Synthèse « Linguistique des langues des signes » (SCL C10A). Licence 2. AMU. Faculté ALLSHS d’Aix-en-Provence.
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25.01.15
liées à celle-ci. Son accompagnant thérapeutique, Sylvie, voyant que la petite fille utilise tout
naturellement une gestuelle corporelle et faciale riche, fait intervenir un médiateur sourd, Sid, pour
lui apprendre la langue des signes française. Les progrès de Lou sont alors significatifs, ce qui a
entraîné une collaboration plus étroite entre Sid et Sylvie et l’investissement de tout l’entourage
proche de l’enfant. Tous ont appris (plus ou moins facilement) la LSF pour assurer un
environnement quasi-bilingue à la fillette. A la fin de l’étude, Lou, grâce à une communication plus
active, une plus grande facilité à « structurer sa pensée », pouvait « exprimer ses émotions et
donc,se construire » (Marie Guillem , 2010).
- La deuxième étude a été menée pendant 26 semaines par Stephen Von Tetzchner en 1984.
Elle porte sur un enfant de 3 ans, qui ne parlait pas, auquel on a appris un langage gestuel. Après
une appropriation rapide de ce mode de langage, l’enfant a pu restituer des mots sans s’appuyer sur
les signes. A partir de là, les signes ne servent que d’appui pédagogique, de métalangue, pour
expliquer les mots. L’étude a conclu sur le fait que, grâce à l’utilisation des signes, l’enfant avait
progressé dans l’utilisation des compétences linguistiques acquises ce qui avait eu pour
conséquence l’amélioration de son comportement.
De ces deux études découle que l’introduction de la LSF est un atout majeur dans le déblocage
des compétences langagières des enfants dysphasiques. Pour autant, ce n’est pas un outil miracle et
il est nécessaire de connaître les limites de l’utilisation de cette langue.
D’une part, il faut que l’entourage de l’enfant s’investisse dans la pratique de la LSF. En effet,
un contact occasionnel avec la langue des signes n’a que peu d’impact sur les progrès de l’enfant, il
faut qu’il soit immergé dans un environnement signeur pour s’approprier, outre le lexique, la
syntaxe et la pragmatique de cette langue. La langue des signes nécessite un apprentissage onéreux
en termes de temps et les proches de l’enfant ne sont pas toujours prêts (manque de temps, de
moyens, d’envie) à utiliser de façon habituelle ce mode de communication. Ils passeront plus
facilement par le canal oral et ne signeront qu’occasionnellement.
D’autre part, la dysphasie étant une pathologie à syndromes multiples, certains patients
présentent un déficit langagier d’ordre morphosyntaxique. Rappelons que la LSF à une syntaxe qui
lui est propre, différente de la syntaxe du français. Pour ce genre de syndrome, il est inutile
d’introduire la langue des signes ; en effet, quel bénéfice l’apprentissage d’une syntaxe
supplémentaire pourra-t-il apporter à l’enfant ? Aucun, si ce n’est une difficulté supplémentaire à
surmonter.
Certains patients, quant à eux, présentent une forme praxique de la dysphasie ; pour eux, la
LSF n’est être une langue-outil car ils ont autant de mal à réaliser un signe qu’à articuler un mot.
S’il apparaît que la langue des signes française est un excellent outil de compensation et
d’aide à l’apprentissage du français chez les enfants dysphasiques, il faut cependant éviter deux
écueils :
- l’utilisation systématique de la LSF avec les patients ; il est nécessaire, en amont, de bien
connaître la nature de leurs troubles et du (ou des) syndrome(s) caractérisant leurs pathologies.
- remplacer l’utilisation du français par la langue des signes comme langue d’usage de l’enfant
dysphasique. La LSF ne doit rester qu’un outil d’apprentissage, ne pas devenir une langue de
substitution.
Il nous semble nécessaire de rajouter, qu’au vue du peu d’études publiées aujourd’hui sur
l’intégration de la langue des signes françaises auprès des enfants dysphasiques (notamment de par
le caractère longitudinal de ces études de cas, et par la difficultés de trouver des sujets
représentatifs, la dysphasie étant une pathologie pouvant avoir comme conséquence un ou plusieurs
troubles différents de l’encodage), l’utilisation de la LSF par les dysphasique est une piste de travail
porteuse d’espoir qu’il serait bon, non pas de généraliser pour les raisons invoquées ci dessus, mais
d’exploiter sur tous les dysphasiques présentant un terrain favorable.