Tel-Aviv a tendance à surprendre les visiteurs la première fois.
Tel-Aviv célèbre son 100e anniversaire cette année. Une photographie datant de 1909 montre
un groupe de pionniers rassemblés sur la plage près de Jaffa, quand c’était encore un avant-poste
de l’Empire ottoman, sur un plot de terre qu’ils avaient nommé A’houzat Beit. Plus tard, l’implantation
naissante a été rebaptisée Tel-Aviv, ou la Colline du printemps, d’après la traduction en hébreu du
récit utopique du sionisme moderne de Theodor Herzl, Altneuland. De 1909 à 1932, Tel-Aviv a été
un village tranquille qui s’est développé progressivement. Le style éclectique était le type architectural
prédominant – un mélange d’influences levantines, d’Europe centrale et orientales. L’organisation des
rues était hasardeuse. Au début des années 1920, deux événements majeurs ont déterminé l’avenir
de la cité. Le cœur commercial de Jaffa s’est déplacé à Tel-Aviv après des affrontements violents
entre les communautés juive et arabe de l’ancienne cité portuaire.
Sir Patrick Geddes a créé un plan d’urbanisme pour Tel-Aviv, fondé sur le concept de cité jardin.
Geddes était un visionnaire. Il a conçu la ville pour qu’elle puisse répondre aux besoins spirituels et
matériels de ses habitants, en prenant en compte les facteurs du climat et de la structure sociale à
venir. Il pensait qu’il fallait encourager l’interaction humaine en rassemblant les habitants dans des
espaces publics. Il ne voulait pas séparer le centre de commerce des zones résidentielles pour
éviter de faire de ces dernières des villes fantômes aux heures chômées. Les immeubles
résidentiels devaient être peu élevés, aérés, esthétiques et abordables.
Dès 1932, un troisième événement historique a laissé une empreinte décisive sur le caractère et
l’apparence de Tel-Aviv. La montée de Hitler a entraîné un afflux massif de réfugiés juifs allemands
vers la petite ville. Les architectes qui ont conçu les résidences de ces réfugiés avaient été formés
au style Bauhaus. En fusionnant l’art et la fonctionnalité, celui-ci s’adaptait idéalement à la vision de
Geddes. Tel-Aviv a été leur toile vierge : en deux décennies, près de 5 000 immeubles de style
Bauhaus, international ou moderne ont été construits dans tout Tel-Aviv et Jaffa, avec des lignes
nettes, des balcons incurvés et des formes géométriques. C’est ainsi qu’est née la première – et
l’unique – ville Bauhaus.
Cinquante ans plus tard, l’Unesco désignait la Ville blanche – pour la couleur d’origine des
immeubles – site du patrimoine mondial. Une fois qualifiée de ville la plus moderne du monde, Tel-
Aviv est aujourd’hui souvent appelée, peut-être ironiquement, un “musée vivant” de l’architecture
moderne. La plupart de ses immeubles Bauhaus ont été négligés, mais ils subissent un processus
de restauration à un rythme toujours croissant qui reflète la gloire récemment retrouvée de l’héritage
de la ville.
Près d’un siècle après que Patrick Geddes a soumis son projet au premier maire de la ville, Meïr
Dizengoff, sa vision d’un espace urbain habitable a tenu bon. Tel-Aviv souffre des problèmes
urbains classiques, comme les embouteillages et la pollution, mais elle demeure une ville sociale
avec des boulevards ombragés bordés d’arbres, dotée de parcs et de squares où les gens peuvent
se retrouver à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. C’est une lutte permanente entre le plan
de Geddes et les besoins d’une métropole du XXIe siècle. Jusqu’à présent, l’équilibre entre la
préservation et la modernisation a été heureusement maintenu.
Par Lisa Goldman