déterminés par trois éléments constitutifs : la population, le territoire et l’organisation interne. En consacrant le
principe de l’intégrité territoriale d’abord par la charte de l’Organisation de l’Unité Africaine de 1963, ensuite par
la résolution du Caire de 1964 et enfin par l’acte constitutif de l’Unité Africaine de 2000, ces Etats ont tout
simplement adopté l’optique weberienne du territoire comme fondement de la compétence rationae loci de leur
domination. Mais il n’y a qu’à constater sur le continent les velléités sécessionnistes et autres conflits frontaliers
pour se rendre compte que ce concept emprunté à la modernité occidentale est dans le contexte africain, un
concept à géométrie variable. En effet l’espace africain est ce continuum à l’intérieur duquel non seulement les
découpages sont arbitraires mais qui plus est, les frontières nationales qui en délimitent les territoires sont
constamment débordés d’en bas, par l’appartenance à des réseaux transfrontières et d’en haut par les
appartenances multiples à des ensembles qui se chevauchent.
De même, en adoptant le principe de la représentation et de la légitimité politique des ex puissances
coloniales, pour exprimer la volonté nationale, les Etats africains ont ainsi voulu affirmer leur compétence sur
les nationaux, sans que les préalables au régime représentatif y ait été suffisamment pris en compte. En
France, c’est au bout de deux siècles, qu’on est parvenu, non sans difficultés d’applications, à le mettre sur
pied. D’où les difficultés pour les Etats africains à refléter ici et là, l’existence de communautés politiques dignes
de ce nom. En effet, la plupart des Etats africains sont multiethniques ou alors multinationaux, et la force des
sociétés plurales organisées autour de l’ethnie, de la région, de religion, etc., relativise le monopole étatique de
l’allégeance citoyenne. Aussi, quand bien même la compétence personnelle des Etats est sous-tendue par la
nationalité, il apparaît que celle-ci est difficilement exercée pour de multiples raisons. Il s’ensuit par exemple,
des fraudes à la nationalité. Se pose alors aux Etats africains le problème de leurs rapports à la composante
‘’étrangère’’ africaine résidente sur leur territoire. Pour y faire face, les Etats africains ont envisagé encore une
fois, des solutions selon les standards occidentaux, sans tenir compte des spécificités africaines. En
conséquence, on assiste par exemple à des situations d’incompréhension de la part de populations africaines
de l’Ouest qui, quoique ressortissantes de pays membres de la Communauté Economique des Etats de
l’Afrique Occidentale (CEDEAO), sont pourtant considérées comme étrangères en Côte d’Ivoire. Voilà qui
témoigne de la précarité de la situation des africains étrangers en terre africaine, nonobstant l’existence de
cadres institutionnels conçus dans une logique contradictoire d’interaction entre individualisme et
communautarisme. Cette logique est bien entendu, celle des intérêts qui déterminent les dirigeants à mobiliser
à l’occasion, leur population aux fins de la légitimation de politique identitaire nationale sur fond de xénophobie
et d’exclusion, ainsi qu’on peut le voir dans l’ouvrage de Luc Sindjoun
.
Que l’Etat en Afrique comme expression identitaire d’un groupe soit en crise, ainsi que nous le
montrent les nombreux conflits ouverts ou larvés dans ce continent (Hutu et Tutsi au Rwanda-Burundi, Dioula
de Casamance au Sénégal, Banyamulenge au Congo, chrétiens et musulmans au Nigeria et en Côte
d’Ivoire…), témoignent si besoin est de l’incompétence des Etats africains à réaliser la nation et expliquent par
conséquent, le hiatus entre les discours des dirigeants et la réalité empirique. Ces dirigeants vont souvent
jusqu’à évoquer l’importance supposée ou réelle de la population étrangère africaine sur leur sol pour
exacerber le sentiment nationaliste de leurs concitoyens. C’est ainsi qu’au Gabon, les Béninois, Nigérians et
Camerounais sont régulièrement utilisés dans le sens de la construction xénophobe de la citoyenneté. Dans
cette même lancée nous pouvons citer la question de la nationalité ivoirienne qui s’est posée avec une certaine
acuité à partir de l’année 1995, autour du concept très contesté de l’ivoirité. En Afrique du Sud entre 1988 et
1992, le gouvernement a rapatrié 13 000 Malawites pour les avoir associés à la prolifération de la pandémie du
Sida. A l’heure actuelle au Cameroun, les autorités politiques ne cachent plus leurs inquiétudes face à ce
qu’elles considèrent comme une croissance exponentielle du taux d’immigration étrangère d’origine africaine.
Notons que dans le courant de l’année 2004 les Camerounais étaient massivement expulsés de Guinée
Equatoriale une fois découverte faite dans ce pays d’immenses gisements de pétrole. Tout ceci rend compte de
l’échec récurrent des constructions volontaristes de l’unité africaine ou même tout simplement ‘’d’unions
interafricaines’’.
Dans ce contexte que nous venons de décrire, distinction est rarement faite entre réfugiés et étrangers.
Seuls sont mis en exergue, l’accroissement de la densité humaine, la pression foncière, les transferts
Luc Sindjoun, Sociologie des relations internationales africaines, Paris, Karthala, 2002