GARDE A VUE – MEDECIN AUXILIAIRE DE JUSTICE

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Examen des personnes placées en garde à vue
GARDE A VUE – MEDECIN AUXILIAIRE DE JUSTICE
Tout médecin peut être requis par l’autorité judiciaire, OPJ, Procureur de la
République, juge d’instruction, (ou administrative), le plus souvent pour procéder à des
constations médico-légales, rarement pour dispenser des soins. Le médecin est dans
l’obligation de l’accepter, le refus est un délit passible du Tribunal Correctionnel.
Rappelons que le médecin peut se récuser selon certaines exceptions :
- Soit pour exceptions morales : s’il s’agit d’un parent ou d’un allié ou d’un client ;
- Soit pour exceptions physiques : si le médecin est lui-même en situation de maladie ou
dans l’incapacité de se déplacer ;
- Soit pour exceptions techniques : si les constatations à effectuer ne sont pas de sa
compétence
I - LES BASES JURIDIQUES : LOIS DU 4 JANVIER ET 24 AOUT 1993
1) La définition
La garde à vue est une des mesures de privation de liberté. Elle est une rétention exercée par
des OPJ pour les besoins de leur enquête. Elles différents des autres mesures qui sont :
- L’arrestation ;
- La détention provisoire dans un établissement pénitentiaire ordonné par un juge ;
- L’emprisonnement et la réclusion criminelle correspondant à des peines exécutées en
application d’une décision de condamnation ;
- La vérification d’identité (retenue de 4 heures) ;
- La retenu d’un mineur âgé de 10 à 13 ans (retenue de moins de 12 heures pouvant être
prolongée) ;
- Le séjour en chambre de dégrisement ;
- La rétention d’un étranger en situation irrégulière ;
- La retenue douanière.
2) Les principes
La garde à vue est réglementée par les articles 63 à 65 du code de procédure pénale et pour
certaines infractions graves (terrorisme, ILS, crime organisée) par l’article 706-73 du CPP.
L’intervention du médecin dans le cas d’une garde à vue, au cours d’une enquête se fait sur
réquisition. Le médecin peut être requis dans deux éventualités :
- Soit pour un prévenu maintenu par les nécessités de l’enquête ou de la procédure de
flagrant délit dans les locaux des enquêteurs (police, gendarmerie). Cette garde à vue est
initialement limitée à une durée de 24 H (art. 63 du CPP, alinéa 1). En ce cas, « s’il estime
nécessaire, le Procureur de la République peut désigner, un médecin qui examinera cette
dernière, à n’importe quel moment des délais prévus par l’article 63 » (art. 64, alinéa 4,
du CPP). Or « après 24 H, l’examen médical sera de droit, si la personne retenue le
demande ». dans les deux cas dispose que : « En règle générale et sauf instruction
contraire du Procureur de la République, il est procédé à l’examen médical dans les
locaux du commissariat ou de la brigade ». Le médecin est donc appelé à s’y rendre.
Médecine Légale – Mise à jour avril 2006
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Examen des personnes placées en garde à vue
-
Au cours de la garde à vue, dans les cas particuliers d’une enquête en matière de :
terrorisme, mineurs, et infraction à la législation relative à la lutte contre la toxicomanie
et l’usage illicite de substances vénéneuses. Le Procureur doit désigner immédiatement un
médecin pour examiner toutes les 24 heures la personne gardée à vue (ILS). Le médecin
délivrera ainsi, à l’issue de chaque examen, un certificat motivé, qui sera versé au dossier,
concluant à l’absence de contre-indication médicale à la prolongation de la garde à vue.
Dans le cas contraire, la nécessité de soins immédiats sera mentionnée.
3) le cadre juridique de l’examen médical
L’article 63-3 du CPP légifère l’examen médical de la personne en garde à vue :
- Droit de la personne gardée à vue
- A la demande :
de la personne
du Procureur de la République, de l’OPJ,
de la famille
- Obligatoire :
ILS (art 706-29 CPP)
Mineurs (art. 4 CP, ordonnance du 2 février 1945)
- Choix du médecin :
désigné par le Procureur de la République ou l’OPJ
absence de règle défini en ce qui concerne le choix du médecin
par le Procureur ou l’OPJ
choix du médecin par le gardé à vue ou la famille sur une liste
pré établi par le Procureur de la République (circ. 1er mars 1993)
- Délai :
sans délai
à tout moment
- Lieu :
dans les locaux du commissariat ou de la brigade
Sauf instructions contraires ou nécessité médicale
4) Les missions de l’examen médical
L’examen médical du personne placée en garde à vue reste un acte médical dans un cadre
toutefois très particulier :
Acte médical avec
application des règles du Code de Déontologie médicale
intervention d’un médecin dans l’intérêt du patient et le respect de sa dignité
accès et qualité des soins
information du patient et recherche de son consentement à tout acte médical
Mais cadre contraint différent du cadre habituel du contrat de soins avec le non libre choix du
médecin, réquisition judiciaire et remise du certificat médical à l’autorité requérante.
Trois missions peuvent être définies :
1) La mission de protection c’est-à-dire protection de :
- La dignité de la personne
- Son intégrité physique et psychique
- De sa santé : soin et/ ou de continuité de soins
2) La mission de type expertal :
- Dans l’intérêt de la personne examinée et de l’autorité judiciaire, le certificat médical
remis à l’OPJ indique
- L’aptitude ou l’inaptitude de la personne à la mesure de garde à vue prise à son encontre,
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La description éventuelle des blessures (avec l’accord de la personne examinée)
3) Une mission d’expertise
Dans l’intérêt unique de l’autorité judiciaire (procédure de comparution immédiate), une
expertise en particulier psychiatrique peut être effectué pour objectif de préserver des
éléments de preuve.
II - L’EXAMEN MEDICAL
-
1) Les buts
Aptitude au maintien en garde à vue,
Bilan traumatique,
Continuité des soins,
Prise en charge sanitaire,
Expertise
2) L’examen
a) Spécificité de l’examen
Difficulté de l’interrogatoire en raison des risques de fausses allégations ou de dissimulation
Risque de décompensation de certaines pathologies.
L’examen doit permettre de recueillir :
- Les antécédents et traitement en cours avec interrogatoire ciblée (recherche de pathologies
type asthme, épilepsie, diabète, cardiopathie, addictions, maladies contagieuses, troubles
mentaux)
- Les doléances : l’interrogatoire doit être ciblée et s’en tenir aux doléances d’ordre médical
( violences, douleur thoracique, perte de connaissance, dernière prise de toxique…)
- Examen médical général et orienté, avec entre autre un examen cutané soigneux.
si les conditions d’examen ne sont pas obtenus dans les locaux, l’examen pourra être
complété en milieu hospitalier
Il doit en découler :
- Une prise en charge thérapeutique nécessaire comprenant une surveillance adaptée
(nouvel examen médical)
- La continuité des soins en particulier la poursuite des traitements en cours (et non la mise
en route d’un traitement sauf cas particulier)
b) Pathologies rencontrées
Dans environ la moitié des cas, l’examen médical est considéré comme normal.
Les pathologies retrouvées sont les suivantes : traumatismes, toxicomanies, psychiatries,
pulmonaires, cardiovasculaires, diabète.
 Les blessures
Avec l’accord de la personne examinée, le médecin doit :
- Rapporter toutes les doléances et allégation en rapport avec des violences
- Décrire toutes les lésions et évaluer si besoin une ITT (à la demande de l’OPJ), et décrire
le caractère compatible ou non des lésions constatées avec les dires de la personne
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-
Evaluer la nécessite ou non de soins spécifiques en milieu hospitalier.
 L’asthme
Dans beaucoup de cas, le gardé à vue allègue un asthme. Il est nécessaire alors de s’apuuyer
sur son interrogatoire, son examen médical et un débit de pointe.
Rappelons que la plupart des décès surviennent chez des patients sévèrement atteints, avec
présence d’un facteur aggravant.
Dans le cas d’une garde à vue, les facteurs environnementaux, le stress, l’arrêt des ttt peuvent
conduire à une crise d’asthme.

Poursuite du traitement et en particulier du ttt de fond
Surveillance adaptée mise en place. Si compatibilité maintenue, réévaluation régulière.
Si dyspnée, hospitalisation.
 Le diabète
La garde à vue peut être considérée comme un facteur de décompensation. Il est nécessaire en
particulier chez le diabétique insulinorequérant de mettre en place les mesures suivantes :
- Mesure de la glycémie capillaire,
- Injections d’insuline pratiquées en milieu hospitalier ou en présence d’un médecin ou
d’une infirmière
- Mise à disposition des repas à heures fixes
- En cas de DNID, la constatation d’une hyperglycémie ou hypoglycémie nécessite une
consultation et/ou surveillance en milieu hospitalier.

-
Cardiopathie et HTA
Douleur thoracique  prise en charge SAMU (en particulier en l’absence de traumatisme)
même chez le sujet jeune.
- HTA :
Mesures difficiles lors de la garde à vue. Il faut tenter de différencier la poussée hypertensive
banale ne nécessitant pas de ttt particulier après l’élimination des facteurs de risque (arrêt du
ttt de fond, douleur thoracique…) de l’urgence hypertensive nécessitant une hospitalisation.
Assurer la poursuite du ttt habituel
- AVK : disposer d’un résultat récent et d’une ordonnace indiquant la posologie sinon faire
pratiquer un prélèvement sanguin en milieu hospitalier.
 Pathologies mentales
Demander un avis psychiatrique au moindre doute +/- hospitalisation
Rechercher les CI à la garde à vue :
- Le risque suicidaire imminent
- La psychose aiguë et recrudescence délirante d’une psychose chronique,
- L’agitation délirante,
- L’état confusionnel.

-
-
Les conduites addictives
L’alcoolisation aiguë
L’alcoolisme chronique : risque du syndrome de sevrage à évaluer avec évolution
imprévisible nécessitant une hospitalisation (Questionnaire DETA)
Toxicomanie
Risques liées à l’intoxication aiguë
Sous substitution : poursuivre la traitement substitutif en s’assurant de sa réalité (joindre
le centre de soins spécialisés pour toxicomane ou le médecin prescripteur. Possibilité d’un
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délai (Environ 24 heures) permettant une nouvelle évaluation et de joindre le médecin
prescripteur.
Pour la methadone, en cas de posologie alléguée > 40 mg demande de consultation
hospitalière (risque de surdosage).
 Grossesse
La grossesse à 8 mois est une CI à la garde à vue.
Si saignement, douleur pelvienne transfert en milieu hospitalier pour consultation
 Dissimulation intracorporelle de stupéfiants.
3 situations :
- ingestion par voie orale de boulettes
- dissimulation dans les cavités naturelles
- déglutition immédiate en cas d’interpellation inopinée
 Radiographie (cas particulier de la femme enceinte ou alléguant être enceinte = test)
Grande prudence pour les touchers pelviens qui ne seront faits qu’en milieu hospitalier
Evaluer le risque toxique (mauvaise qualité de l’emballage) – rechercher de signes
d’intoxication.

Mort en GAV = Obstacle médico-légal.
c) Problèmes des locaux :
Problèmes :
- Confidentialité de l’entretien
- Dignité art. 10 CD « un médecin amené à examiner une personne privée de liberté ou à
lui donner des soins ne peut, directement ou indirectement, serait-ce par sa seule
présence, favoriser ou cautionner une atteinte à l’intégrité physique ou mentale de cette
personne ou sa dignité ». Le médecin peut déclarer à l’OPJ ou au Procureur toute situation
humiliante ou dégradante.
- Conditions techniques souvent insatisfaisantes
Intérêt de l’examen médical dans les locaux de garde à vue : témoin des conditions de garde à
vue (locaux, conditions de surveillance)
III - LES SUITES DE L’EXAMEN MEDICAL
1) Compatibilité / ’incompatibilité au maintien en garde à vue
Compatibilité :
- Soit sans condition particulière
- Soit sous condition : nécessité d’un nouvel examen, réalisation de soins sur place (en
particulier poursuite du ttt antérieur) ou à l’hôpital
Un très faible pourcentage de ces pathologies ont pour conséquence l’incompatibilité du
maintien de la garde à vue (1.8%). L’hospitalisation peut être alors demandée pour des soins
immédiats et / ou pour la durée de la garde à vue.
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2) La continuité des soins
La poursuite d’un traitement médical peut se faire par la délivrance de médicaments :
- de la personne en garde à vue retrouvée à son domicile ou lors de la fouille,
- fournis par le médecin requis
- sur ordonnance délivrée par le médecin requis.
Plusieurs problèmes peuvent se poser :
-
-
respect du secret professionnel : le médecin doit s’assurer de la bonne administration
du traitement prescrit (art. 35 CD) - déconditionnement du traitement dans enveloppe
pour chaque médicament avec heure et posologie précisées.
Le problème de la méthadone et autre traitement de substitution
De la prise des médicaments : distribution du traitement par les OPJ, voie
d’administration du traitement …
LE CERTIFICAT MEDICAL
Le certificat médical réalisé par le médecin requis est un certificat remis aux autorités
judiciaires, versé au dossier judiciaire. Il note l’existence ou non d’une contre-indication
médical à la poursuite de la garde à vue, sans précision d’ordre diagnostique. Il précise la
nécessité d’une thérapeutique.
L’ absence d’éléments médicaux pose deux problèmes :
- le suivi médical possible
- la responsabilité
Rappelons que la responsabilité du médecin intervenant est engagée :
- Sur le plan pénal,
- Sur le plan administratif et civil : dès lors qu’il intervient dans le cadre d’une
réquisition, le médecin (quelque soit son statut) devient collaborateur occasionnel du
service public. La responsabilité de l’Etat peut être recherchée. La responsabilité civile
du médecin ne peut être engagée que dans le cas d’une faute détachable du service
public.
- Sur le plan déontologique.
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