2013 - Martine Lombard

publicité
UNIVERSITE PARIS PANTHEON- ASSAS
LLM
2013
DROIT PUBLIC DE L’ECONOMIE
________
2 - LES PRINCIPES LIMITANT
L’INTERVENTION PUBLIQUE
Document n° 1 : CE, 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail de Nevers, GAJA
Document n° 2 : Tribunal des conflits, 18 octobre 1999, Aéroports de Paris et Air France c/
TAT, AJDA 1999, p. 996, chron. Fombeur et Guyomar,
Document n° 3 : CE Section avis contentieux 8 novembre 2000, Sté Jean-Louis Bernard
Consultants, AJDA 2000 p.987 chr. Guyomar et Collin, RFDA 2001 p. 112 concl. C. Bergeal
Document n° 4 : C.E., avis, 22 novembre 2000, Société L&P Publicité SARL, AJDA 2001, p.
198, note M.-Ch. Rouault, RFDA 2001, p. 872, concl. Austry
Document n° 5 : CE, Ass., 7 juillet 2004, Ministre de l’Intérieur, de la sécurité intérieure
et des libertés locales c/ M. Benkerrou, AJDA 2004 p. 1697 chr.Landais et Lenica
Document n° 6 : CE, Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au Barreau de Paris, AJDA,
2006, n° 29, p. 1592, chron. C. Landais et F. Lenica ; RFDA 2006 p.1048 concl. D. Casas ;
Document n° 7: CE, 10 juillet 2009, Département de l’Aisne, req. n° 324156, AJDA n°
36/ 2009 p. 2.006 note J.-D. Dreyfus, RFDA 2010 p. 146 note G. Clamour
Document n° 8: CE, 3 mars 2010, Département de la Corrèze, n° 306911 ; AJDA 2010, p.
957 concl. N. Boulouis, p 1251 note E. Glaser; JCP A, n°25/2010, 2203 note P.Idoux,
Document n° 9 : CE, 23 mai 2012, RATP, req. n°348909, AJDA n°21/2012 p. 1151 note E.
Glaser
Document n° 10 : CAA Paris, 3 juillet 2012, Chambre syndicale des loueurs de voitures
automobiles, req. n° 11PA02157, AJDA n° 44/2012, p. 2444, concl. S. Dewailly
1
Document n° 1 - Conseil d'Etat, 30 mai 1930, Chambre syndicale du commerce en détail
de Nevers
Vu la requête présentée pour :
1° la chambre syndicale de commerce en détail de Nevers, représentée par le sieur Guin, son
Président en exercice ;
2° ledit sieur Guin, agissant en qualité de contribuable et d'habitant de la ville de Nevers,
ladite requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 29 septembre 1928
et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler une décision du 11 août 1928 par laquelle le
Préfet de la Nièvre a rejeté une demande des requérants tendant à faire déclarer nulles de droit
différentes délibérations du conseil municipal de Nevers relatives à l'organisation d'un service
municipal de ravitaillement - ensemble, déclarer nulles de droit les délibérations dont s'agit ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ; Vu la loi du 5 avril 1884 et le décret du 5 novembre 1926 ;
Considérant que si, en vertu de l'article 1er de la loi du 3 août 1926 qui l'autorisait à apporter,
tant aux services de l'Etat qu'à ceux des collectivités locales, toutes réformes nécessaires à la
réalisation d'économies, le Président de la République a pu légalement réglementer, dans les
conditions qui lui ont paru les plus conformes à l'intérêt des finances communales,
l'organisation et le fonctionnement des régies municipales, les décrets des 5 novembre et 28
décembre 1926 par lesquels il a réalisé ces réformes n'ont eu ni pour objet, ni pour effet
d'étendre, en matière de création de services publics communaux, les attributions conférées
aux conseils municipaux par la législation antérieure ; que les entreprises ayant un caractère
commercial restent, en règle générale, réservées à l'initiative privée et que les conseils
municipaux ne peuvent ériger des entreprises de cette nature en services publics communaux
que si, en raison de circonstances particulières de temps ou de lieu, un intérêt public justifie
leur intervention en cette matière ;
Considérant que l'institution d'un service de ravitaillement municipal destiné à la vente directe
au public constitue une entreprise commerciale et qu'aucune circonstance particulière à la
ville de Nevers ne justifiait la création en 1923 et le maintien au cours des années suivantes,
d'un service municipal de cette nature dans ladite ville ; que le sieur Guin est dès lors fondé à
soutenir qu'en refusant de déclarer nulles de droit les délibérations par lesquelles le conseil
municipal de Nevers a organisé ce service, le Préfet de la Nièvre a excédé ses pouvoirs ;
2
Document n° 2 : Tribunal des conflits, 18 octobre 1999, Aéroports de Paris et Air France
c/ TAT
Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 juin 1999, la lettre par laquelle le garde des sceaux,
ministre de la justice, a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant
AEROPORTS DE PARIS et la société Compagnie Nationale AIR FRANCE à la société TAT
European Airlines devant la cour d’appel de Paris ;
Vu le déclinatoire présenté le 31 décembre 1998 par le PREFET DE LA REGION D’ILE-DEFRANCE, PREFET DE PARIS, tendant à voir déclarer la juridiction de l’ordre judiciaire
incompétente ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du
16 fructidor an III ; Vu la loi du 24 mai 1872 ; Vu l’ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l’ordonnance des 12-21 mars 1983 modifiée ; Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la
concurrence ;
[…]
Considérant que la Cour d’appel de Paris a été saisie conformément à l’article 2 de la loi n°
87-499 du 6 juillet 1987 d’un recours contre la décision du Conseil de la concurrence qui a
prononcé des sanctions pécuniaires à l’encontre de l’établissement public AEROPORTS DE
PARIS et de la compagnie Air France ; qu’à la charge de ces derniers ont été relevées des
pratiques d’entente illicite ayant conduit au regroupement dans l’aérogare d’Orly-Ouest du
trafic du groupe Air-France ; qu’en outre, a été retenu contre AEROPORTS DE PARIS un
abus de position dominante consistant, d’une part, dans le refus opposé le 17 juin 1994 à la
société TAT European Airlines d’ouvrir à partir de l’aérogare d’Orly-Ouest de nouvelles
liaisons et d’autre part, dans le fait d’avoir imposé à ladite société de ne pas recourir à son
propre personnel mais d’utiliser les services d’assistance en escale d’AEROPORTS DE
PARIS sur l’aérogare d’Orly-Sud alors qu’une telle obligation n’était pas imposée à la
Compagnie Air France ;
Considérant que si dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de
distribution ou de services les personnes publiques peuvent être sanctionnées par le Conseil de
la concurrence agissant sous le contrôle de l’autorité judiciaire, les décisions par lesquelles
ces personnes assurent la mission de service public qui leur incombe au moyen de
prérogatives de puissance publique, relèvent de la compétence de la juridiction administrative
pour en apprécier la légalité et, le cas échéant, pour statuer sur la mise en jeu de la
responsabilité encourue par ces personnes publiques ;
Considérant que les décisions de regrouper à l’aérogare d’Orly-Ouest les activités du groupe
Air-France et de refuser à la société TAT European Airlines d’ouvrir de nouvelles lignes à
partir de cette aérogare qui se rattachent à la gestion du domaine public constituent l’usage de
prérogatives de puissance publique ; qu’il suit de là qu’en ce qui concerne les pratiques
relevées par le Conseil de la concurrence qui sont en réalité indissociables de la réorganisation
des aérogares d’Orly décidée par l’établissement public puis approuvée, le 4 mai 1994, par le
ministre de l’équipement, du transport et du logement, c’est à bon droit que le conflit a été
élevé ;
Considérant en revanche, que sont détachables de l’appréciation de la légalité d’un acte
administratif, les pratiques d’AEROPORTS DE PARIS susceptibles de constituer un abus de
position dominante consistant dans l’obligation faite à la Compagnie TAT European Airlines
d’utiliser les services d’assistance en escale de cet établissement public en substitution à ses
personnels ; que c’est par suite à tort que l’arrêté de conflit a revendiqué pour la juridiction
administrative la connaissance desdites pratiques
3
DECIDE :
Article 1er : L’arrêté de conflit pris le 12 mars 1999 par le PREFET DE LA REGION D’ILEDE-FRANCE, PREFET DE PARIS, en ce qu’il concerne les effets attachés à la décision
ministérielle du 4 mai 1994 et à la décision d’AEROPORTS DE PARIS du 17 juin 1994 est
confirmé. Il est annulé pour le surplus.
Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure relative aux effets attachés aux actes
administratifs mentionnés à l’article 1er et l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 février
1999 en ce qu’il déclare la juridiction judiciaire compétente pour en connaître.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui
est chargé d’en assurer l’exécution.
4
Document n° 3 – Conseil d’Etat, avis contentieux, 8 novembre 2000, SOCIETE JEANLOUIS BERNARD CONSULTANTS
Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le
jugement du 18 avril 2000 par lequel le tribunal administratif de Dijon, avant de statuer sur la
demande de la SOCIETE JEAN-LOUIS BERNARD CONSULTANTS tendant à ce que soit
annulée, d'une part, la décision du 4 décembre 1998 du président du District de
l'agglomération dijonnaise rejetant son offre pour l'attribution du marché relatif au
renouvellement du système d'information géographique du district, d'autre part, la décision du
président du District de l'agglomération dijonnaise attribuant ledit marché à l'Institut
géographique national et condamne le District de l'agglomération dijonnaise à lui verser la
somme de 15 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des
cours administratives d'appel, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi
n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif de transmettre
le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question
suivante :
Le principe de liberté de la concurrence qui découle de l'ordonnance du 1er décembre 1986
fait-il obstacle à ce qu'un marché soit attribué à un établissement public administratif qui, du
fait de son statut, n'est pas soumis aux mêmes obligations fiscales et sociales que ses
concurrents ?
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Edouard Philippe, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;
1°) Aucun texte ni aucun principe n'interdit, en raison de sa nature, à une personne publique,
de se porter candidate à l'attribution d'un marché public ou d'un contrat de délégation de
service public. Aussi la personne qui envisage de conclure un contrat dont la passation est
soumise à des obligations de publicité et de mise en concurrence, ne peut elle refuser par
principe d'admettre à concourir une personne publique.
2°) Aux termes de l'article 1654 du code général des impôts : "Les établissements publics, les
exploitations industrielles ou commerciales de l'Etat ou des collectivités locales, les
entreprises concessionnaires ou subventionnées, les entreprises bénéficiant de statuts, de
privilèges, d'avances directes ou indirectes ou de garanties accordées par l'Etat ou les
collectivités locales, les entreprises dans lesquelles l'Etat ou les collectivités locales ont des
participations, les organismes ou groupements de répartition, de distribution ou de
coordination, créés sur l'ordre ou avec le concours ou sous le contrôle de l'Etat ou des
collectivités locales doivent - sous réserve des dispositions des articles 133, 207, 208, 1040,
1382, 1394 et 1449 à 1463 - acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôts et
taxes de toute nature auxquels seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes
opérations".
5
Il résulte de ces dispositions ainsi que de celles de l'article 256 B du code général des impôts
que les établissements publics, lorsqu'ils exercent une activité susceptible d'entrer en
concurrence avec celle d'entreprises privées, et notamment lorsqu'ils l'exercent en exécution
d'un contrat dont la passation était soumise à des obligations de publicité et de mise en
concurrence, sont tenus à des obligations fiscales comparables à celles auxquelles sont
soumises ces entreprises privées. Le régime fiscal applicable aux personnes publiques n'est
donc pas, par lui-même, de nature à fausser les conditions dans lesquelles s'exerce la
concurrence.
3°) Les agents des établissements publics administratifs qui, lorsqu'ils sont, comme c'est le cas
en principe, des agents publics, sont soumis, en ce qui concerne le droit du travail et de la
sécurité sociale, à une législation pour partie différente de celle applicable aux salariés de
droit privé. Toutefois les différences qui existent en cette matière n'ont ni pour objet ni pour
effet de placer les établissements publics administratifs dans une situation nécessairement plus
avantageuse que celle dans laquelle se trouvent les entreprises privées et ne sont donc pas de
nature à fausser la concurrence entre ces établissements et ces entreprises lors de l'obtention
d'un marché public ou d'une délégation de service public.
4°) Pour que soient respectés tant les exigences de l'égal accès aux marchés publics que le
principe de liberté de la concurrence qui découle notamment de l'ordonnance du 1er décembre
1986, l'attribution d'un marché public ou d'une délégation de service public à un établissement
administratif suppose, d'une part, que le prix proposé par cet établissement public
administratif soit déterminé en prenant en compte l'ensemble des coûts directs et indirects
concourant à la formation du prix de la prestation objet du contrat, d'autre part, que cet
établissement public n'ait pas bénéficié, pour déterminer le prix qu'il a proposé, d'un avantage
découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service
public et enfin qu'il puisse, si nécessaire, en justifier par ses documents comptables ou tout
autre moyen d'information approprié.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Dijon, à la SOCIETE JEAN-LOUIS
BERNARD CONSULTANTS, au District de l'agglomération dijonnaise et à l'Institut
géographique national.
6
Document n° 4 : C.E., avis contentieux, 22 novembre 2000, Société L&P Publicité SARL
Vu, enregistré le 28 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement
du 13 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Pau, avant de statuer sur les demandes
de la SOCIETE L&P PUBLICITE SARL tendant à l'annulation de deux arrêtés du maire de
Bayonne en date du 7 décembre 1998 mettant en demeure cette société de déposer deux
panneaux publicitaires, a décidé, en application des dispositions de l'article 12 de la loi du 31
décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette
demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen les questions de savoir : 1°/ si lorsque
l'administration prend une décision de police affectant directement les activités économiques
dans un secteur concurrentiel, elle doit, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tenir
compte des règles de la concurrence, 2°/ si, dans l'affirmative, la réglementation locale de
l'affichage en zone de publicité restreinte permise par l'article 10 de la loi du 29 décembre
1979 - qui peut aboutir par la limitation du nombre de panneaux d'affichage à conférer, sur
une zone urbaine éventuellement étendue, une position dominante à un nombre restreint
d'entreprises d'affichage - peut être regardée comme affectant de façon suffisamment directe
l'activité économique de l'affichage pour imposer, que lorsqu'il réglemente la publicité dans
cette zone, le maire de la commune tienne compte des règles de la concurrence, 3°/ et si, dans
l'affirmative, le souci de limiter le développement de l'affichage publicitaire dans les
conditions permises par la loi du 29 décembre 1979 doit être assujetti à cette prise en compte
des règles de concurrence ou au contraire peut justifier le maintien d'une position dominante
dont le ou les titulaires sont ensuite mis en mesure d'abuser ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et
préenseignes ;
Vu l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et
la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; (…).
1/ Dès lors que l'exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d'affecter des
activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de
police ont pour objectif la protection de l'ordre public ou, dans certains cas, la sauvegarde des
intérêts spécifiques que l'administration a pour mission de protéger ou de garantir n'exonère
pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte
également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence. Il appartient au
juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de ces mesures de police administrative en
recherchant si elles ont été prises compte tenu de l'ensemble de ces objectifs et de ces règles et
si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application.
2/ La réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte peut, en vertu de
l'article 10 de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et
préenseignes, "déterminer dans quelles conditions et sur quels emplacements la publicité est
seulement admise" et "interdire la publicité ou des catégories de publicité définies en fonction
des procédés et dispositifs utilisés". Tout en ayant pour objectif la protection du cadre de vie,
elle est susceptible d'affecter l'activité économique de l'affichage. Dès lors un maire, lorsqu'il
réglemente cette activité dans une zone de publicité restreinte, doit prendre en compte la
liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence, dans les conditions
mentionnées ci-dessus.
7
3/ Si la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte ne peut légalement
avoir par elle-même pour objet de créer une position dominante sur un marché pertinent, elle
peut avoir un tel effet, notamment par la limitation du nombre des emplacements d'affichage.
Toutefois la création d'une position dominante par l'effet de la réglementation locale de
l'affichage en zone de publicité restreinte n'est incompatible avec le respect des dispositions
relatives à la concurrence que si cette réglementation conduit nécessairement à l'exploitation
de la position dominante de manière abusive. Il résulte de ce qui précède qu'il appartient au
maire, lorsqu'ilréglemente la publicité sur le territoire de sa commune, de veiller à ce que les
mesures de police prises par lui ne portent aux règles de concurrence que les atteintes
justifiées au regard des objectifs de la réglementation de l'affichage.
8
Document n° 5 - CE Ass. 7 juillet 2004, Ministre de l’Intérieur, de la sécurité
intérieure et des libertés locales c/ M. Benkerrou
Vu le recours, enregistré le 14 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat,
présenté par le ministre de l'intérieur qui demande l'annulation de l'arrêt, en date du 18
décembre 2002, par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son recours tendant
à l'annulation du jugement du 11 mai 2001 par lequel le tribunal administratif de Paris a
annulé l'arrêté du préfet de police du 20 novembre 1997 retirant à M. Boukhalfa X sa carte
professionnelle de conducteur de taxi pour une durée de 7 mois ferme et de 5 mois avec sursis
Considérant que si, lorsqu'il est appliqué aux sanctions administratives, le principe de légalité
des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les infractions soient définies par
référence aux obligations auxquelles est soumise une personne en raison de l'activité qu'elle
exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l'institution dont elle relève, il
implique, en revanche, que les sanctions soient prévues et énumérées par un texte ; que
toutefois - ainsi, d'ailleurs, qu'en matière pénale - ce texte n'a pas, dans tous les cas, à être une
loi ;
Considérant, par suite, qu'en relevant, pour confirmer le jugement par lequel le tribunal
administratif de Paris a annulé la décision, présentant le caractère d'une sanction
administrative, par laquelle le préfet de police a retiré, sur le fondement de l'article 7 du décret
du 17 août 1995, la carte professionnelle de conducteur de taxi de M. X que le principe de
légalité des délits et des peines, qui s'applique aux sanctions administratives au même titre
qu'aux sanctions pénales, impose que l'interdiction, à titre temporaire ou définitif, d'exercer
une profession soit instituée par une loi ou intervienne en exécution d'une disposition
législative habilitant le Gouvernement à l'édicter, la cour administrative d'appel de Paris a
entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que le ministre de l'intérieur est, dès lors, fondé à en
demander l'annulation ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil
d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en
dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice
le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que la loi du 20 janvier 1995 relative à l'accès à l'activité de conducteur de taxi et
à la profession d'exploitant de taxi distingue l'activité de conducteur de taxi de celle de
propriétaire ou d'exploitant d'un taxi ; qu'elle subordonne la première à un certificat de
capacité professionnelle délivré par le préfet et la seconde à une autorisation de stationnement
sur la voie publique délivrée par le préfet ou par le maire ; que le décret du 17 août 1995 a
prévu que tout conducteur de taxi disposant du certificat de capacité professionnelle et qui
satisfait à une condition d'honorabilité professionnelle reçoit de l'autorité compétente une
carte professionnelle qui précise le ou les départements dans lesquels il peut exercer sa
profession ; qu'en vertu de l'article 7 du même décret, dans sa rédaction applicable au litige
qui oppose M. X à l'Etat, cette carte professionnelle peut être retirée en cas de violation par le
conducteur de la réglementation applicable à la profession, après avis d'une commission des
taxis et véhicules de petite remise réunie en formation disciplinaire ;
Considérant que la décision en date du 18 août 1997, par laquelle le préfet de police a retiré
provisoirement la carte professionnelle de M. X, a été prise sur le fondement de l'article 7 du
décret du 17 août 1995 et a pour seul motif la violation, par l'intéressé, de la réglementation
9
applicable à sa profession ; qu'elle constitue, contrairement à ce que soutient le ministre, une
sanction administrative et non une simple mesure de police ;
Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « La loi fixe
les règles (...) concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice
des libertés publiques » ; que selon son article 37, « les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi ont un caractère réglementaire » ; qu'au nombre des libertés publiques, dont
les garanties fondamentales doivent, en vertu de la Constitution, être déterminées par le
législateur, figure le libre accès, par les citoyens, à l'exercice d'une activité professionnelle
n'ayant fait l'objet d'aucune limitation légale ; que toutefois la profession de conducteur de
taxi a le caractère d'une activité réglementée ; que, dès lors, il était loisible à l'autorité investie
du pouvoir réglementaire de fixer, en vertu des pouvoirs qu'elle tient de l'article 37 de la
Constitution, des prescriptions complémentaires de celles résultant de la loi du 20 janvier
1995 ; qu'ainsi le décret du 17 août 1995 a pu légalement subordonner l'exercice de la
profession de conducteur de taxi à la délivrance, sous certaines conditions, d'une carte
professionnelle, alors même que celle-ci n'était pas prévue par la loi du 20 janvier 1995 ;
Considérant que lorsqu'il est compétent pour fixer certaines règles d'exercice d'une profession,
le pouvoir réglementaire l'est également pour prévoir des sanctions administratives qui, par
leur objet et leur nature, soient en rapport avec cette réglementation ; que, dès lors, le décret
du 17 août 1995 a pu légalement prévoir que la carte professionnelle de conducteur de taxi
pouvait être retirée par l'autorité administrative non seulement lorsque son titulaire ne
remplirait plus les conditions mises à sa délivrance - ce que cette autorité aurait, même sans
texte, le pouvoir de faire - mais aussi à titre de sanction dans le cas où l'intéressé ne
respecterait pas la réglementation applicable à la profession ;
Considérant qu'il en résulte que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort
que le tribunal administratif de Paris a écarté l'application de l'article 7 du décret du 17 août
1995 pour annuler la décision du préfet de police prise à l'encontre de M. X ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'État, saisi de l'ensemble du litige par
l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. X devant le tribunal
administratif de Paris ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a infligé à M. X la
sanction attaquée pour avoir le 18 août 1997, durant une pause, garé son véhicule dans la
réserve de la station de taxis de Roissy, laquelle n'est pas destinée à accueillir des taxis dont le
conducteur n'est pas immédiatement disponible ; que si les faits ainsi reprochés à M. X sont
constitutifs d'une faute et pouvaient fonder légalement une sanction, leur gravité n'est pas telle
que le préfet de police ait pu, sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation,
infliger à ce titre un retrait de carte professionnelle de conducteur de taxi d'une durée de sept
mois ferme et de cinq mois avec sursis ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA
SECURITE INTERIEURE ET DES LIBERTES LOCALES n'est pas fondé à se plaindre de
ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de
police du 20 novembre 1997
10
Document n° 6 - CE, Ass, 31 mai 2006, Ordre des avocats au Barreau de Paris
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2004 et
20 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ORDRE DES
AVOCATS AU BARREAU DE PARIS, (…) ; l'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU
DE PARIS demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret du 19 octobre 2004 portant création
de la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 21 et 37 ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne devenue la
Communauté européenne ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme de certaines professions
judiciaires et juridiques ;
Vu l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat ;
Vu la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit ;
Vu le code de justice administrative ; (…)
Considérant que l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, ratifiée par la loi
du 9 décembre 2004 de simplification administrative, dispose dans son article 2 que : « Les
contrats de partenariat ne peuvent être conclus que pour la réalisation de projets pour lesquels
une évaluation, à laquelle la personne publique procède avant le lancement de la procédure de
passation : a) Montre ou bien que, compte-tenu de la complexité du projet, la personne
publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens
techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du
projet, ou bien que le projet présente un caractère d'urgence ; b) Expose avec précision les
motifs de caractère économique, financier, juridique et administratif, qui l'ont conduite, après
une analyse comparative, notamment en termes de coût global, de performance et de partage
des risques, de différentes options, à retenir le projet envisagé et à décider de lancer une
procédure de passation d'un contrat de partenariat. En cas d'urgence, cet exposé peut être
succinct./ L'évaluation est réalisée avec le concours d'un organisme expert choisi parmi ceux
créés par décret » ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 19 octobre 2004 portant
création de la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat : « Il est créé un
organisme expert chargé de procéder en liaison avec toute personne intéressée à l'évaluation
prévue à l'article 2 de l'ordonnance susvisée. Il est rattaché au ministre chargé de l'économie
et des finances ; que selon l'article 2 du même décret : Cet organisme expert fournit aux
personnes publiques qui le demandent un appui dans la préparation, la négociation et le suivi
des contrats de partenariat. A ce titre, il peut, en fonction de chacune des demandes : -rendre
une expertise sur l'économie générale des projets de contrats ; -assister les personnes
publiques dans le cadre de l'élaboration des projets de contrat. Cette assistance peut porter sur
la négociation des contrats. / Il élabore un rapport annuel ainsi que tout document utile
organisant un retour d'expériences. / Il propose au ministre chargé de l'économie et des
finances, en tant que de besoin, les évolutions de textes qui lui paraissent nécessaires »;
11
Considérant que, si les dispositions de l'article 2 du décret attaqué qui autorisent la mission
d'appui à la réalisation des contrats de partenariat à assister les personnes publiques qui le lui
demandent dans la préparation, la négociation et le suivi des contrats de partenariat vont au
delà des termes de l'habilitation donnée par l'ordonnance du 17 juin 2004, le Premier ministre
pouvait légalement, dans l'exercice du pouvoir réglementaire qui lui est constitutionnellement
reconnu, attribuer de nouvelles compétences à cet organisme dès lors que d'une part,
s'agissant de l'Etat et de ses établissements publics, il s'est borné à organiser le bon
fonctionnement des services et que, d'autre part, s'agissant des collectivités territoriales et de
leurs établissements publics, il ne leur a offert qu'une simple faculté qui n'a pu avoir pour effet
de restreindre leurs compétences ;
Considérant que les personnes publiques sont chargées d'assurer les activités nécessaires à la
réalisation des missions de service public dont elles sont investies et bénéficient à cette fin de
prérogatives de puissance publique ; qu'en outre, si elles entendent, indépendamment de ces
missions, prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent légalement le faire que
dans le respect tant de la liberté du commerce et de l'industrie que du droit de la concurrence ;
qu'à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite
de leurs compétences, mais également justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter
notamment de la carence de l'initiative privée ; qu'une fois admise dans son principe, une telle
intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu'en raison de la situation
particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres
opérateurs agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur
celui-ci ;
Considérant qu'en chargeant la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat
d'apporter aux personnes publiques qui le lui demandent un appui dans la préparation, la
négociation et le suivi des contrats de partenariat, l'article 2 du décret attaqué s'est borné à
mettre en oeuvre la mission d'intérêt général, qui relève de l'Etat, de veiller au respect, par les
personnes publiques et les personnes privées chargées d'une mission de service public, du
principe de légalité ; qu'en particulier, en prévoyant que cet organisme peut fournir un appui
dans la négociation des contrats, le décret attaqué n'a pas entendu permettre à cette mission de
les négocier en lieu et place d'une personne publique contractante autre que l'Etat ; qu'ainsi,
aucune des attributions confiées à la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat
n'emporte intervention sur un marché ; que par suite, les dispositions de l'article 2 du décret
attaqué n'ont eu ni pour objet, ni pour effet de méconnaître le principe de la liberté du
commerce et de l'industrie et le droit de la concurrence ; qu'elles ne sont pas davantage
contraires au principe d'égal accès à la commande publique ; qu'enfin, dès lors qu'elles ne
portent pas sur des prestations de services au sens du droit communautaire, elles n'ont pu ni
introduire de restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté
européenne prohibées par les stipulations de l'article 49 du traité instituant la Communauté
européenne, ni méconnaître l'égalité de traitement entre les candidats à la commande publique
issue du droit communautaire ;
Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que l'ORDRE DES AVOCATS AU
BARREAU DE PARIS n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 19 octobre 2004
portant création de la mission d'appui à la réalisation des contrats de partenariat ;
12
Document n° 7: CE, 10 juillet 2009, Département de l’Aisne, req. n° 324156
Vu 1°), sous le n° 324156, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le
15 et le 30 janvier 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le
Département de l'Aisne, représenté par le président du conseil général, domicilié en cette
qualité rue Paul Doumer à Laon (02000) ; le DEPARTEMENT DE L'AISNE demande au
Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 1er de l'ordonnance du 31 décembre 2008 par laquelle le juge des référés
précontractuels du tribunal administratif de Lille, statuant en application de l'article L. 551-1
du code de justice administrative, a annulé, à la demande de l'Institut Pasteur de Lille, la
procédure de passation des lots n°s 3, 4 et 6 relatif aux prélèvements et analyses du contrôle
sanitaire des eaux pour les directions départementales de l'action sanitaire et sociale du Nord
et du Pas-de-Calais ;
2°) statuant au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter la requête de l'Institut
Pasteur de Lille ;
3°) de mettre la somme de 8 500 euros à la charge de l'Institut Pasteur de Lille en application
des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°), sous le n° 324232, le pourvoi enregistré le 19 janvier 2009 au secrétariat du
contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre de la santé et des sports ; le MINISTRE
DE LA SANTE ET DES SPORTS demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 1er de
l'ordonnance du 31 décembre 2008 par laquelle le juge des référés précontractuels du tribunal
administratif de Lille, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice
administrative, a annulé la procédure de passation des lots n°s 3, 4 et 6 relatif aux
prélèvements et analyses du contrôle sanitaire des eaux pour les directions départementales du
Nord et du Pas-de-Calais ;
....................................................................................
Considérant que les pourvois visés ci-dessus sont dirigés contre la même ordonnance ; qu'il y
a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : Le
président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de
manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la
passation des marchés publics, (...)./ Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un
intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement (...). Le
président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut
ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la
passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également
annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le
contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de
différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de
vingt jours ;
13
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés précontractuels que,
par un avis d'appel public à la concurrence publié au bulletin officiel des annonces des
marchés publics en date du 5 septembre 2008, l'Etat a lancé une procédure d'appel d'offres
ouvert pour l'attribution d'un marché, divisé en sept lots, ayant pour objet les prélèvements et
analyses du contrôle sanitaire des eaux pour les directions départementales des affaires
sanitaires et sociales du Nord et du Pas-de-Calais, services de l'Etat ; que l'Institut Pasteur de
Lille s'est vu attribuer les lots n°s 1, 2, 5 et 7 de ce marché et que son offre a été rejetée pour
les lots n°s 3, 4 et 6 ; que le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lille,
saisi par cet institut, a, par une ordonnance du 31 décembre 2008, annulé la procédure de
passation des lots n°s 3, 4 et 6 du marché ; que le DEPARTEMENT DE L'AISNE et le
MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS se pourvoient en cassation contre cette
ordonnance ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois ;
Considérant que, pour annuler la procédure de passation des lots n° 3, 4 et 6 du marché relatif
aux prélèvements et analyses du contrôle sanitaire des eaux pour les directions
départementales de l'action sanitaire et sociale du Nord et du Pas-de-Calais, le juge des référés
du tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce que le DEPARTEMENT DE L'AISNE,
dont la candidature de son Laboratoire départemental d'analyse et de recherche avait été
retenue pour l'attribution de ces lots, ne justifiait pas d'un intérêt public local à réaliser des
prestations d'analyse des eaux sur le territoire des départements du Nord et du Pas-de-Calais ;
Considérant que, dès lors qu'il ne s'agit pas de la prise en charge par le DEPARTEMENT DE
L'AISNE d'une activité économique mais uniquement de la candidature d'un de ses services,
dans le respect des règles de la concurrence, à un marché public passé par des services de
l'Etat, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a commis une erreur de droit en
subordonnant la légalité de cette candidature à l'existence d'un intérêt public ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le DEPARTEMENT DE L'AISNE et le
MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS sont fondés à demander l'annulation de
l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a prononcé l'annulation de la procédure de passation des
lots n° 3, 4 et 6 du marché litigieux ;
(….)
14
Document n° 8 : CE, 3 mars 2010, Département de la Corrèze, n° 306911 (extraits)
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juin et 26
septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le
DEPARTEMENT DE LA CORREZE, représenté par le président de son conseil général ; le
département demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 24 avril 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a
annulé le jugement du tribunal administratif de Limoges du 8 avril 2004 et la délibération du
17 novembre 2000 par laquelle la commission permanente du conseil général de la Corrèze a
rejeté l'offre de la société Infocom Service pour la passation de la délégation de service public
ayant pour objet la téléassistance organisée par le département et a attribué cette délégation au
groupement Ansee / Présence 19 ;
2°) de mettre la somme de 5 500 euros à la charge de la société Infocom Service au titre des
dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 février 2010, présentée pour la société Infocom
Service ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Auditeur,
- les observations de la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat du DEPARTEMENT DE LA
CORREZE et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société Infocom Service,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat du
DEPARTEMENT DE LA CORREZE et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la
société Infocom Service ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par délibération du
23 juin 2000, le DEPARTEMENT DE LA CORREZE a décidé de mettre en place un
dispositif départemental de téléassistance afin de favoriser le maintien à domicile des
personnes âgées et handicapées ; que, par un avis d'appel public à candidatures publié le 26
juin 2000, il a engagé à cette fin une procédure de mise en concurrence en vue de la passation
d'une délégation de service public ; que la société Infocom Service, candidate dont l'offre a été
écartée, a saisi le tribunal administratif de Limoges d'un recours pour excès de pouvoir contre
la délibération du 17 novembre 2000 par laquelle la commission permanente du conseil
général a rejeté son offre et attribué cette délégation au groupement Ansee / Présence 19 ; que,
par l'arrêt attaqué du 24 avril 2007, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le
jugement du 8 avril 2004 par lequel le tribunal administratif de Limoges avait rejeté la
demande de la société Infocom Service, ainsi que la délibération litigieuse ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Infocom service :
Considérant qu'il ressort de la délibération du 5 juillet 2007 de la commission permanente du
conseil général de la Corrèze que le président du conseil général est dûment habilité à se
pourvoir en cassation contre l'arrêt de la cour administrative de Bordeaux du 24 avril 2007 ;
qu'ainsi la fin de non-recevoir soulevée par la société Infocom Service doit être écartée ;
15
Sur la régularité de l'arrêt attaqué, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du
pourvoi :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Infocom
Service n'avait pas soulevé avant la clôture de l'instruction le moyen, qui n'est pas d'ordre
public, tiré de ce que les critères de choix retenus par l'autorité délégante ne correspondraient
pas à la hiérarchisation des critères publiés dans l'avis d'appel public à la concurrence ; que,
dès lors, la cour a entaché son arrêt d'irrégularité en retenant ce moyen ; que le
DEPARTEMENT DE LA CORREZE est, par suite, fondé à en demander l'annulation ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L.
821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales
: Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit
public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public
ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du
service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens
nécessaires au service. / Les délégations de service public des personnes morales de droit
public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de
publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions
prévues par un décret en Conseil d'Etat. Les garanties professionnelles sont appréciées
notamment dans la personne des associés et au vu des garanties professionnelles réunies en
son sein. Les sociétés en cours de constitution ou nouvellement créées peuvent être admises à
présenter une offre dans les mêmes conditions que les sociétés existantes. /La commission
mentionnée à l'article L. 1411-5 dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après
examen de leurs garanties professionnelles et financières, de leur respect de l'obligation
d'emploi des travailleurs handicapés prévue aux articles L. 5212-1 à L. 5212-4 du code du
travail et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l'égalité des usagers
devant le service public. /La collectivité adresse à chacun des candidats un document
définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s'il y a
lieu, les conditions de tarification du service rendu à l'usager. /Les offres ainsi présentées sont
librement négociées par l'autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme
de ces négociations, choisit le délégataire. ;
Considérant que les personnes publiques sont chargées d'assurer les activités nécessaires à la
réalisation des missions de service public dont elles sont investies et bénéficient à cette fin de
prérogatives de puissance publique ; qu'en outre, si elles entendent, indépendamment de ces
missions, prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent légalement le faire que
dans le respect tant de la liberté du commerce et de l'industrie que du droit de la concurrence ;
qu'à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite
de leurs compétences, mais également justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter
notamment de la carence de l'initiative privée ; qu'une fois admise dans son principe, une telle
intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu'en raison de la situation
particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres
opérateurs agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur
celui-ci ;
16
Sur la création du service public local de téléassistance aux personnes âgées et handicapées :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le service de téléassistance aux personnes
âgées et handicapées créé par le DEPARTEMENT DE LA CORREZE, dans le cadre de son
action en matière d'aide sociale, a pour objet de permettre à toutes les personnes âgées ou
dépendantes du département, indépendamment de leurs ressources, de pouvoir bénéficier
d'une téléassistance pour faciliter leur maintien à domicile ; que ce service consiste, d'une
part, à mettre à disposition de l'usager un matériel de transmission relié à une centrale de
réception des appels, fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept,
chargée d'identifier le problème rencontré par l'usager et d'apporter une réponse par la mise en
oeuvre immédiate d'une intervention adaptée à son besoin, grâce à un réseau de solidarité
composé de personnes choisies par l'usager, à un service médical, social ou spécialisé et aux
dispositifs locaux existants, tels que les instances de coordination gérontologique, les platesformes de service, le service de soins infirmiers à domicile pour personnes âgées, d'autre part,
à intervenir au besoin au domicile de l'usager dans les vingt-quatre heures suivant l'appel de
l'usager ou moins, selon l'urgence ; que le délégataire, tenu d'organiser localement le service,
doit envisager, en fonction de la montée en charge du dispositif, l'installation d'une agence
locale dans le département ; que, pour le financement de ce service, le DEPARTEMENT DE
LA CORREZE intervient en réduction du coût réel de la prestation pour les usagers ; qu'ainsi,
même si des sociétés privées offrent des prestations de téléassistance, la création de ce
service, ouvert à toutes les personnes âgées ou dépendantes du département, indépendamment
de leurs ressources, satisfait aux besoins de la population et répond à un intérêt public local ;
que, par suite, cette création n'a pas porté une atteinte illégale au principe de liberté du
commerce et de l'industrie ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'illégalité de la délibération
du 23 juin 2000 qui a crée ce service, et sur le fondement de laquelle la procédure de
délégation litigieuse a été engagée, doit être écarté ;
Sur le choix du délégataire :
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la délibération attaquée ait pour
effet de permettre au délégataire retenu, le groupement Ansee / Présence 19, d'abuser d'une
position dominante, en méconnaissance du droit de la concurrence ; qu'il n'en ressort pas
davantage que le choix de lui confier ce service reposerait sur une erreur manifeste
d'appréciation ;
…….
DECIDE:
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 24 avril 2007 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la société Infocom Service devant la cour administrative
d'appel de Bordeaux et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre des
dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du DEPARTEMENT DE LA CORREZE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA CORREZE et à la
société Infocom Service.
17
Document n° 9 : CE, 23 mai 2012, RATP, req. n°348909
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai et 27 juillet
2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la REGIE AUTONOME
DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP), dont le siège est 54, quai de la Rapée à Paris
Cedex 12 (75599), représentée par son président-directeur général, qui demande au Conseil
d'Etat
:
1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA05734 du 14 avril 2011 par lequel la cour administrative d'appel
de Paris, après avoir, à l'article 1er, admis l'intervention de la société Bolloré SA, a, par
l'article 2, rejeté sa requête tendant, à titre principal, à ce qu'il soit sursis à l'exécution du
jugement n° 0808815-0808823-0808827 du 5 novembre 2010 par lequel le tribunal
administratif de Paris, après avoir annulé la décision du 18 septembre 2007 du présidentdirecteur général de la RATP rejetant l'offre présentée par la société 20 Minutes France en
vue de l'attribution d'autorisations précaires d'occupation du domaine public de la Régie
permettant la distribution de journaux périodiques gratuits, la décision du 30 novembre 2007
du président-directeur général de la RATP de signer la convention autorisant la société
Bolloré SA à occuper le domaine public de la RATP et la décision implicite, née du silence
gardé pendant deux mois par le président-directeur général de la RATP, rejetant la demande
présentée par la société 20 Minutes France tendant à ce qu'il soit mis un terme à la convention
d'occupation du domaine public conclue le 30 novembre 2007, a enjoint à la RATP, si elle ne
pouvait obtenir de la société Bolloré SA qu'elle accepte la résolution de la convention
d'occupation du domaine public, de saisir le juge du contrat dans le délai d'un mois à compter
de la notification du jugement aux fins de voir prononcer la résolution de cette convention et,
à titre subsidiaire, à ce qu'il soit ordonné de surseoir à l'exécution du jugement en ce qu'il lui a
enjoint de saisir le juge du contrat et, par l'article 3, a mis à sa charge le versement à la société
20 Minutes France d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative ;
2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de sursis à l'exécution, de faire droit à ses
conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Paris ;
3°) de mettre à la charge de la société 20 Minutes France le versement de la somme de 5 000
euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
(…)
Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il
est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision
administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit
sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état
de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du
jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement " ;
Considérant que l'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une
18
personne privée à occuper une dépendance de ce domaine en vue d'y exercer une activité
économique, à la condition que cette occupation soit compatible avec l'affectation et la
conservation de ce domaine ; que la décision de délivrer ou non une telle autorisation, que
l'administration n'est jamais tenue d'accorder, n'est pas susceptible, par elle-même, de porter
atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dont le respect implique, d'une part, que les
personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services
exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et
proportionnées à l'objectif poursuivi et, d'autre part, qu'elles ne puissent prendre elles-mêmes
en charge une activité économique sans justifier d'un intérêt public ; que la personne publique
ne peut toutefois délivrer légalement une telle autorisation lorsque sa décision aurait pour
effet de méconnaître le droit de la concurrence, notamment en plaçant automatiquement
l'occupant en situation d'abuser d'une position dominante, contrairement aux dispositions de
l'article L. 420-2 du code de commerce ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Paris
que la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS (RATP) a décidé d'autoriser
des entreprises à installer des présentoirs sur son domaine public pour y diffuser des journaux
gratuits ; que, pour annuler les décisions par lesquelles le président-directeur général de cet
établissement, à l'issue de la procédure de mise en concurrence ouverte par la publication d'un
avis le 11 septembre 2006, a rejeté l'offre présentée à cette fin par la société 20 Minutes
France, a décidé de conclure avec la société Bolloré SA un contrat l'autorisant à occuper son
domaine public et a rejeté la demande de la société 20 Minutes France tendant à ce qu'il soit
mis un terme à ce contrat, le tribunal administratif de Paris a estimé que l'autorisation
accordée à la société Bolloré SA portait une atteinte illégale à la liberté du commerce et de
l'industrie ;
Considérant qu'en estimant que le moyen d'appel de la RATP, tiré de l'absence d'atteinte à
cette liberté, ne paraissait pas sérieux, alors que pour retenir une telle atteinte, les premiers
juges s'étaient fondés, non sur une intervention de la personne publique sur le marché de la
distribution de journaux gratuits, mais sur les effets qui en résulteraient dans les relations
entre les entreprises de presse, lesquels ne pouvaient relever que d'une éventuelle situation
d'abus de position dominante ou de manquements à d'autres règles de concurrence, la cour a
commis une erreur de droit ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres
moyens du pourvoi, les articles 2 et 3 de son arrêt doivent être annulés ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire, dans cette
mesure, au titre de la procédure de sursis à exécution engagée par la RATP ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " (...) doivent être
motivées les décisions qui (...) refusent une autorisation (...) " ; que la décision rejetant une
offre présentée en vue de la conclusion d'une convention d'occupation du domaine public
constitue un refus d'autorisation au sens de ces dispositions et doit, par suite, être motivée ;
qu'il ressort cependant des pièces du dossier que par sa décision du 18 septembre 2007
rejetant l'offre présentée par la société 20 Minutes France, la RATP se borne à lui indiquer
qu'après analyse de l'ensemble des offres, la sienne n'a pas été retenue ; que le moyen tiré de
l'insuffisance de motivation de cette décision paraît dès lors, en l'état de l'instruction, de
nature à confirmer l'annulation de cette décision par le tribunal administratif de Paris ;
Considérant, en revanche, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tiré de ce que
les décisions annulées par le tribunal administratif de Paris ne portaient, contrairement à ce
19
qu'il a jugé, aucune atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie doit être regardé, en
l'état de l'instruction, comme sérieux ; que si la société 20 Minutes France a invoqué, à l'appui
de ses demandes d'annulation, des moyens tirés de ce que la société Bolloré SA serait placée
en situation d'abuser nécessairement d'une position dominante, de ce que la RATP aurait ellemême abusé de sa propre position dominante, de la méconnaissance du principe de la libre
concurrence, de l'atteinte portée au pluralisme de la presse ainsi qu'à la libre diffusion de la
presse, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2125-3 du code général de la
propriété des personnes publiques, aux termes duquel la redevance doit tenir compte des
avantages procurés au titulaire de l'autorisation, de l'absence de justification du montant de la
redevance et de la méconnaissance, par le contrat signé, de la disposition du règlement de la
consultation prohibant la distribution des journaux par colportage, aucun de ces moyens
n'apparaît, en l'état de l'instruction, de nature à confirmer l'annulation de la décision de la
RATP de signer le contrat et de sa décision refusant d'y mettre fin ni, par voie de
conséquence, à confirmer l'injonction qui lui est faite de saisir le juge du contrat afin qu'il
prononce la résolution du contrat ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen invoqué par la RATP et tiré de
l'absence d'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie paraît, en l'état de l'instruction,
sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le
rejet, d'une part, des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement, sauf en tant
qu'elles sont dirigées contre la décision du 18 septembre 2007 par laquelle le présidentdirecteur général de la RATP a rejeté l'offre présentée par la société 20 Minutes France, et,
d'autre part, des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la RATP de saisir le juge du
contrat afin qu'il en prononce la résolution ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font
obstacle à ce que soit mise à la charge de la RATP, qui n'est pas, dans la présente instance, la
partie perdante, la somme que demande la société 20 Minutes France au titre des frais exposés
par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de
l'espèce, de mettre à la charge de cette société le versement à la RATP d'une somme de 4 500
euros au titre des frais exposés par elle tant devant la cour administrative d'appel de Paris que
devant le Conseil d'Etat ;
DECIDE:
-------------Article 1er : Les articles 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 14 avril
2011 sont annulés.
Article 2 : Il est sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 5
novembre 2010 jusqu'à ce que la cour administrative d'appel de Paris ait statué sur la requête
d'appel de la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS PARISIENS sauf en tant que ce
jugement annule la décision du 18 septembre 2007 rejetant l'offre présentée par la société 20
Minutes France.
Article 3 : La société 20 Minutes France versera à la REGIE AUTONOME DES
TRANSPORTS PARISIENS une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code
de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la REGIE AUTONOME DES TRANSPORTS
PARISIENS, à la société 20 Minutes France et à la société Bolloré SA.
20
Document n° 10 : CAA Paris, 3 juillet 2012, Chambre syndicale des loueurs de voitures
automobiles, req. n° 11PA02157
Vu la requête, enregistrée le 5 mai 2011, présentée pour la CHAMBRE SYNDICALE DES
LOUEURS DE VOITURES AUTOMOBILES et le SYNDICAT PROFESSIONNEL DES
CENTRAUX RADIO TAXI DE PARIS ET DE LA REGION PARISIENNE, dont les sièges
sont situés 22-28 rue Henri Barbusse à Clichy (92110), par la SCP Fabiani-Luc-Thaler ; la
CHAMBRE SYNDICALE DES LOUEURS DE VOITURES AUTOMOBILES (CSLVA) et
le SYNDICAT PROFESSIONNEL DES CENTRAUX RADIO TAXI DE PARIS ET DE LA
REGION PARISIENNE (SCR) demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1011822/6-1 du 18 février 2011 par lequel le Tribunal
administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 14 avril
2010 par laquelle le préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France, a refusé d'abroger son
arrêté du 9 juillet 2009 autorisant la création du syndicat mixte Autolib' ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) d'enjoindre au préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France, d'abroger l'arrêté du 9
juillet 2009 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 73-225 du 2 mars 1973 relatif à l'exploitation des taxis et voitures de remise ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 juin 2012 :
- le rapport de Mme Sirinelli, rapporteur,
- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public,
- et les observations de Me Cordier, représentant le cabinet Earth Avocats, pour le syndicat
mixte Autolib' ;
Considérant que, par un arrêté en date du 9 juillet 2009, le préfet de Paris, préfet de la région
Ile-de-France a autorisé la création d'un syndicat mixte ouvert entre les collectivités
territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale ayant pour objet
l'étude, la réalisation et l'exploitation d'un service de véhicules automobiles en libre service
dénommé " Autolib' ", et approuvé les statuts de cet établissement public ; que, par une lettre
du 10 février 2010, la CHAMBRE SYNDICALE DES LOUEURS DE VOITURES
AUTOMOBILES et le SYNDICAT PROFESSIONNEL DES CENTRAUX RADIO TAXI
DE PARIS ET DE LA REGION PARISIENNE ont demandé au préfet de Paris, préfet de la
région Ile-de-France d'abroger cet arrêté en faisant valoir que les conditions d'une intervention
publique n'étaient pas satisfaites et que la création du service Autolib' porterait une atteinte
illégale au libre jeu de la concurrence ; que, par décision date du 14 avril 2010, le préfet de
Paris a rejeté cette demande, refusant d'abroger son arrêté du 9 juillet 2009 ; que les
organisations requérantes demandent à la Cour d'annuler le jugement en date du 18 février
2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation
de la décision du 14 avril 2010 ;
21
Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité :
Considérant que les personnes publiques sont chargées d'assurer les activités nécessaires à la
réalisation des missions de service public dont elles sont investies et bénéficient à cette fin de
prérogatives de puissance publique ; qu'en outre, si elles entendent, indépendamment de ces
missions, prendre en charge une activité économique, elles ne peuvent légalement le faire que
dans le respect tant de la liberté du commerce et de l'industrie que du droit de la concurrence ;
qu'à cet égard, pour intervenir sur un marché, elles doivent, non seulement agir dans la limite
de leurs compétences, mais également justifier d'un intérêt public, lequel peut résulter
notamment de la carence de l'initiative privée ; qu'une fois admise dans son principe, une telle
intervention ne doit pas se réaliser suivant des modalités telles qu'en raison de la situation
particulière dans laquelle se trouverait cette personne publique par rapport aux autres
opérateurs agissant sur le même marché, elle fausserait le libre jeu de la concurrence sur
celui-ci ;
En ce qui concerne l'intérêt public en cause :
Considérant que le service dénommé Autolib', dont la mise en place et l'exploitation sont
assurées par un syndicat mixte associant des collectivités territoriales et des établissements
publics de coopération intercommunale, a pour objet de compléter l'offre de transports à Paris
et dans certaines communes avoisinantes, en proposant à la location en libre service 3 000
véhicules automobiles à motorisation électrique, déployés sur environ 1 000 stations ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code général des
collectivités territoriales : " Les communes, les départements et les régions règlent par leurs
délibérations les affaires de leur compétence. Ils concourent avec l'Etat à l'administration et à
l'aménagement du territoire, au développement économique, social, sanitaire, culturel et
scientifique, ainsi qu'à la protection de l'environnement, à la lutte contre l'effet de serre par la
maîtrise et l'utilisation rationnelle de l'énergie, et à l'amélioration du cadre de vie " ; que la
CHAMBRE SYNDICALE DES LOUEURS DE VOITURES AUTOMOBILES et le
SYNDICAT PROFESSIONNEL DES CENTRAUX RADIO TAXI DE PARIS ET DE LA
REGION PARISIENNE soutiennent que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que
la création d'un service d'auto-partage était justifiée par un intérêt public, alors que l'intérêt
environnemental retenu ne se vérifie pas, et que les considérations liées à l'accroissement de
la circulation automobile sont à elles seules insuffisantes pour caractériser l'existence d'un tel
intérêt ; que, toutefois, si les organisations requérantes font état de la pollution indirecte
induite par l'utilisation de véhicules électriques, liée à la production nucléaire de l'électricité
nécessaire à leur fonctionnement et aux problèmes de recyclage des batteries de ces véhicules,
ces considérations demeurent insuffisamment étayées, alors que l'usage de véhicules
électriques est, en l'état actuel des recherches scientifiques, très majoritairement considéré
comme participant de la protection de l'environnement ; qu'au surplus, les bénéfices
environnementaux attendus d'Autolib', outre la mise en service de véhicules électriques,
découlent également du système d'auto-partage, destiné à diminuer le nombre de véhicules
privatifs en région parisienne ; qu'ainsi, c'est à bon droit, et par une motivation suffisante, que
le tribunal, qui n'était pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des éléments d'argumentation
développés devant lui, a retenu les bénéfices environnementaux attendus d'Autolib' et conclut
sur ce point à l'existence d'un intérêt public ;
22
Considérant, en second lieu, que la CHAMBRE SYNDICALE DES LOUEURS DE
VOITURES AUTOMOBILES et le SYNDICAT PROFESSIONNEL DES CENTRAUX
RADIO TAXI DE PARIS ET DE LA REGION PARISIENNE soutiennent que, s'agissant des
difficultés résultant de l'accroissement de la circulation automobile en zone urbaine, la
création d'Autolib' se révèle porteuse de plus d'inconvénients que d'avantages, alors qu'une
offre privée de mise à disposition de véhicules existe déjà, tels les systèmes Caisse commune
ou Connect by Hertz ; que, toutefois, si un intérêt public peut résulter de la carence ou de
l'insuffisance de l'initiative des entreprises détenues majoritairement ou exclusivement par des
personnes privées, une telle carence ou une telle insuffisance ne saurait être regardée comme
une condition nécessaire de l'intervention d'une personne publique sur un marché, dès lors que
les activités en cause présentent un intérêt public suffisant ; qu'en tout état de cause, il ne
ressort pas des éléments exposés par les organisations requérantes que l'offre privée de mise à
disposition de véhicules existante présente un caractère suffisant au regard des objectifs
d'intérêt public poursuivis, en termes tant environnementaux que d'amélioration de l'offre de
transports, alors, par ailleurs, que les effets négatifs allégués de la création d'Autolib' sur cette
offre privée préexistante, ainsi que sur le nombre de places de stationnement réservées aux
taxis, présentent un caractère hautement hypothétique et ne sont pas davantage démontrés ;
qu'enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des différentes études
prospectives citées par les parties, qu'un tel service d'auto-partage ne constituerait pas une
modalité de transport susceptible de répondre à un besoin de la population des communes
concernées ; qu'ainsi, c'est à bon droit que les premiers juges ont également retenu l'existence
d'un intérêt public lié à l'objectif de diversification de l'offre de transports et de réduction des
difficultés résultant de l'accroissement de la circulation automobile dans la zone concernée ;
En ce qui concerne l'atteinte au libre jeu de la concurrence :
Considérant, en premier lieu, que la CHAMBRE SYNDICALE DES LOUEURS DE
VOITURES AUTOMOBILES et le SYNDICAT PROFESSIONNEL DES CENTRAUX
RADIO TAXI DE PARIS ET DE LA REGION PARISIENNE soutiennent que le tribunal a
estimé, à tort, que le service d'auto-partage en cause n'intervenait pas sur le même marché que
les centraux de radio taxis, dès lors, en particulier, que le marché pertinent ne saurait
s'analyser par rapport aux modalités d'exécution de la prestation, mais eu égard à sa finalité ;
que, toutefois, l'exploitation de taxis, impliquant en particulier la mise à disposition d'un
chauffeur, pour un trajet librement choisi, ainsi qu'une facturation à la durée, ne saurait être
regardée comme substituable à l'auto-partage des véhicules, qui offre l'accès à un véhicule
sans conducteur pour une durée limitée, et dont les modalités d'utilisation et de facturation
répondent à des règles entièrement distinctes, nonobstant la finalité commune de transport
individuel de personnes de ces services ; qu'ainsi les organisations requérantes ne sont pas
fondées à soutenir que le service mis en place dans le cadre d'Autolib' interviendrait sur le
même marché que celui des centraux de radio taxis ;
Considérant, en deuxième lieu, que la CHAMBRE SYNDICALE DES LOUEURS DE
VOITURES AUTOMOBILES et le SYNDICAT PROFESSIONNEL DES CENTRAUX
RADIO TAXI DE PARIS ET DE LA REGION PARISIENNE soutiennent que l'intervention
d'un service d'auto-partage fausse le libre-jeu de la concurrence, dès lors que sa création a des
conséquences sur l'activité des taxis, qui bénéficieront de moins de places de stationnement et
ne pourront concurrencer ses niveaux tarifaires ; que, toutefois, et en tout état de cause, les
requérants ne sauraient utilement tirer argument des tarifs proposés par l'attributaire du
service Autolib', inconnus à la date de la décision attaquée, pour obtenir l'annulation du refus
d'abroger l'arrêté du 9 juillet 2009 ; qu'en outre, comme il a déjà été indiqué ci-dessus,
23
l'incidence de la création d'un service d'auto-partage, dont l'objectif à long terme est
d'entraîner la diminution du nombre de véhicules automobiles privatifs, sur le nombre de
places de stationnement réservées aux taxis reste hautement incertaine ;
Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2224-1 du code général des
collectivités territoriales : " Les budgets des services publics à caractère industriel ou
commercial exploités en régie, affermés ou concédés par les communes, doivent être
équilibrés en recettes et en dépenses. " ; qu'aux termes de l'article L. 2224-2 dudit code : " Il
est interdit aux communes de prendre en charge dans leur budget propre des dépenses au titre
des services publics visés à l'article L. 2224-1. Toutefois, le conseil municipal peut décider
une telle prise en charge lorsque celle-ci est justifiée par l'une des raisons suivantes : 1°
Lorsque les exigences du service public conduisent la collectivité à imposer des contraintes
particulières de fonctionnement ; 2° Lorsque le fonctionnement du service public exige la
réalisation d'investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre
d'usagers, ne peuvent être financés sans augmentation excessive des tarifs ; (...) " ;
Considérant que la CHAMBRE SYNDICALE DES LOUEURS DE VOITURES
AUTOMOBILES et le SYNDICAT PROFESSIONNEL DES CENTRAUX RADIO TAXI
DE PARIS ET DE LA REGION PARISIENNE soutiennent que les prêts accordés et les
subventions versées à l'attributaire du service Autolib' lui offrent en l'espèce une sécurité
financière incompatible avec le libre-jeu de la concurrence ; qu'ils font valoir, en particulier,
que les articles 14 et 15 des statuts du syndicat mixte, articulés avec les articles 61 et 63 de la
convention signée le 25 février 2011, créent une hypothèse où le syndicat mixte sera obligé de
compenser contractuellement les pertes subies par l'attributaire, alors même que cette
compensation ne saurait se justifier au regard d'une quelconque sujétion de service public, et
ce en méconnaissance des articles précités du code général des collectivités territoriales ; que,
toutefois, et en tout état de cause, les requérants ne sauraient utilement tirer argument, en
l'espèce, de la teneur de la convention signée entre le syndicat mixte et l'attributaire
postérieurement à la décision attaquée, ni a fortiori se prévaloir de prêts accordés à la société
Bolloré, qui n'était pas encore attributaire à la date de cette décision, pour critiquer les
modalités financières de mise en oeuvre de l'auto-partage ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CHAMBRE SYNDICALE DES LOUEURS
DE VOITURES AUTOMOBILES et le SYNDICAT PROFESSIONNEL DES CENTRAUX
RADIO TAXI DE PARIS ET DE LA REGION PARISIENNE ne sont pas fondés à soutenir
que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur
demande ;
24
Téléchargement