- L’héroïne tragique.
● Une femme en souffrance :
- Roxane, comme Phèdre, choisit le poison pour mourir, comme le prouve la locution verbale
qui connote un futur véridique : « Le poison va couler dans mes veines » (l.4).
- Topos de la progression vers la mort :
« Je vais mourir, le poison va couler » (l.4), à valeur de futur proche, devient un présent
ponctuel : « Je meurs (l.6), le poison me consume, ma force m’abandonne (l.27), la
plume me tombe des mains (l.27-28), je sens faiblir, je me meurs (l.28) ».
La progression de la dernière phrase, où des équivalence se succèdent sous le rythme :
4 / 6 / 6 /8 / 9 simule le ralentissement des battements du cœur, et le dernier de ces
battement est bref : « Je me meurs » (l.28) → 3 syllabes.
La disparition du souffle apparaît à travers les allitération en [m] : « Me, consume,
m’abandonne, plume me tombe des mains, ma haine, me meurs » (l.27-28).
- La volonté du suicide apparaît à travers le verbe pronominal : « Je me meurs » (l.28).
- La solitude :
Importance de la question rhétorique (l.5-6), où la négation : « N’est plus » (l.5-6) est
mise en valeur, car rejetée en fin de phrase.
Importance de l’adjectif « Seul » (l.5), antéposé, il forme un tout avec le nom qu’il
caractérise, l’hyperbolisant : L’unique bonheur de Roxane était cet homme, il est mort,
plus rien ne la rattache à la vie.
- La privation de liberté d’être au grand jour de qu’elle est vraiment, comme le prouve le champ
lexical de la dissimulation : « Trompé, séduit, joué (l.1), abaissée, paraître, lâchement (l.16),
paraître (l.17), souffrant (l.18), trompée (l.23), trompais (l.24) », combiné à la périphrase
hyperbolique : « Affreux sérail » (l.3) → Le sérail est l’endroit où son enfermé les femmes des
hommes riches à qui leur religion permet la polygamie, elles n’ont pas le droit d’en sortir, et
son surveillées étroitement par des eunuques, chargés de veiller sur leur chasteté, puisque
seul leur seigneur et maître ne peut avoir de liens charnels avec elles.
- L’expression de cet amour unique rend la scène plus pathétique encore : Roxane use
d’hyperboles, pour parler de celui qui n’est plus : « Le seul homme qui me retenait à la vie
(l.5), le plus beau sang du monde (l.7-8) ».
└► Polysémie, « sang » peut faire référence au meurtre, et montrer le corps sanguinolent
qu’elle a eu entre les bras, mais il est aussi représentatif de race, de lignée, de noblesse :
Roxane pleure un homme jeune, de haute naissance, ayant toutes les qualités dont elle
rêvait.
- Expression du malheur, de l’oppression, à travers leur champ lexical : « affliger (l.13),
servitude (l.14), sacrifice (l.18), abaissée (l.19), souffrant, soumission (l.23) ».
└► Supporter.
═► Registre pathétique.
● Une femme marquée par le destin et la mort :
- La fureur tragique :
L’aveu : Il évoque celui de Phèdre. La lettre commence par l’adverbe
« Oui » l.1) : Roxane ne va rien cacher à Usbek.
Succession de passé composés, présents du passé, placés en
parataxe, qui commente ses actions : « Je t’ai trompé, j’ai séduit, je
me suis jouée (l.1), j’ai su (l.2) » → Roxane revit ses tromperies, au
point d’avoir l’impression qu’elles sont toutes récentes.
═► C’est l’aveu de la passion qu’elle porte à un autre.
Le défit : Rôle des subjonctif imparfait : « Fusse (l.10, 11) » qui taxent Usbek de bêtise :
A force de mépriser les femmes, il a été incapable de voir qu’elles le valaient.
L’aveu de la haine, grâce à l’hypothétique et à l’hyperbole : « Si tu m’avais bien connue,
tu y aurait trouvé toute la violence de la haine » (l.20-21).
- La stratégie amoureuse :
Usbek a été aveuglé, comme le prouve le champ lexical de la tromperie : « Trompé,
séduit, joué (l.1), paraître (l.16, 17), trompais (l.24) ».
Sa naïveté est soulignée par l’antithèse : « J’ai su de ton affreux sérail faire un lieu de
délices et de plaisirs » (l.2-3).
- Le thème de l’héroïne tragique, et surtout orgueilleuse : Elle voudrait forcer l’admiration
d’Usbek, comme le prouve l’emploi du verbe : « Admirer » (l.26), combiné au substantif :
« Courage » (l.26), symbole du héros classique et tragique, car elle est grande dans le mal
qu’elle lui a fait :
Elle méprise sa naïveté, comme le prouvent :
Les questions rhétoriques (l.9 à 11), qui remettent en question la
faculté de penser d’Usbek.
Le champ lexical de la naïveté qui la concerne, mais qui est nié :
« Crédule, m’imaginer » (l.9).
La manière dont elle souligne l’erreur qu’il a commise, en se
croyant aimé et obéit, avec :
Le champ lexical de la liberté de penser, donc d’être :
« Libre, réformé (l.12), esprit (l.13), indépendance
(l.14) », renforcé par l’adverbe de négation : « Non »
(l.12), par la négation su substantif : « Servitude » (l.12),
par les hyperboles : « J’ai toujours été libre (l.12), mon
esprit s’est toujours tenu dans l’indépendance (l.13-14),
elles-mêmes valorisées par l’anaphore de l’adverbe :
« Toujours » (l.13, 14).
L’hyperbole : « Mais tu as eu longtemps l’avantage de
croire qu’un cœur comme le mien t’étais soumis » (l.22-
23), qui pourrait être considérée comme une anti-phrase,
car en guise d’avantage, Usbek ne connaît que la
désillusion, et dans laquelle le pronom possessif : « Le
mien » (l.22), souligné par l’outil de comparaison :
« Comme » (l.22), atteste de son orgueil et de sa
supériorité.
Elle sait qu’elle va lui infliger beaucoup de mal, car si elle paraissait indifférente aux
choses de l’amour, comme le montre la périphrase : « De ne point trouver en moi les
transports de l’amour » (l.20), elle lui prouve qu’elle les a éprouvés pour un autre, grâce
aux hyperboles passionnées qu’elle emploie pour désigner celui qu’elle aimait et qui a
été tué : « Le seul homme qui me retenait à la vie (l.5), le plus beau sang du monde (l.7-
8) ». Elle fait même pire, en lui avouant sa haine, avec l’hyperbole : « Toute la violence
de la haine » (l.21).
- L’emploi du subjonctif imparfait : « Forçasse » (l.26) prouve qu’elle doute quand même de
cette possibilité. Elle s’est « Abaissée » (l.16), pour le tromper, ce qui choque son orgueil.
- La parole dramatique qui évoque les tragédies classiques :
Le renversement du bonheur : « Nous étions tous deux heureux : tu me croyais
trompée, et je te trompais » (l.23-24) : Le polyptote ironique de cette phrase fait l’effet
d’un coup de poignard, d’autant plus douloureux qu’on y trouve trois imparfaits,
symbolique de durée → Elle fait passer le bonheur à l’état d’illusion, et l’illusion à celui
de vérité, grâce à la juxtaposition.
Le rythme du premier paragraphe : 5 / 6 / 10 → Amplification.
═► Registre tragique, tonalité ironique.
- Roxane, une femme des Lumières.
● Sa philosophie
- La démythification d’Usbek : Tout au long de l’œuvre, il a fait preuve d’une sagesse éclairée,
mais il n’est qu’un despote :
Les revendication de Roxane lui seront nouvelles, donc il n’y est pas habitué, il se
conduit, alors, comme un tyran chez lui, ce que prouve l’emploi de l’attribut : « Ce
langage, sans doute, te paraîtra nouveau » (l.25).
Champ lexical du tyran : « Pour adorer tes caprices (l.10), tu te permets tout, le droit
(l.11), tes fantaisies (l.19) », dont le pouvoir est basé sur l’asservissement : « Adorer
(l.10), droit (l.11), servitude (l.12), abaissée (l.16), soumission (l.19), soumis (l.23) ».
L’emploi du substantif : « Lois » (l.13), fait basculer ce discours du domaine privé au
domaine politique : Roxane critique le despotisme.
Le despotisme est source d’hypocrisie (l.1 à 3, 12 à 14, 16 à 19, 22 à 24).
- Riche, puisqu’il possède un « Sérail » (l.2), il est cependant dénué d’intelligence, puisqu’elle
l’a leurré, comme le prouve les questions rhétoriques (l.9 à 11)
- Le rôle de l’adverbe de négation « Non ! » (l.14) :
Sorte d’écho au « Oui » (l.1) du début.
Il clôt le discours sur la revendication de la liberté, où les droits d’Usbek sont remis en
question par les subjonctifs présents : « Je fusse assez crédule (l.9), je ne fusse (l.10),
tu eusses (l.11) » renforcés par un présent de vérité générale : « Tu te permets tout »
(l.11), qui montre l’injustice de la situation, et sa cruauté, qui ne méritent qu’une chose :
Disparaître.
● Sa complexité :
- Une femme rebelle :
Elle veut l’égalité et la liberté d’agir : Rejet de sa condition de femme enfermée dans un
harem, représenté par l’hyperbole : « Affreux sérail » (l.2).
Revendication du plaisir, avec la gradation ascendante : « lices (l.2), plaisirs (l.3),
alors que les femmes ne sont faites que pour la vertu (l.18), c'est-à-dire un mot qui vient
du mot latin virtus, lui-même dérivé du mot vir, d'où nous viennent les mots « viril » et
« virilité ».Les vertus humaines se divisent en :
Vertus morales, et intellectuelles, acquises et ordonnées à un bien
proprement humain.
Vertus théologales, foi, espérance et charité qui sont infuses et
ordonnées à un bien proprement divin.
Vertus cardinales, qui regroupent les vertus morales de courage, de
tempérance et de justice, ainsi que la vertu intellectuelle de prudence. Ce
sont celles autour desquelles toutes les autres vertus morales gravitent et
se rattachent :
Les vertus morales sont des puissances qui habilitent à agir
bien dans une sphère d'activité donnée. Ainsi :
Le courage habilite à tenir bon dans la poursuite d'un
bien ardu.
La prudence indique la conduite raisonnée.
La tempérance habilite à user de la mesure qui
convient dans la jouissance des biens délectables.
La justice, enfin, habilite à rendre à chacun son dû.
Les vertus intellectuelles sont des puissances qui habilitent à
atteindre le vrai dans une sphère donnée. Aussi trouvent-
elles leur siège dans la raison. On dénombre habituellement
5 vertus intellectuelles, et les premières lettres de chacune
d’entre elles peut servir à forger le mot latin sapis, qui vaut
pour sagesse. Ce qui se présente comme suit : S = Science,
A = Art, P = Prudence, I = Intelligence, S = Sagesse.
═► Vraisemblablement, il ne concerne que les femmes, les hommes, eux, ont certainement tous les
droits.
- Revendication de ce qu’elle est : Une rouée, une simulatrice, une hypocrite, mais par
obligation, non par goût. A noter que cette dernière caractéristique lui pèse : elle avoue ne pas
avoir eu le courage, par pitié, comme le prouve le substantif : « Sacrifice » (l.15), ou par peur,
ainsi que l’atteste la périphrase : « Lâchement gardé dans mon cœur » (l.&-6&è) de dire ce
qu’elle pensait, traînant ainsi dans la boue, la notion de vertu, comme le montre l’emploi du
verbe : « Ai profané » (l.18), qui la déifie :
L’amour de la liberté : « Libre (l.12), indépendance (l.14) » → Discours très novateur
pour l’époque, et qui trouve écho dans le personnage de Madame de Merteuil, créé par
Laclos.
Le plaisir équivoque de trouver le bonheur dans la tromperie : « Nous étions tous deux
heureux : tu me croyais trompée, et je te trompais » (l.23-24). D’ailleurs, c’est par la
tromperie qu’elle a transformé le sérail en « lieu de délices et de plaisirs » (l.2-3).
- Une femme intelligente : Elle a su se jouer de tout le monde, elle a retourné, un temps la
situation à son avantage, en utilisant, à son profit, les défauts de chacun :
Elle a su séduire les eunuques (l.1).
Elle a joué les prudes : « Tu étais étonné de ne point trouver en moi les transports de
l’amour » (l.206), les fidèles : « Je me suis abaissée jusqu’à te paraître fidèle » (l.16)
pour ne pas trop subir Usbek.
Elle a utilisé l’aveuglement d’Usbek : « Tu étais étonné » (l.25), où le participe passé
combiné à la tournure passive atteste de sa passivité.
═► Registres didactique, épidictique, polémique.
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