Mémoire de maîtrise Derrière le mur: l’Existentialisme – sur Le Mur de J.-P. Sartre Sous la direction de Mlle. HUANG Hong FAN Yanmei Département de français Institut des Etudes étrangères Université de Nanjing Mai, 2008 1 毕业论文题目:哲学对文学的渗透——论萨特小说《墙》中墙的意象以及存 在主义思想的体现 南京大学外国语学院法语语言文学专业 04 级本科毕业生 姓名:樊艳梅 指导老师: 黄荭 中文摘要 如果说十八世纪法国文学的巨擘是伏尔泰,十九世纪是维克多·雨果,那么 毫无疑问让–保尔·萨特(1905-1980)是二十世纪法国文学界最为显赫的文学 家和知识分子。小说家,戏剧家,哲学家,随笔作家和文学批评家,政治和社会 活动家,萨特是人类思想史上的一座丰碑。他的思想深深影响了几代人,至今仍 然对无数读者具有独特的魅力。 萨特的一生是写作的一生。作为存在主义哲学思潮的主要创始者,他的文学 作品往往是其哲学思想的表达方式,具有强烈的存在主义色彩。从《恶心》 (1938) 到短篇小说集《墙》 (1939),以及他后来创作的一系列戏剧,萨特都将其存在主 义思想深深融入文学中,揭示人类生存的严酷环境,突出现实的荒诞和人的选择 的重大意义。诚然,《恶心》是萨特成功的代表作,是其哲学与文学相结合最完 美地产物,但是短篇小说集《墙》在他整个文字生涯中更具有独特的位置和意义。 小说集由五个短篇组成:《墙》,《房间》,《艾罗斯特拉特》,《密友》,《一个工厂 主的童年》。在作品中,萨特围绕人的命运展开,描述了主人公试图摆脱存在困 境却无能为力,最终陷入绝望深渊的痛苦经历。“没有一个人愿意正视存在。这 里展示的就是面对存在的五次小小的溃逃,悲剧或喜剧的溃逃,五种生活。…… 所有这些逃避行为都失败了,他们被一堵墙挡住了。逃避存在,这依然是存在。 存在是一个人无法脱离的充实体。”(《词语》)其中短篇小数《墙》(1937)是最 重要的一篇,发表于 1937 年,早于他的代表作《恶心》 (1938)。 《墙》的发表使 萨特有机会进入《新法兰西杂志》并受到了纪德的高度赞扬。它叙述的是西班牙 革命斗士伊比塔身陷囫囵、面临死亡的境遇以及其心理状况。最出人意料的是故 事的结局,伊比塔本想以假供来戏弄敌人,反而害了队长,令其蒙害,故事在伊 比塔无奈的冷笑声中结束。故事以荒诞色彩为基调,然而却极其有力地反映了现 实的荒凉。萨特善于以一种散文的笔法来创作小说,以独白方式进行叙事加上复 2 调式的结构,表现出一种大师手法,一种精湛的写作技巧。 人们通常认为《恶心》是萨特存在主义文学的代表作,集中体现了其存在主 义哲学思想。然而,早在短篇小说《墙》中,他就已经以一种隐性的方式含蓄地 表达了自己存在主义的思想。 “《墙》的写作可以说是他(萨特)作为一个知识分 子介入政治的最初表现,同时也是他对个人命运的一种思考”。1小说代表了萨特 存在主义介入文学创作的开始。在这篇小说中蕴含了萨特之后文学作品的许多重 要元素:政治,监狱,自由,选择,荒诞……作品中墙的多重意象从多方面诠释 了萨特存在主义的哲学思想,可以说这篇短篇小说是萨特文字生涯的真正开端, 并奠定了他一生文学创作的底色。 有人说萨特已经过时了。然而所谓文字的永恒正在于在它给人的启发性。时 代的差异性造就了阅读的差异性。现代社会进入了前所未有的颠覆和破坏状态, 科学技术带来世界的全面物化。时代的变迁并不能抹去人类对于某些基本问题的 困惑与思考:生与死,善与恶,选择与自由……面对这瞬息变化的世界,人类似 乎又坠入了永恒的困境,迷茫,不知何去何从。而萨特,倡导自由的精英知识分 子,以文字来对抗命运,总是在他的作品中把人描述成自身价值与历史的主人。 他的文字恰恰可以在某种程度上为我们提供一种看待这个世界的方式。 人为何而存在?生存的意义是什么?人是自由的吗?面对纷繁复杂的世界 我们是否能作出自己的选择?……本文试图通过对小说《墙》中墙的意象的分析, 结合萨特存在主义思想,以及他对文学创作的态度和观点,探究萨特是如何以文 学作品,尤其是小说,来诠释其哲学思想的,并试图揭示其思想对于当代世界的 启示意义。 Mots-clés : Mur, existence, autrui, absurdité 关键词:墙,存在,他人,荒诞 1何林, 《存在给自由带上镣铐》,辽海出版社,1997,37 页。 3 Table des Matières Introduction_______________________________________________ 5 Chapitre I : la création du Mur et sa valeur ___________________ 7 Chapitre Ⅱ : Plusieurs symbols du mur dans Le mur ____________ 10 1. Le mur visible: le mur et la liberté ________________________________ 11 2. Le mur invisible : le mur et l’humanité ____________________________ 12 3. Le mur invisible : le mur et la mort _______________________________ 13 Chapitre III : Derrière le mur: l’Existentialisme _________________ 15 1. L’existence précède l’essence _____________________________________ 16 2. Choisir librement ______________________________________________ 17 3. L’enfer, c’est les autres. _________________________________________ 19 4. La contingence et l’absurdité du monde ___________________________ 21 Conclusion ______________________________________________ 24 Bibliographie _____________________________________________ 26 Remercîments ____________________________________________ 27 4 Introduction Si pour les lettres françaises la grande figure du 18e siècle est Voltaire et celle du 19e siècle est Victor Hugo, Jean-Paul Sartre(1905-1980) émerge sans aucun doute comme l’écrivain et intellectuel le plus marquant du 20e siècle. Romancier, dramaturge, philosophe, auteur d’essai et d’ouvrages critiques, militant politique, Jean-Paul Sartre est un personnage clé de la pensée moderne et un des grands esprits de notre temps. Ses écrits et ses pensées exercent une influence profonde sur plusieurs générations, même aujourd’hui, elles fascinent encore un grand nombre de lecteurs en quête du sens de l’existence et de la liberté. Toute la vie de Sartre est une vie d’écriture et de réflexion. « Ecrire sa vie, selon Sartre, cela signifie non parler de soi mais faire du langage la matière et le vecteur d’une expérience vitale qui ouvre à la violence et à l’énergie du monde. Après avoir vécu la confusion enfantine des mots et des choses, il a inlassablement et frénétiquement travaillé le langage pour y découvrir la vérité de la conscience et les ressorts de l’action. »2 Etant un des fondateurs principaux de la pensée existentialiste, Sartre exprime sa philosophie par ses ouvrages littéraires colorés de l’existentialisme. Il fusionne d’une façon parfaite dans toutes ses oeuvres, de La Nausée(1938) aux pièces de théâtre, en passant par le recueil de nouvelles Le Mur(1939), sa propre pensée philosophique, décèle les conditions atroces de l’existence humaine, accentue l’absurdité du monde et l’importance du choix de l’homme. Certes, La Nausée, le fruit heureux du mariage de la littérature et la philosophie, marque le plus grand succès romanesque de Sartre. Cependant on ne peut pas négliger le sens et la place particuliers du recueil de nouvelles Le Mur au cours de sa « vie des mots ». Le recueil comprend cinq nouvelles : Le mur(1937), La chambre, Erostrate, Intimité, L’enfant d’un chef. A partir du destin des personnages, Sartre nous montre l’incapacité de dépasser d’une certaine situation et la désespérance de tomber dans un autre gouffre. 2 François Noudelmann, Jean-Paul Sartre, adpf, 2005, p15. 5 Ces personnages nauséeux produisent une atmosphère étouffante, à laquelle il semble impossible d’échapper. Le thème central et commun à ces nouvelles est l’impossibilité de fuir le cercle fermé de l’existence, qui apparaît emmurée. Surtout la nouvelle Le Mur, apparu en 1937, donc avant La Nausée, tout en racontant une histoire dans une prison, et avec l’absurdité de la fin, nous fait sentir des idées existentialistes. Elle s’agit des sujets de politique, de liberté, d’absurdité, de regard des autres, de choix libre, etc. Il représente le commencement de la littérature d’engagement de Sartre. Bien qu’il reste encore un peu distant envers son environnement politique quand il écrit cette nouvelle, il commence déjà à y attacher son attention, et devient enfin un écrivain engagé. Pour Sartre, la littérature et la philosophie sont les deux faces d’une seule pièce. « Je pensais que le résultat de la littérature, c’était d’écrire un livre qui découvrait des choses au lecteur qu’il n’avait pensées... je voulais que la philosophie à laquelle je croyais, les vérités j’atteindrais, s’expriment dans mon roman. »3 On peut voir que la littérature et la philosophie trouvent de solides articulations dans les oeuvres littéraires de Sartre. Le progrès de la société ne nous aide guère à mieux répondre aux questions fondamentales de la vie et de la mort, du bien et du mal. Surtout vivant dans une telle époque et face à un monde changeant sans cesse, l’homme, perplexe, ne peut plus s’y rimer. Le monde matériel se montre plus riche et abondant, alors que le monde spirituel devient plus pauvre et restreint. Le vide de la spiritualité hante souvent les hommes modernes. Qu’est-ce que la vie et son sens ? Comment peut-on faire face à l’absurdité et au hasard de la vie ? Comment fait-on le choix ? Comment assume-t-on la responsabilité de nos choix ?... Dans le présent travail, à travers l’analyse des images du mur dans la nouvelle Le Mur, nous allons réfléchir sur la manière littéraire avec laquelle Sartre exprime ses pensées philosophiques, sur la définition et la pratique de la littérature existentialiste, sur le sens essentiel de la littérature engagée, pour mieux connaître l’attitude de la création littéraire de Sartre, ainsi la valeur et les charmes de ses oeuvres pour 3 Annie Cohen-Solal, Sartre : un penseur pour le XXIe siècle, Gallimard, 2005, p41. 6 l’homme d’aujourd’hui. Chapitre I : la création du Mur et sa valeur Pour Sartre, la guerre a été le vrai tournant de sa vie. Le Mur est inspiré directement par la guerre d’Espagne qui vient de se terminer. La guerre civile d’Espagne éclate en juillet 1936. Sartre a vu de ses propres yeux la persécution exercée par le Nasie. Quand il est intervieuwé par le journaliste d’un magazine (Cinéma des jeunes), Sartre indique que Le Mur n’est pas un ouvrage d’un philosophe et que, tout au contraire, c’est juste une réaction sentimentale spontanée de la guerre d’Espagne. On peut dire que la création du Mur est la première geste de l’engagement d’un intellectuel dans la politique et aussi la réflextion de Sartre sur le destin d’un individu humain. Depuis la création du Mur, les problèmes de son temps retiennent l’attention de Sartre. Avec pour toile de fond la guerre d’Espagne, Le Mur met en scène un jeune républicain condamné à mort par les franquistes et qui se détache de tout au cours de la nuit précédant son exécution. En croyant plaisanter, il livre un ami. Sartre préfère nous décrire la réaction des prisonniers face à la mort, c’est un sentiment de l’angoisse, qui fait ressentir à l’homme le poids d’une existence dont il n’est pas l’auteur, mais dont il devra pourtant se sentir responsable. « Il insiste précisément sur la situation paradoxale de l’existence humaine: la contingence, la gratuité de l’existence est un fait et pourtant, l’homme doit se déterminer dans et par ses actions, c’est-à-dire sans la garantie divine ou politique de la justesse de ses choix. »4 Le Mur paraît en juillet 1937. Son apparition a reçu un accueil sans réserves du monde littéraire. C’est cette nouvelle qui introduit Sartre à la NRF. Sans doute Paulhan a-t-il vu que l’actualité faisait de ce texte « un excellent produit d’appel », d’autant que la NRF avait jusqu’alors peu publié sur la guerre d’Espagne. Le texte suscite aussitôt l’admiration de Gide, qui déclare à propos de la nouvelle : « Je la tiens 4 André Guigot, Sartre et l’Existentialisme, éditions Milan, 2000, p9. 7 pour un chef-d’œuvre »5; un critique n’hésite pas à écrire: « Il (Sartre) résume plusieurs tendances de la littérature contemporaine : Kafka, Joyce, Faulkner, Dostoïevski, Flaubert, Céline, Proust...»6 Suivent dans la NRF les premières critiques de Sartre: des articles enthousiastes sur Dos passos, Faulkner, Hemingway, Melville... « Façon abrupte de s’en prendre à une certaine litterature d’inspiration catholique et de remettre en cause les formes romanesques traditionnelles. »7 La publication presque simultanée de La Nausée et du Mur suscite des commentaires qui, passant d’un livre à l’autre, tissent des liens, et révèlent brutalement au public un univers nouveau, uni,vers sartrien:« l’un des débuts littéraires les plus éclatants de ces dernières années » (Maurice Blanchot); « un de ces esprits critiques d’une impitoyable rigueur, qui sont le sel de la terre. On sort ébloui » (Jean Cassou); « premier appel d’un esprit singulier et vigoureux. Nous attendons avec patience les oeuvres et les leçons à venir » (Albert Camus); « la langue est pure, nue et pleine. Méditation sur l’existence, Sartre intègre à notre littérature un thème absolument nouveau » (Paëtan Picon); « Le mur peut se comparer aux meilleurs moments de La Condition Humaine » (Gabriel Marcel).8 Dans cette nouvelle on se trouve en compagnie d’un homme condamné après avoir été attrapé par les phalengistes. Avec philosophie, Sartre nous emmène au tréfond de l’âme d’un homme conscient de sa condamnation à mort, mais dont la vacuité de la vie le convaint du peu d’importance de cette peine. On peut dire que le thème central de cette nouvelle est l’enfermement physique et moral. Un thème un peu pessimiste, mais bien écrit et intéressant. Il est certain que dans cette nouvelle, Sartre a déjà abordé les thèmes de liberté, de choix et de contingence, qui deviendraient les thèses principales de sa philosophie existentialiste. L’œuvre de Sartre présente moins un continent qu’un archipel dont les voies de passage sont multiples, instables et inventives. Elle suppose des circulations inattendues entre « un imaginaire d’hallucination, une volonté théorique acharnée, un souci du spectaculaire, 5 Annie Cohen-Solal, Sartre : un penseur pour le XXIe siècle, op.cit, p43. 6 Id..p43. Id..p43. Cf. Annie Cohen-Solal, Sartre : un penseur pour le XXIe siècle, op.cit., p43. 7 8 8 une ambition de dire tout d’un homme, un goût de la déambulation amoureuse, une violence combative et meurtrière. »9 En voyant les trois personnages de cette nouvelle, on peut se rappeler le théâtre Huis Clos (1944) de Sarte. N’est-ce pas le mur similaire au huis clos ? Ce qui est différent, c’est que les personnages du Mur, tous vivants, se rencontrent dans une prison, alors que ceux de Huis Clos après leur mort en enfer. Sartre, avec des mots percutants, sonde notre esprit et ce qu'il y a de plus terrible dedans. C'est lorsque l'on se trouve devant un mur que nous sommes en réalité les plus libres. Car n'est-ce pas à ce moment-là que nous pouvons faire des choix, afin de nous extraire de cette impasse? C'est la possibilité de faire des choix qui fait que, selon Sartre, « je suis libre », que « je vis », que « j’existe ». Ainsi l’existence est le lieu essentiel de nos choix et de notre liberté car nos actes engagent une responsabilité à laquelle on ne peut pas échapper. Malgré abondance matérielle d’aujourd’hui, ce serait une bêtise d’affirmer que quelqu’un d’entre nous n’ait jamais éprouvé la peur, n’ait jamais ressenti des tentations érotiques, c’est-à-dire qu’il n’ait pas existé. Par la lecture de Sartre, on peut sentir tout ce qui se passe comme si tu participais à l’action. Il paraît qu’il te montre un miroir magique reflétant l’âme et qu’il te dit : n’aie pas peur, regarde et fais connaissance, c’est toi-même. « Je veux être Spinoza et Stendhal », fidèle à cette déclaration qu’il a faite à Simone de Beauvoir, Sartre mène une double carrière, investissant presque à tous les domaines de l’écriture. L’écriture fait une grande partie de sa vie, écriture impatiente quand il aborde la philosophie, écriture sans cesse remise sur le métier quand il s’agit de littérature. 9 François Noudelmann , Jean-Paul Sartre, adpf, 2005, p15-16. 9 Chapitre Ⅱ : Plusieurs symbols du mur dans Le mur Bien que La Nausée représente le début du processus de réflextion dans l’ensemble de l’œuvre de Sartre et qu’il soit l’œuvre la plus connue, la nouvelle Le Mur occupe une place importante au cours de sa vie de création et elle interprète aussi d’une façon implicite sa pensée existentialiste. Le Mur se situe en Espagne à l’époque de la guerre civile. Pablo Ibieta est républicain et se retrouve dans les prisons de Franco en même temps qu’un membre des Brigades Internationales, Tom, et un jeune espagnol, Juan, dont le frère est républicain actif mais pas lui. Suite à un interrogatoire expéditif, ils se retrouvent condamnés à mort tous les trois. La dernière nuit commence pour eux et Pablo cherche à rester sang froid, tout en regardant ou observant les deux autres. La peur, l’angoisse et la désespérance les saisissent peu à peu. Le premier à suer la peur est le jeune Juan, mais l’Irlandais Tom le suivra assez vite. Pablo remarquera son pantalon mouillé, l'Irlandais s'étant laissé aller involontairement. Il y a également deux gardiens dans la cellule, mais le comble, pour Pablo, c’est la présence d’un médecin belge. En effet, celui-ci ne semble être là que pour observer les effets de la peur et de l'idée de la mort toute proche sur les trois condamnés. Pablo préfère mourir à trahir son camarade Ramon Gris. Mais par une contingence de la vie Ramon Gris est tué par les ennemis et Pablo survit. En lisant Le Mur, on serait impressionné par des images diverses du mur sous la plume de Sartre. Tantôt « le mur » est vraiment fait de briques, comme pour les fusillés, tantôt il est psychologique comme dans les autres nouvelles du recueil. Mais il est indiscutable que murs il y a de toutes sortes ! Quels murs nous y montre-t-il? Juste celui de la mort, de la communication humaine, de l’enfermement ? Il nous faut aller plus loin dans l’analyse. 10 1.Le mur visible: le mur et la liberté Cette nouvelle s’intitule Le Mur, qu’est-ce qu’on peut lire dans ce titre? Le mur, c’est l’enfermement physique, moral ou social. Tout d’abord, c’est le mur réel. L’homme vit dans un monde séparé par des murs. On s’enferme dans une certaine espace, limitée et étroite. Le mur pourrait nous préserver du froid, du vent et du danger, mais, quelquefois il s’empare de la liberté, la santé ou le bonheur à nous, comme le mur des prisons, le mur des hôpitaux... Pour les prisonniers, le mur signifie la perte de la liberté. Dans Le Mur, Pablo est enfermé, avec Tom, membre des Brigades Internationales, et Juan, un jeune espagnol, dans une cave de l’hôpital par les phalangistes. Le mur de cette cave les sépare du monde extérieur, du monde libre où ils ont vécu. Ce mur les fait éloigner de leur vie du passé, de leurs parents et de leurs amis, de tout ce qui les entourait. Ce mur leur fait perdre la liberté, la plus importante pour la vie, sans laquelle on ne vit plus réellement. Ils sont les prisonniers, désormais ils ne peuvent voir qu’une partie du ciel, qu’un fil de soleil. « Le jour entrait par quatre soupiraux et par une couverture ronde qu’on avait pratiqué au plafond, sur la gauche, et qui donnait sur le ciel. »10Le mur, ce sont les « soupireaux »; « Il faisait presque nuit, une lueur terne filtrait à travers les soupiraux et le tas de charbon, et faisait une grosse tache sous le ciel ; par le plafond je voyais déjà une étoile : la nuit serait pure et glacée. »11La lueur et l’étoile représentent la liberté, la vie libre. Mais elles sont en dehors du mur et deviennent les images illustrées. Ce qui les attend, c’est la nuit, le noir, la mort. Il ne leur reste qu’un trou, plus précisément que des « soupiraux », pour se sentir vivre. Le mur de la prison nous dévoile une vie enfermée, sans liberté. Une vie dépourvue de la liberté est une vie sans l’eau pour les poissons, une vie sans le ciel pour les oiseaux. Ainsi toute espérance disparaîtrait avec une telle vie. L’existence paraît alors « emmurée », sans issue, d’où une atmosphère inquiétante. 10 11 Sartre, Le Mur, Folio, 2003, p14. Id. p17. 11 2. Le mur invisible : le mur et l’humanité La distance la plus lointaine, ce n’est pas la distance entre la terre et la lune, mais la distance entre les cœurs humains. Avec le regard d’autrui, notre existence devient plus dure à supporter, voire quasiment impossible et invivable. Pour les trois prisonniers, le mur plus dur est le mur qui dresse entre eux-mêmes. Bien qu’ils restent dans la même cave, qu’ils fassent face au même destin, ils se détestent et s’éloignent au lieu de s’accompagner et de se consoler. Les murs invisibles mais étouffants les rendent davantage douloureux et solitaires. L’existence des autres révèle dans la situation un aspect horrible qu’on ne veut et ne peut pas supporter. Les relations entre les hommes, c’est compliqué de les nouer et encore plus difficile de les maintenir. Pablo « était irrité contre Tom » 12 , pour lequel il « n’avait pas beaucoup de sympathie »13. Quand Tom lui prit la main pour obtenir une certaine commodité, Pablo « dégageait sa main » et lui reprochait en l’appelant « salaud » car Tom pissait dans sa culotte. Pour le petit Juan, Pablo n’avait aucune pitié, parce que la pitié le dégoûtait. Un tout petit bruit peut agacer les autres et provoquer des regards haineux. Tom, qui consolait le petit tout au début, finissait de « le regarder avec des yeux mornes et n’avait plus envie de le consoler »14 Surtout le médecin belge, il ne venait pas par compassion, il consolait le petit mais avec « les yeux froids » et « une fausse sollicitude ». Les gardiens, indifférants, ne font rien que de dormir ou de fumer, ils ne portent ni aucun intérêt ni aucune attention sur les prisonniers. Dans cette cave toute petite, tout le monde est seul. Ils vivaient dans leur propre monde, éloignants les uns des autres. Face à leur compagnon, ils restent froids sans aucune compassion. Pauves hommes! « Nous nous jugeons avec les moyens que les autres nous ont donnés de nous juger...si mes rapports sont mauvais, je me mets dans la totale dépendance d’autrui. Et alors, en effet, je suis en enfer. »15 Les trois personnages ne voyaient que le mur de la prison, mais ignoraient toujours que la douceur et la chaleur humaines 12 13 14 15 Sartre, Le Mur, Folio, 2003, p13. Id., p23. Id., p29. Annie Cohen-Solal, Sartre :un penseur pour le XXIe siècle, op.cit., p53. 12 peuvent détruire le mur le plus dur. Le mur dressé entre les cœurs humains se montre beaucoup plus horrible que les murs des prisons. En fait, dans le monde moderne, avec un logement plus grand, on vit plus isolement; avec une langue internationnale, on se sent souvent plus difficile de se comprendre. 3. Le mur invisible : le mur et la mort Le mur le plus dur et le plus horrible à travers le texte qu’on sent, c’est le mur entre la vie et la mort. C’est un mur qu’on ne peut ni voir ni toucher. Un mur invisible, mais on le sent partout, dans le corps, dans l’air, dans les mots sur les lèvres. Le mur, c’est la fin de la vie et la porte vers la mort. La mort, comme la nuit, tombait lentement, elle serait pure et glacée, alors la vie serait la lueur terne qui filtrait par les « soupireaux ». On a tendance de refuser le fait qu’on serait mort un jour. On se croit loin de la mort. Comme Sartre lui-même : « La mort, je n’y pense pas. Elle ne vient pas dans ma vie, elle sera dehors. Un jour, ma vie cessera mais je veux qu’elle ne soit obérée par la mort en aucun cas. Je veux que ma mort ne rentre pas dans ma vie, ne la définisse pas, que je sois toujours un appel à vivre. »16 La cave de l’hôpital est un trou du monde, un trou qui sépare le monde en deux: celui des vivants et celui des morts, un endroit de passage, de transition, de sursis. C’est le temps qui les conduit rapidement vers la nuit ténébreuse de la mort. Qui pourrait garder le sang froid quand il sait qu’il va mourir bientôt, dans quelques heures ? Ce mur va tout écraser : le souvenir, le bonheur, l’espoir. Ils ne verraient rien, ils n’entendraient rien, mais pour les autres le monde continuerait. Tom avais peur : « Je verrai les huit fusils braqués sur moi. Je pense que je voudrai rentrer dans le mur, je pousserai le mur avec le dos de toutes mes forces, et le mur résistrera, comme dans les cauchemars. »17 Il voit le mur réel, en fait, il voit sa propre mort. Il va l’avouer comme un trou noir, un monstre ; quand Pablo dormait, il rêvait, « Ils me traînaient 16 17 Annie Cohen-Solal, Sartre : un penseur pour le XXIe siècle, op.cit., p127. Sartre, Le Mur, op.cit., p22. 13 vers le mur, et je me débattais. »18 « On allait coller un homme contre un mur et lui tirer dessus jusqu’à ce qu’il en crève. »19 Tous ces murs réels sont les visages horribles de la mort, ils les entouraient comme des diables, partout et toujours. Ils ne pouvaient pas l’échapper. En dedans de ce mur, tout est désenchanté, même « les objets avaient un drôle d’air : ils étaient plus effacés, moins denses qu’à l’ordinaire. »20 La mort, on la voyait partout, sur les choses. Le mur de la mort fait tout déformer. Le petit Juan, « il avait un visage trop fin et la peur, la souffrance l’avaient défiguré, elles avaient tordu tous ses traits. »21 Tom « était devenu gris », « il avait l’air misérable. »22 Pablo, sans se sentir, était trempé de sueur. Tous les trois portaient les douleurs dans leurs corps, c’est le mur qui leur pèse. Le mur entre les vivants et les mourants les fait plus éloignés que jamais, malgré vis à vis, ils se trouvent dans deux mondes tout différants. Ils sont seuls, tout seuls. Quand nous arrivons sur le monde, nous sommes tous condamnés à la mort, avec quelques heures ou quelques années d’attante, c’est tout pareil. Ce mur se dresse devant nous tous, mais nous ne voulons pas nous en rendre compte. 18 19 20 21 22 Sartre, Le Mur, op.cit., p26. Id., p34. Id., p28. Id., p16. Id., p17. 14 Chapitre III : Derrière le mur: l’Existentialisme L’Existentialisme est loin d’être nouveau. Héritier de toute une tradition de pensée, il se présente comme un courant philosophique et littéraire au sujet de l’existence humaine et de la façon dont nous nous positionnons dans le monde. La philosophie existentialiste exerce une grande influence sur la littérature moderne. Surtout les oeuvres de Sartre, elles sont toujours considérées comme l’explication de ses pensées existentialistes. « Non seulement Sartre n’a pas inventé l’existentialisme, déjà présent au XIXe siècle avec Kierkegaard, mais il a toujours employé ce terme à contrecoeur, le concédant aux classifications scolaires et médiatiques. »23 Cependant, le mot d’existence prend chez Sartre une valeur centrale dans un projet philosophique nouveau qui entend repenser la réalité humaine à partir de la conscience du monde. La réflextion de Sartre s’est nourrie d’influences complexes et souvent contradictoires: d’abord, celle de la philosophie allemande. Il faut mentionner Hegel (tout particulièrement avec sa dialectique de la négativité), Marx (théorie de travail humain et de l’histoire), Husserl (idée d’intentionnalité) et Heidegger (sa notion de Dasein, d’être dans le monde). Puis Sartre hérite également de la philosophie de Descartes. Le cogito transparent à lui-même est au centre de sa réflextion. Enfin il faut mentionnner l’influence du philosophe danois Sören Kierkegaard.24 D’après Sartre, l’existentialisme, qui définit l’homme par son action, est un humanisme. La seule chose qui permet à l’homme de vivre, c’est l’acte. « Un homme s’engage dans sa vie, dessine sa figure, et en dehors de cette figure, il n’y a rien. »25 Au cours de ses oeuvres, Sartre préfère resituer la dignité de l’homme à partir d’une réflextion sans concession sur les conséquences de sa liberté. « Si l’existentialisme a paru dépasser à l’époque des grandes critiques de l’humanisme hérité des Lumières, la pensée de Sartre ouvre des perspectives par ses exigences et ses interrogations sur 23 24 25 François Noudelmann, Jean-Paul Sartre, op.cit., p16. Cf. Jean-Marc Besse, Anne Boissière, Précis de Philosophie, Nathan, 2004. Annie Cohen-Solal, Sartre : un penseur pour le XXIe siècle, op.cit., p64. 15 l’homme. »26Donc à travers son œuvre Le Mur, on peut essayer de trouver les images existentialistes, malgré écrites d’une façon implicite, mais toutes claires et profondes, et pleines de la pensée existentialiste. 1. L’existence précède l’essence L’idée fondatrice de l’existentialisme sartrien est basée sur cette conception : l’existence précède l’essence. Cela signifie que les êtres humains n’ont pas de valeur avant leur existence : ni valeur, ni bonté, ni but. « Sans volonté, l’homme tombe donc dans l’absurde de l’en-soi, le sans raison, le non-sens. »27 Contrairement aux objets qui ont été conçus avant d’exister, l’homme exister d’abord. « Il se définit ensuite par ses actes, et ne peut prétendre être autre chose. » 28 Il n’y a pas de raison fondamentale de notre existence. Au début nous existons, puis nous devenons les êtres distincts. « L’essence de l’homme, le caractère de l’homme, sa spécificité doivent donc être construits dans sa manière d’exister, de la façon dont il conduit son existence » 29 . L’homme n’est rien que ce qu’il se fait. Dans Le Mur, les trois prisonniers, le médecin belge, les gardiens, on les connaît bien par ce qu’ils font dans cette situation particulière, on les distingue les uns des autres par leurs paroles, leurs gestes. Sartre attache une grande importance à décrire la réaction des personnages face au même événement. Il essaie de définir leur existence par leurs actes. Donc dans cette cave, Pablo est un républicain indifférent de tout, mais aussi un homme brave et honnête parce qu’il fait des efforts pour faire face à la mort sans peur ni regret, et qu’il préfère mourir à trahir son camarade. Tous ces caractères se définissent par son attitude et son acte pour les autres. Il méprise la lâcheté de Tom et la timidité de Juan. Bien qu’il ait peur aussi, il s’efforce de rester sang froid. Il se souvient de sa vie du passé, de la vie révolutionnaire et de son amour. Il ne regrette pour rien. Il essaie de ne pas montrer sa peur et veut mourir proprement. Ainsi, par ce qu’il fait, il est tel qu’il se fait devant nous. En revanche, Tom et Juan sont tout différents de Pablo, ils sont 26 27 28 29 André Guigot, Sartre et l’Existentialisme, éditions MILAN, 2000, p56. Id., p22. Id., p22. http://www.hku.hk/french/dcmScreen/lang3035/lang3035_sartre.htm 16 plus ou moins lâches et ils manquent d’une qualité révolutionnaire. C’est parce qu’on voit qu’ils n’arrivent pas à se tenir devant la mort, ni à prendre la conscience de la regarder en face. Tom bavarde sans cesse meme pisse dans sa culotte. Juan sanglote et perd sa conscience enfin. Ils sont tout loins d’être un homme courageux et d’être un vrai révolutionnaire. Si l’on dit que le médecin est un homme mauvais, c’est parce qu’il n’éprouve aucune compassion pour les prisonniers, tout au contraire, il les voit souffrir, sangloter et désespérer, comme voir les animaux. Il prend les notes indifféremment de la réaction des prisonniers devant la mort et leur annonce l’approchement de l’heure de leur mort. L’existence précède l’essence, c’est de faire de l’avenir un choix perpétuel, indépendamment des codes naturels. « L’homme est alors essentiellement ce qu’il fait de lui-même. »30 L’homme, né comme un papier blanc, se fait quelqu’un qu’il se trouve devant les autres. On peut toujours se changer ou s’améliorer par nos actes. Ainsi, on n’a pas l’image stable. Chacun a la chance d’être meuilleur. Même pour les méchants ou quelqus’uns de mauvais, ils peuvent devenir les gens de bonneté tant qu’ils changent leurs actes. Il paraît que Sartre donne une grande confiance à l’homme et qu’il nous renvoie un nouvel angle de regarder l’homme, de connaître sa nature complexe. Par ce qu’on fait, on a son image, sa valeur, son but et son essence. 2. Choisir librement Puisque notre essence est déterminée par nos actes, comment opérer nos actes? Par nos choix. D’après l’existentialiste, nous sommes des êtres libres, donc la façon dont nous agissons montre vraiment qui nous sommes. Cette idée de choix est primordiale pour Sartre. « Il la souligne avec beaucoup d’insistance: nous sommes responsables de nos actes, de nos choix, et réellement de ce que nous sommes. »31 L’homme est un être en situation. La situation, selon Sartre, est le perpétuel choix que l’homme doit faire de lui-même, à partir de circonstances que lui-même n’a pas choisies. La cave est un monde plus petit que le monde extérieur, mais ne point moins 30 31 André Guigot, Sartre et l’Existentialisme, op.cit., p22. http://www.colby.edu/french/fr128/splocher/existentialisme.htm 17 réel ou cruel que lui. C’est une situation particulière. Dans cette situation, chacun doit se choisir sans cesse ce qu’il veut devenir. « Tous les hommes sont libres : libres d’être hommes, cela va sans dire...c’est pourtant cet homme libre qu’il faut délivrer, en élargissant ses possibilités de choix. En certaines situations, il n’y a place que pour une alternative dont l’un des termes est la mort. Il faut faire en sorte que l’homme puisse, en toute circonstance, choisir la vie »32 On dirait que, comme les trois prisonniers ont déjà perdu leur liberté et qu’ils n’ont pu qu’attendre la venu de la mort, comment ils peuvent encore le choix, qu’est-ce qu’ils peuvent choisir ?...Mais on peut voir par Sartre qu’en toute situation, on peut faire le choix, on peut choisir, même pour les prisonniers qui vont perdre leur vie tout à l’heure. Ainsi dans la cuve, face à la mort, Pablo effectue des choix différents de ceux des autres compagnons Tom et Juan. Tom parle trop pour éviter de rendre compte de la vérité cruelle. De plus en plus soucieux, il ne cesse pas de parler avec Pablo. Il ne veut pas, ou ne peut pas regarder la mort en face. Le petit Juan ne pas assez de cougage pour accepter ce destin. Il ne peut plus penser, sauf plaindre et sangloter. Pablo, il a peur aussi, il sue et « les gouttes roulent sur ses joues », « sa chemise était humide et collait sa peau. »33 De toute façon il s’efforce de rester sang froid. Il ne veut pas « mourir comme une bête », il « se mit à penser à sa vie passée »34, il veut « rester propre » et « mourir proprement ». Ce qui est le plus frappant, c’est qu’il choisit la mort au lieu de trahir son camarade. Il a l’esprit dur et une sensation droite. Pour Pablo, la mort à venir ne peut plus être évitable. La peur provoquée par la menace de la mort on ne peut pas l’éviter, car c’est une réaction physique. Mais on peut choisir son attitude devant la mort. On peut se moquer de la mort sans aucune crainte. Donc « la mort peut nous enlever la vie mais elle ne peut jamais nous enlever l’attitude sur elle.»35. C’est nous-mêmes qui allons choisir. Par ailleurs, la vie passée des trois prisonniers, aussi du médcin était pleine de choix. Quant à la guerre, à la révolution, chacun peut faire sa propre choix. Pablo et 32 Annie Cohen-Solal, Sartre :un penseur pour le XXIe siècle, op.cit. , p61-62. Sartre, Le Mur, op.cit., p19. 34 Id., p26. 35杨昌龙, 《存在主义的艺术人学——论文学家萨特》 ,西北大学出版社,1998,110 页。 “死亡可以夺走我 的生命,可是夺不走我对死亡的态度” 。 33 18 Tom ont choisi d’y participer et sont devenus révolutionnaires, ils ont fini par être arrêtés. Ainsi, il leur faut assumer ce résultat un peu terrible de leur choix. Juan, faute de courage, préférait tenir une distance avec la guerre et la politique pour mener une vie toute paisible. Au contraire, les gardiens et le médecin ont choisi de servir Franco et sont réduits aux méchants aux yeux des peuples. Surtout le médecin belge, il pourrait refuser de venir à la prison et de faire souffrir les prisonniers, il pourrait les consoler, même les aider. Mais il fait son choix, il préfère être indifférent et tout froid à la vie humaine. On peut voir que chacun est sur le point de choisir à tout moment. Le choix va changer le destin. Tant qu’on vit sur le monde, on est obligé de faire le choix sans cesse : abandonner ou réserver quelque chose ; devant une certaine situation, la regarder en face ou y échapper de toute possibilité... Tout choix est important, parce qu’il va influencer toute la vie suivante, comme l’effet de papillon. Une fois qu’un choix est fait, tout serait différent. A tout moment, l’homme se trouve à un carrefour, vers où on doit se diriger ? Cela serait décidé par nous-mêmes. De différentes décisions nous amènent à de différents paysages : un paradis splendide ou un enfer terrible. On ne peut jamais refaire le choix, revivre la vie. Mais il y aurait toujours les choix à faire. Sans disant qu’aujourd’hui, devant le monde tout changeant et les situations toutes perplexes, il est beaucoup plus difficile de faire le choix. Face aux gens en danger, les sauver sans aucune hésitation, ou prendre l’acte après l’évaluation des circonstences, ou juste se croiser les bras ? C’est notre choix. Mais aujourd’hui, à cause des idées d’utilité et de poursuite de la gloire, il semble que ce n’est pas si facile de choisir librement. 3. L’enfer, c’est les autres. L’autre est un problème, car sa liberté se heurte toujours à la mienne et vice versa. C’est pourquoi la communication entre les hommes est toujours un échec. « L’enfer, c’est les autres. » Nous sommes des miroirs les uns pour les autres, les autres vont refléter et dévoiler notre défaut et notre faiblesse. Bien que nous ayons besoin les uns 19 des autres, nous sommes hostiles aux autres. On est seul dans ce monde, « délaissé sur la terre au milieu de ses responsabilités infinies, sans aides ni secours, sans autre but que celui qu’il se donnera à lui-même, sans autre destin que celui qu’il se forgera sur cette terre ».36 Dans cette cave, chacun sent que l’existence des autres apporte plus de douleur et d’angoisse. Entre les trois prisonniers, il manque une compassion, une consolation, et une fraternité humaine. On voit souffrir les autres indifféramment. Pablo ne vout pas entendre Tom plaindre. Pablo, « comprenant très bien ce que Tom voulait dire, mais il ne voulait pas en avoir l’air »37. Il est irrité contre Tom et n’a pas sympathie pour lui. Il méprise Tom, l’appelant salaud parce que Tom pisse dans sa culotte. Pour le petit Juan, Pablo ne l’aime pas. Il n’a pas de pitié pour ce jeune. La pitié le dégoûte. Tom éprouve une compassion pour Juan tout au début, il devient indifférent à lui à la fin et ne vout plus le consoler. Les trois prisonniers ont dû s’entraider et se consoler pour être courageux de faire face à la mort. Mais comme les trois de Huis Clos, les trois personnages du Mur s’affrontent et se menacent, boureaux l’un pour l’autre. Chacun de ces personnages passe en revue la vie des deux autres pour l’examiner et la critiquer. L’enfer, c’est l’obligation de voir sa vie jugée par les autres et d’être impuissant à la modifier, car la mort a mis fin à la faculté de choisir. Puis entre les vivants et les mourants, ni les gardiens ni le médcins n’adressent leur pitié ou leur fraternité sur les trois prisonniers. Les gardiens restent tout froids et indifférents. La mort des autres n’évoque jamais quelque émotion ou quelque pitié dans leur coeur. Ils dorment et se réveillent, ouvrent la porte de la prison et la ferme, comme les robots, sans conscience ni esprit. Surtout le médecin belge, son existence vivante faisait les prisonniers beaucoup plus souffrants. Une menace pour les trois, il n’avait que les yeux froids et durs. Il faisant les notes de la réaction des prisonniers face à la mort, comme observait les animaux. « Il tira sa montre et la regarda »38, annonçant l’heure pour faire souffrir les prisonniers exprès. Comme dans un théâtre, il voit avec plaisir et curiosité une scène théâtrale. La cave est un enfer sur la terre. On y subit les autres qui nous causent beaucoup de contrains et de peines. « La honte dans 36 37 38 Annie Cohen-Solal, Sartre :un penseur pour le XXIe siècle, op.cit., p55. Sartre, Le Mur, op.cit., p22. Id., p29. 20 sa structure première est honte devant quelqu’un...Autrui est le médiateur indispensable entre moi et moi-même. La honte est honte de soi devant autrui »39. Il paraît que de nos jours, il est plus difficile de s’entendre entre les hommes. On a l’habitude de s’enfermer en soi-même et jeter souvent un regard suspect sur les autres à l’entour. Même quand un certain inconnu veut nous donner un coup de main, on suspecterait sa bonneté au lieu de le remercier de tout coeur. Surtout devant la concurrence professionnelle de plus en plus violente, et à cause de la mode de la poursuite du mérite et du profit, les relations humaines deviennet plus intenses. On a tendence de tenir une certaine distance avec les autres, ainsi avec l’enfer. Evitant de se montrer devant les regards des autres, on se sentirait beaucoup plus en sécurité. 4. La contingence et l’absurdité du monde Pour les existentialistes, « il n’y a pas de Dieu ni de nature humaine. Le monde est indifférent et hostile. L’essence du monde est déterminée par hasard, et les actes du monde sont aussi déterminés par hasard ». 40 Nos actes doivent affronter le hasard, le hasard indifférent qui règle le monde. La vie en ce monde est absurde, parce qu’elle est dictée par hasard. Nous n’avons qu’un peu de pouvoir, et ce pouvoir n’est rien contre le hasard de l’univers. Comme dans La Nausée, Antoine Roquentin découvre le caractère indépassable de contingence, c’est-à-dire le fait que « tout ce qui existe, la nature, mais également l’homme, n’a – a priori – aucune raison d’exister »41. Le marronnier lui semble révéler toute la contingence de l’existence, de la nature et des hommes. « L’essentiel, c’est la contingence. Je veux dire que par définition, l’existence n’est pas la nécessité. Exister, c’est être là, simplement; les existants apparaissent, se laissent rencontrer, mais on ne peut jamais les déduire »42. Sartre nous dévoile dans Le Mur la contingence de la vie et du monde. Tout se passe sans raison, juste par hasard. Les trois prisonniers, surtout le petit Juan, qui n’a rien fait de mal, sont 39 40 41 42 André Guigot, Sartre et l’Existentialisme, op.cit., p203. http://www.colby.edu/french/fr128/splocher/existentialisme.htm André Guigot, Sartre et l’Existentialisme, op.cit. , p8. Sartre, La Nausée, op.cit., p187. 21 condamnés tous à la mort simplement après une interrogation absurde. Ils ne comprennent rien sur un tel destin. Juan a dû mener une vie paisible, mais tout a changé à cause du destin capricieux. L’homme se croit pouvoir maîtriser sa propre vie, mais dans cette nouvelle, il semble que la vie humaine est si légère sans aucun poids qu’elle serait perdue à tout moment sans aucune raison. Où se trouve le sens de la vie, puisque rien n’est assuré et que tout soit changé tout d’un coup? N’est-ce pas la vie est absurde, on ne peut jamais la mener comme on souhaite. L’absurdité se présente aussi par la réaction des prisonniers face à la mort. Tous vivant, ils voient déjà l’image de leur mort : Tom voit son cadavre, Pablo voit des canons de fusil braqués sur lui… Devant la mort le monde montre sa face ridicule. La vie paraît ridicule et tout perd son sens et sa couleur. Une fois qu’on se rend compte de notre mort, on sentirait le non sens de la vie. Tout ce qu’on fait, c’est juste de s’approcher de la mort. Pour Sartre, « la condition humaine est fondamentalement misérable ». Il affirme « la réalité indépassable de l’angoisse devant le mystère de l’existence humaine » 43 . La fin de cette nouvelle est tout en dehors de notre imagination. Pablo voulait protéger son camarade Ramond Gris, mais tout au contraire, les ennemis trouvent Gris au cimetière que Pablo dit au hasard pour faire « une farce » aux soldats. Il paraît que le monde est maîtrisé par quelque chose de mystérieux, un pouvoir invisible mais fort, qui détermine tout, mais non nous-mêmes, les hommes, qui déterminons, et l’homme ne peut jamais l’influencer ou le changer. Il (Pablo) « se mit à tourner » et il « se retrouva assis par terre »: « il riait si fort que les larmes lui vinrent aux yeux ».44 Ce rire amer est la moquerie sur le monde absurde, ces larmes nous dévoilent l’impuissance de l’homme devant le destin . L’existence humaine est un tragique. Comme Pascal a dit dans les Pensées : « Mais quand j’ai pensé de plus près et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j’ai voulu en découvrir la raison, j’ai trouvé qu’il y en avait une bien effective, qui consiste dans le malheur de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous 43 44 André Guigot, Sartre et l’Existentialisme, op.cit., p7. Sartre, Le Mur, op.cit., p37. 22 consoler, lorsque nous y pensons de près. »45 Avec le grand développement de la science et de la technologie, l’homme se croit avoire le pouvoir de tout maîtriser, au moins de bien surmonter les difficultés natutelles ou convaincre la nature, il se croit un grand maître de l’univers. Mais très souvent sait-on rien à faire face à la force de la nature et du destin, comme les accidents de transport, les catastrophes naturelles... Comme un pvoverbe chinois dit : l’homme fait ses efforts et puis c’est le destin qui va tout déterminer. 45 André Guigot, Sartre et l’Existentialisme, op.cit. , p9. 23 Conclusion La philosophie peut être le sol fertile qui nourrit la littérature. Une littérature fondée sur la philosophie se montre une couleur fabuleuse. Les œuvres littéraires ne pourraient attirer les lecteurs qu’à la condition de s’appuyer sur une culture profonde et splendide. On peut dire que la littérature n’existe jamais toute seule, en revenche, elle s’accompagne de la philosophie le long de son développement. Sartre s’exprime par la littérature, aussi par la philosophie. On peut dire que la littérature est un instrument pour lui d’expliquer ses pensées. Quelque chose de profond se cache dans toutes ses œuvres, La Nausée aussi que Le Mur, etc. La nouvelle Le Mur, oeuvre de la première période de création de Sartre, montre déjà la couleur existentialiste. On peut même dire que c’est Le Mur, mais non La Nausée, qui est la première oeuvre littéraire existentialiste de Sartre. Cette nouvelle, une déroute devant l’Existence, la fuite est arrêtée par un mur. « Fuir l’Existence, c’est encore exister ». On vit dans un monde avec inévitablement des murs de toutes sortes, visibles ou invisibles, grands ou petits, noirs ou blancs, longs ou courts, solides ou fragiles… Qu’est-ce qu’on peut faire face aux murs ? Le choix est à nous. Chacun est libre de choisir sa façon de résistance et de révolte. Sartre est habitué de se mettre à interroger des notions supossées aller de soi, en se demandant: «Qu’est-ce que l’homme?», «Qu’est-ce que la vérité?», «Qu’est-ce que le sens?»… «En lisant son œuvre, en découvrant ses révoltes et la profondeur de l’homme, on saisit cette passion incroyable qui l’habitait : comprendre l’homme»46. D’une façon superbe, parfois géniale, Sartre nous fait apercevoir des choses que l’on n’a pas encore vues. L’existence apparaî dans le fait d’être là, sans finalité, pour rien. « Sartre construit à la fois sa philosophie et son écriture littéraire sur cette révélation lente et inéluctable qui sape durablement l’ordonnancement des êtres et des choses. »47 46 47 André Guigot, Sartre et l’Existentialisme, op.cit., p3. Noudelmann, Jean-Paul Sartre François, op.cit., p16. 24 Il nous fait penser à la vanité des activités humaines, à l’inutilité de la vie, au côté vain de la volonté de vouloir faire des choses comme de tenter de les changer. La personnalité littéraire et intellectuelle la plus marquante du 20e siècle, Sartre nous dévoile d’une façon propre que personne ne veut regarder en face l’Existence. Au moment difficile l’homme ne voit pas d’issues, la situation peut lui paraître désespérée. Mais en temps inconsciemment il cherche les moyens pour changer la situation. Son œuvre est une fenêtre par laquelle on peut bien admirer de beaux paysages de la pensée existentialiste. Sa philosophie est une philosophie de l’homme, ainsi que ses œuvres dans le but d’exprimer les situations humaines. On peut dire que, si l’homme existe toujours sur le monde, la philosophe de l’homme, soit l’existentialisme, ne va pas cesser de nous inspirer, au moins, dans une certaine mesure. Tout en parlant de Jean-Paul Sartre, on pense naturellement à un autre contemporain de son temps, c’est Albert Camus. Ils ont au départ un certain nombre de points communs: contemporains de la guerre et témoins des absurdités humaines de leur temps. Ils se rapprochent par les thèmes de leurs romans: l’existence en elle-même, la liberté de l’individu aux prises avec un destin, l’injustice et la mort. Ce qui compte c’est qu’on ne doit jamais négliger leur distinction éclatante. Soit leur amitié, soit leur création littéraire, ou encore leur pensée sur la vie, tout nous réserve encore une belle perspective d’étude et de recherche. Quels sont leurs différences, non seulement à propos de leur écriture, mais aussi sur leur propre personnalité. Et peut-être qu’on puisse découvrir un autre Sartre différent à parallèle de Camus. On a toujours besoin d’aller plus loin, dans l’étude comme dans la vie. 25 Bibliographie 1. Sartre, Le Mur, Folio, 2003. 2. Sartre, La Nausée, Folio, 2003. 3. Sartre, Huis Clos, Folio, 2004, 4. Annie cohen-solal , Sartre : un penseur pour le XXIe siècle, Gallimard, 2005. 5. André Guigot, Sartre et l’Existentialisme, éditions Milan, 2000. 6. Denis Huisman, Histoire de l’Existentialisme, Armand Colin, 2005. 7. François Noudelmann, Jean-Paul Sartre, adpf, 2005. 8. Jean-Marc Besse, Anne Boissière, Précis de Philosophie, Nathan, 2004. 9. Yves Stalloni, Ecoles et courants littéraires, Armand Colin Editeur, 2005. 10. 杨昌龙, 《存在主义的艺术人学——论文学家萨特》,西北大学出版社,1998。 11. 何林,《存在给自由带上镣铐》,辽海出版社,1997。 12. 杜小真,《萨特引论》,商务印书馆,2007。 13. 高宣扬,《萨特的密码》,同济大学出版社,2007。 14. 柳鸣九,《萨特研究》,中国社会科学出版社,1981。 15. 郑克鲁,《现代法国小说史》,上海外语教育出版社,1998。 16. 贝尔纳·亨利·列维, 《萨特的世纪——哲学研究》,闫素伟译,商务印书馆, 2005。 17. 李克, 〈存在主义形象的哲学揭示——对萨特《墙》的解读〉, 《深圳大学学报》, 2006 年第 6 期。 18. http://www.hku.hk 19. http://www.colby.edu 26 Remercîments Je tiens tout d’abord à exprimer ma profonde gratitude à Mademoiselle le professeur HUANG Hong, ma directrice de recherches, pour sa direction vigilante, ses conseils éclairés et ses encouragements tout au long de l’élaboration de ce mémoire. Je suis également très reconnaissante envers Monsieur ZHANG Xinmu, Madame LIU Yunhong, Monsieur Xu Jun, et tous les autres professeurs de leur attention, de leurs conseils et de leurs aides au cours de mes études. Mes remerciements s’adressent aussi à tous les professeurs qui ont enrichi mes connaissances de la langue française et à tous ceux qui, à des titres divers, m’ont soutenue en me témoignant leur confiance tout au long de mes quatre années universitaires à Nanjing. 27