Newsletter – IODP Wilkes Land 318 L´expédition océanographique IODP 318 ‘Wilkes Land’, menée au large de la Terre Adélie en Antarctique de l´Est début 2010, est entrée dans sa dernière phase de réalisation avant la publication des premiers résultats attendus pour 2012. A Edimbourg s´est déroulé le ‘2nd post-cruise meeting’ réunissant les principaux acteurs de ce projet international afin de discuter et de confronter les premières données obtenues. Ce projet international auquel participe une équipe française composée de Xavier Crosta (UMR5805EPOC, Université Bordeaux 1, Talence), Guillaume Massé et Johan Etourneau (UMR7159LOCEAN, Université Pierre et Marie Curie, Paris), a pour but de reconstituer l´évolution climatique de cette région depuis le début de son englacement il y a 35 Ma (millions d´années) jusqu´à aujourd´hui. Le climat en Antarctique est un des principaux moteurs de l´évolution climatique de la Terre. Sa couverture de glace, ses courants marins ainsi que la productivité biologique qu´il abrite en sont les principaux composants car ils agissent à la fois sur le rayonnement solaire, les échanges de gaz entre l´océan et l´atmosphère, notamment ceux à effets de serre tel que le CO2, et la formation d´eaux profondes qui affecte directement les conditions climatiques d’autres régions tels les zones tropicales lorsque ces eaux réapparaissent le long des zones d´upwelling ou encore la région de l’Océan Pacifique Nord. Ainsi, le moindre changement climatique se produisant dans cette région peut bouleverser l´ensemble de l’équilibre climatique. Etudier et comprendre son évolution au cours des périodes clés de son histoire est donc un enjeu capital pour comprendre l´évolution du climat futur. L´expédition IODP 318 dirigée par Carlotta Escutia (Instituto Andaluz de Ciencias de la Tierra, Espagne), Henk Brinkhuis (NIOZ, Pays-Bas) et Adam Klaus (Manager logisticien IODP), a permis d´obtenir à sept sites de forages (Fig.1) des archives sédimentaires couvrant l´Oligocène (33.9-23.0 Ma), le Miocène (23.0-5.3 Ma), le Pliocène (5.3-2.6 Ma), le Pléistocène (2.6-0.011 Ma) et l´Holocène (les derniers 11000 ans) avec des taux d´accumulation de sédiments parfois exceptionnels (voir Escutia et al., 2011). C´est notamment le cas du site U1357 (cf. fig.1) qui couvre l´essentiel de l´Holocène avec un taux record de près de 180 mètres de sédiments laminés accumulés dans la dépression Adélie (fig.2). Les archives sédimentaires provenant de ce site sur lesquels se focalise l’équipe française permettent de reconstruire les conditions climatiques de cette région au cours des derniers 11000 ans à une résolution jamais atteinte précédemment, allant de l´échelle saisonnière à annuelle. Cependant, l´une des principales contraintes rencontrées avec de tels taux d´accumulation concerne le modèle d´âge à appliquer. Le ‘2nd postcruise meeting’ a été l´occasion de discuter des différentes possibilités d´améliorer la stratigraphie actuelle en incluant un nombre considérable d´âge carbone 14 (14C), environ une centaine, analysées à partir de la matière organique ou des débris de poissons par exemple retrouvés dans les sédiments, combinés aux dernières méthodes de pointe tel le 14 C sur les acides gras. Cette stratigraphie sera de plus affinée grâce à l’étude des taux actuels d´accumulation déterminés dans cette région par le plomb (210Pb) sur laquelle travaille l´équipe française. Cette dernière dispose d´un soutien logistique de l´IPEV (Institut Paul Emile Victor, Brest) afin de récupérer régulièrement des carottes d´interface qui permettent de comprendre les processus sédimentaires de cette région. Outre la stratigraphie, cette réunion a permis aussi de montrer les premiers résultats obtenus à l´aide des différents outils paléoclimatiques qui sont utilisés à ces différents sites. Ceux-ci incluent notamment les données XRF qui permettent la détermination de la concentration des différent éléments traces présents dans le sédiment tel que le fer, le souffre, le barium, … afin de comprendre l´origine du transport de chacune de ces particules, l´utilisation des biomarqueurs tels que les HBIs pour la couverture de glace ou encore le TEX86 pour la température de la colonne d´eau, le comptage des diatomées pour retracer les conditions océaniques, les concentrations en opale biogénique pour reconstruire la production globale de diatomées, le rapport Mg/Ca et le rapport isotopique du carbone des foraminifères planctoniques pour la température et la ventilation des eaux de surface. Les premiers résultats semblent prometteurs. Ils ont été présentés à l´ISAES, le 11ème ‘International Symposium on Antarctic Earth Sciences’ à Edimbourg, qui a suivi ce workshop. Ils ont notamment montré que le climat en Terre Adélie pouvait être extrêmement variable au cours des derniers 10 000 ans et présenter des similitudes avec certaines autres régions de l´Antarctique tel qu´en Péninsule Antarctique ou encore à Prydz Bay suggérant une réponse globale de l’Antarctique aux changements climatiques passés. De plus, ils ont révélées une accélération de la fonte de la banquise depuis le début du XXème siècle. Ces premières hypothèses, qui méritent de plus fines comparaisons, devraient être présentées au cours des prochains grands congrès internationaux. Johan Etourneau Référence : Escutia, C., Brinkhuis, H., Klaus, A., and the Expedition 318 Scientists, 2011. Proc. IODP, 318: Tokyo (Integrated Ocean Drilling Program Management International, Inc.). doi:10.2204/iodp.proc.318.2011. (http://publications.iodp.org/proceedings/318/318title.htm) Figure 1. Localisation des différents sites IODP forés au cours de la campagne Wilkes Land en Antarctique de l’est entre janvier et mars 2010. Figure. 2 Image des 19 carottes constituant le Site IODP U1357B. Les 175 m de sédiments correspondent essentiellement à des sédiments Holocène couvrant les derniers 11 000 ans.