristiques et de
géométries différentes, même il est vraisemblable que les marges puissent alterner d’un état à
l’autre au cours de leur histoire en fonction, notamment, de la quantité de sédiments à la
fosse.
Dans les marges en accrétion, une partie des sédiments déposés sur la plaque
océanique sont décollés au niveau de la fosse pour former un ensemble plissé et faillé appelé
prisme d’accrétion. La partie restante des sédiments est d’abord subduite sous le prisme puis
peut ensuite être sous-plaquée, ou transportée plus en profondeur (figure 1).
Dans les autres cas, l’épaisseur sédimentaire sur la plaque plongeante est en général
plus faible et tous les sédiments entrent en subduction. Les marges érosives sont aussi
caractérisées par la présence de failles normales dans la plaque supérieure accompagnée d’une
subsidence de la pente, qui peut être recouverte d’importants dépôts. Le mécanisme proposé
pour expliquer cette subsidence est l’érosion tectonique de la marge à sa base.
~ 52 ~
Figure 1 : schéma de la partie frontale des deux types de marges rencontrées dans les zones
de subduction. En haut : marge en accrétion ; en bas : marge érosive (figure adaptée de
figures non publiées de P. Vannuchi).
La zone d’épaisseur variable entre la marge et la lithosphère océanique subduite est
appelée le chenal de subduction et c’est dans ce chenal, ou le long de ses limites que se
localise le plan de glissement principal activé lors des mégaséismes. Dans le cas d’une marge
en accrétion, le matériel dans le chenal de subduction est essentiellement constitué de
sédiments marins plus ou moins lithifiés et peut également comprendre des lambeaux de
croûte océanique. Dans le cas d’une marge érosive, il peut comprendre un part importante de
matériel arraché à la plaque supérieure. Différents processus ont été envisagés pour expliquer
cette érosion : l’échappement de fluides surpressés du chenal de subduction, les variations de
la friction et de l’état de contrainte au cours du cycle sismique, et la rugosité de la plaque
plongeante. Dans les deux types de marges, la composition du matériel dans le chenal de
subduction et son état physique (e.g. contenu en eau, pression de fluide) déterminent les
propriétés de friction du plan de glissement de la zone de subduction et la géométrie de la
marge. En théorie, ils devraient donc aussi influencer la propagation de la rupture sismique.
Le projet CRISP s’intéresse à la marge érosive du Costa Rica, au large de la baie
d’Osa (figure 2). Cette marge a été choisie car elle présente un faible apport sédimentaire, une
importante sismicité dont la variabilité latérale peut être mise en relation avec des variations
de géométrie du système de subduction. Des études à terre montrent que la marge costaricaine est composée de la formation dite de ‘mélange d’Osa’ formée par l’accrétion de monts
sous-marins. Elle est marquée par le passage en subduction d’une ride océanique, appelée ride
des Cocos qui est mécaniquement résistante et peut contribuer à augmenter l’érosion basale.
La zone de transition sismique – asismique le long du plan de subduction y est supposée
relativement peu profonde et devrait pouvoir être atteinte par en forage riser avec le Chikyu
au cours de la phase 2 du projet.
~ 53 ~
Figure 2 : Carte bathymétrique montrant la
localisation du projet de forage CRISP au
large du Costa Rica, côté Pacifique (d’après
Vannucchi et al. 2011). Cocos Ridge : ride
des Cocos, Carnegie Ridge : ride de
Carnégie.
La première phase du projet CRISP est focalisée sur le matériel entrant en subduction
et sur les sédiments déposés sur la plaque supérieure (figure 3). Les objectifs sont de (1)
caractériser la nature, les propriétés et le flux de matériel entrant dans le chenal de subduction,
(2) estimer la composition, la texture et les propriétés physiques de la plaque supérieure, (3)
évaluer la subsidence et donc l’érosion tectonique à partir de la sédimentation des sédiments
de pente, et ainsi quantifier le flux de matière de la plaque supérieure vers le chenal de
subduction, (4) caractériser les interactions entres les fluides et la roche, le système
hydrologique et les processus géochimiques actifs dans la plaque supérieure, (5) déterminer le
champ de contrainte au travers de la limite supérieure de la zone sismogène.
Au cours de l’expédition IODP 334 qui a eu lieu en avril 2011, 4 sites ont été forés et
plus de 1,6 km de carottes ont été récoltés et analysés. La pile complète des sédiments de
pente déposés sur la plaque supérieure a été forée à deux sites, qui devraient servir de trous
pilotes pour la phase de forages plus profonds.
Parmi les résultats importants de ces forages, nous avons mis en évidence des
remontées de fluides d’origine profonde dans deux zones de failles observées dans la
prolongation de réflecteurs pentés interprétés comme de grandes failles normales plates se
branchant sur le décollement à l’interplaque (figure 3). Nous avons aussi atteint et caractérisé
des roches situées au toit de la plaque supérieure. Ces roches sont assez altérées et nous
n’avons pas encore la certitude qu’elles correspondent à la formation d’Osa. Elles pourraient
correspondre à une zone de conglomérats déposés sur une surface d’érosion, entre les
sédiments de pentes et les roches de la plaque supérieure. L’analyse des sédiments de pente a
montré un taux de sédimentation très important (0,1 à 1 km/Ma) relativement aux autres
secteurs autour de la péninsule de Nicoya, qui pourrait résulter du soulèvement de la partie
terrestre lors du passage en subduction de la ride des Cocos, et/ou d’une forte subsidence due
~ 54 ~
à de l’érosion basale. L’analyse des foraminifères benthiques confirme une subsidence rapide
de la marge ou cours du dernier 1,5 Ma. Cette campagne a également permis d’échantillonner
pour la première fois les basaltes de la ride des Cocos qui constituent un témoignage de la
signature du point chaud des Galapagos. Les objectifs suivants pour CRISP sont de mieux
contraindre la nature de la plaque supérieure en approfondissant les sites déjà forés, de forer le
décollement et la séquence subduite, et de mieux caractériser les sédiments entrant dans la
fosse de subduction.
Figure 3 : ligne sismique montrant la partie frontale de la marge érosive du Costa Rica, au large de la
péninsule d’Osa, et forages effectués au cours de la phase 1 du projet CRISP (Vannucchi et al., 2011).
2. Volcanisme et glissement de terrain
Expedition 340: Lesser Antilles Volcanism and Landslides
“Drilling volcanic landslides deposits and volcanoclastic sediments in the Lesser Antilles Arc:
implications for hazard assessment and long term magmatic evolution of the arc”
Proposants du projet initial :
- Institut de Physique du Globe de Paris, France : Anne Le Friant, Georges Boudon,
Jean-Christophe Komorowski, Christine Deplus, B. Villemant
- University of Bristol, UK : Steve Sparks
- University of Plymouth, UK : Malcolm Hart
- University of Southampton, UK : Martin Palmer, Peter Talling, Jess Trofimovs
- Seismic Research Unit, University of West Indies, Trinidad : Richard Robertson
- University of Rhode Island, USA : Steve Carey
- Penn State University and USGS, USA : Barry Voight
- Geological Survey, Japan : Osamu Ishizuka
Dates de programmation : 3 Mars – 17 avril 2012
Co-Chefs de l’Expédition : A. Le Friant (IPGP, Paris); O. Ishizuka (Geological
SurveyJapan)
~ 55 ~
a. Objectifs Scientifiques
L’arc des Petites Antilles se compose de nombreux édifices volcaniques dont 12 au
moins ont été actifs dans les 10 000 dernières années. Les édifices volcaniques de l’arc se
caractérisent d’une part par leur exceptionnelle diversité de composition magmatique mais
aussi par leur diversité de styles éruptifs tout le long de l’arc avec des différences marquées
entre les édifices du Nord et ceux du Sud. Par exemple, de grandes déstabilisations de flanc
de volcan se sont produites dans la partie Sud de l’arc tandis que dans la partie Nord, les
volumes mis en jeux sont beaucoup moins importants (Boudon et al., 2007). De même les
variations de sédimentation et de production magmatique entre le Nord et le Sud sont
probablement à relier avec la morphologie et la construction de l’arc. Ces variations n’ont
pas été observées sur d’autres arcs comme Izu Bonin où des forages ODP ont déjà été
réalisés (leg 126, e.g. Taylor, 1992; Fujioka et al., 1992). Le volcanisme des Antilles a déjà
été bien étudié générant une base de données indispensable pour envisager des forages IODP
afin de répondre à quelques questions fondamentales sur les processus volcaniques et
sédimentaires en zone de subduction.
Nous avons montré qu’au moins 52 déstabilisations de flanc s’étaient produites sur
les volcans de l’arc des Petites Antilles dont au moins 15 dans les derniers 12 000 ans
(Boudon et al., 2007, Lebas et al., 2011). Les études autour de Montserrat ont montré qu’au
cours d’une éruption comme Soufrière Hills, au moins 75 % des produits émis par le volcan
s’épanchaient en mer (Le Friant et al., 2009a). Des forages IODP ont été réalisés pour
étudier les grands glissements qui s’étaient produits autour des îles d’Hawaii (ODP leg 126:
e.g. Garcia, 1993, Garcia et al., 1994; leg 200: e.g. Garcia et al., 2006) ou des Canaries
(ODP leg 157: e.g. Schneider et al., 1997, Goldstrand, 1998, Schmincke et al., 1998). Ces
forages étaient localisés dans les turbidites au-delà des dépôts d’avalanche de débris à plus de
4000 m de profondeur, les profils de sismique réflexion acquis directement sur les dépôts
d’avalanche de débris ne permettant pas de les imager correctement. En revanche, les profils
de sismique réflexion acquis sur les avalanches de débris des Petites Antilles ont permis
d’obtenir une bonne image des dépôts et des sédiments à leur base (e.g. Deplus et al., 2001,
Le Friant et al., 2003a). Certaines de ces avalanches ont probablement généré des tsunamis.
Le projet de forage IODP que nous proposons permettra pour la première fois d’acquérir des
carottes dans les dépôts d’avalanche de débris dans une zone où la fréquence des
déstabilisations semble plus importante qu’ailleurs (e.g. Hawaii: 1/350 ka, Moore et al.,
1989). De plus, les analyses récentes des carottes marines prélevées lors de la campagne
Caraval (2002, N/O L’Atalante) ont permis de reconnaître un nombre d’éruptions explosives
plus important que celui déduit des seules études à terre où les dépôts des éruptions sont
parfois masqués ou érodés. En revanche, nous avons été limités par la longueur de nos
carottes marines de l’ordre de la dizaine de mètres (maximum : 15 m) qui ne nous a pas
permis de remonter suffisamment dans le temps (entre 25 000 et 250 000 ans en fonction du
taux de sédimentation).
Le principal objectif de ce projet IODP est maintenant d’aller plus loin afin
d’obtenir un enregistrement complet de l’activité éruptive et de la sédimentation
volcanoclastique des complexes volcaniques les plus actifs de l’arc des Petites Antilles
lors du dernier million d’années. Nous proposons de réaliser 10 forages, choisis
stratégiquement autour de trois sites en tenant compte de la dissymétrie de l’arc : Montserrat
au Nord (où le volcan de Soufrière Hills est en activité depuis 1995), la Martinique (et sa
tristement célèbre Montagne Pelée), et la Dominique (ou plusieurs centres éruptifs sont
considérés comme actifs et ont produit d’importantes éruptions pliniennes). Nous avons
identifié trois thèmes principaux dans ce projet et un thème additionnel :
~ 56 ~
1. Améliorer la connaissance et la compréhension des processus de mise en place des
avalanches de débris et de leur fréquence, avec des implications sur l’évaluation du
risque tsunami.
2. Accéder à l’histoire éruptive à long terme des volcans de l’arc des Petites Antilles
(documenter les cycles de construction et de destruction volcanique).
3. Documenter l’évolution magmatique à long terme de l’arc.
4. Documenter la dispersion des sédiments en milieu océanique.
b. Localisation des forages proposés
Les forages carottés (~ 100 à 500 m) seront réalisés au large de La Martinique, la
Dominique et Montserrat, d’une part dans les avalanches de débris (mise en place et
mécanismes) et d’autre part dans les sédiments et les tephra (histoire volcanologique des
édifices), Figure 01. Les profondeurs demandées ont été déduites des profils de sismique
existants en utilisant une vitesse de 1800 m/s (Urgeles et al., 1997).
Figure 01 :
Localisation des sites de forage proposés
c. Résultats attendus
Les résultats de ces forages vont significativement améliorer notre compréhension de
l’histoire et de l’évolution des centres volcaniques dans cette région fournissant de nouvelles
contraintes sur les processus de fonctionnement d’un arc. Ces volcans, qui ont un
exceptionnel enregistrement de déstabilisations de flanc pendant le quaternaire et sont encore
~ 57 ~
actuellement instables, posent en effet des risques considérables pour la population des
Antilles majoritairement concentrée près des côtes. L’analyse des échantillons s’attachera à
répondre aux questions suivantes: 1/ Quels processus et quelles échelles spatio-temporelles
caractérisent l’activité éruptive et sa migration le long de l’arc ? 2/ Quelle est la nature du
volcanisme durant les premiers stades sous-marins ou sub-aériens de construction des
complexes volcaniques (composition chimique, taux de production, explosivité, rôle de la
construction par rapport aux processus de destruction) ? 3/ Quel est l’âge et quels sont les
mécanismes qui contrôlent le transport des avalanches de débris générées lors des
déstabilisations de flanc ? 4/ Quel est le rôle de l’érosion, de l’incorporation des sédiments
et/ou de l’eau ainsi que de la fragmentation sur la mobilité des avalanches de débris ? Le
volcanisme en Martinique, en Dominique et à Montserrat est représentatif des principaux
processus et échelles de temps du volcanisme de l’arc des Petites Antilles, en grande partie
similaire à celui d’autres arcs. Ce projet aura des implications importantes en termes de
compréhension globale du volcanisme d’arc de subduction.
Réaliser des forages aux Antilles offre donc une occasion unique d’acquérir des
données et des informations cruciales qui ne pourraient être obtenues par aucun autre moyen,
sur les processus de construction et de destruction des édifices volcaniques à l’échelle d’un
arc volcanique, ainsi que sur les processus de transport et de recyclage des sédiments
volcanogéniques dans les bassins océaniques.
3. La Veine d’Eau Méditerranéenne (Mediterranean Outflow)
Tremblements de Terre, Changements Climatiques et Rivières de Sables : Six Millions
d’années d’Histoire de la Terre
L’Expédition IODP 339 « Mediterranean Outflow » s’est achevée le 17 janvier 2012.
Huit mille mètres de puits ont été forés dans le plancher océanique au niveau du Golfe de
Cadix et sur la marge continentale à l’ouest du Portugal. Cette expédition a apporté beaucoup
de réponses attendues à nos questions, ainsi que des résultats scientifiques totalement
inattendus. Ces quelques lignes rédigées à bord, en fin de campagne, sont destinées à vous
faire part de quelques-uns des résultats majeurs de cette Expédition.
a. Impulsion Tectonique de la Terre
Nous avons cherché à comprendre comment le détroit de Gibraltar avait initialement
servi de barrière puis de passerelle entre l’Océan Atlantique et la Mer Méditerranée durant les
6 derniers millions d’années. Nous avons pu identifier la trace d’une Veine d’Eau
Méditerranéenne profonde et puissante à travers le détroit de Gibraltar qui a débuté il y a plus
de 4,5 millions d’années. Mais nous avons également mis en évidence le rôle joué par une
« impulsion tectonique » à la jonction entre les plaques Afrique et Europe. C’est elle qui a
fermé le détroit de Gibraltar il y a un peu plus de 6 millions d’année, puis l’a ré-ouvert
environ un million d’années plus tard. Ce même forçage tectonique a provoqué des épisodes
successifs de subsidence de bassin ponctués par des périodes de surrection – la remontée par
compaction de volcans de boue à la surface et à travers le plancher océanique.
Les carottes que nous avons récupérées conservent l’enregistrement de ces processus.
Les effondrements sous-marins, les coulées chaotiques de débris et les déversements massifs
~ 58 ~
de sables en haute mer, marquent le moment où les plaques tectoniques sont rentrées en
collision, ce qui s’accompagna d’un nombre accru de tremblements de Terre et de tsunamis.
Au niveau de 4 sites, parmi les 7 forés, une portion majeure de l’enregistrement géologique
fait lacune dans les carottes de sédiments – et des évidences de hiatus mineurs s’observent au
niveau des autres sites. La surrection tectonique régionale a confiné le flux d’eau de mer
profond et a créé un courant si puissant qu’il a lessivé et érodé le plancher océanique. Et,
quand l’impulsion tectonique a diminué, ces mêmes courants de fond se sont calmés mais
étaient toujours suffisamment actifs pour déposer des montagnes de boue.
b. Modification du paradigme pour la prospection pétrolière
Nous avons cherché à comprendre plus en détails la nature et les propriétés des boues
et des sables déposés par ces courants de fond. Ces dépôts sédimentaires sont appelés des
contourites car les courants qui les déposent suivent de très près les contours du plancher
océanique. Le golfe de Cadix a d’ailleurs été considéré comme le premier ‘laboratoire
contourite’ au monde, mais il n’avait jamais été foré à des fins scientifiques, jusqu’à
aujourd’hui. Nous avons prélevé des kilomètres de carottes de contourites, et disposons d’un
meilleur aperçu de leurs caractéristiques, et nous avons validé sans l’ombre d’un doute le
paradigme existant sur la sédimentation des contourites sous une vitesse de flux croissante et
décroissante. Nous avons également trouvé beaucoup plus de sable que prévu – remplissant
les chenaux de contourites coupés par des rivières sous-marines, soit sous forme d’épaisses
couches au sein des montagnes de boues, soit sous forme d’un immense banc de sable
s’étendant sur 100 km au niveau du détroit de Gibraltar. Tout ceci témoigne de la grande
force, de la vitesse élevée et de la longue durée de ces courants de fond qui sont dues à la
Veine d’Eau Méditerranéenne.
Nous avions prévu de forer plus de 1500 mètres dans ce banc de sable – mais nous
avons perdu un carottier en acier de 10 mètres de long à la base du premier puits, passé
quelques heures angoissantes avec un train de tige coincé dans le puits suivant, puis procédé à
un sauvetage in-extremis de l’assemblage complet de base de puits à notre troisième tentative.
Du sable meuble de la partie supérieure du puits s’était simplement effondré du fait du
mouvement du trépan à la base de ce dernier. Nous n’avons pu pénétrer ce banc que sur 230
m, mais c’était suffisant pour proposer un nouveau paradigme sur la recherche de réservoirs
profonds adaptés au pétrole et au gaz. L’épaisseur, l’étendue et les propriétés de ces sables de
contourites font d’eux une cible idéale pour de futures prospections, dans des zones où ils
sont enterrés assez profondément pour permettre le piégeage des hydrocarbures.
c. Déchiffrer le code du climat
Notre premier site, sur la marge Ouest du Portugal a été totalement consacré à
l’obtention d’un enregistrement sédimentaire marin le plus complet possible sur les
changements climatiques des derniers 1,5 millions d’années. Ceci permettrait de suivre les
traces d’au moins 4 âges glaciaires majeurs de l’histoire récente de la Terre, et d’apporter une
nouvelle archive marine à travers des sédiments océaniques non perturbés afin de la comparer
avec les enregistrements des carottes de glaces des calottes glaciaires du Groenland et de
l’Antarctique, et avec de nombreux enregistrements terrestres. Nous avons maintenant
récupéré cet enregistrement en parfait état sur de multiples carottes. Les analyses réalisées à
~ 59 ~
bord ont déjà révélé des évidences de cycles climatiques. Cependant, il faudra plusieurs mois
et même plusieurs années de recherches assidues à terre pour décoder correctement les
signaux des changements climatiques du passé et pour documenter les périodes de
changement très rapide comparables au réchauffement global que nous vivons actuellement.
Par contre, nous ne nous attendions pas à ce que les montagnes de boue de contourite
que nous avions ensuite forées dans le Golfe de Cadix montrassent exactement le même signal
climatique. Et, en réalité, un signal plus étendu puisque les taux de sédimentation au niveau
des amoncellements de contourite étaient 3 à 6 fois plus importants au niveau du Golfe de
Cadix qu’au niveau de la marge Portugaise. Ceci permettra un échantillonnage plus détaillé
et, peut-être même, constituera une bien meilleure archive des changements climatiques.
Déchiffrer le code du climat en utilisant les contourites sera plus difficile puisque ces dépôts
sont constitués d’un mélange de sédiments issus de sources variées. Les océans et le climat
sont inextricablement liés. Il semble qu’il y ait un signal irrépressible de cette connexion dans
les sédiments contourites – une résonance océanique que nous essayerons d’expliquer dans
des recherches futures.
4. Diagenèse carbonatée des sédiments océaniques riches en méthane et hydrates
de gaz
Sur les marges continentales où s’accumulent rapidement des sédiments riches en
matière organique, la dégradation des composés organiques par des processus microbiens et
abiotiques conduit à la formation d’hydrocarbures dont la composition dépend de leur degré
de maturation. Le méthane (CH4) est l’hydrocarbure gazeux qui domine dans les produits de
transformation microbienne de la matière organique; le méthane est également associé aux
hydrocarbures lourds qui sont produits par des réactions abiotiques au cours de
l’enfouissement. Ces deux types de méthane « biogénique » et « thermogénique » peuvent
donc être présents dans les sédiments jusqu’à des profondeurs de plusieurs centaines de
mètres sous le fond de la mer à l’état dissous, gazeux ou solide suivant leur concentration et
les conditions de pression et température. Lorsque les sédiments sont sursaturés en méthane,
le méthane est piégé dans les structures cristallines des hydrates de gaz, encore appelées
clathrates, qui se forment dans des conditions de haute pression et basse température, c’est-àdire principalement dans les zones polaires et l’océan profond. Leur présence dans les
sédiments océaniques avait été détectée par sismique pour la première fois en 1970 au cours
du leg 41 du DSDP sur la Blake Ridge dans l’Atlantique Ouest (Ewing and Hollister, 1972).
Depuis cette date, la présence d’hydrates de gaz a été reconnue sur l’ensemble des marges des
océans et jusqu’à des profondeurs d’eau de plus de 5000 m, comme dans les fosses de Nankai
et du Pérou (Kvenvolden et Lorenson, 2001). Plusieurs expéditions des programmes DSDP,
ODP et IODP ont été dédiées en partie ou en totalité à l’étude des hydrates de gaz ce qui a
permis d’obtenir des informations sur leur distribution, leur composition ainsi que sur les
processus sédimentaires associés. Un objectif important de ces études concernait également
l’évaluation des stocks de méthane potentiellement exploitables, contenus dans ces réservoirs
océaniques profonds.
Les processus diagénétiques conduisant à la formation de méthane et à la précipitation
de carbonates dans les sédiments anoxiques ont été décrits de façon synthétique grâce aux
résultats du leg 76 du DSDP sur la Blake Ridge (Claypool et Threlkeld, 1983; Matsumoto,
1983). Ces travaux ont ensuite été complétés par la découverte dans des sites variés de
nouveaux exemples de carbonates diagénétiques enfouis jusqu’à plusieurs centaines de mètres
~ 60 ~
de profondeur dans des sédiments océaniques riches en méthane et/ou contenant des hydrates
de gaz.
La diagenèse anoxique correspond à une succession de processus biogéochimiques et
abiotiques, qui transforment les composés organiques et le méthane (ou d’autres
hydrocarbures) pour produire l’alcalinité permettant la précipitation des carbonates. Ces
réactions induisent des fractionnements isotopiques très importants entre les composés
carbonés réduits qui se trouvent très appauvris en 13C par rapport aux composés carbonés
oxydés. Les carbonates présentent ainsi des valeurs de δ13C spécifiques des différents
processus diagénétiques : valeurs très négatives pour les carbonates produits par l’oxydation
anaérobie du méthane, valeurs très positives pour les carbonates produits par méthanogenèse.
La caractérisation minéralogique et isotopique des carbonates diagénétiques se révèle
essentielle pour connaître leurs conditions de formation comme l’illustrent les résultats
obtenus récemment lors de l’Expédition IODP 323 sur les carbonates diagénétiques des
sédiments de la mer de Bering (Pierre et al., 2010). Sur la marge beringienne de la mer de
Bering, les sédiments sont très riches en matière organique et en méthane ; ils contiennent de
nombreuses intercalations de carbonates diagénétiques qui sont présentes tout au long des 750
mètres de la série sédimentaire déposée au cours du Pléistocène depuis au moins 2 Ma, ce qui
démontre que leur formation a été un processus permanent pendant toute cette période. La
grande diversité de minéralogie des carbonates (calcite magnésienne, dolomite et carbonates
ferrifères) et la grande variabilité des compositions isotopiques de l’oxygène et du carbone
(+2,84 < δ18O ‰ V-PDB < +9,19 ; -20,52 < δ13C ‰ V-PDB < +11,37) révèlent la succession
des réactions diagénétiques décrites précédemment. Dans les sédiments de sub-surface où le
sulfate était disponible dans les eaux interstitielles, l’oxydation anaérobie du méthane couplée
à la réduction sulfato-bactérienne conduisait à la précipitation de calcite magnésienne. Plus en
profondeur où les eaux interstitielles sont dépourvues de sulfate, la méthanogenèse par
fermentation microbienne de la matière organique produisait du CO2 qui était transformé en
alcalinité par altération des silicates (en particulier les argiles), conduisant à la précipitation de
dolomites et de carbonates ferrifères.
~ 61 ~
L’image ci-dessus prise en rétrodiffusion au microscope électronique à balayage
montre l’association de deux phases de carbonates diagénétiques plus ou moins riches en fer.
La calcite magnésienne se présente sous forme de fins cristaux fibreux allongés recouverts par
de très petits cristaux de carbonate à fort contraste donc riche en fer. Les cristaux de sidérite
correspondent aux petits rhomboèdres (1 à 2 µm) à fort contraste. La différence de
composition isotopique du carbone de ces deux types de carbonates (δ13C calcite = -6‰ ;
δ13C sidérite = +10,6‰) confirme qu’ils se sont formés pendant des stades diagénétiques
différents, dans la zone d’oxydation anaérobie du méthane pour la calcite et dans la zone de
méthanogenèse pour la sidérite.
Références
Claypool GE et Threlkeld CN (1983) Anoxic diagenesis and methane generation in sediments of the Blake Outer
Ridge, Deep Sea Drilling Project Site 533, Leg 76. In: Sheridan RE, Gradstein FM et al., Init. Repts. DSDP,
76: Washington (U.S. Govt. Printing Office) 391-402.
Ewing JI and Hollister CH (1972) Regional aspects of deep sea drilling in the western North Atlantic , Initial
Reports, Deep Sea Drilling Project 11, 951-972.
Kvenvolden KA and Lorenson (2001) The global occurrence of natural gas hydrates, AGU Geophysical
Monograph 124, 3-18.
Matsumoto R (1983) Mineralogy and geochemistry of carbonate diagenesis of the Pliocene and Pleistocene
hemipelagic mud on the Blake Outer Ridge, Site 533, Leg 76. In: Sheridan RE, Gradstein FM et al., Init.
Repts. DSDP, 76: Washington (U.S. Govt. Printing Office) 411-427.
Pierre C, Blanc-Valleron MM, Maerz C, Ravelo AC, Takahashi K, Alvarez-Zarikian C and IODP 323 Scientific
Party (2010). Carbonate diagenesis in the methane-rich sediments of the Beringian margin, IODP 323
Expedition. AGU, San Francisco (USA), 13- 17 December 2010.
5. Processus Microbiens à North Pond (22°46’N, Flanc Ouest de la Ride MédioAtlantique) : Initiation d’un observatoire sous-marin à long-terme couplant
microbiologie, géochimie et hydrologie
L’expédition 336 a mis en œuvre avec succès un observatoire sous-marin
géomicrobiologique sur la croûte océanique jeune (8 Ma) à 22°45’N et 46°05’W. Les sites de
forage sont localisés dans le bassin de « North Pond » sur le flanc de la dorsale médioatlantique à une profondeur de 4414 à 4483 m (Figs. 1 et 2). North Pond est un bassin
sédimentaire isolé de 8x15 km environ, délimité à l’Est et à l’Ouest par un relief dont la
hauteur peut atteindre 2000 m. Les précédentes campagnes de forage et d’exploration ont mis
en évidence une circulation active d’eau de mer dans la section volcanique sous la pile
sédimentaire, d’une épaisseur maximale de 300 m. Les études géothermiques (température,
flux de chaleur) ont montré que la zone d’infiltration de l’eau de mer se produit
principalement dans la partie Sud-Est du bassin et est dirigée vers le Nord-Ouest (Langseth et
al., 1984). L’objectif principal de l’Expédition 336 était donc de comprendre comment cette
circulation de fluide affecte les processus microbiens et géochimiques au sein de la section
superficielle de la croûte océanique jeune.
Le but scientifique principal de l’Expédition 336 est d’étudier la nature des
communautés microbiennes du plancher océanique, à la fois au niveau des basaltes altérés et
des sédiments océaniques. Il s’agit à la fois de tester l’hypothèse que les bactéries jouent un
rôle actif dans l’altération de la croûte océanique, et dans le même temps, de savoir dans
quelle mesure la circulation des fluides et la géochimie influencent les structures des
communautés microbiennes. La dispersion de la faune microbienne dans les sédiments du
~ 62 ~
plancher océanique ainsi que la biogéographie (i.e. la distribution géographique des espèces)
seront également étudiés.
Le but opérationnel principal de l’Expédition 336 était l’installation de trois
observatoires de type CORKs1 dans les puits de forage afin d’initier le suivit à long terme de
la microbiologie, de la géochimie et de l’hydrologie. Ces observatoires permettront de
mesurer les paramètres physico-chimiques dans le temps et d’étudier les processus in situ
après que les perturbations et contaminations induites par le forage se soient dissipées. Un
échantillonnage systématique a été réalisé sur les carottes de roches volcaniques et de
sédiments provenant des sites de forages instrumentés avec le système CORK afin de mener
des études microbiologiques, pétrologiques et géochimiques après la mission.
Figure 1 : Localisation de la zone de North
Pond sur le flanc Ouest de la Dorsale
Médio-Atlantique.
Figure 2 : Carte bathymétrique du North Pond indiquant
la localisation des forages DSDP 395A et ODP 1074A, et
les sites de forage de la mission IODP336 : U1382,
U1383 et U1384. Les données bathymétriques sont issues
de Villinger et al. (2010).
a. IODP 336 : Déroulement de la mission
Le forage U1382A, situé seulement à 50 m à l’Ouest du Site 395, a permis de carotter
la croûte océanique supérieure entre 110 et 210 mbsf2. Le taux de récupération de la section
volcanique et plutonique a été de 31% et différentes unités lithologiques avec des
caractéristiques géochimiques et pétrographiques distinctes ont été identifiées. Comme déjà
identifiée dans le puits 395A, une brèche sédimentaire est intercalée entre deux unités
1
2
CORK : Circulation Obviation Retrofit Kit
mbsf : meters below seafloor (mètres sous le plancher océanique)
~ 63 ~
majeures de coulées basaltiques (massives et en coussin). Elle contient des clastes de basalte,
des gabbros et des péridotites de manteau ; cette unité a été interprétée comme le dépôt d’un
éboulement issu des reliefs environnants.
Le forage U1383C a permis de récupérer 50,3 m de carotte provenant d’une
profondeur de 69,5 à 331,5 mbsf. Les basaltes sont des tholéiites de type aphyrique à
hautement porphyrique riches en plagioclase et olivine. Ils sont frais à modérément altérés,
avec des minéraux secondaires argileux de type saponite, nontronite et céladonite, des
oxyhydroxydes de fer, des carbonates et des zéolites. Ces phases secondaires remplacent la
mésostase, le verre et les olivines dans différentes proportions. Plusieurs niveaux de calcaire
micritique ont été identifiés entre des coulées de laves en coussin.
L’épaisseur de sédiment au niveau des sites 1382 et 1384 est de 90 m environ, et varie
de 38 à 52 m pour le site 1383. Les sédiments sont essentiellement des boues à nannofossiles
avec des niveaux de sables grossiers à foraminifères et parfois des clastes de basalte, de
serpentinite, de gabbro et des débris de bivalves. Les derniers mètres des sections de carotte
APC3 sont constitués de sédiments argileux bruns potentiellement affectés par des apports
hydrothermaux. Le carottage XCB4 à l’interface sédiment-basalte a permis de récupérer
environ 1 m de basalte bréchifié avec du calcaire micritique. Les sédiments ont été très
largement échantillonnés sur le bateau pour le prélévement des eaux interstitielles et pour les
études microbiologiques et géochimiques. La détermination des concentrations en oxygène
dissous montre des profils avec des valeurs minimales dans les profondeurs intermédiaires, ce
qui indique la diffusion de l’oxygène dans la pile sédimentaire à partir des deux interfaces,
avec une consommation d’oxygène par l’activité microbienne aérobique au sein des
sédiments.
En plus des outils traditionnels de diagraphie, un nouvel outil de logging a été utilisé
pour la première fois. Il s’agit du « Deep Exploration Biosphere Investigative tool » qui a été
spécifiquement développé pour la détection de la vie microbienne in situ dans les puits de
forage du plancher océanique.
Des avancées majeures dans l’étude des processus biogéochimiques des flancs de
dorsale est attendue grâce aux observatoires de type CORK. Les nouvelles générations de
CORK instrumentés permettent maintenant de mener des études multidisciplinaires en
hydrogéologie, géochimie et microbiologie, ainsi que de réaliser des expérimentations in situ
sous le plancher océanique. Lors de l’expédition 336, deux observatoires fonctionnels ont été
installés dans les puits nouvellement U1382A et U1383C. Des outils d’échantillonnage et de
mesure ont également été placés dans un puits préexistant (395A). Bien que la tête du CORK
pour le puits 395A se soit cassée et qu’un autre puits ait été abandonné à cause d’une
défaillance du trépan (U1383B), ils restent très utiles pour de futurs observatoires
scientifiques. Le CORK du puits U1382A a été configuré pour l’isolation et l’échantillonnage
d’une seule zone de la partie supérieure de la croûte océanique, comprise entre 90 et 210
mbsf. Le CORK du puits U1383C est en revanche à trois niveaux qui permet
l’échantillonnage d’une première zone constituée de coulées basaltiques avec du calcaire
intercalé (environ 70-146 mbsf), puis d’une zone de coulées basaltiques avec de nombreux
niveaux à hyaloclastites (146-200 mbsf), et enfin d’une zone plus profonde (environ 200331,5 mbsf), composée de laves plus massives avec ponctuellement des hyaloclastites dans la
partie supérieure.
3
4
ACP: Advanced Piston Corer
XCB : Extended Core Barrel
~ 64 ~
b. Un site de premier ordre pour une recherche interdisciplinaire
L’altération de la croûte océanique par l’eau de mer est l’un des processus les plus
importants contrôlant la chimie des océans et la formation des dépôts métallifères des grands
fonds marins. Récemment, le rôle potentiel des micro-organismes endolithiques dans
l’altération basse température de la croûte océanique a été identifié. Cependant, l’étude de la
biosphère profonde au sein de la croûte océanique volcanique est actuellement limitée par
rapport aux études menées dans les sédiments marins profonds.
Afin de mieux comprendre l’importance globale de la biosphère profonde et de son
implication dans les réactions eau-roches, une gamme d’expériences alliant la microbiologie,
la biogéochimie et l’hydrologie va être conduite sur plusieurs années sur le site de North
Pond. Cette expédition IODP permettra, pour la première fois, de mettre en pratique plusieurs
nouveaux traceurs et outils biogéochimiques pour l’étude d’une biosphère profonde active
dans un contexte de flanc de dorsale de basse température. Les équipes françaises de l’Ifremer
et de l’IPGP vont réaliser des approches combinant le marquage moléculaire, l’étude de la
signature en isotope stable (O, C, S, et Fe) et la minéralogie des phases secondaires (ex.
carbonate, pyrite, argile, oxyhydroxydes de fer). L’objectif étant de localiser spécifiquement
au sein des minéraux les cellules individuelles, afin d'enquêter sur leur affiliation
phylogénétique, tout en caractérisant les microhabitats, les interactions passées et les sousproduits métaboliques (i.e. biomineralizations). Ce jeu de données sera interprété dans le
cadre des études de diversité et d’activité microbienne réalisées sur les mêmes échantillons.
Cette approche permettra ultimement de mieux contraindre l'étendue de la colonisation
microbienne en profondeur, sa diversité, son activité, ainsi que son effet dans la spéciation et
la distribution des traceurs chimiques dans la croûte océanique.
Références
Langseth, M. G., Hyndman, R. D., Becker, K., Hickman, S. H., and Salisbury, M. H., 1984, The
hydrogeological regime of isolated sediment ponds in mid-ocean ridges, in Biju-Duval, B., Moore, J. C., and
al., e., eds., Initial Reports DSDP 78, Washington, DC, US Government Printing Office, p. 825-837.
Villinger,
H.
et
al.,
2010,
Cruise
report
Maria
S.
Merian
cruise
MSM11,
http://www.ifm.zmaw.de/fileadmin/files/leitstelle/merian/MSM11/MSM11-1-SCR.pdf.
6. Les variations du niveau marin
a. Position du problème
L’impact de la hausse dramatique du niveau marin liée au réchauffement climatique
global risque d’être directement ou indirectement ressenti par une grande partie de la
population mondiale. Les incertitudes sur les prévisions du niveau marin pour 2100 restent
cependant importantes (0,5 – 2,0 m) puisqu’elles sont basées sur des enregistrements
instrumentaux qui s’étendent sur les derniers 150 ans seulement, et que la dynamique actuelle
des calottes glaciaires en réponse à un réchauffement climatique terrestre contemporain est
mal comprise.
Une des plus importantes préoccupations des chercheurs en Sciences de la Terre est
d’améliorer notre connaissance du rythme et du comportement des calottes glaciaires en
réponse au réchauffement climatique en reconstituant la chronologie, les amplitudes, les taux,
~ 65 ~
les mécanismes, et les effets des variations du niveau marin à différentes échelles de temps.
Contraindre l’histoire des changements du niveau marin permet également de fournir des
données directement utilisables par des chercheurs d’autres disciplines du fait des relations
étroites entre l’eustasie et la croissance des calottes glaciaires et la décomposition, la nutrition
et la productivité océanique, le stockage du carbone et la chimie des océans.
Les enregistrements en continu des sédiment marins apportent des informations sur la
gamme de variabilité du niveau marin, depuis des périodes chaudes, avec des niveaux de CO2
élevés, qui étaient virtuellement sans glace et caractérisées par des niveaux marins d’une
dizaine de mètres plus élevés qu’aujourd’hui (de 100 à 33 Ma), à des périodes pendant
lesquelles les calottes glaciaires de l’Antarctique étaient stables (à partir de 33 Ma) et des
périodes caractérisées par des changements climatiques brutaux pendant lesquelles les calottes
de glaces recouvraient la majorité du Nord de l’Amérique et de l’Europe (2,5 Ma à
aujourd’hui).
Les fluctuations du niveau marin résultent des variations du volume d’eau dans les
océans ou du volume de basins océaniques, du fait de l’interaction spatiale et temporelle
complexe d’un spectre de processus, incluant la subsidence thermique de la lithosphère, la
compaction des dépôts de sédiments, les changements dans l’apport sédimentaire des zones
côtières et dans la charge isostatique et/ou flexurale de la croûte, la redistribution de masse de
la glace terrestre qui affecte le niveau de la mer en déformant le plancher océanique (à travers
la déformation isostatique) et la surface des océans (à travers des changements de gravité), et
divers autres mouvements tectoniques verticaux au niveau des bassins. La reconstitution de la
variation du niveau marin eustatique est donc un défi considérable et nécessite la coordination
de nombreux transects de puits de forage onshore et offshore représentant de multiples
périodes de temps dans des contextes tectoniques et sédimentaires variés, incluant des
systèmes siliciclastiques, carbonatés et mixtes.
b. Les contributions d’IODP et d’ECORD aux études de la variation du
niveau marin
Durant les 5 dernières années, les contributions d’IODP et d’ECORD aux études de la
variation du niveau marin se sont focalisées sur le raffinage de la chronologie, des amplitudes
et des mécanismes des variations du niveau marin eustatique. Parmi les 4 expéditions
réalisées, 2 se sont concentrées sur la période Oligocène - Actuel au niveau de marges
continentales essentiellement siliciclastiques (L’Expédition 313 « New Jersey Shallow Shelf »
en Avril - Juillet 2009 – avec Jean- Noël Proust comme co-chef de mission ECORD – et
l’Expédition 317 « Canterbury Basin » en Novembre 2009 - Janvier 2010), et les 2 autres se
sont focalisées sur les enregistrements haute résolution de la hausse du niveau marin lors de la
dernière déglaciation par les récifs coralliens (23-6 ka ; l’Expédition 310 « Tahiti Sea Level »
en Octobre - Novembre 2005 – avec Gilbert Camoin comme co-chef de mission ECORD – et
l’Expédition 325 « Great Barrier Reef Environmental Change » en Février - Avril 2010).
L’ESO (ECORD Science Operator) a joué un rôle essentiel dans ce projet en opérant trois
campagnes ayant nécessité la mise en œuvre des plates-formes spécifiques (MSP) : les
expéditions 310 (« D/P Hunter »), 313 (« L/B Kayd ») et 325 (« D/V Greatship Maya »).
Les variations du niveau marin de l’Oligocène à l’Actuel au niveau de marges
continentales essentiellement siliciclastiques
~ 66 ~
Les deux expéditions se focalisant sur les variations du niveau marin de l’Oligocène à
l’Actuel au niveau de marges continentales majoritairement siliciclastiques poursuivent
l’effort commun pour l’acquisition d’une large couverture géographique des enregistrements
du niveau marin après la réalisation de plusieurs transects de forage ODP (Ocean Drilling
Program) à travers la marge du New Jersey (ODP Legs 150, 150X, 174A, and 174AX) et les
Bahamas (Leg 166 et sites des plates-formes spécifiques) et la réalisation d’une expérience
ciblée sur l’amplitude du niveau marin sur le Plateau Marion, au Nord-Est de l’Australie (Leg
194). Les objectifs de ces deux expéditions étaient similaires et visaient à comprendre
l’importance relative des niveaux marins globaux (eustasie) à l’Oligocène et à l’Actuel par
rapport à la tectonique locale et aux processus sédimentaires à partir de l’étude des ensembles
sédimentaires (séquences) et de leurs discordances. L’approche utilisée pour déterminer les
amplitudes eustatiques consiste à combiner une structure bien délimitée de séquence
stratigraphique et des analyses de backstripping. Au cours de ces deux expéditions, la
comparaison entre la chronologie des variations du niveau de base et l’âge de la décroissance
du niveau marin prédit par le proxy glacio-eustatique δ18O était considérée comme un objectif
principal afin d’améliorer l’enregistrement des fluctuations du volume des glaces.
Expédition 313 « New Jersey Shallow Shelf »
Pas moins de 15 réflecteurs régionalement cartographiés ont été recoupés au niveau de
plusieurs sites de forage lors de l’Expédition 313 et ont été étudiés en détails par les
sédimentologues et par les stratigraphes d’ECORD (Maria Angela Bassetti, Stephen
Hesselbo, David Hodgson and Marina Rabineau).
Fig. 1 – Chronologie basée sur
l’intégration
des
âges
biostratigraphiques et isotopiques
(Sr) au niveau des sites M0027 –
M0029 de l’expédition 313.
(D’après Mountain, Proust and
Expedition 313 Science Party,
2010, Scientific Drilling, 10, 2634).
~ 67 ~
Les sédiments collectés pendant l’Expédition 313 se sont déposés sur un plateau
continental dominé par les vagues et les rivières, et pendant des intervalles de dégradation de
la pente du clinoforme. L’ensemble sédimentaire a été daté à l’Oligocène supérieur – Miocène
moyen, à partir d’études biostratigraphiques (principalement basées sur les palynomorphes,
les foraminifères et les nanofossiles calcaires) et de datations Rb/Sr effectuées sur des
coquilles de mollusques et des foraminifères. Un diagramme préliminaire Age-Profondeur a
été réalisé (Fig. 1) et sera amélioré au cours des études onshore.
Les variations des paléo-profondeurs sont des données critiques pour estimer
l’amplitude des changements du niveau marin et ont été déterminées à partir de divers
assemblages de microfossiles (foraminifères benthiques, dinokystes et palynomorphes
terrigènes, les deux derniers étant étudiés par des scientifiques d’ECORD, Ulrich Kotthoff et
Francine McCarthy) situés dans des intervalles individuels limités, dans leur partie supérieure,
par des discordances. Ils suggèrent des variations du niveau marin d’une amplitude atteignant
60 m pendant les périodes étudiées. Le constituant eustatique réel impliqué dans ces
variations sera extrait des enregistrements stratigraphiques en utilisant des méthodes de
backstripping qui prennent en compte les effets de la compaction des sédiments, de la charge
(la réponse de la croûte à la masse des sédiments susjacents), et des variations de la
profondeur de l’eau sur la subsidence du bassin.
Expédition 317 « Canterbury Basin »
Forer dans le bassin de Canterbury, sur la marge Est de l'île Sud de la Nouvelle
Zélande, a permis de tirer profit des fort taux d’alimentation de sédiments Néogène qui
préservent un enregistrement haute-fréquence (périodes de 0,1 à 0,5 Ma) des cycles de dépôt.
Fig. 2 – Lithostratigraphie et stratigraphie sismique du bassin de Canterbury (D’après Fulthorpe et al., en
préparation pour être soumis à Scientific Drilling).
19 limites de séquences sismiques datées du Miocène Moyen au Pléistocène ont été
précédemment définies à partir de l’interprétation de séquence stratigraphique et l’Expédition
317 fut destinée à la collecte de « vérités de terrain » pour les 4 séquences supérieures (Fig.
~ 68 ~
2). L’impact des variations du niveau marin a été enregistré à différentes échelles. A très
grande échelle, il a été démontré que les paléo-plateaux Pliocène et ceux plus anciens
n’étaient pas exposés à l’atmosphère au niveau des limites de séquence alors que ceux plus
récents étaient exposés lors de fluctuations eustatiques Pléistocène de forte amplitude. Les
séquences forées lors de l’Expédition 317 sont à la frontière entre la cyclicité de Milankovitch
et des cycles de plus longues périodes, de troisième ordre, sismiquement visibles; la période
de la plupart des séquences sismiques varie de ~0,1 à ~0,4 Ma. L’approche utilisée consiste à
dater les limites des séquences sismiques du clinoforme, en particulier par l’étude
biostratigraphique des nannofossiles, ce qui a été réalisé par Laura Pea (ECORD), à analyser
les faciès associés afin d’apporter des informations pour estimer des amplitudes eustatiques et
à étudier les corrélations à petite échelle entre la lithologie et les limites de séquences
sismiques, à partir des changements de la composition lithologique, de la présence de
sédiments transportés et de la nature des contacts, ce qui a été réalisé par les sédimentologues
d’ECORD Helen Lever and David Kemp.
En complément des travaux sur le niveau marin, d’autres études ont été menées lors de
l’Expédition 317. Les premiers échantillons microbiologiques issus du plancher océanique
dans un contexte de plateau/pente continental(e), incluant l’échantillon le plus profond récolté
pour des études microbiologiques au cours d’un forage océanique scientifique (1925 m au
Site U1352), ont été étudiés par une microbiologiste (Maria-Cristina Ciobanu) et une
géochimiste (Julius Lipp) d’ECORD.
Les enregistrements de la hausse du niveau marin lors de la dernière déglaciation par les
récifs coralliens
Les carbonates de faible profondeur, et spécialement les récifs coralliens, sont
sensibles aux changements environnementaux et aux variations du niveau marin en raison de
la dépendance à la lumière du soleil de nombreux organismes sécrétant des carbonates, et de
leurs besoins écologiques spécifiques (salinités et températures de l’eau de surface, nutriments
et contenus clastiques, etc…). La datation précise des récifs coralliens par spectrométrie de
masse est de première importance pour déterminer la chronologie des événements de
déglaciation et donc pour comprendre les mécanismes à l’origine des cycles glaciaire –
interglaciaire. Les récifs coralliens apportent donc l’enregistrement le plus détaillé et le plus
direct sur les variations du niveau marin, mais ne peut être déterminé que jusqu’au
Pléistocène inférieur.
Les deux expéditions basées sur cette thématique et opérées par ESO sur des platesformes spécifiques, l’Expédition 310 « Tahiti Sea Level » - avec Gilbert Camoin comme cochef de mission ECORD - et l’Expédition 325 « Great Barrier Reef Environmental Change »,
étaient les deux premières expéditions de ce type effectuées par un programme de forage
océanique scientifique. Les deux expéditions étaient liées au même proposal (Proposal #519
by ECORD PI Camoin et al., 2002) et avaient les mêmes objectifs : 1) reconstituer la hausse
du niveau marin lors de la dernière déglaciation (i.e. 23–6 ka), 2) déterminer la variabilité
climatique durant cette période, et 3) évaluer l’impact des changements environnementaux et
des variations du niveau marin sur le développement des récifs.
Expéditions 310 « Tahiti Sea Level » et 325 « Great Barrier Reef Environmental
Changes »
L’Expédition 325 ayant été opérée très récemment (Février-Avril 2010), les résultats
présentés ci-dessous et liés aux trois objectifs listés précédemment concernent principalement
l’Expédition 310.
~ 69 ~
Niveau marin et impact sur le développement des récifs – Les scientifiques d’ECORD
ont joué un rôle essentiel dans l’acquisition des données sur les variations du niveau marin
puisque le contexte chronologique a été déterminé par deux laboratoires géochimiques
Européens (Le CEREGE – Pierre Deschamps – et l’Université d’Oxford – Alexander
Thomas) couplé avec des informations sédimentologiques et paléobiologiques principalement
fournies par Gilbert Camoin (ECORD) – Co-chef de mission de l’Expédition.
Fig. 3 – Courbe du niveau marin de Tahiti reconstruite à partir de datations U/Th sur des coraux
prélevés dans des carottes forées offshore et onshore au niveau de l’île de Tahiti. La courbe
bleue épaisse qui prolonge la courbe marron précédemment déterminée à partir de données
onshore du niveau marin indique clairement la présence de l’événement MWP-1A. (D’après
Deschamps et al., soumis à Nature.).
Une nouvelle courbe pour les derniers 16 ka a été reconstruite à partir des âges U-série
déterminés sur des échantillons de coraux, ce qui fournit alors un enregistrement complet et
détaillé sur la hausse du niveau de la mer pendant cette période clef de la dernière
déglaciation. Ces données apportent des contraintes strictes et définitives sur l’amplitude
(16±2 m) et la durée du Meltwater Pulse (MWP)-1A, indiquant de manière indiscutable que le
MWP-1A a dû se terminer au moins avant 14,3 ka et a très probablement débuté autour de
14,65 ka, ce qui contraste clairement avec la chronologie précédemment déduite de
l’enregistrement des récifs de la Barbade (Fig. 3). Ceci indique que le MWP-1A est
contemporain du réchauffement Bølling, suggérant une relation temporelle, et probablement
causale, entre ces deux grands événements de la dernière déglaciation. La hausse du niveau
marin pendant ce dramatique événement était donc d’environ 50 mm/an, ce qui induit
inévitablement des impacts considérables sur la circulation océanique et le climat global
comme le suggèrent des modélisations numériques récentes. Ces résultats couplés avec des
modélisations d’ajustement glacio-isostatique (GIA) indiquent une importante contribution
des calottes de glace de l’Antarctique dans le Meltwater Pulse (MWP)-1A. Les changements
de composition des assemblages coralliens coïncident avec les variations abruptes du taux de
~ 70 ~
croissance du récif et reflètent la réponse de la pile récifale à croissance ascendante à la
hausse non-monotone du niveau marin et aux changements environnementaux contemporains.
Aucune rupture majeure dans le développement du récif n’est observée entre 16 et 10 ka. Un
« noyage » naissant et un retrait général du complexe récifal a cependant été mis en évidence
dans la fenêtre de temps 14,6-13,9 ka, contemporaine du MWP-1A, ce qui laisse supposer
que la croissance du récif est décalée par rapport à la hausse du niveau marin. Les récifs
s’accrètent principalement par des processus d’aggradation à des taux de croissance de 10
mm/an en moyenne, ce qui exclut donc un impact catastrophique sur le développement du
récif tel que la cessation temporaire de la croissance du récif comme précédemment déduit
des enregistrements existants sur les récifs coralliens.
Les résultats préliminaires obtenus sur les carottes récifales forées pendant
l’Expédition 325 indiquent qu’un enregistrement précis des variations du niveau marin
pendant la dernière période glaciaire complètera les résultats obtenus à Tahiti, démontrant
alors que la stratégie de forage dans ces deux régions, Tahiti et la grande barrière de corail,
était appropriée pour obtenir un enregistrement complet de la hausse du niveau marin lors de
la dernière déglaciation dans le Pacifique Sud.
Des résultats de première importance ont également été obtenus sur la chronologie de
l’avant-dernière déglaciation au niveau de Tahiti lorsque le niveau marin était remonté à ~85
m au-dessous du niveau marin actuel en 137 ka, et avait fluctué sur une échelle de temps
millénaire au cours de la déglaciation. Ceci indique que la pénultième déglaciation a été plus
précoce à l’égard de l’insolation estivale de l’hémisphère Nord que la dernière déglaciation,
initiée lorsqu’elle était à son minimum (Fig. 4).
Fig. 4 – Diagramme du niveau marin pour MIS 3, l’avant-dernière déglaciation et MIS 6. (a) Diagramme Age
vs. Subsidence corrigée de la profondeur. (b) Subsidence/surrection corrigée des élévations des coraux vs. Age,
pour l’avant-dernière déglaciation. (D’après Thomas et al., Science, 324, 1186-1189).
Variabilité climatique – Les coraux collectés au cours de l’Expédition 310 ont conduit
à l’exploration de la variabilité climatique du Pacifique tropical Sud à travers la
reconstruction mensuelle des températures de la surface des océans (SST pour sea-surface
temperatures) pendant diverses fenêtres de temps de la dernière déglaciation. Des
géochimistes d’ECORD, Thomas Felis et Edmund Hathorne, ont développé de nouvelles
~ 71 ~
techniques géochimiques et de nouveaux proxys pour reconstruire les SST. A 15 ka, une
variabilité interannuelle prononcée durant des périodes El Nino-Southern Oscillation (ENSO),
avec des SST plus faibles de 3,5°C par rapport à aujourd’hui, suggère que la variabilité
interannuelle ENSO dans cette région était plus forte à la fin de la dernière déglaciation. A
12,4 et 14,2 ka, correspondant au refroidissement brutal Younger Dryas (YD) et au
réchauffement Bølling–Allerød (B–A) de l’hémisphère Nord, respectivement, la moyenne
annuelle des SST était plus faible de 2,6 à 3,1°C à 12,4 ka et de 1,0 à 1,6°C à 14,2 ka par
rapport aux SST actuelles, sans changements significatifs dans l’amplitude du cycle
saisonnier des SST. Un déplacement de 1,5°C vers de plus faibles SST s’est produit de 13,1 à
12,4 ka, apportant de nouvelles évidences sur un refroidissement prononcé de l’est au centre
du Pacifique tropical Sud pendant l’événement Younger Dryas de l’hémisphère Nord.
7. Formation de la croûte océanique profonde aux dorsales océaniques
La période IODP a connu un nombre relativement restreint d’expéditions dédiées à la
thématique roches « dures ». Trois d’entre elles furent dédiées à la croûte océanique se
formant en contexte de dorsales à taux d’expansion ultra-rapide, où l’apport magmatique est
particulièrement abondant, deux autres se sont intéressées au contexte de dorsale lente, où
l’apport magmatique est, a priori, beaucoup plus restreint et où l’action de grandes failles de
détachement semble dominer la structuration de la croûte océanique. Une expédition sera
consacrée dans quelques mois à la poursuite de l’exploration du Hess Deep, initiée durant la
phase ODP (Expédition IODP 345). Nous dressons ci-dessous un bref bilan de ces opérations.
Des informations complémentaires peuvent être trouvées dans la Thematic Review-2 d’IODP
« Oceanic Crustal Structure and Formation », publication téléchargeable sur le site internet
http://www.iodp.org/trc/2/ et jointe aux documents fournis aux participants des journées
IODP-France d’avril 2012.
a. Contexte d’expansion ultra-rapide
La connaissance géologique (directe) que nous avons de la croûte océanique profonde
est basée sur des observations effectuées dans deux contextes : les ophiolites (fragments de
lithosphère océanique ancienne charriés sur les continents) et les sections de croûte profonde
exposées sur le fond de la mer du fait du jeu de failles. Chacun d’eux présente des limitations
importantes. Le contexte de formation des ophiolites est encore très mystérieux et fortement
débattu : s’agit-il vraiment de témoins fiables des dorsales océaniques ? Ne seraient-ce pas
des reliques d’anciens bassins marginaux ? Cette ambiguïté n’existe pas pour les roches
abyssales, bien entendu, mais l’on est en droit de se demander si les contextes fortement
tectonisés remontant des roches profondes sont représentatifs des processus d’accrétions
océaniques les plus courants. En tous cas, à quelques exceptions près (le Hess Deep et le Pito
Deep dans le Pacifique Est), seule la croûte profonde formée au niveau de dorsales à faible
apport magmatique est accessible par ce biais. Echantillonner la croûte profonde (au moins
son sommet) formée au centre d’un segment de dorsale à forte vitesse d’expansion, à fort
apport magmatique et non détruit par la tectonique fut considéré comme une priorité dès la fin
de la phase ODP.
C’est ce constat qui a motivé le projet de forage « Superfast Crust », soumis
initialement à l’évaluation des comités IODP en 1998. Le choix du site (futur Site 1256, Fig.
~ 72 ~
1) fut dicté par plusieurs critères. La vitesse d’expansion, d’abord : un secteur du Pacifique
caractérisé par des vitesses d’expansion record (atteignant 22 cm/an d’ouverture totale) a été
retenu. Cela donnait accès à un « endmember » dans les processus d’accrétion océanique. De
plus le complexe filonien est d’autant plus mince que la vitesse d’expansion est grande, selon
certaines données sismiques et certains calculs, ce qui augmentait les chances de traverser cet
horizon pour atteindre la croûte profonde supposée avoir cristallisé dans une chambre
magmatique. Un autre critère fut l’absence de tectonique apparente dans les données
sismiques acquises lors du site survey de ce site. Enfin, l’expérience du puits 504B nous avait
appris qu’il était très ardu de forer dans une croûte jeune, instable et chaude (en l’occurrence
5 Ma). Le site 1256 est situé dans une croûte plus âgée (15 Ma) que celle du site 504. Ce
choix s’est avéré excellent, et les hypothèses concernant la faible épaisseur du complexe
filonien correctes, puisque cinq mois de forage environ ont suffi pour atteindre une
profondeur de 1500 m là où 14 mois furent nécessaires pour atteindre 2111 m au niveau du
puits 504B, et que le complexe filonien a bien été traversé sur toute son épaisseur.
Fig. 1. Localisation du Site 1256.
Le forage du puits 1256D a été initié lors du Leg 206 d’ODP et poursuivi au cours des
Expéditions 309 et 312 d’IODP (Fig. 2a). Le résultat emblématique de ces missions est donc
d’avoir atteint l’objectif majeur : la transition entre le complexe filonien et les gabbros du toit
de la chambre magmatique. Plus récemment, l’Expédition 335 (13 Avril – 3 Juin 2011) a été
conduite dans l’espoir de pénétrer plus profondément dans les gabbros de la chambre
magmatique. Espoir déçu en raison de difficultés techniques.
~ 73 ~
a)
b)
Fig. 2. a) Log lithologique, chimique et pétrophysique du puits 1256D à l’issue de l’Expédition IODP 312 ; b)
Log lithologique détaillé de l’interface entre la croûte superficielle (complexe filonien) et la croûte profonde
(gabbros) au niveau du puits 1256D à l’issue de l’Expédition IODP 335.
Il n’empêche qu’atteindre ce niveau de la croûte océanique a permis de mettre en
évidence l’existence d’une zone extraordinairement complexe (hétérogénéité lithologique en
partie responsable des difficultés rencontrées au cours de l’Expédition 335, d’ailleurs) (fig.
2b). Cette interface entre le domaine relativement bien connu de la croûte superficielle et cette
« terra nondum cognita » que constitue la croûte profonde s’est avérée être le siège de
processus fondamentaux pour les échanges entre les enveloppes internes et externes de la
planète. Le magma chaud provenant du manteau et convectant dans la chambre magmatique
est capable d’assimiler la croûte supérieure altérée par l’eau de mer. Les données du puits
1256D, complétées d’observations dans les ophiolites, indiquent de plus que cette zone de
transition entre la chambre magmatique et le complexe filonien est une limite mobile: elle
monte et descend au gré du duel que se livrent magmas et fluides hydrothermaux. Ces cycles
permettent d’accroître considérablement la surface de réaction entre les enveloppes profondes
et superficielles de la planète et gouvernent donc en partie les bilans globaux (carbone,
hydrogène, etc…).
Au-delà de cette avancée majeure, les informations obtenues in situ au niveau du puits
1256D sur la nature et la composition des roches constituant la croûte océanique, sur leurs
~ 74 ~
propriétés physiques, leur état d’altération, etc… sont d’une valeur inestimable pour calibrer
les données géophysiques et donc améliorer les méthodes d’imagerie indirecte de la
lithosphère dans l’ensemble des océans. En particulier, les données du puits 1256D,
confrontées à celles du puits 504B, ont permis de battre en brèche une croyance comme quoi
la transition entre les couches sismiques 2 et 3 (limite entre croûte supérieure et croûte
inférieure définie par une discontinuité de vitesse sismique) ne correspondait pas à une
transition lithologique et chimique (limite entre diabases et gabbros) et reflétait plutôt une
limite physique liée à la fracturation et à la pénétration du front d’altération hydrothermale.
b. Contexte d’expansion lente : Genèse de la croûte océanique au niveau
des grandes failles de détachement
La bathymétrie au niveau des dorsales à faible vitesse d’expansion est infiniment plus
variée et tortueuse que le long des dorsales rapides. Elle témoigne de l’importance des
processus tectoniques dans ces environnements où le taux d’apport magmatique est très
variable dans l’espace et dans le temps, et peut être, localement, très restreint pendant
plusieurs millions d’années. Ce contexte est favorable à la mise à l’affleurement sur le
plancher océanique de surfaces structurales correspondant à de grandes failles normales, dites
« de détachement ». Le plan de faille imagé sur la fig. 3 a une extension d’une dizaine de
kilomètres.
Fig. 3 : Plan d’une faille de détachement
active le long de la dorsale Medio-Atlantique
à 13°19’N, expression en surface d’un
« Oceanic Core Complex » (MacLeod et al.,
2009).
Les expéditions de forage IODP 304 et 305 ont été dédiées à l’étude de l’un de ces
« Oceanic Core Complex » situé vers 30°N le long de la dorsale Medio-Atlantique (MAR) et
appelé Atlantis Massif (fig. 4). Avant ces expéditions, on supposait que ces grandes failles
normales ne se développaient que dans des contextes où l’apport magmatique était quasi nul
(on parlait d’expansion « amagmatique ») où la croûte océanique était donc quasi inexistante
et le manteau sub-affleurant.
Les données géophysiques de surface (sismique,…) et l’échantillonnage par dragage
semblaient confirmer cette hypothèse : des mesures de vitesses sismiques élevées, typiques du
manteau terrestre légèrement altéré par l’eau de mer (« serpentinisé »), avaient été mesurées et
~ 75 ~
les dragues avaient, en effet, remontées des échantillons de péridotites (roches constitutives
du manteau) partiellement transformées en serpentines (fig. 4).
Fig.4 Localisation des sites IODP forés
lors des Expéditions 304-305, MAR
30°N.
Voici ce que les modèles prédisaient (fig. 5): sous ces failles de détachement on
imaginait une mince pellicule de manteau très altéré (serpentinites) passant en profondeur à
des péridotites mantelliques relativement anhydres entrecoupées de rares roches magmatiques
(gabbros, roches issues de la cristallisation de basaltes). Cette association lithologique avait
été observée dans des environnements similaires lors de certains forages (puits ODP 920D,
vers 23°N le long de la dorsale Medio-Atlantique, par exemple) et l’on croyait que c’était la
règle générale.
Fig. 5 : Modèle des
« Oceanic
Core
Complex » avant
les
Expéditions
IODP 304 et 305.
Les Expéditions IODP 304 et 305 furent un grand succès technologique puisqu’elles
permirent de forer un puits (U1309D) de 1415 m avec un taux de récupération rarement
atteint pour des puits aussi profonds (75% du puits a pu être carotté (et quelles carottes !) (fig.
6a-b). Avec le puits 735B foré au cours de la période ODP au niveau de la ride Sud-Ouest
Indienne (1500 m de profondeur et quasi 90% de récupération), le puits U1309D est une des
sources d’information majeures que nous possédions sur la nature de la croûte océanique
formée en contexte d’expansion lente.
~ 76 ~
Fig. 6 : a) Carotte de gabbro récoltée au cours des Expéditions IODP 304 et 305 illustrant le taux de
récupération exceptionnel ; b) Distribution et proportion des lithologies le long du puits U1309D (blanc : pas
de recouvrement). Noter la très grande diversité de type de roches « gabbroïques » dans ce puits.
La surprise fut grande: quasi 100% de ces carottes étaient de nature gabbroïque et non
péridotitique (fig. 6a-b). Autrement dit, la preuve d’une activité magmatique beaucoup plus
importante que prévu là où le modèle et les données sismiques prédisaient la quasi absence de
production de magma ! Ce forage conduisit à formuler un nouveau concept de construction de
croûte océanique le long de failles d’extension lithosphérique s’enracinant dans des corps
magmatiques, illustré dans le schéma de la fig. 7. Ceci illustre la moralité selon laquelle rien
ne peut remplacer l’échantillonnage direct et, dans ces contextes, seul l’outil de forage
permettait d’effectuer un tel échantillonnage.
Fig. 7 : Un des modèles
actuels de formation des
«Oceanic Core Complex »
(Planert et al., 2010).
~ 77 ~
Ce résultat n’est pas anecdotique: il bouleverse nos conceptions sur l’accrétion
océanique. Le paradigme selon lequel la croûte océanique est construite par le magmatisme et,
ensuite, « détruite » par la tectonique a évolué vers un modèle où tectonique et magmatisme
participent tous deux à sa construction (fig. 7). Ceci a de lourdes conséquence pour les calculs
de bilans de chaleur et de matière, les propriétés mécaniques de la lithosphère, les cycles
géochimiques, en particulier ceux des éléments sensibles aux interactions entre roches
magmatiques et fluides hydrothermaux, les zones de failles étant des contextes privilégiées
pour ces échanges.
Bien entendu, ni la grande diversité de type de roches récolté dans ce puits (fig. 7b) ni,
a fortiori, l’organisation, les relations mutuelles de ces lithologies, leur composition, leur état
d’altération et de déformation etc… n’auraient pu être prédit sans forage. On voit sur la figure
7b, entre autres, que des cumulats très « primitifs », produits par la cristallisation fractionnée
de magmas très chauds issus directement de la fusion partielle du manteau (troctolite et
couleurs vertes sur le log) côtoient des cumulats très « évolués », produits par la cristallisation
de magmas ayant eu le temps de se refroidir dans la croûte et de s’enrichir en certains
éléments qui participaient peu à la fabrication des cumulats primitifs, comme le Fe et le Ti
(gabbro à oxydes et couleurs noires sur le log). Un résultat important est que ces lithologies
(et tous les intermédiaires – couleurs bleues), sont réparties de façon totalement aléatoire dans
la croûte accrétée le long d’une faille de détachement. Ceci, avec d’autres arguments d’ordre
structural et géochronologique, est compatible avec une alimentation magmatique
discontinue, la faille normale servant en quelque sorte de drain canalisant les fractions
magmatiques extraites du manteau. La variabilité de l’état de différenciation, de déformation,
etc… des roches gabbroïques pourrait être le reflet de la variabilité dans le temps de l’état
thermique et du rapport magma/roche le long de la faille.
II.
Quelques projets à forte participation française pour le prochain décennal
Ce chapitre présente une brève synthèse de trois projets portés en partie par des
scientifiques français et qui pourraient être réalisés au cours du prochain décennal IODP
(2013-2023). Il s’agit :
(1) du projet « MoHole », dont le but est de réaliser un forage à travers la totalité de la
croûte océanique et d’atteindre la discontinuité croûte/manteau (Moho).
Adresse web du projet MoHole et régions du
Pacifique proposées dans le projet MoHole.
(2) du projet “Bengal Fan” destiné à mieux comprendre les relations entre l’orogenèse
himalayenne et l’évolution du climat (dont la mousson) dans cette région du globe.
~ 78 ~
Photo satellite du Golfe du Bengale, du delta
du Gange et d’une partie de l’Himalaya.
(Image MODIS NASA, 7 novembre 2011).
(3) du projet “GOLD” (Gulf Of Lion Drilling) dédié à la thématique “Messinien”, c’est-àdire aux événements climatiques et tectoniques ayant conduit à des variations
extrêmes du niveau marin en Méditerranée.
Gauche : Logo du colloque de Banyuls-sur-Mer consacré au projet GOLD ; Droite : Carte montrant la
distribution et l’étendue des évaporites messiniennes dans la Méditerranée avec la localisation des sites DSDP
et ODP qui ont forés dans ces dépôts évaporitiques (Rouchy et Caruso, 2006).
Un aperçu plus général des thématiques et des projets de forage pour le prochain
décennal d’IODP est exposé dans le document « New Science Plan » joint à ce rapport sur la
clé USB et téléchargeable sur le site : http://www.iodp.org/Science-Plan-for-2013-2023/. Les
scientifiques français ayant contribué à la rédaction du New Science Plan sont Gilbert Camoin
(membre du « Writing Committee » et du « Steering Committee »), Catherine Mével et
Marguerite Godard.
1. Le MoHole – Voyage vers le manteau terrestre
La formation, l'évolution et le recyclage de la lithosphère océanique sont une des clefs
de la dynamique globale de la planète Terre, dominant notamment sa différentiation chimique
et son évolution physique. Ce processus comprend le transfert de matière et d'énergie depuis
le manteau vers la croûte, puis de la croûte vers l'océan et l'atmosphère. En l'absence de
lumière, la croûte océanique accueille la vie dans des habitats sous-marins et souterrains
uniques, analogue possible des conditions d'émergence de la vie sur Terre. A partir de sa
formation aux dorsales océaniques, la lithosphère océanique échange avec l'eau de mer,
séquestre des matériaux de surface (en particulier eau et CO2), pour finalement les recycler
~ 79 ~
dans le manteau asthénosphérique. Le carbone est un élément fondamental pour la vie et
l'environnement terrestre. Néanmoins, la contribution du manteau, le plus volumineux
réservoir terrestre, au budget global du carbone reste très mal contrainte en l'absence
d'observations directes. Nous n'avons à ce jour aucun échantillon de manteau frais in-situ.
Quelques kilogrammes de péridotites résiduelles fraîches échantillonnés sous une croûte
océanique intacte constitueraient un trésor de nouvelles informations sur la dynamique et
l'évolution de la Terre, comparable à celui qu'ont représenté les échantillons lunaires d'Apollo.
Le projet soumis à IODP en avril 2012 a pour ambition d'être le document de
référence pour les objectifs scientifiques à long terme du projet MoHole; il résulte d'une
longue série de workshops et réunions depuis 2006, en particulier:
- "Mission Moho", Portland, Septembre 2006 (Christie et al., 2006, Ildefonse et al.,
2007)
- "Melting, Magma, Fluids and Life", Southampton, Juillet 2009 (Teagle et al., 2009)
- "INVEST", Bremen, Septembre 2009 (Bach et al., 2010, Ravelo et al., 2010)
- "The MoHole, A Crustal Journey and Mantle Quest", Kanazawa, Juin 2010 (Ildefonse
et al., 2010a, 2010b)
- "Mantle Frontier", Washington DC, Septembre 2010 (Workshop Report Writing
Group, 2011)
Ce document résume aussi la vision actuelle pour la planification, les développements
technologiques et les opérations, telle qu'elle est détaillée dans les rapports des workshops
"MoHole" et "Mantle Frontier" en 2010. Le projet MoHole relève directement des
"challenges" 8, 9 et 10 du plan scientifique d'IODP pour 2013-2023 (New Science Plan, pages
40 à 46). La communauté française y est très présente, notamment via Benoit Ildefonse
(CNRS, Montpellier), qui a mené l'ensemble des activités liées à sa mise en œuvre depuis
2006, et qui est un des porteurs du projet.
L'échantillonnage d'une section complète de la croûte océanique était la motivation
originelle du forage océanique scientifique. Le MoHole se veut le point culminant d'une quête
commencée il y a plusieurs décennies par IODP, ODP et DSDP, depuis la première
proposition de l'AMSOC (American Miscellaneous Society) en 1957 (e.g. Bascom, 1961 ;
Crombie, 1964 ; Teagle and Ildefonse, 2011). Cet objectif a été présent dans tous les
documents de prospective depuis le démarrage du forage océanique scientifique (e.g. Murray
et al., 2002 ; Teagle et al., 2004). La bathymétrie et la structure sismique de la croûte
océanique rapide sont relativement uniformes, et l'essentiel de la croûte subductée dans le
manteau au cours des derniers 200 millions d'années (et qui est donc pertinente pour l'étude
des cycles géochimiques globaux) a été produite aux dorsales rapides. L'objectif du projet
MoHole aujourd'hui est de forer l'intégralité de la croûte océanique aux dorsales rapides,
jusqu'au manteau supérieur (fig. 1). Récupérer pour la première fois des échantillons frais du
manteau in-situ est fondamental pour notre compréhension de la dynamique et de la
différentiation de notre planète. La discontinuité de Mohorovičić, communément appelée
"Moho", est une interface imagée sismiquement, en dessous de laquelle les vitesses d'ondes
compressives sont supérieures à 8 km/s, communément un réflecteur bien marqué entre 5 et 8
km de profondeur dans la lithosphère océanique. A ce jour, les hypothèses sur la nature
géologique du Moho (e.g. est-ce la limite croûte-manteau ?) n'ont jamais été testées. De
nombreuses hypothèses de première importance concernant l'accrétion crustale et les
interactions entre lithosphère, hydrosphère et biosphère, peuvent être testées directement par
forage, et le seront lors de notre voyage vers le manteau (fig. 1).
~ 80 ~
Fig. 1 : Coupe schématique de la lithosphère rapide, et pénétration prévue du MoHole. L'épaisseur des
sédiments et de la croûte supérieure sont celles documentées dans le puits ODP 1256D (en noir sur la figure ;
Wilson et al., 2006). A: Contact complexe filonien / gabbro dans le puits 1256D. B: Ichofossiles microbiens
dans les basaltes de l'ophiolite de Troodos (McLoughlin et al., 2009). C: Schémas des modèles comparés
d'accrétion de la croute inférieure (d'après Korenaga et Kelemen, 1998) et variations schématiques relatives
de paramètres observables en fonction du mode de refroidissement. D: Péridotite mantellique (xénolithe de
Polynésie française; Tommasi et al., 2004).
Les objectifs scientifiques du projet MoHole peuvent être résumés ainsi (cf. fig.1) :
-
Déterminer in-situ la composition, la structure et les propriétés physiques du manteau
supérieur convectif (tel qu'il est fossilisé dans la lithosphère océanique) et
caractériser les processus de migration des liquides magmatiques.
Déterminer la signification géologique du Moho et du litage sismique dans la croûte
rapide.
Déterminer la composition globale de la croûte afin d'établir le lien entre les laves
émises en surface et leur source mantellique.
Déterminer le(s) mode(s) d'accrétion crustale aux dorsales rapides.
Déterminer l'étendue et l'intensité des échanges hydrothermaux entre la lithosphère
océanique et l'eau de mer, et estimer le flux chimique vers le manteau via la
subduction.
Déterminer la contribution de la lithosphère océanique aux cycles géochimiques
globaux, du carbone en particulier.
Déterminer les limites et les facteurs de contrôle de la vie dans la lithosphère
océanique.
Calibrer les mesures sismiques régionales par la mesure sur échantillons et en puits.
~ 81 ~
-
Comprendre l'origine des anomalies magnétiques marines et quantifier la
contribution des roches de la croûte inférieure à la signature magnétique de la croûte
océanique.
Trois régions du Pacifique sont actuellement candidates pour le MoHole, un puits de
6000 mètres ou plus dans la lithosphère océanique rapide (cf. carte au début du chapitre). Le
choix du site du MoHole requiert l'acquisition de données géophysiques supplémentaires dans
ces trois régions. La profondeur d'eau est au minimum de 3500 mètres. Le cadre
géographique et technique des futures opérations du MoHole peut maintenant être construit,
puisqu'il est aujourd'hui technologiquement réalisable. Sa faisabilité a fait l'objet d'une étude
indépendante, commandée par IODP en 2011 (Blade Energy Partners, 2011). Les choix
technologiques et les développements associés seront essentiels pour le succès du projet. La
recirculation continue des boues de forage est la première priorité technologique pour forer un
puits ultra-profond. Les autres points importants nécessitant un développement technologique
sont le forage et la mesure en puits à haute température (≤ 250°C), des trépans spécialisés
pour les roches très dures et abrasives, des tiges de forages à haute résistance en tension, des
boues spécifiques pour les hautes températures, et de nouvelles stratégies de tubage et de
cimentage. Les rapports des deux workshops en 2010 insistent sur le besoin à court terme d'un
travail de planification détaillé du MoHole, permettant aux scientifiques et aux ingénieurs de
travailler ensemble dès maintenant à l'identification des solutions à mettre en œuvre.
Références
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2. Enregistrement Néogène et Paléogène récent de l’orogenèse Himalayenne et
du climat : un transect à travers le cône du Bengale
Le projet IODP 552 s’inscrit dans la problématique des relations climat-érosiontectonique et est destiné à reconstituer un enregistrement de l’érosion du bassin Himalayen
depuis l’Oligocène. Cet enregistrement doit permettre de documenter l’initiation de la
surrection himalayenne pour laquelle nous ne disposons que de très peu d’indices entre 20 et
40 millions d’années, de documenter des taux d’érosion continus et fiables sur les 20 derniers
millions d’années et de comprendre certain processus de transport sédimentaires dans les
mega-fans sédimentaires (fig. 1). Les données permettront de tester des modèles d’évolution
de la chaîne himalayenne en fonction de son contexte tectonique et de ses interactions
superficielles avec la mousson asiatique ou le cycle global du carbone.
Ce projet a été initié en 1999 et est complet depuis les derniers survey réalisés en 2006
dans le cadre de la mission RV-Sonne SO-188. Le projet a été examiné par le SSP (Site
Survey Panel) en 2008 et est classé n°1 dans l’Océan Indien depuis. Un atelier de synthèse sur
les propositions IODP dans l’Océan Indien s’est tenu à Goa fin 2011 et a confirmé l'intérêt de
la communauté pour ce projet. Peu d’autres projets IODP sont réalisables dans l’Océan Indien
car la plupart des autres projets sont situés en mer d’Arabie dans des zones interdites pour des
raisons de sécurité. D’autres projets associés à cette thématique sont programmés ou prévus
en mer de Chine. Enfin un atelier Magellan est prévu en septembre 2011 avec nos collègues
de l’Université de Brême pour l’élaboration d’une proposition de forage dans la partie
septentrionale du cône du Bengale. Il s’agit de produire un enregistrement à très haute
résolution temporelle de l’érosion pour documenter les relations entre climat, érosion et
subsidence au sud du Bangladesh. Ce volet « court terme » est particulièrement important
pour comprendre les processus qui contrôlent la stabilité du Bangladesh et est très
complémentaire des approches long terme.
~ 83 ~
Fig. 1 : Coupe sismique interprétée E-W du cône du Bengale. En rouge le transect de six forages du
projet IODP 552 à travers le cône du Bengale à 8°N. Le forage le plus oriental doit permettre d’atteindre
des sédiments allant jusqu’à 35-40 millions d’années. Les lentilles grisées figurent les principaux
chenaux de transport turbiditique.
En France, les travaux récents dans ce domaine portent essentiellement sur des
approches préparatoires pour comprendre les processus de transfert sédimentaires depuis les
zones d’érosion actives en Himalaya jusqu’au basin océanique (fig. 2). Il s’agit à la fois de
calibrer des traceurs minéralogiques et géochimiques qui pourront êtres appliqués sur ce type
de sédiments et de comprendre le lien entre les conditions climatiques sur les derniers cycles
climatiques et les processus d’érosion. Ces travaux ont permis en particulier de comprendre et
de quantifier les flux de carbone organiques et inorganiques associés à l’érosion actuelle de
l’Himalaya à partir des sédiments de rivières. Des approches parallèles ont permis de tester
des traceurs quantitatifs des taux d’érosion et de provenance des produits d’érosion. Enfin des
enregistrements sédimentaires en mer et dans la plaine du Gange sont étudiés pour
reconstituer l’évolution de l’érosion au cours du dernier cycle glaciaire-interglaciaire.
~ 84 ~
Fig. 2 : Etude des sédiments transportés par le Gange - (a) image des vitesses d’écoulement de l’eau dans
une section du Gange au Bangladesh, obtenue avec une sonde acoustique. Localement, sur une verticale, un
profil d’échantillonnage de matière en suspension a été réalisé : (b) Profil des concentrations, (c) Spectres
granulométriques aux différentes profondeurs d’échantillonnage, (d) Profils des diamètres de grain médian
(D50) et maximum (D84), (e) Profils des concentrations en SiO2 et Al2O3 de la matière en suspension. Cet
échantillonnage illustre la ségrégation granulométrique, minéralogique et géochimique qui existe entre le
fond et la surface d’une tranche d’eau. L’intégration de ces variations dans le temps et l’espace ont permis
d’extrapoler pour le Gange les caractéristiques moyennes des sédiments transportés.
Références récentes sur le sujet
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Brahmaputra river system: Silicate weathering, CO2 consumption and Sr flux. Chemical Geology 234, 308320.
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erosion: a geological stabilisation of carbon in the crust. Science 322, 943-945.
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3. Forages profonds méditerranéens – Le projet GOLD
Les bassins de la Méditerranée sont à bien des égards des laboratoires naturels tant sur
la formation et l’évolution des marges, l’enregistrement sédimentaire, l’influence de l’héritage
tectonique et du flux sédimentaire sur les mouvements verticaux. D’autre part, un événement
géodynamique majeur, caractérisé par la chute brutale du niveau marin en Méditerranée, a eu
lieu lors de la crise de salinité messinienne (autour de 6 Ma) (cf. carte de la distribution des
évaporites messiniennes au début du chapitre). Il nous fournit de formidables repères
géologiques et chronologiques, aussi bien en mer qu'à terre, permettant une approche « source
to sink » afin d’étudier les relations entre érosion, sédimentation et mouvements verticaux
associés.
Le projet GOLD (Gulf Of Lion Drilling) se situe en Méditerranée occidentale (cf. cidessous). Son but est de réaliser le 1er forage profond jamais foré dans le Golfe du Lion, à 200
km des côtes, afin d’étudier les variations du climat global et celles du niveau marin, les
~ 86 ~
événements extrêmes comme le Messinien, la formation et l’évolution de marges passives, et
la biosphère profonde, c’est-à-dire la limite de la vie dans des conditions de pression, de
température ou de salinité extrêmes. Le forage pourrait aussi fournir de nouveaux éléments
concernant les ressources naturelles, le stockage du CO2, les minéraux rares…
Ce forage, accessible sous 2400 m d'eau en pied de talus, traversant 7 à 7,5 km de
sédiments représentant 23 millions d’années de dépôts, jusqu’au socle, nécessite un navire
foreur équipé d’un BOP (Blow Out Preventer) permettant de traverser la couche salifère
messinienne d’un kilomètre d’épaisseur (jamais atteinte). Aucun forage académique précédent
n’a traversé cette couche âgée d’environ 5,5 Ma, et encore moins les dépôts sous-jacents
antérieurs. Cette réalisation est désormais possible pour les scientifiques internationaux grâce
au nouveau navire foreur de recherche japonais, le Chikyu, de la branche japonaise de l’IODP
(JAMSTEC-CDEX).
Le projet, qui regrouperait autour d’une très grande infrastructure une centaine de
chercheurs internationaux et une large palette de disciplines des sciences de la mer (géologie,
microbiologie, géochimie, géophysique, biologie) et des sciences de l’ingénieur
(instrumentation, traitement du signal) est un véritable challenge scientifique et technique.
Les retombées aussi bien d’ordre scientifique qu’économique sont immenses et multiples.
Un dossier devrait être déposé auprès d’IODP en avril 2012.
Colloque de Banyuls
Le projet GOLD a été l’occasion d’un colloque international, du 19 au 22 Octobre
2010 au laboratoire de Banyuls-sur-Mer, qui a regroupé 60 participants issus de 12 pays et
comprenant des intervenants de 5 compagnies pétrolières (Total, Melrose, Statoil, Petrobras,
~ 87 ~
Sonatrach). Les présentations (keynotes) et l’animation des différentes sessions ont été
assurées par des scientifiques du JAMSTEC, de l’IFREMER, de l’IFP-Energies Nouvelles, de
l’INSU, de l’Univ. Européenne de Bretagne, de l’Action Marges, de GéosciencesMontpellier, de l’IUEM, de l’UPMC, du BRGM, de Petrobras, de Melrose et enfin
d’ECORD-IODP (http://wwz.ifremer.fr/drogm/Colloques/Gold-Project-Banyuls).
Le compte-rendu du colloque peut être trouvé sur le site de l’ESF-Magellan
(http://www.esf.org/magellan – cliquer sur Science Meetings) ou dans une communication à
la Newsletter ECORD N°16, April 2011 p.12 également disponible sur http://halinsu.archives-ouvertes.fr/insu-00590331/fr/. La majeure partie des interventions, nonconfidentielles, a été filmée et est disponible sur le site
de l’UPCM :
http://www.congres.upmc.fr/gold/.
A la suite de ce colloque, l’équipe directrice du projet GOLD a été adoptée :
Scientific Leader : Marina RABINEAU, LDO, IUEM – Brest
Comité directeur :
- M. Rabineau
- Junichiro Kuroda, Institute for Research on Earth Evolution Japan Agency for MarineEarth Science and Technology, FREE/JAMSTEC, Japon
- Andre Droxler, Dept of Earth Science, Rice University, Houston, Texas, USA
- Nobuhisa Egushi, Center for Deep Earth Exploration (CDEX), JAMSTEC, Japan
Steering comitee :
- France : D. Aslanian (IFREMER), C. Gorini (UPMC), K. Alain (LM2E), N.
Thouveny (CEREGE), O. Rouxel (IUEM), J. Lofi (Univ. Montpellier), F. Lucazeau
(IPGP), F. Roure (IFP-Energies Nouvelles), E. Burov (UPMC), J.-P. Suc (UPMC), B.
Dennielou (IFREMER)
- Japan : K. Takai (JAMSTEC), F. Inagaki (JAMSTEC), M. Takeuchi (AIST), N.
Ohkouchi (JAMSTEC)
- USA : J. Amend, B. Haq (NSF), L. Giosan (WHOI), G. Scott (BGC), Al Deino
(BGC), S.-M. Popescu (LSU)
- Canada : M. Constantin (Univ. Laval)
- Nouvelle-Zélande : F. Bacje (GNS Science, Wellington)
- Allemagne: K-U Hinrichs (Marum, Bremen)
- Royaume-Uni. : R. Flecker (Univ. Bristol), T. Mc Genity (Univ. Essex)
- Italie : F. Lirer, (IAMC-CNR, Napoli), D. Praeg (OGS, Trieste), M. Sproveri IAMCCNR, Napoli), S. Lugli (Univ. di Morano), V. Manzi (Univ. di Parma)
- Espagne : F. Sierro (Univ. Salamanca), J. Hernandez-Molina (Univ. Vigo)
- Suisse : J. Mc Kenzie (ETH, Zurich)
- Pays-Bas : S. Cloetingh (VU, Amsterdam)
Impact économique (rédigé pour le projet EQUIPEX-non retenu)
L’impact économique du projet GOLD intéresse deux axes. Le premier concerne les
retombées du forage GOLD sur des applications économiques telles que :
- la recherche pétrolière : hormis le potentiel pétrolier sous le sel de la marge du Golfe
du Lion, le projet GOLD devrait permettre de mieux comprendre, à partir des
questions ciblées qui lui sont adressés, le processus de genèse général des marges
passives, leur évolution thermique, et la nature des terrains sous le sel, trois
paramètres cruciaux dans la formation des hydrocarbures.
~ 88 ~
-
La recherche minière, l’échantillonnage des séries salifères et anté-salifères offrira un
potentiel pour la recherche de minéraux rares à fort potentiel économique (ex :
Lithium, terres-rares) – non pas uniquement en vue d’une exploitation, mais comme
laboratoire d’étude naturel.
- L’étude de la séquestration du CO2 (test sur l’étanchéité de la couche de sel).
- L’industrie pharmaceutique, liée au volet de la biosphère profonde et à l’étude des
organismes vivants dans des conditions extrêmes.
Le deuxième concerne l’activité en elle-même autour du forage GOLD :
- Ravitaillement de la plateforme (humain et matériel).
- Ravitaillement de la plateforme (alimentaire, consommables, etc…).
- Utilisation des engins maritimes de la région concernée.
- Développement des études d’impact sur l’environnement.
- Développement de techniques nouvelles : Energies Renouvelables Marines
embarquées sur la plateforme pour limiter le CO2…
Projet compagnon AMD (Algerian Margin Drilling)
A la suite du colloque international à Banyuls, la SONATRACH nous a invité les 28
et 29 juin 2011 à présenter nos travaux et notre projet GOLD et à considérer la faisabilité
d’un forage compagnon sur la marge Algérienne. La marge algérienne possède une histoire
plus complexe que celle du Golfe du Lion et certains thèmes ne peuvent pas être abordés de
la même façon (par exemple, la situation géographique de la marge algérienne ne permet pas
la même approche pour la paléoclimatologie) mais d’autres thèmes surgissent, comme
l’instrumentation du puits de forage en vue de l’étude des risques sismiques, et l’intérêt
d’avoir deux forages compagnons, AMD (Algerian Margin Drilling) au Sud et GOLD au
Nord de la Méditerranée occidentale, sur la majeure partie des thèmes scientifiques est
apparu clairement autant aux participants de cette réunion à Alger, qu’au comité directeur du
Projet GOLD, et au correspondant du JAMSTEC, institut japonais qui s’occupe du bateau
foreur Chikyu. Nous avons également interpellé la direction d’IODP, favorable au projet
AMD, sur la question de la confidentialité d’une partie des données du projet AMD et des
solutions semblent à l’étude.
GOLD dans la presse
Le projet a reçu un large écho dans la presse :
-
Dépêche de l’AFP – Avril 2010.
Interview téléphonique le 5 Mai 2011 Sébastien Garnier – Radio France Bleu –
Hérault. Emission du 6 Mai à 7h20 (3 minutes).
Article Midi Libre, 5 Mai 2011 Cet épais mystère en sous-sel dans le Golfe du Lion
Interview téléphonique le 9 Mai 2011 Francois David – Radio France – Perpignan.
Emission dans la semaine (doit envoyer CD).
Invitée du Jour de Florence Gault, RCF Méditerranée – le 12 Mai 2011 en direct
émission de 7h20.
Interview téléphonique le 13 Mai 2011 Pierre-Louis Pagès – Nice Matin
http://liesidotorg.wordpress.com/2011/05/04/le-forage-gold-de-la-mediterranee/
Interview téléphonique Janvier 2012, Hervé Kempf – Le Monde, publication article
paru le 17 Janvier 2012.
Interview téléphonique Janvier 2012, Olivier Schlama – Midi libre, publication
article paru le 23 Janvier 2012.
~ 89 ~
~ 90 ~
Lexique des abréviations
3F : Fluide, Flux, Faille
ACEX : Artic Coring EXpedition
AGU : American Geophysical Union
AIST : Advanced Industrial Science and Technology
AMD : Algerian Margin Drilling
AMSOC : American Miscellaneous SOCiety
ANZIC : Australian-New Zealand IODP Consortium
APC : Advanced Piston Corer
B–A : Bølling–Allerød
BCR : Bremen Core Repository
BGC : Berkeley Geochronology Center
BGS : British Geological Survey
BRGM : Bureau de Recherches Géologiques et Minières
GEC : Laboratoire Géosciences et Environnement Cergy
CEREGE : Centre Européen de Recherche et d’Enseignement des Géosciences de
l’Environnement
CDEX : Center for Deep Earth eXploration
CFR : Centre des Faibles Radioactivités
CGS : Centre de Géochimie de la Surface
CNEXO : Centre National pour l’Exploitation des Océans
CNRS : Centre National de la Recherche Scientifique
COL : Consortium for Ocean Leadership
COM : Centre Océanologique de Bretagne
CORK : Circulation Obviation Retrofit Kit
CREGU : Centre de Recherches sur la Géologie des Matières Premières Minérales
CRG : Centre de Recherche Géophysique
CRISP : Costa Rica Seismogenesis Project
CRPG : Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques
DONET : Dense Ocean-floor Network system for Earthquakes and Tsunamis
DSDP : Deep Sea Drilling Project
DT - CNRS : Division Technique INSU - Centre National de la Recherche Scientifique
DyETI : Dynamique et Evolution de la Terre Interne
ECORD : European Consortium for Ocean Research Drilling
EDP : Engineering Development Panel
EGERIE : Equipe Géodynamique d’Echanges Recherche Industrie Enseignement
EGU : European Geosciences Union
EMA : ECORD Managing Agency
ENS : Laboratoire de Géologie de l’Ecole Normale Supérieure
ENS - Lab. Géol. : Laboratoire de Géologie de l’Ecole Normale Supérieure
ENSM : Ecole Nationale Supérieure des Mines
ENSO : El Nino-Southern Oscillation
EPC : European Petrophysics Consortium
EPOC : Environnements et Paléoenvironnements Océaniques et Continentaux
EPR - E : Esso Production Research – European
EPSP : Environmental Protection and Safety Panel
ERA-Net : European Research Area Networks
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ESF : European Science Foundation
ESO : ECORD Science Operator
ESSAC : ECORD Science Support and Advisory Committee
ETH : Eidgenössische Technische Hochschule Zürich (Swiss Federal Institute of Technology
Zurich)
GET : Géosciences Environnement Toulouse
GOLD : Gulf Of Lion Drilling
GSC : Géologie des Systèmes Carbonatés
GCR : Gulf Coast repository
GIA : Glacial Isostatic Adjustment
HAL : Hyper Articles en Ligne
IAMC-CNR : Istituto per l'Ambiente Marino Costiero del Consiglio Nazionale delle
Ricerche (Institute for Coastal Marine Environment of the National Research Council)
IF : Impact Factor
IFP : Institut Française du Pétrole
IIS-PPG : Industry-IODP Science Program Planning Group
IFREMER : Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer
IMPMC : Institut de Minéralogie et de Physique des Milieux Condensés
INSU : Institut National des Sciences de l’Univers
INTECHMER : Institut National des Sciences et Techniques de la Mer
IODP : Integrated Ocean Drilling Program ou International Ocean Discovery Program
IODP-MI : IODP Management International
IOs : Implementing Organizations
IPGP : Institut de Physique du Globe
IPG Strasbourg : Institut de Physique du Globe de Strasbourg
IPOD : International Program for Ocean Drilling
ISP : Initial Science Plan
ISTeP : Institut des Sciences de la Terre de Paris
ISTerre : Institut des Sciences de la Terre (Grenoble)
ISTO : Institut des Sciences de la Terre d’Orléans
IUEM : Institut Universitaire Européen de la Mer
IRAMIS : Institut Rayonnement Matière de Saclay (Anciennement Laboratoire Pierre Süe–
DRECAM)
IRD : Institut de Recherche pour le Développement
JAMSTEC : Japan Agency for Marine-earth Science and TEChnology
J-DESC : Japan Drilling Earth Science Consortium
JGS : Geological Society of Japan
JEODI : Joint European Ocean Drilling Initiative
JpGU : Japan Geoscience Union
KCC : Kochi Core Center
KIGAM : Korea Institute of Geoscience and Mineral Resources ( Interim Asian Consortium)
LaRGe : Laboratoire de Recherche en Géosciences et Energies
LDO : Laboratoire Domaines Océaniques (IUEM)
LGHF : Laboratoire de Géophysique et Hydrodynamique en Forage
LGIT : Laboratoire de Géophysique Interne et Tectonophysique
LM2E : Laboratoire de Microbiologie des Environnements Extrêmes
LMF : Laboratoire de Mesures en Forages
LOCEAN : Laboratoire d’Océanographie et du Climat - Expérimentations et Approches
Numériques
LSCE : Laboratoire des Sciences du Climat et l'Environnement
~ 92 ~
LSGM : Laboratoire de Sédimentologie et Géochimie Marines
LSU : Louisiana State University
LWD : Logging While Drilling
MEXT : Japan’s Ministry of Education, Culture, Sports, Science and Technology
MIS : Marine Isotope State
MOST : People’s Republic of China Ministry of Science and Technology
MoES : Ministry of Earth Science, India
MoU : Memorandum of Understanding
MNHN : Museum National d’Histoire Naturelle
MNHM - Lab. Géol. : Laboratoire de Géologie du Muséum National d’Histoire Naturelle
MSP : Mission-Specific Platforms
MWP : Meltwater Pulse
NanTroSEIZE : Nankai Trough SEIsmogenic Zone Experiment
NanTroSLIDE : Nankai Trough Submarine Landslides History
NEPTUNE Canada : North East Pacific Time-series Undersea Network Experiments
NSF : U.S. National Science Foundation
OGS : instituto nazionale di Oceanografia e di Geofisica Sperimental (National Institute of
Oceanography and Experimental Geophysics)
ODP : Ocean Drilling Program
ORSTOM : Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer (actuellement IRD)
OTF : Operations Task Force
Paris VI : Université Pierre et Marie Curie (UPMC)
Paris VII : Université Paris-Diderot
Paris XI : Université Paris Sud Orsay
PEAT : Pacific Equatorial Age Transect
PEP : Proposal Evaluation Panel
R&D : Research and Development
ROV : Remotely Operated Vehicle
RRD-DPG : Detailed Planning Group on Rapid Response Drilling following the Tohoku
Earthquake
SAS : Science Advisory Structure
SASEC : Science Advisory Structure Executive Committee
SCP : Site Characterization Panel
SEIZE : SEIsmogenic Zone Experiment
SIPCOM : Science Implementation and Policy Committee
SOCs : Science Operation Costs
SPC : Science Planning Committee
SSEP : Science Steering and Evaluation Panel
SSP : Site Survey Panel
SST : Sea-Surface Temperatures
STP : Scientific Technology Panel
TEL : Thèses En Ligne
TGIR : Très Grandes Infrastructures de Recherche
UBO : Université de Bretagne Occidentale
UPJV - Lab. Géol. : Laboratoire de géologie de l’Université de Picardie Jules Verne
USSAC : U.S. Science Advisory Committee
UV : Vrije Universiteit Amsterdam (University Amsterdam)
WHOI : Woods Hole Oceanographic Institution
XCB : Extended Core Barrel
YD : Younger Dryas
~ 93 ~
~ 94 ~
Annexe_Participants
Liste des français ayant embarqués ou allant embarquer sur une Expédition IODP (hors Expéditions en cours de staffing à la fin du mois de février 2012).
(En gras : co-chefs de mission, en italique : loggeurs, souligné: enseignants)
Exp.
302
Année Nom
2004
Frédérique Eynaud
Spécialité "officielle"
Micropaleontologist (foraminifers)
Affiliation (Nom actuel des laboratoires)
EPOC, Univ. Bordeaux I, Talence
302
2004
Jérôme Gattacceca
Paleomagnetist
CEREGE, Univ. Aix-Marseille III, Aix-en-Provence
303
2004
Alain Mazaud
Paleomagnetist
LSCE, Gif-sur-Yvette
304
2004
Florence Einaudi
Logging Staff Scientist
Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II
304
2004
Muriel Andréani
Metamorphic Petrologist
IPG, Paris
304
2004
Marguerite Godard
Geochemist
Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II
304
2004
Marion Drouin
Metamorphic Petrologist
Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II
305
2005
Daniele Brunelli
Igneous Petrologist
Lab. Pierre Süe–DRECAM (IRAMIS), Gif sur Yvette
305
2005
Javier Escartín
Structural Geologist
IPG, Univ. Paris VI, Paris
305
306
2005
2005
Benoît Ildefonse
Yohan J.B. Guyodo
Co-chief Scientist
Paleomagnetist
Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II
LSCE, Gif-sur-Yvette
307
2005
Philippe Léonide
Organic Geochemist
GSC, Univ. Provence, Marseille
309
2005
Christine Laverne
Metamorphic Petrologist
Lab. Pétrologie Magmatique, Univ. Aix-Marseille III
309
2005
Carole Cordier
Igneous Petrologist
IUEM, UBO, Plouzané
309
2005
Florence Einaudi
Logging Staff Scientist
Géosciences Montpellier
309
2005
Akram Belghoul
Logging Trainee
Géosciences Montpellier
310
310
2005
2005
Gilbert Camoin
Hendrik Braaksma
Co-chief Scientist
Petrophysics Staff Scientist
CEREGE, Aix-en-Provence
Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II
310
2005
Guy Cabioch
Carbonate Sedimentologist
IRD, Nouméa
310
2005
Pierre Deschamps
Inorganic Geochemist
CEREGE, Aix-en-Provence
310
2005
Florence Einaudi
Logging Engineer, Assistant
Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II
310
2005
Gilles Henry
Logging Engineer
Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II
311
2005
Marie-Madeleine Blanc-Valleron
Sedimentologist
Lab. Géologie, MNHM, Paris
312
2005
Christine Laverne
Metamorphic Petrologist
Lab. Pétrologie Magmatique, Univ. Aix-Marseille III
312
2005
Julie Carlut
Paleomagnetist
Lab. Géologie, ENS, Paris
313
313
2009
2009
Jean-Noël Proust
Maria-Angela Bassetti
Co-chief Scientist
Modeller / Stratigraphic Correlator
Géosciences Rennes, Univ. Rennes I
IUEM, Plouzané
313
2009
Marina Rabineau
Sedimentologist
IUEM, Plouzané
313
2009
Christophe Basile
Petrophysicist / Physical properties specialist
ISTerre, Univ. Joseph Fourier, Grenoble
313
2009
Johanna Lofi
Petrophysics Staff Scientist
Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II
313
2009
Simon Barry
Logging Engineer
Géosciences Montpellier
313
2009
Vanessa Hébert
Logging Engineer
Géosciences Montpellier
313
2009
Gérard Lods
Logging Engineer
Géosciences Montpellier
313
2009
Denis Neyens
Logging Engineer
Géosciences Montpellier
314
2007
Sylvain Bourlange
LWD Specialist (Physical Properties)
CRPG, Nancy
314
2007
Marianne Conin
LWD Specialist (Physical Properties)
CEREGE - College de France, Aix en Provence
315
315
2007
2007
Siegfried Lallemant
Vincent Famin
Co-chief Scientist
Structural Geologist
GEC, Univ. Cergy-Pontoise
Géosciences Réunion - IPGP, Univ. Réunion, Saint-Denis
315
2007
Pierre Henry
Physical Properties Specialist
CEREGE - College de France, Aix-en-Provence
316
2008
Olivier Fabbri
Structural Geologist
Chrono-Environnement, Univ. Franche-Comté, Besançon
316
2008
Laurent Louis
Physical Properties (hydrogeology)
GEC, Univ. Cergy-Pontoise
317
2009
Maria-Cristina Ciobanu
Microbiologist
IUEM, Plouzané
319
2009
Christophe Buret
Sedimentologist
Lab. de Géologie, UPJV, Amiens
319
2009
Marianne Conin
Physical Properties / Downhole Measurements Specialist
CEREGE - College de France, Aix-en-Provence
319
2009
Mai-Linh Doan
ISTerre, Univ. Joseph Fourier, Grenoble
321
2009
Catherine Beltran
Physical Properties / Logging Specialist
Sedimentologist
ISTeP, Univ. Paris VI
321T
2009
Jean-Luc Berenguer
SOR (School Of Rock) Teacher
Centre International de Valbonne
322
2009
Christine Destrigneville
Inorganic Geochemist
GET, UPS, Toulouse
322
2009
Shasa Labanieh
Petrologist
ISTerre, Univ. Joseph Fourier, Grenoble
323
2009
Catherine Pierre
Physical Properties Specialist
LOCEAN, Univ. Paris VI
324
2009
Claire Carvallo
Paleomagnetist
IMPMC, Univ. Paris VI
324
2009
Adélie Delacour
Igneous Petrologist (alteration)
IPG, Paris
325
2010
Raphaël Bourillot
Carbonate Sedimentologist
Biogéosciences, Univ. Bourgogne, Dijon
325
2010
Didier Loggia
Physical Properties Specialist
Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II
325
2010
Claire Seard
Carbonate Sedimentologist
CEREGE, Aix-en-Provence
327
2010
Sylvain Morvan
CORK Engineer
Lab. Géologie, ENS, Paris
327
2010
Jean-Marie Gautier
Outreach Officer (Teacher at sea)
College Jean Vilar, Saint Sever, Calvados
327
2010
Brigitte Thiberge
Outreach Officer (Teacher at sea)
Lycée Alain Chartier, Bayeux, Calvados
328
2010
Jean-Noël Puig
SOR (School Of Rock) Participant
College Marguerite de Navarre, Pau
329
2010
Laurent Toffin
Microbiologist
IFREMER, Plouzané
330
2011
Fabien Deschamps
Petrologist (Alteration)
ISTerre, Univ. Joseph Fourier, Grenoble
330
2011
Cédric Hamelin
Petrologist
IPG, Paris
331
2010
Jean-Louis Birrien
Microbiologist
IUEM, Plouzané
333
333
2010
2010
Pierre Henry
Marion Garçon
Co-chief Scientist
Inorganic Geochemist
CEREGE, Aix-en-Provence
ISTerre, Grenoble
333
2010
Boris Marcaillou
Physical Properties Specialist
LaRGe, UAG, Pointe à Pitre, Guadeloupe
~ 95 ~
334
2011
Marianne Conin
Dowhnhole Tools / Physical Properties Specialist
CEREGE, Aix-en-Provence
334
2011
Arnauld Heuret
Structural Geologist
Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II
335
2011
Benoît Ildefonse
Co-chief Scientist
Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II
335
2011
Marguerite Godard
Inorganic Geochemist
Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II
335
2011
Lydéric France
Alteration Petrologist
CRPG, Nancy
335
2011
Bénédicte Abily
Alteration Petrologist
GET, UPS, Toulouse
336
2011
Nicolas Backert
Sedimentologist
Géosystèmes, Univ. Lille I, Villeneuve d'Ascq
336
2011
Paul Le Campion
Petrologist
IPG, Paris
336
2011
Olivier Rouxel
Petrologist
IFREMER, Plouzané
339
2011
Johanna Lofi
Logging Staff Scientist
Géosciences Montpellier, Univ. Montpellier II
339
2011
Emmanuelle Ducassou
Sedimentologist
EPOC, Univ. Bordeaux I, Talence
339
2011
Maria Fernanda Sanchez Goni
Palynologist
EPOC, Univ. Bordeaux I, Talence
340
340
2012
2012
Anne Le Friant
Georges Boudon
Co-chief Scientist
Structural Geologist
IPG, Paris
IPG, Paris
340
2012
Sara Lafuerza Colas
Physical Properties / Downhole Measurements Specialist
IPG, Paris
340
2012
Benoît Villemant
Inorganic Geochemist
IPG, Univ. Paris VI, Paris
341
2013
Guilhem Hoareau
Inorganic Geochemist
Chrono-Environnement, Univ. Franche-Comté, Besançon
341
2013
Emmanuel Chapron
Sedimentologist
ISTO, Univ. Orléans, Orléans
342
2012
Slah Boulila
Sedimentologist
ISTeP, Univ. Paris VI
342
2012
Cécile Cournede
Physical Properties Specialist
CEREGE, Aix-en-Provence
~ 96 ~
Annexe_Expeditions
Caractéristiques de l'ensemble des Expéditions IODP (sauf Expédition 347 dont les dates ne sont pas encore précisées)
(Mise à jour fin février 2012)
Exp.
Nom
Plate-forme
Date
Zone géographique
Site
Thématique
Co-chef de mission
301
Juan de Fuca Hydrogeology
Joides Resolution
27.06.04 - 21.08.04
Juan de Fuca
1026 et U1301
DBSO
Fisher A. & Urabe T.
Joides Resolution
21.08.04 - 25.09.04
Marge du Costa Rica
1253 – 1255
DBSO / SECG
Kastner M.
MSP - Vidar Vicking,
07.08.04 - 15.09.04
Ocean Arctic
M0001 - M0004
ECPE
Backman J. & Moran K.
301T
Costa Rica Hydrogeology
302
Arctic Coring EXpedition (ACEX)
303
North Atlantic Climate 1
304
305
306
307
Oceanic Core Complex Formation,
Atlantis Massif 1
Oceanic Core Complex Formation,
Atlantis Massif 2
North Atlantic Climate 2
Modern Carbonate Mounds: Porcupine
Drilling
2
10
5
2
Joides Resolution
25.09.04 - 17.11.04
Atlantique Nord
U1302 - U1308
ECPE
Channell J. & Sato T.
1
2
1
2
Joides Resolution
17.11.04 - 08.01.05
Atlantique Central
U1309 – U1311
SECG
Blackman D. & John B.
4
12
4
3
1
Joides Resolution
08.01.05 - 02.03.05
Atlantique Central
U1309
SECG
Ildefonse B. & Ohara Y.
3
12
4
3
1
Joides Resolution
02.03.05 - 25.04.05
Atlantique Nord
U1312–U1315
ECPE
Kanamatsu T. & Stein R.
1
4
4
2
Joides Resolution
25.04.05 - 30.05.05
U1316–U1318
ECPE / DBSO
Ferdelman T. & Kano A.
1
7
4
2
Joides Resolution
30.05.05 - 08.07.05
Golfe du Mexique
U1319–U1324
DBSO
Flemings P. & Behrmann J.
08.07.05 - 28.08.05
Pacifique Est
1256
SECG
Teagle D. & Umino S.
4
9
3
Tahiti
M0005 - M0026
ECPE
Camoin G. & Iryu Y.
6
11
6
U1325–U1329
DBSO
Riedel M. & Collett T.
1
3
3
SECG
Alt J.C. & Miyashita S.
2
9
2
2
5
2
2
4
1
2
2
Oden, Sovetskiy Soyuz (08.11.04 - 23.11.04)
Marge continentale
Irlandaise
308
Gulf of Mexico Hydrogeology
309
Superfast Spreading Rate Crust 2
Joides Resolution
310
Tahiti Sea Level
MSP - DP Hunter
311
Cascadia Margin Gas Hydrates
Joides Resolution
28.08.05 - 28.10.05
312
Superfast Spreading Rate Crust 3
Joides Resolution
28.10.05 - 28.12.05
Chikyu
21.09.07 - 15.11.07
Chikyu
16.11.07 - 18.12.07
Chikyu
19.12.07 - 05.02.08
Joides Resolution
25.01.09 – 05.03.09
Joides Resolution
05.03.09 – 04.05.09
Pacifique Central
314
315
316
320T
320
IODP NanTroSEIZE Stage 1, LWD
Transect
IODP NanTroSEIZE Stage 1,
Megasplay Riser Pilot
IODP NanTroSEIZE Stage 1, Shallow
Megasplay and Frontal Thrusts
Transit & Sea Trials
Pacific Equatorial Age Transect
(PEAT)
06.10.05 - 16.11.05
(13.02.06 - 04.03.06)
Marge de Cascadia (Ile
de Vancouver)
Pacifique Est
Fosse de Nankai
(Japon)
Fosse de Nankai
(Japon)
Fosse de Nankai
(Japon)
Ontong Java Plateau
(Pacifique Sud)
Boundary Deep Riser 1
05.07.10 - 05.09.10
Chikyu
19.07.10 - 20.08.10
331
Deep Hot Biosphere
Chikyu
01.09.10 - 04.10.10
328
Cascadia ACORK
Joides Resolution
05.09.10 - 18.09.10
329
South Pacific Gyre Subseafloor Life
Joides Resolution
09.10.10 - 13.12.10
Chikyu
25.10.10 - 11.12.10
Chikyu
12.12.10 - 10.01.11
Joides Resolution
13.12.10 - 11.02.11
332
333
330
334
IODP NanTroSEIZE Stage 2, Riserless
Observatory 2
IODP NanTroSEIZE Stage 2, Inputs
Coring 2 and Heat Flow
Louisville Seamount Trail
Costa Rica Seismogenesis Project
2
807, U1330
DBSO
-
C0009 et C0010
SECG / DBSO
1
U1339-U1345
ECPE / DBSO
04.01.10 - 08.03.10
326
2
1
04.11.09 - 04.01.10
(02.07.10 - 16.07.10)
3
2
Joides Resolution
Joides Resolution
3
Fisher A.
Joides Resolution
Hydrogeology
IODP NanTroSEIZE Stage 3, Plate
7
DBSO
Canterbury Basin Sea Level
Changes
Juan de Fuca Ridge-Flank
2
U1301
Wilkes Land Glacial History
327
Kimura G. & Screaton E.
Juan de Fuca
318
11.02.10 - 07.04.10
SECG / DBSO
3
317
MSP - Greatship Maya
2
C0004 et C0006 - C0008
3
04.09.09 - 03.11.09
Great Barrier Reef Environmental
4
14
Joides Resolution
325
2
2
Shatsky Rise Formation
324
Subduction Inputs
3
2
01.09.09 - 10.10.09
IODP NanTroSEIZE Stage 2,
2
1
Chikyu
322
3
9
05.07.09 - 04.09.09
Bering Sea Paleoceanography
Ashi J. & Lallemant S.
Lyle M. & Raffi I.
Joides Resolution
323
Riser/Riserless Observatory 1
SECG / DBSO
ECPE
05.05.09 - 31.08.09
Hydrogeology
IODP NanTroSEIZE Stage 2,
C0001 et C0002
U1337-U1338
Chikyu
319
SECG / DBSO Kinoshita M. & Tobin H.J.
Pacifique Central
22.06.09 - 05.07.09
(PEAT)
Juan de Fuca Ridge-Flank
C0001 - C0006
Pälike H. & Nishi H.
Joides Resolution
321T
Fosse de Nankai
(Japon)
Mer de Béring
(Kamtchatka)
Fosse de Nankai
L. & Saffer D.
Ravelo C. & Takahashi K.
2
1
2
2
1
3
1
2
2
2
5
1
SECG
Sager W. & Sano T.
2
2
1
2
Nouvelle-Zélande
U1351-U1354
ECPE
Fulthorpe C. & Hoyanagi K.
1
1
2
Antarctique
U1355-U1361
ECPE
Escutia C. & Brinkhuis H.
Australie
M0030 - M0058
ECPE
Webster J. & Yokoyama Y.
3
1
2
Juan de Fuca
U1362, U1363, U1301, 1027
DBSO
Fisher A. & Tsuji T.
1
2
C0002
SECG
Tobin H. & Kinoshita M.
C0013 - C0017
DBSO
Mottl M. & Takai K.
1
2
U1364
DBSO / SECG
Davis E.
NW)
Fosse de Nankai
(Japon)
Fosse d'Okinawa
(Japon)
Marge de Cascadia (Ile
de Vancouver)
Pacifique Sud
Fosse de Nankai
(Japon)
Fosse de Nankai
(Japon)
Pacifique Sud Nouvelle-Zélande
SECG / DBSO Underwood M.B. & Saito S
3
1
U1346-U1350
(Japon)
Shatsky Rise (Pacifique
C0011 et C0012
Araki E., Byrne T., McNeill
1
U1365-U1371
DBSO
D'Hondt S. & Inagaki F.
C0002 et C0010
SECG / DBSO
Kopf A. & Araki E.
1
C0011 et C0012
SECG / DBSO
Henry P. & Kanamatsu T.
3
U1372-U1377
SECG
Koppers A. & Yamazaki T.
2
Joides Resolution
13.03.11 - 12.04.11
Marge du Costa Rica
U1378-U1381
SECG
Vannucchi P. & Ujiie K.
2
335
Superfast Spreading Rate Crust 4
Joides Resolution
13.04.11 - 03.06.11
Pacifique Est
1256
SECG
Teagle D. & Ildefonse B.
4
336
Mid-Atlantic Ridge Microbiology
Joides Resolution
16.09.11 – 16.11.11
Atlantique Central
395, U1382-U1384
DBSO
Edwards K. & Bach W.
3
339
Mediterranean Outflow
Joides Resolution
17.11.11 – 17.01.12
Mer Méditérannée
U1385 - U1391
ECPE
Joides Resolution
03.03.12 – 17.04.12
Antilles
CARI-01 - CARI-14
SECG
Le Friant A. & Ishizuka O.
Joides Resolution
15.02.12 – 03.03.12
Atlantique central
U1309
SECG
Blackman D.
Chikyu
01.04.12 – 21.05.12
Japon
J-FAST1, J-FAST2
SECG
340
340T
343
342
(CRISP)
Lesser Antilles Volcanism and
Landslides
Atlantis Massif Oceanic Core Complex
APL
Japan Trench Fast Drilling Project
Paleogene Newfoundland Sediment
Drifts
337 Deep Coalbed Biosphere off Shimokita
338
344
IODP NanTroSEIZE Stage 3, Plate
Boundary Deep Riser 2
Costa Rica Seismogenesis Project 2
(CRISP)
Joides Resolution
02.06.12 – 01.08.12
Chikyu
06.07.12 – 15.09.12
Chikyu
19.09.12 – 31.01.13
Joides Resolution
23.10.12 – 11.12.12
Terre-Neuve
Péninsule de Shimokita
(Japon)
Fosse de Nankai
(Japon)
Marge du Costa Rica
Hess Deep (Pacifique
345
Hess Deep Plutonic Crust
Joides Resolution
11.12.12 – 10.02.13
346
Asian Monsoon
Joides Resolution
21.08.13 – 28.09.13
Mer du Japon
Joides Resolution
29.05.13 – 29.07.13
Alaska
341
Southern Alaska Margin Tectonics,
Climate & Sedimentation
1
2
Mountain G. & Proust J.-N.
04.05.09 – 22.06.09
Pacific Equatorial Age Transect
5
3
ECPE
Joides Resolution
321
2
ECPE
New Jersey
MSP - L/B Kayd
5
U1331-U1336
Marge continentale du
New Jersey Shallow Shelf
1256
4
M0027 - M0029
30.04.09 - 17.07.09
(06.11.09 - 04.12.09)
313
N Emb. N Publi. N Newsl. N Art. Prep. N Ouv. IODP N Thèse
Est)
1073, JA-1, -3, -4, - 5, -13, -14, -15,
Hernández-Molina F.J. &
Stow D.
ECPE
Norris R. & Wilson P.
Inagaki F. & Hinrichs K.-U.
C0002F
SECG / DBSO
Tobin H. & Kinoshita M.
CRIS 1 - CRIS 5, CRIS 7 - CRIS 11
SECG
Harris R. & Sakaguchi A.
HD-01 - HD-04
SECG
Gillis K. & Snow J.
ECPE
Tada R. & Murray R.
ECPE
Jaeger J. & Gulick S.
1
GOAL-15 - 18, GOA-15, GOA-16,
GOA-18, KB-2A
2
1
4
3
2
1
2
3
4
2
2
DBSO : Deep Biosphere and Subseafloor Ocean
SECG : Solid Earth Cycles and Geodynamics
ECPE : Environnemental Change, Processes and Effects
(...) : Etude Onshore des carottes
N Emb. : Nombre d'embarquants français
N Publi. : Nombre de peer-reviewed papers publiés dans des revues internationales "libres" et dans des ouvrages scientifiques par des scientifiques français
N Newsl. : Nombre d'articles publiés dans des Newsletters et dans des revues françaises par des scientifiques français
N Art. Prep. : Nombre d'articles français en préparation, soumis ou sous presse.
N Ouv. IODP : Nombre d'ouvrages IODP publiés par des scientifiques français
N Thèse : Nombre de thèses soutenues en France
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1
1
1
Mori, J., Brodsky, E.,
DBSO
JS-1, JS-3 - 5, JS-9, JS-10 - 11, ECS-
1
Kodaira, S. & Chester, F.
C9001
SENR-1B, -10, - 11, -16, -18, -19
1
1
~ 98 ~
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