Méthodologie : Dans le sillage d`un Norbert Elias ou d`un Anthony

Construction identitaire en Afrique :
Communication stratégique et changement de
comportement citoyen
Louis Roger Kemayou
Université de Douala
Département des sciences
de la communication
INTRODUCTION
Kwame Nkrumah en lançant un cri en faveur de l’unité continentale dès avril 1958, à la première
Conférence des Etats Africains Indépendants, mettant ainsi en évidence la nécessité des indépendances
économiques plutôt que politiques qui confineraient les micro Etats à l’intérieur des frontières tracées pour
eux, s’est vu contesté cette vision par les tenants de thèses opposées. Léopold Sédar Senghor alors député au
parlement français souhaitait que les Territoires d’Outre-mer soient organisés en fédérations pour ‘’partager les
dépenses et regrouper les moyens’’. Félix Houphouët Boigny quant à lui, prétextant tirer les leçons du
fédéralisme qui avait déjà donné lieu à l’éclatement préjudiciable de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et
de l’Afrique Equatoriale Française (AEF), avait milité en faveur de la Loi-cadre dont on avait vu qu’elle avait
permis une semi autonomie interne des colonies françaises en juin 1956. On a pu relever que cette position
d’Houphouët Boigny procédait d’une attitude égoïste, ne souhaitant pas voir la Côte d’Ivoire être la vache à lait
des autres pays de la fédération.
Cet état esprit est à l’œuvre dans l’histoire récente des Etats africains marquée par de nombreuses
tentatives de réalisations infructueuses de l’unité continentale. Cet objectif prioritaire des pères fondateurs de
l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), va être au contraire mis en péril par d’innombrables conflits entre
Etats-membres1
1
et ce, moins d’une décennie seulement après les indépendances acquises. Cette situation
qui perdure en cette ère de globalisation des économies, porteuse de l’idéologie de la mondialisation est on ne
peut plus préoccupante. Voilà qui nous interpelle quant à la nécessité d’interroger la pertinence des
présupposés ayant présidé à l’adoption des approches sous-tendant jusque là, la problématique de la
construction unitaire. Cette problématique est en effet, confrontée à un hiatus relativement à une appréhension
plutôt approximative par les africains eux-mêmes, de leur continent, selon qu’il s’agit d’une donnée objective
adossée sur la territorialité, les institutions et autres conventions, ou d’une donnée subjective, intériorisée par
les acteurs.
Section 1 - Position du problème et considérations méthodologiques:
La fréquence des conflits (ces dix dernières années) entre Etats ayant pourtant ratifié la charte de l’unité
africaine, témoigne si besoin est, de la difficile concrétisation de cette contradiction entre les préoccupations
identitaires légitimes (de l’ordre de l’individu) et collectives. Au premier niveau, nous voyons que la recherche
de l’identité nationale pour chacun des pays ayant accédé à l’indépendance, si elle est d’abord synonyme de
liberté, au second, elle est facteur d’exclusion. A l’évidence, l’échelle individuelle se situe la nation fait bien
valoir le lien entre identité et émancipation, d’où les luttes pour cette dernière, passant à l’intérieur des
frontières, par celles relatives à l’affirmation des droits des citoyens : liberté d’aller et de venir dans le continent,
de penser, d’expression, de revendication égalitaire.
1
Conflits Algérie Maroc ; Ethiopie Somalie, Guinée Sénégal, Ouganda Tanzanie Gabon Guinée Equatoriale, Cameroun Nigeria,
Zaïre Angola, Tchad Libye…
C’est du reste ce qui explique qu’à l’intérieur des frontières nationales
2
, on assiste à des tensions et
autres crises donnant même lieu à des conflits armés. A notre sens, il n’est pas judicieux de les rattacher à une
seule cause, en l’occurrence, la résurgence des insurrections nationalistes observées avant les indépendances
ou même dans la décade qui les a suivi. A tout le moins pouvons-nous suggérer à ce niveau de notre propos,
soit que ces tensions, crises et conflits résultent d’une absence de domestication de la part des pouvoirs
africains, de la culture occidentale adoptée par l’ensemble des Etats de ce continent depuis la colonisation, soit
de la difficile démocratisation de la politique africaine (et cette seconde raison est corollaire de la première).
Tout se passe en effet comme si les Africains au lendemain de l’accession de leurs Etats aux fameuses
‘’souverainetés nationales’’, soucieux qu’ils étaient, de panser les plaies issues de la balkanisation de leur
continent, ont laissé aux ex-puissances coloniales, le soin de définir pour eux, les contours de la
(re)construction de leurs identités respectives. De là, ces deux enjeux contradictoires pour reprendre le mot de
Dominique Wolton
3
, consistant pour l’essentiel en un défi sisyphien : construire leurs nouvelles identités
nationales autour du combat contre les effets de la balkanisation d’une part, et promouvoir l’unité continentale
d’autre part.
Au moment des conflits internes, après le Libéria, la Sierra Leone, le Rwanda, le Burundi,
préoccupent un pays comme la Côte d’Ivoire en Afrique de l’Ouest, et que les organisations sous-régionales
(CEDEAO, Conseil de l’entente, CEAO) pas plus que l’organisation continentale rénovée, peinent à aider les
Ivoiriens à retrouver le chemin de l’unité, il y a lieu de se poser des questions relativement à l’image unitaire
qu’aiment à donner d’eux, les Etats africains.
En Afrique de l’Ouest, après avoir donné au monde l’image d’une intégration réussie, pour avoir bien
géré semblait-il alors, les effets de la balkanisation de parts et d’autres de leurs frontières nationales, Ivoiriens,
Burkinabés, et Maliens par exemple en sont venus à se regarder en chiens de faïence, en raison de conflits
internes survenus en Côte d’Ivoire, sur fond de débat politico ethnico religieux. L’Afrique Centrale dans le
même temps se particularisait par une espèce de conflit larvé qui ne permettait pas d’y observer par exemple,
entre Fangs du Cameroun, du Gabon et de Guinée Equatoriale, ou entre Bayas de Centrafrique, du Cameroun
et du Tchad, les relations fraternelles comme il en existe aux frontières de la Côte d’Ivoire, du Togo, du Bénin.
Dès lors se pose le problème de l’écartèlement des citoyens entre les exigences d’une part, de leur identité
africaine sous le rapport de leurs libertés, et d’autre part celles de construction communautaire portées par les
logiques divergentes des populations et de leurs chefs d’Etats respectifs (aux plans de l’ethnie, de la
nationalité, de leur africanité).
§ 1 - Problématique :
La problématique formulée est alors : Peut-on valablement construire une identité africaine sous le seul
rapport d’un cadre institutionnel, sans interroger les causes profondes des crises identitaires et conflits actuels
qui traversent le continent et sans y associer les citoyens ? Cette interrogation en appelle deux autres :
- L’Afrique des citoyens ne devrait-elle pas prendre le pas sur celle des chefs d’Etats dont on voit bien que
de sommet en sommet depuis la naissance de l’OUA, elle n’a pas su réaliser la libre circulation des biens et
des personnes ?
- Comment construire une communauté africaine qui ne porterait pas en elle les germes des tensions
actuelles et qui conférerait aux Africains, une identité sociale forte ?
La réponse à ces ordres de questions passerait à notre sens, par une appréhension judicieuse de théories
sociologiques et communicationnelles des organisations. Et ce, dans une perspective constructiviste pour
apprécier la dynamique des processus de constructions identitaires des populations africaines et leur rapport
2
C’est notamment le cas en République Démocratique du Congo et en Côte d’Ivoire.
3
Dominique Wolton, Penser la communication, Paris, Flammarion, 1996.
aux politiques volontaristes de leurs chefs d’Etats. Ces dernières étant induites par les dispositifs incitatifs d’une
communauté internationale convaincue de la pertinence de l’expertise des institutions de Bretton Woods.
Notre intérêt pour le présent thème est de deux ordres : d’abord personnel car nous avons été migrant
pendant plus d’une décennie en Afrique occidentale et avons pu nous rendre compte des pesanteurs d’une
construction identitaire, ensuite professionnelle pour autant que nous voulons revendiquer pour la
communication des organisations, la place qu’elle doit occuper en Afrique seule l’emporte, l’optique
médiatique de la communication.
§ 2 - Considérations méthodologiques :
L’objectif poursuivi est de montrer comment à partir de dynamiques internes, les populations africaines
construisent une identité sociale, ce qui semble échapper à leurs leaders. Nos considérations
méthodologiques s’inscrivent dans le sillage d’un Norbert Elias
4
ou d’un Anthony Giddens
5
à travers leurs
approches respectives de la configuration et de la territorialité, pour tenter de rendre compte de la construction
identitaire par des agents qui sont en même temps des sujets ayant des représentations de leur vie en société.
Aussi avons-nous recours à la recherche documentaire pour mettre en exergue, le mode de fonctionnement
des groupes nationaux identifiés ici à travers leurs organisations sous régionales, tout en cherchant à accéder à
l’expérience que ces derniers ont de leur propre groupe et des autres groupes.
L’identité dont il est ici question, est un construit par lequel un individu ou un groupe se détermine en
déterminant les autres. Elle consiste soit en une attribution (l’identité pour autrui), soit en un sentiment
d’appartenance (l’identité pour soi). Selon le mot de Claude Dubar
6
, l’identité dépend autant des jugements
d’autrui que de ses propres orientations et définitions de soi. La construction identitaire africaine nous
l’envisageons comme une identité sociale faite de transactions, l’une étant interne à l’individu et l’autre externe
entre l’individu et les institutions avec lesquelles il entre en interaction. Inscrivant notre propos dans les
sociologies économique, des relations internationales, du changement social et la communication des
organisations, il s’agit de confronter les processus d’autonomisation de la construction identitaire des
populations, à celui de reproduction des institutions (ces dernières étant détentrices de l’autorité, de pouvoir),
de manière à mettre en perspective les notions centrales d’apprentissage et de participation.
En effet, l’organisation, ici la puissance publique (Etats, organismes supranationaux) trouvant son
fondement dans la fonction de préférence autonome non totalement déconnectée de celles des autres agents,
mais les transcendant, est ce ‘’dispositif cognitif ‘’ collectif qui aménage au moyen de contrats et de contraintes,
les interactions individuelles de nature à desserrer par un processus d’Apprentissage Collectif, une contrainte
globale. C’est la dynamique de cet apprentissage qui permettrait aux acteurs individuels et collectifs d’intégrer
les rôles sociaux dont la complexité est à l’image de leurs enjeux socio économique et politique.
Section 2 - Processus de légitimation identitaire en Afrique
§ 1 - Difficile construction identitaire dans les cadres institutionnels
Face à la montée des instabilités et autres incertitudes internationales (du fait de renforcements des
blocs régionaux en Europe et en Amérique), les Etats africains construits sur le modèle des ex puissances
coloniales, sont en butte à un double enjeu individuel et collectif (respectivement sous le rapport des
souverainetés nationales et de la construction communautaire). Ces Etats en tant que construction objective
(indépendante des dirigeants et des dominés) et subjective (intériorisée par les acteurs sociaux), sont
4
Norbert Elias, Qu’est-ce que la sociologie ? Paris ‘’Agora’’ Pocket, 1981.
5
Anthony Giddens, Eléments de la théorie de la structuration, Paris, PUF, 1987.
6
Claude Dubar, La socialisation ; construction des identités sociales et professionnelles, Paris, A. Colin, Coll. U, 1996.
déterminés par trois éléments constitutifs : la population, le territoire et l’organisation interne. En consacrant le
principe de l’intégrité territoriale d’abord par la charte de l’Organisation de l’Unité Africaine de 1963, ensuite par
la résolution du Caire de 1964 et enfin par l’acte constitutif de l’Unité Africaine de 2000, ces Etats ont tout
simplement adopté l’optique weberienne du territoire comme fondement de la compétence rationae loci de leur
domination. Mais il n’y a qu’à constater sur le continent les velléités sécessionnistes et autres conflits frontaliers
pour se rendre compte que ce concept emprunté à la modernité occidentale est dans le contexte africain, un
concept à géométrie variable. En effet l’espace africain est ce continuum à l’intérieur duquel non seulement les
découpages sont arbitraires mais qui plus est, les frontières nationales qui en délimitent les territoires sont
constamment débordés d’en bas, par l’appartenance à des réseaux transfrontières et d’en haut par les
appartenances multiples à des ensembles qui se chevauchent.
De même, en adoptant le principe de la représentation et de la légitimité politique des ex puissances
coloniales, pour exprimer la volonté nationale, les Etats africains ont ainsi voulu affirmer leur compétence sur
les nationaux, sans que les préalables au régime représentatif y ait été suffisamment pris en compte. En
France, c’est au bout de deux siècles, qu’on est parvenu, non sans difficultés d’applications, à le mettre sur
pied. D’où les difficultés pour les Etats africains à refléter ici et là, l’existence de communautés politiques dignes
de ce nom. En effet, la plupart des Etats africains sont multiethniques ou alors multinationaux, et la force des
sociétés plurales organisées autour de l’ethnie, de la région, de religion, etc., relativise le monopole étatique de
l’allégeance citoyenne. Aussi, quand bien même la compétence personnelle des Etats est sous-tendue par la
nationalité, il apparaît que celle-ci est difficilement exercée pour de multiples raisons. Il s’ensuit par exemple,
des fraudes à la nationalité. Se pose alors aux Etats africains le problème de leurs rapports à la composante
‘’étrangère’’ africaine résidente sur leur territoire. Pour y faire face, les Etats africains ont envisagé encore une
fois, des solutions selon les standards occidentaux, sans tenir compte des spécificités africaines. En
conséquence, on assiste par exemple à des situations d’incompréhension de la part de populations africaines
de l’Ouest qui, quoique ressortissantes de pays membres de la Communauté Economique des Etats de
l’Afrique Occidentale (CEDEAO), sont pourtant considérées comme étrangères en Côte d’Ivoire. Voilà qui
témoigne de la précarité de la situation des africains étrangers en terre africaine, nonobstant l’existence de
cadres institutionnels conçus dans une logique contradictoire dinteraction entre individualisme et
communautarisme. Cette logique est bien entendu, celle des intérêts qui déterminent les dirigeants à mobiliser
à l’occasion, leur population aux fins de la légitimation de politique identitaire nationale sur fond de xénophobie
et d’exclusion, ainsi qu’on peut le voir dans l’ouvrage de Luc Sindjoun
7
.
Que l’Etat en Afrique comme expression identitaire d’un groupe soit en crise, ainsi que nous le
montrent les nombreux conflits ouverts ou larvés dans ce continent (Hutu et Tutsi au Rwanda-Burundi, Dioula
de Casamance au négal, Banyamulenge au Congo, chrétiens et musulmans au Nigeria et en Côte
d’Ivoire…), témoignent si besoin est de l’incompétence des Etats africains à réaliser la nation et expliquent par
conséquent, le hiatus entre les discours des dirigeants et la réalité empirique. Ces dirigeants vont souvent
jusqu’à évoquer l’importance supposée ou réelle de la population étrangère africaine sur leur sol pour
exacerber le sentiment nationaliste de leurs concitoyens. C’est ainsi qu’au Gabon, les Béninois, Nigérians et
Camerounais sont régulièrement utilisés dans le sens de la construction xénophobe de la citoyenneté. Dans
cette même lancée nous pouvons citer la question de la nationalité ivoirienne qui s’est posée avec une certaine
acuité à partir de l’année 1995, autour du concept très contesté de l’ivoirité. En Afrique du Sud entre 1988 et
1992, le gouvernement a rapatrié 13 000 Malawites pour les avoir associés à la prolifération de la pandémie du
Sida. A l’heure actuelle au Cameroun, les autorités politiques ne cachent plus leurs inquiétudes face à ce
qu’elles considèrent comme une croissance exponentielle du taux d’immigration étrangère d’origine africaine.
Notons que dans le courant de l’année 2004 les Camerounais étaient massivement expulsés de Guinée
Equatoriale une fois découverte faite dans ce pays d’immenses gisements de pétrole. Tout ceci rend compte de
l’échec récurrent des constructions volontaristes de l’unité africaine ou même tout simplement ‘’d’unions
interafricaines’’.
Dans ce contexte que nous venons de décrire, distinction est rarement faite entre réfugiés et étrangers.
Seuls sont mis en exergue, l’accroissement de la densi humaine, la pression foncière, les transferts
7
Luc Sindjoun, Sociologie des relations internationales africaines, Paris, Karthala, 2002
frauduleux des fonds, l’insécurité et/ou la crainte de l’exportation de conflits… Le moins que l’on puisse dire au
regard de tout ce qui précède, c’est que faute d’avoir pu réaliser la construction unitaire du continent, l’Afrique
n’offre même pas de voir se concrétiser de véritables unions sous régionales en dépit des organismes officiels
aux noms impressionnants, comme la CEDEAO, la CEMAC, la SADCComment pouvait-il en aller autrement
quand par ailleurs les Etats africains n’ont pas réussi malgré les déclarations intempestives des dirigeants, à
manifester dans les limites territoriales nationales leur autorité, de manière univoque. Les contestations
communautaires de tous ordres sont là, pour l’attester (Libéria, Sierra Leone, République Démocratique du
Congo, Somalie, Côte d’Ivoire…), auxquelles il convient d’ajouter l’incapacité pour nombre d’entre eux, sinon
de leur totalité, à asseoir l’autorité du pouvoir central dans les zones les plus reculées ou même à construire la
légitimité sociologique (la question de l’autorité de l’Etat camerounais sur l’île de Bakassi en est une
illustration).
§ 2 - L’Afrique des citoyens : une logique de construction identitaire africaine ?
L’identité africaine est cette structure qui permet à l’Africain (individu) de se définir ou non comme
membre compétent d’une organisation sociale (en l’occurrence ici, l’Afrique). La conscience de cette
appartenance n’est pas un élément suffisant pour faire apparaître ce processus qui affecte l’identité même de
l’individu. Il s’agit bien d’une organisation symbolique particulière, cognitivement appropriée par l’individu, qui va
servir de référence centrale qu’il peut donner de lui-même ou des autres, sans qu’il ait pour autant la lucidité de
ces déterminismes. Toutefois à travers les modes d’appropriation de l’espace continental, il nous apparaît que
les africains construisent leur identité sous le rapport de la représentation ou de l’image construite à partir de
laquelle ils élargissent le ‘’nous’’ en faisant reculer la frontière des ‘’autres’’.
Un certain nombre de facteurs se conjuguent pour expliquer la spécificité du processus de construction
identitaire africain. Le premier est d’ordre historique (ancienneté des réseaux qui débordent les frontières
nationales), le second est social (la constitution de l’Etat a tendu à précéder la Nation, d’où ces débordements
des frontières par les acteurs de la société civile et la constitution de périphéries frontalières) ; le troisième est
géographique (14 pays enclavés, faible densité des tailles des pays), le quatrième est économique (inégale
répartition des richesses) ; le cinquième est politique (tentative de résolution de la contradiction entre
appartenances ethniques transfrontalières et construction d’une identité africaine).
Il suit de ce qui précède entre africains de part et d’autres du continent, des relations qui ne se
réduisent pas toujours aux seuls calculs utilitaires. Ainsi, des aires de pâturages au-delà des frontières
nationales, aux logiques de transferts liés aux phénomènes migratoires, on peut voir comment tout ceci répond
davantage à des logiques sociales même si elles sont sous-tendues par l’économique, s’exprimant à travers
une solidarité à base d’appartenance à des groupes de parenté, à des communautés ethniques ou religieuses.
Aussi les acteurs construisent et reconstruisent-ils des stratégies pour faire face aux mesures institutionnelles,
en les redéfinissant et en les détournant à leur profit. A titre illustratif, nous pouvons indiquer les nombreux
exemples de détournements et réinterprétations de politique migratoire de la part de ces acteurs (commerçants,
étudiants…). La notion de citoyenneté au contraire de celle de la nationalité, s’inscrit dans un processus plus
large faisant appel aux vertus éthiques de la société, par lesquelles l’individu est reconnu comme membre
d’une communauté en tant que participant de la société civile. La citoyenneté se distingue de la nationalité au
sens la nationalité fait référence à un territoire précis. La notion de citoyenneté ne revendique pas cette
appartenance à un lieu, elle suppose simplement que le citoyen décide librement de construire, non pas son
rapport au lieu, mais son rapport aux autres, que cela se fasse dans un territoire précis importe peu. La
citoyenneté qui est du ressort de l’individu, exprime l’ensemble des liens entre celui-ci et une communauté
d’acteur. Aussi ne peut-on pas accorder à l’individu des valeurs citoyennes, sans potentiellement remettre en
cause sa citoyenneté, ou la conditionner à des agencements artificiels, comme la possibilité pour une autorité
d’attribuer ou non des marques de citoyenneté. Il suit de ce qui précède que la citoyenneté ne se réclame pas ;
elle participe de la nature du sujet et ne peut être terminée par une volonté politique extérieure à l’individu.
D’où, la question de la liberté d’un sujet réfléchissant sur sa place dans la communauté et son lien avec les
autres sans que, ni cette place, ni ce lien ne soit déterminé par une autorité extérieure. Pour corriger les effets
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