1°- Les hommes sont des séducteurs. Champ lexical de la séduction

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1°- Les hommes sont des séducteurs.
● Champ lexical de la séduction : « séducteurs, assiègent (l.552), flétrissez (l.558), jouets, passion
(l.559) ».
● Comme tout séducteur, ils sont lâches :
- Bartholo, plutôt que de faire face à ses responsabilités, met en avant les erreurs de
Marceline :
Sa réplique, composée de deux phrases nominales, comporte 13 syllabes, elle
est donc presque un alexandrin, vers par excellence de la tragédie, ce qui
accentue les erreurs de Marceline.
La première phrase nominale, mise en valeur par son nombre de syllabe, à savoir
6, comme celui de l’hémistiche de l’alexandrin, accentues les actions
répréhensibles de Marceline, par :
 L’emploi de l’article indéfini « Des » (l.545), qui les généralise, les
globalise les transformant en générique de fautes féminines.
 Cet article indéfini est pluriel, or, tout ce dont Marceline peut se reprocher,
c’est d’avoir été séduite par le Docteur, de l’avoir aimé, d’avoir cru en ses
promesses, au point de concevoir avec lui un enfant, prénommé
Emmanuel, preuve, s’il en est de sa piété et de sa joie d’avoir eu ce
garçon ; Elle n’a commis qu’une seule faute, celle d’aimer un libertin en la
personne du Docteur Bartholo.
 L’emploi d’une hyperbole.
 La modalité exclamative.
 L’emploi du participe « Connues » tendrait à prouver que Marceline est
réputée pour sa licence, alors que dans la pièce, elle apparaît surtout
comme l’ancienne duègne de la Comtesse, comme une vieille fille
revêche, héritière de l’Arsinoé du Misanthrope de Molière, amoureuse
d’un jeune homme, Figaro, et dont le but est de se faire épouser→ Large
exagération de Bartholo qui prouve sa lâcheté, tant il ment à propos de
Marceline.
La deuxième phrase nominale est également une hyperbole combinée à la
modalité exclamative.
═► En un rythme binaire, Bartholo rejette toutes les responsabilités sur Marceline qu’il salit, maniant
le registre épidictique, puisqu’il fait son blâme, pour mieux se blanchir.
- La lâcheté des hommes transparaît aussi à travers la faiblesse de leurs proies :
Ils s’attaquent aux très jeunes filles, comme l’atteste l’emploi du substantif
« Enfant » (553), qui avec les termes « Illusions, inexpérience (l.551) forme le
champ lexical de la naïveté → Elles sont donc naïve, incapable de se défendre,
de voir le mal.
Elles sont seuls, contre tous les hommes, comme l’atteste les antithèses que
forme le singulier « Enfant » (l.553), au pluriel et à l’hyperbole « Tant d’ennemis
rassemblés » (l.553-554), et l’indéfini « Tel » qui s’oppose au nombre « dix
infortunées. » (l.554-555).
- Ils ont la mémoire courte : Ils jugent, tout en oubliant le malheur qu’ils ont eux-mêmes
causé : « Tel nous juge ici sévèrement, qui, peut-être, en sa vie a perdu dix
infortunées. » (l.554-555).
● Ils jouent avec celles qu’ils séduisent, puisqu’elles ne sont pour eux que des jouets (l.559) →
Attaque directe envers le libertin, qui déshumanise la femme, pour en faire un objet. Cette réflexion
fait penser à un extrait de la Juliette de Sade, lors de la visite du salon de l’ogre Minski, meublé
exclusivement de femmes nues, qui, assemblées avec art, servent de mobilier.
● Si la femme est un objet, elle est aussi une sorte de citadelle imprenable, comme la Présidente de
Tourvel dans Les Liaison dangereuses : Pour le séducteur, le libertin, seul compter la conquête, d’où
ce verbe guerrier, non pas l’être qu’est la femme → Transformation du libertin en un prédateur
dangereux et sans coeur.
2°- Ils sont des juges et des bourreaux.
● Les juges :
- Champ lexical de la justice : « Fautes (l.545, 547, 570), expier (l.548), juge (l.554),
coupables (l.556), victimes (l.559), punir (l.560), magistrats (l.561), droit (l.561,
564), coupable, honnête (l.562), punies (l.570). ».
Rôle des deux phrases nominales de Bartholo qui évoquent deux chefs d’accusation
(l.545).
- Rôle de l’antithèse combinée aux hyperboles, et au parallélisme : « Les plus
coupables sont les moins généreux » (l. 556).
- Ils possèdent, et les femmes non, le droit de juger, comme le prouve :
Le pronom personnel de la deuxième personne du pluriel « Vous » (l.559), mis en
valeur par le présentatif mis en ellipse.
La conjonction de coordination « Et » qui relie le pronom personnel de le première
personne du pluriel « Vous » au déterminant possessif « Vos », faisant ainsi le
lien entre les hommes et la magistrature.
● Non contents de juger, les hommes sont aussi les bourreaux, dans le sens où ils ne font que
souffrir les femmes :
- Champ lexical de la violence : « Assiège (l.552), poignarde, ennemis (l.553), a perdu
(l.555), flétrissez, victimes (l.559), servitude (l.569), punies (l.570). ».
- Champ lexical de la cruauté, puisqu’il semble que la gente masculine se complaise
dans la souffrance féminine : « Assiège (l.552), flétrissez, victimes « l.559), punies
(l.570).
- Rôle de l’emploi du verbe flétrir (l.559), qui a une valeur polysémique :
La femme est salie par le désir de l’homme.
Elle est salie par le mépris qu’il éprouve pour elle quand elle lui a cédé.
Ce verbe évoque la sanction attribuée aux femmes de petites vertu qui vendaient
leur charme sous la monarchie : Elle étaient marquée au fer rouge d’une fleur de
Lys.
- En séduisant la femme, il la tue symboliquement, comme l’atteste le parallélisme
entre « Assiègent » et « Poignarde » (l.553).
- Ils sont irresponsables, comme l’atteste l’hyperbole « Coupable négligence » (l.562).
- Ils lui prennent son travail, comme le prouve l’hyperbole « Mille ouvriers de l’autre
sexe » (l.565), en lui ôtant tout moyen de subsistance.
- Ils n’ont aucune pitié, comme le prouve l’emploi de l’adverbe de manière
« Sévèrement » (l.554), qui donne une dimension de cruauté au jugement masculin,
car il l’hyperbolise.
→ Le désir de l’homme pour les jeunes filles leur ôte toute estime, et les ravale au rang de prostituée.
═► Large registre épidictique : Marceline redonne aux hommes les responsabilités qu’ils se refusent
de prendre, car leur statut d’homme les excuse de tout.
-
3°- Le statut de malheureuse de la femme.
● Elle est avant tout naïve, ce qui est normal, puisqu’elle n’est pas éduquée :
- Champ lexical de la naïveté : « Illusions, inexpérience (l.551 → Accumulation +
gradation ascendante.), enfant (l.553). ».
- Elle est la proie de l’homme très jeune, comme l’atteste le champ lexical de la
jeunesse : « Jeunesse (l.545, 560), enfant (l.553) ».
● Elle est rarement riche :
- Champ lexical de la misère : « Besoin (l.551), misère (l.552) ».
- Rôle de la personnification de la misère, grâce à la métaphore du verbe : « La misère
nous poignarde » (l.553).
- Accentuation des effets de la misère grâce au parallélisme avec l’attitude des
libertins: « Les séducteurs nous assiègent // La misère nous poignarde » (l.553) → Le
séducteur s’assimile à la misère, c’est à cause de cette dernière que la femme se
laisse séduire, et l’acte du séducteur revient dès lors à une mise à mort double : Celle
de la vertu de la femme, qui a pour conséquence sa mort sociale.
● Et quand elle a de l’argent, elle ne peut le gérer pleinement : « Traitées en mineures pour nos
biens » (l.570).
● Elle n’a même pas le droit au travail :
- La seule chose qu’elle sache faire est des travaux d’aiguilles, puisqu’elle n’est pas
éduquée : « Elles avaient un droit naturel à toute la parure des femmes » (l.564-565)
→ Broder est le travail principal de l’ouvrière au XVIIIème siècle.
- Ce travail lui a été enlevé, comme le prouve :
L’emploi de l’imparfait qui prouve que ce fait est déjà ancré dans le passé, et l’emploi d’un
présent de vérité générale « Font » (l.556), prouve que cela est devenu coutumier.
Les hommes se mettent à pratiquer ce travail : « On y laisse former mille ouvriers de l’autre
sexe (l.565), Ils font broder jusqu’aux soldats ! (l.566) » :
 Rôle du pronom indéfini « On » (l.566) → Il représente le pouvoir, la multitude : La
menace est sans visage, la femme a d’autant plus de mal à lutter contre.
 Rôle de l’hyperbole qui évoque une cohorte de brodeurs.
 Rôle de l’intervention de Figaro, qui use de la modalité exclamative pour mettre en
valeur la difficulté pour les femmes de trouver un emploi.
═► Si la femme n’a même plus de quoi subsister, elle se trouve dans le « besoin » (l.351), terme
placé à la fin de la gradation ascendante : « Des illusions, de l’inexpérience et des besoins » (l.351),
ce qui le met en valeur : Elle n’a donc plus de quoi se nourrir, de quoi, vivre de quoi se vêtir
décemment, cela la fragilise encore plus, et la pousse sinon, à se vendre pour survivre, du moins à
prêter l’oreille aux propos des séducteurs.
● Elle semble n’avoir aucune existence légale, comme l’atteste l’antithèse : « Dans les rangs même
plus élevés, les femmes n’obtiennent de vous qu’une considération dérisoire » (l.567-568) :
- Rôle de l’hyperbole : Ce statut n’objet n’est pas réservé qu’aux pauvres, même les
femmes nobles le subissent, la Comtesse devant subir les colères de son mari en est
la preuve flagrante.
- Leur lot est le mépris, présent à travers son champ lexical : « Flétrissez (l.558),
mépris (l.559), considération dérisoire (l.568), respects apparents (l.569) ».
- Rôle des deux oxymores : « Considération dérisoire (l.568), respects apparents
(l.569) » qui accentuent le mépris de l’homme envers la femme.
4°-La position de victime des femmes.
● Champ lexical de la victime : « Infortunées (l.555), victimes (l.559), servitude réelle (l.569) ».
● Rôle des questions rhétoriques : « Que peut opposer une enfant à tant d’ennemis rassemblés ?
(l.553-554), Est-il un seul état pour les malheureuses filles ? (l.564) » qui renforcent le statut de
victime, lequel est accentué par une tonalité tragique.
● Elles ne sont définies que par le champ lexical de la faute : « Fautes (l.545, 547, 571), expier
(l.548), erreurs (l.560) ».
- Importance de ce champ lexical, car il prouve qu’aux yeux de l’homme, la femme est
toujours responsable.
- Cette idée trouve ses sources dans la Genèse : C’est Eve qui, séduite par le serpent,
décide de goûter au fruit de l’arbre de la connaissance, et le partage avec Adam. Ce
dernier n’est donc pas responsable, puisque d’un point de vue biblique, seul le
tentateur est responsable. Le diable a tenté Eve, mais, à son tour, elle a tenté Adam.
La faute du péché originel rejaillit donc entièrement sur la femme.
● On les trompe en permanence d’où l’emploi du participe « Leurrées » (l.569).
● Elles ne sont jamais respectées, comme le prouve
- La gradation ascendante « Considération dérisoire, respects apparents, servitude
réelle » (l.568-569), mise en valeur par les deux oxymore « Considération dérisoire,
respects apparents ».
- Les deux antithèses mises en valeur par le parallélisme : « Traitées en mineures pour
nos bien, punies en majeures pour nos fautes » (l.569-570).
- Le parallélisme entre « Traitées // Punies » tend à montrer qu’elles ne sont jamais
considérées, mais toujours infantilisées.
═► Le registre pathétique qui accompagne le descriptif de la condition féminine permet à Marceline
de faire, en creux, une sorte d’éloge de la femme, d’où le registre épidictique, et de remettre en
question des choses établies, d’où le registre polémique.
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