2. Le coût du capital : apport des théories de la taxation effective et

publicité
Coût du capital et accumulation de capital physique en Belgique
Olivier Meunier et Michel Mignolet *
Abstract
Pour la théorie économique néoclassique, la demande d’investissement des entreprises est
significativement déterminée par le coût d’usage du capital. Des études empiriques récentes tendent
d’ailleurs à le démontrer. Le coût du capital comprend également, outre la fiscalité, le coût de
financement, la dépréciation économique effective et les aides publiques octroyées. L’objet de ce
chapitre est double. Une première partie survole la littérature économique traitant du coût du capital,
tandis que la seconde souligne l’intérêt de cette statistique pour l’évaluation de la politique
économique. Une attention particulière est accordée aux études ayant pour objet la Belgique et ses
régions, des premiers travaux portant sur la politique industrielle aux développements récents traitant
entre autres de la distribution spatiale des unités au sein des groupes multinationaux aux dispositifs
relatifs aux centres de coordination.
1. Introduction
La littérature sur les déterminants de l’accumulation du capital physique est abondante. Si on
excepte les développements particuliers relatifs à l’investissement résidentiel des ménages et
aux actifs circulants, elle s’emploie à expliquer la formation de capital productif dans les
entreprises.
L’intense activité de recherche destinée à éclairer les moteurs de la demande d’investissement
a conduit à un foisonnement de contributions scientifiques qu’il est malaisé de classifier. A
côté des modèles de base dont la dynamique est implicite (CHIRINKO, 1993), se sont
développés des modèles s’appuyant sur un programme explicite d’optimisation intégrant des
éléments dynamiques.
Les premiers comprennent la théorie de l’accélérateur, les apports de la théorie néoclassique,
les approches fondées sur le taux de taxation moyenne effective et sur le ratio rendement sur
coût ou encore le modèle de cash flow. Le mécanisme de l’accélérateur souligne l’importance
de la demande adressée à l’entreprise dans l’explication de la formation de capital. Le courant
Les auteurs sont respectivement chercheur et professeur au Centre de Recherche sur l’Economie Wallonne
(CREW) – Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur.
*
1
néoclassique met en exergue le rôle du coût du capital. FELDSTEIN (1987) est à l’origine des
modèles dits de taxation effective et de rendement sur le coût. Les premiers expliquent
l’investissement net par le rendement réel, après taxe1, les seconds en relation avec le
rendement potentiel net maximum. Rompant avec les hypothèses de concurrence parfaite, les
modèles de cash flow admettent le risque de rationnement des sources de financement et
privilégient le recours aux moyens propres générés par l’activité courante de l’entreprise.
D’autres modèles, dits VAR, sont construits sur le principe des vecteurs autorégressifs. Ils
rapprochent la demande courante de capital, de la distribution des dépenses de capital
observées dans le passé.
L’approche dite « explicite » entend mieux cerner la « dynamique attribuable aux attentes et à
la technologie »2. Elle met en évidence les coûts d’ajustement qui pèsent sur la firme. Tout
investissement est en effet source de perturbations dans l’entreprise par la réorganisation et
les besoins de formation du personnel qu’il impose. L’approche dite du q de TOBIN entend
cerner les attentes à travers le rapport du prix de demande sur le prix d’offre des biens en
capital. Le premier mesure la valeur marchande de l’entreprise, le second, le coût de
remplacement de celle-ci. Les modèles reposant sur l’équation d’EULER et les approches
prédictives résolvent le problème des attentes inobservables d’une façon alternative : les
premiers les appréhendent sous certaines hypothèses par les valeurs observées, les secondes,
par une prévision directe.
Quelle que soit l’approche utilisée, tout modèle explicatif de la dynamique de
l’investissement est susceptible de mettre en jeu des variables de volume (la demande
adressée à la firme, sa liquidité), des variables de prix (le coût de financement, la pression
fiscale effective) ou d’autres telles que les chocs technologiques ou l’esprit d’entreprise. Dans
la suite de ce chapitre, nous nous concentrerons sur la deuxième catégorie de variables soustendant la demande d’investissement3.
Les variables de prix se composent, pour l’essentiel, du prix d’achat de l’investissement,
d’une part, et de la pression fiscale au sens large, d’autre part. Lorsqu’on veut rendre compte
Contrairement à la théorie détaillée par la suite qui fixe l’attention sur l’investissement marginal et dès lors sur
le taux marginal d’imposition effective (cfr. infra), l’approche de FELDSTEIN (1987) utilise un taux moyen de
taxation comme instrument de mesure des incitants à investir.
2
CHIRINKO (1993), p. 21.
3
En effet, la littérature économique contemporaine tend à confirmer l’importance première des variables de prix
parmi les déterminants de la demande d’investissement. Les récents travaux de CHIRINKO, FAZZARI et
MEYER (1999) par exemple, montrent, pour les Etats-Unis que l’élasticité de la formation de capital productif
au coût d’usage de celui-ci est significativement négative et proche de –0,25.
1
2
de l’influence globale de l’imposition sur les décisions des entreprises, il importe de ne pas
s’arrêter à l’étude des seuls taux de taxation nominaux, mais de considérer le régime fiscal
dans son ensemble. En effet, certaines caractéristiques de ce dernier tendent à compenser ou
au contraire à accentuer les effets d’autres caractéristiques. Aussi, la littérature économique at-elle développé un indicateur synthétique de la pression fiscale nette qui pèse sur les revenus
des investissements : le taux marginal effectif d’imposition.
Le taux marginal effectif de taxation intègre non seulement les taux légaux de taxation, mais
également les autres facteurs, d’ordre fiscal ou non, qui influencent le montant d’impôt à
acquitter – et donc la rentabilité de l’investissement. Ces facteurs sont par exemple le mode de
financement choisi, le degré de déductibilité des amortissements et des charges financières, le
régime des pertes reportées ou encore les aides publiques de soutien aux investissements.
D’inspiration néoclassique, le taux marginal effectif de taxation se définit traditionnellement
comme le taux d’impôt qui, appliqué au taux de rendement brut de l’investissement marginal,
donne le rendement net réellement perçu par l’apporteur de capital ultime. Le concept de coût
du capital est donc au cœur de cette approche.
L’investissement marginal est le projet d’investissement dont le rendement attendu est égal au
coût de sa mise en œuvre. En d’autres termes, l’investissement marginal offre le rendement
attendu minimum exigé par l’investisseur (c'est-à-dire l’apporteur de capital) pour
entreprendre le projet. En effet, sur un marché des capitaux compétitif, les bailleurs de fonds
ne consentent à financer un investissement que si ce dernier leur garantit une rentabilité au
moins identique à celle qu’ils pourraient obtenir en prêtant leur épargne sur le marché. Dans
le cas contraire, l’investisseur aurait choisi cette option plus lucrative. Par définition, le coût
du capital coïncide donc avec la productivité marginale de l’investissement le moins rentable.
L’imposition des bénéfices des entreprises conduit généralement à relever le taux de
rendement requis avant impôt de façon à assurer le rendement net de taxes désiré.
L’imposition conduit donc à distinguer deux taux de rendement : d’une part, le rendement
brut de l’investissement (rg), avant impôt et rétribution des sources de financement et, d’autre
part, le taux de rendement (rn) réellement perçu par l’apporteur de capital. La différence entre
ces deux taux, appelée « coin fiscal », mesure la distorsion totale engendrée par l’imposition4.
Le taux marginal effectif d’imposition (w) s’exprime alors comme le rapport entre le coin fiscal et le taux de
rendement avant impôt rg ou le taux de rendement après impôt rn. Le taux effectif d’imposition est dit « tax
inclusive » dans le premier cas et « tax exclusive » dans le second.
4
3
Le taux de rendement avant toute imposition, rg, est la différence entre le coût brut du capital
et le taux effectif de dépréciation économique de l’actif.
La section 2 rendra compte des modèles de base d’imposition effective et des
développements contemporains les plus significatifs. La section 3 fera état des nombreux
travaux déployés en Belgique au départ de ce cadre théorique et fournira un aperçu des
mesures obtenues du coût d’usage du capital, d’une part, et des réflexions de politiques
économiques, d’autre part.
2. Le coût du capital : apport des théories de la taxation effective et
extensions au modèle de base
Introduit à l’origine par JORGENSON (1963), le concept de coût du capital devient chez
KING et FULLERTON (1984) l’élément clef de la détermination de la charge fiscale
effective qui pèse sur les revenus d’investissements domestiques. Bien qu’elles portent
également sur les investissements domestiques, les expressions du coût du capital que
dérivent BOADWAY (1987) et BOADWAY, BRUCE et MINTZ (1984) autorisent le recours
aux arbitrages sur le marché international des capitaux. Ensuite, ALWORTH (1988) élargit le
modèle aux investissements transnationaux. Il y intègre les effets de la double imposition
internationale et des montages financiers mis en œuvre par les sociétés multinationales.
Parallèlement à ces innovations majeures, les modèles de coût du capital ont fait l’objet ces
dernières années de nombreuses extensions : une synthèse critique de celles-ci est donnée
dans HESPEL et MIGNOLET (1999). Ces extensions ont trait en partie au caractère
multinational de l’investisseur et aux politiques de financement de l’investissement, mais sont
également fondées sur le relâchement d’hypothèses traditionnelles de la théorie, telles que la
concurrence parfaite, l’absence de prise en compte de risque et de la différentiation spatiale de
la productivité des facteurs ou encore le traitement asymétrique des bénéfices et des pertes.
Dans cette première section, nous présentons l’expression du coût du capital généralement
rencontré dans la littérature économique, ainsi que les principales étapes qui en sous-tendent
la construction. Cette présentation repose pour une large part sur les travaux de BOADWAY
et SHAH (1995). La fin de la section traite de développements significatifs du modèle de
référence initial.
4
2.1. Le coût du capital : apport de la théorie de la taxation effective
Afin de dériver une expression du coût du capital, la littérature économique recourt
traditionnellement au cadre analytique de la théorie néoclassique dynamique de la firme. En
particulier, BOADWAY et SHAH (1995) définissent la fonction objectif de la firme comme
la maximisation intertemporelle de la richesse des actionnaires, c'est-à-dire de la valeur de
l’actif net total de l’entreprise.
La fonction de production de la firme, notée F(K), est une fonction strictement concave du
capital, K5. P et Q représentent respectivement le prix de la production et le prix du bien en
capital. Ces prix sont connus avec certitude en raison de la perfection des marchés des
produits et des capitaux. Aussi, en l’absence de nouvelles émissions d’actions, le dividende
net Dt perçu par l’actionnaire s’exprime comme suit :


 
Dt = (1  )Pt F(K t)  (1  )Qt(Kt   K t)   A t  Bt  i(1  )Bt


où
[1]
-  est le taux d’impôt des sociétés, supposé constant au cours du temps par
souci de simplicité6 ;
-  est la part des dépenses d’investissement déduites de la base imposable, par
le mécanisme des déductions pour investissements, par exemple ;


- K t et B t représentent respectivement la variation instantanée du stock de
capital et du stock de la dette de la firme ;
-  est le taux de dépréciation économique du capital, supposé exponentiel ;
-  symbolise le taux d’amortissement fiscal, également exponentiel7 ;
- At est la valeur de la partie du capital non encore amortie fiscalement à la
période t ;
- Bt exprime la valeur du stock de dette de la firme au temps t ;
- i est le taux d’intérêt nominal.
L’expression peut être réécrite plus simplement sous la forme suivante :
5
Les autres arguments de la fonction de production sont omis pour la facilité de la lecture.
Il s’agit clairement d’une hypothèse simplificatrice forte. BRADFORD et STUART (1986) montrent comment
une éventuelle réforme fiscale non anticipée peut conduire à une mesure incorrecte du coût du capital. La
généralisation du modèle, en présence de taux de taxation variables dans le temps mais connus d’avance, est
aisée.
7
Le modèle est en mesure de prendre en considération d’autres régimes d’amortissement – par exemple de type
linéaire. L’expression analytique de base s’en trouve alors complexifiée.
6
5

Dt = Xt  Bt  i(1  ) Bt
[2]
où Xt est le cash flow de l’investissement.
L’équilibre sur le marché des capitaux implique que le gain en capital et le dividende net
perçu par l’actionnaire (supposé être une personne physique) coïncident avec le taux de
rendement nominal après impôt requis par l’apporteur de capital. En l’absence d’impôt sur la
richesse dans le chef de l’entreprise, la condition d’équilibre du marché des capitaux s’écrit
alors de la façon suivante :

 Et = (1-mg) E t + (1-md) Dt
où
[3]
-  exprime le taux de rendement nominal de l’actif total, après impôt, exigé
par les actionnaires existants ;

- Et égale la valeur de l’actif total de sorte que E t exprime le gain en capital de
la période t ;
- mg est le taux effectif d’imposition sur le gain en capital, lequel prend en
compte le taux inscrit dans la loi et le degré de réalisation des gains en capitaux
actés par l’actionnaire ;
- md représente le taux effectif de taxation des dividendes dans le chef des
personnes physiques. Il intègre, outre le taux nominal d’imposition des
personnes physiques, les éventuels mécanismes d’atténuation de la double
imposition économique des dividendes.
On parle de double imposition économique des dividendes lorsqu’un même revenu est taxé
deux fois : dans le chef de l’entreprise, d’abord, dans le chef de la personne physique, ensuite.
De manière générale, on distingue trois mécanismes qui permettent de prévenir ou d’alléger la
double imposition économique. Le système des deux taux applique un taux d’impôt réduit à la
part des bénéfices distribués. Le système d’imputation considère qu’une partie de la taxe
payée par la firme est une avance sur l’impôt dont est redevable la personne physique. Celleci bénéficie alors d’un crédit d’impôt à concurrence de ce montant. Enfin, le système de
déduction autorise la firme à déduire de sa base imposable une partie du montant des
dividendes bruts. Lorsque aucun allégement de la double imposition économique n’est prévu,
le système est dit classique8.
8
ALWORTH (1988), 41–46.
6
BOADWAY et SHAH (1995) posent exogène et constant le rapport des dettes sur l’actif total.
Celui-ci est noté b. La résolution de l’équation différentielle [3] fournit la fonction objectif
suivante de la firme9 :
1
 1mg 
 ds
Max E t  t e N(s  t ) Xs  b
 1md 
[4]
où N est le coût nominal de financement de l’investissement.
Le coût financier N de la firme fournit le taux d’actualisation des cash flow de
l’investissement. Il diffère selon les sources de financement.
En raison de la déductibilité des charges financières, le coût financier d’un emprunt s’élève à :
NE  i(1  )
[5]
Lorsque la firme se finance par prélèvement sur ses bénéfices réservés, le coût financier est
égal à :

Ng  1
[6]
mg
Enfin, la firme peut se financer par émission d’actions. Appelons  le taux de rendement
nominal après impôt exigé par les nouveaux actionnaires. Le coût de financement d’une
émission d’actions est alors égal à la somme du coût financier réel et du taux d’inflation
()10 :
Nd 
  (1  mg)
(1  md)

[7]
Bien sûr, lorsque le financement est mixte, le coût financier est mesuré par la moyenne
pondérée des coûts associés aux différentes politiques financières, soit :

   (1  mg )


N  i(1  )  (1  ) a
 (1  a )
  
 1  mg
 (1  md )

où
[8]
-  représente la part des dettes dans le financement de la firme ;
- a symbolise la proportion des bénéfices réservés dans l’autofinancement de la
firme.
9
Pour une introduction à la résolution des équations différentielles, voir par exemple CHIANG (1984), 470-548.
BOADWAY et SHAH (1995), p. 62.
10
7
Les modèles mesurant le coût du capital considèrent traditionnellement le taux d’inflation
comme une donnée exogène. L’impact de l’inflation sur le coût financier de la firme a été
étudié par COHEN, HASSETT et HUBBARD (1997). D’après ces auteurs, le signe de cette
relation varie selon que l’on considère une économie ouverte ou fermée. Dans une économie
ouverte, l’inflation réduit le coût financier de l’emprunt, par le biais de la déduction des
charges financières. Dans une économie fermée, cette réduction peut être compensée par le
régime d’imposition des personnes physiques, lorsque ce dernier s’applique aux revenus
nominaux de l’investissement11. Parallèlement, les auteurs montrent que, dans une économie
fermée, l’inflation tend à augmenter le coût de l’autofinancement.
L’effet de l’inflation sur le coût du capital est donc ambigu. Toutefois, les recherches
empiriques menées par KING et FULLERTON (1984), BOADWAY, BRUCE et MINTZ
(1984) ou encore par l’OCDE (1991) montrent une relation positive entre le coût du capital et
le taux d’inflation. En d’autres termes, une réduction du taux général d’inflation tend à créer,
à la marge, un incitant à l’accumulation de capital12.
Les conditions de premier ordre de l’optimisation dynamique conduisent à l’expression
suivante du coût du capital13, lequel correspond à la productivité marginale en valeur du
dernier franc de capital14 :


PF' (K ) ( N  )  (  Q/ Q)  


 g 
1    
Q
(1  )
( N  )

 
où
[9]
- (N-) est le coût financier réel de l’investissement ;

- (- Q/ Q ) constitue la dépréciation économique effective de l’actif ;
-  est la part des dépenses d’investissement qui peut être déduite de la base
imposable ;
-

N
représente la valeur actualisée du gain fiscal associé aux écritures
d’amortissement ;
- g symbolise la valeur présente d’une subvention en capital.
L’impact de l’inflation est alors déterminé en confrontant le niveau du taux d’impôt des sociétés au taux
d’impôt des personnes physiques sur les revenus d’intérêt. Le premier permet de déterminer le gain consécutif à
la déduction des charges d’intérêt. Le second mesure l’augmentation de l’impôt des personnes qui fait suite à la
hausse des revenus nominaux.
12
HESPEL et MIGNOLET (1999), p. 16.
13
La méthode d’optimisation dynamique sous contrainte est clairement présentée par SAVIOZ (1992).
11
8
Le coût brut du capital représenté par le membre de droite de l’équation, s’interprète comme
suit. Dans un univers sans taxe, le coût du capital est uniquement déterminé par le coût
financier réel de l’investissement et par le taux de dépréciation économique effective de
l’actif. L’introduction de la fiscalité sur le revenu de l’investissement perçu par l’entreprise
élève le coût du capital : l’expression est divisée par (1-).
« Le dernier terme entre parenthèses fait référence à la dépense d’investissement marginal :
une unité monétaire moins la valeur actualisée des avantages publics»15. On considère
traditionnellement trois types d’incitants publics, à savoir, en valeur actualisée, les économies
fiscales consécutives à l’abaissement de la base taxable (par exemple à travers les déductions
pour investissement au taux ) ou aux écritures d’amortissement (/N+) et les subventions
nettes en capital, g. Notons que les dotations d’amortissement, parce qu’elles sont calculées
au du prix d’acquisition plutôt qu’au coût de remplacement, varient de façon négative par
rapport au taux d’inflation16.
Le taux de rendement de l’investissement avant toute taxe, rg, est la différence entre le coût
brut du capital et le taux de dépréciation économique effective, soit 17 :



( N  )  (  Q/ Q)  



1




g

(


Q
/ Q)
rg 
 

(1  )
( N  )

 
[10]
2.2. Les investissements internationaux
ALWORTH (1988) montre comment l’expression du coût de capital se modifie lorsqu’on
considère des investissements transnationaux. Plus particulièrement, les développements
reposent sur le montage suivant : une maison mère située dans le pays de résidence de ses
L’expression [9], extraite de BOADWAY et SHAH (1995), a été adaptée afin de répondre aux caractéristiques
spécifiques du régime belge de déduction des dépenses d’investissement.
15
HESPEL et MIGNOLET (1999).
16
En Belgique, comme dans la plupart des pays industrialisés, les charges d’amortissement ne sont pas indexées.
17
L’apporteur de capital qui finance l’investisseur perçoit pour le placement de son épargne le rendement de
l’investissement déduction faite de toute imposition des personnes physiques [rn]. Ce taux de rémunération de
l’épargne est potentiellement différent pour les trois modes d’apport : prêt [i(1-mi)], souscription d’actions [-]
et gains en capital [-]. En cas de financement mixte, il est égal à la moyenne pondérée des rendements après
taxe des trois modes de financement de la firme.
rn =  i (1-mi) + (1-)(a + (1-a)) - 
où
mi est le taux d’impôt des personnes physiques sur les revenus d’intérêt.
14
9
actionnaires et une filiale détenue à 100%, localisée à l’étranger dans le pays dit de la source
du revenu18.
Les deux sociétés du groupe sont soumises à l’impôt des sociétés dans chacun de leur pays.
Les revenus générés par la filiale sont donc susceptibles d’être taxés deux fois, d’une part,
dans le pays de la filiale, et, d’autre part, dans le pays de la maison mère. En outre, les
revenus de l’investissement peuvent faire l’objet d’une retenue à la source dans le pays de la
filiale.
Pour atténuer les effets de cette double « imposition internationale19 », les pays de la maison
mère et de la source ont généralement conclu des accords. Typiquement, ces conventions
internationales accordent des systèmes d’allégement qui peuvent prendre l’une des trois
formes suivantes : l’exemption, la déduction et l’imputation. Dans le premier cas, le pays de
la maison mère renonce à imposer tout ou partie des revenus étrangers. Sous le régime de la
déduction, la taxe payée dans le pays de la filiale est déduite du revenu imposable que déclare
la société mère. Enfin, le système d’imputation considère que la taxe payée dans le pays de la
filiale est une avance sur l’impôt dû dans le pays de la maison mère. Ce crédit d’impôt est
généralement limité au montant de la taxe due dans le pays de la maison mère. Si la taxe
payée au fisc étranger est supérieure à celle due dans son propre pays, la société se trouve
dans une situation « d’excess credit »20. Elle ne peut pleinement valoriser sur l’impôt de la
maison mère la charge fiscale acquittée dans le pays de la filiale.
Dans le cadre du modèle d’ALWORTH (1988), le paramètre  de l’expression [9] devient un
taux effectif de taxation qui tient compte de l’imposition dans le pays de la filiale et dans le
pays de la maison mère, ainsi que des éventuels mécanismes d’atténuation de la double
imposition internationale.
D’autres auteurs traitent de certaines questions particulières relatives aux investissements
internationaux. SINN (1991 et 1993) et HINES (1994), ainsi que WEICHENRIEDER (1996)
étudient les effets sur le coût du capital de différentes mesures de lutte contre l’évasion fiscale
et notamment de la disposition fiscale dite « Subpart F » introduite aux Etats-Unis.
18
ALWORTH (1988), p. 68.
La double imposition internationale est également appelée double imposition juridique. La maison mère et la
filiale détenue à 100% sont de facto un contribuable unique.
20
En outre, les régimes de déduction et d’imputation peuvent être mis en œuvre selon une double modalité : le
report ou l’absence de report. Dans ce dernier cas, le revenu est imposable dans le chef de la maison mère dès
qu’il est enregistré (sous la forme d’un gain en capital). Dans le premier cas, l’imposition ne survient que
lorsqu’il y a versement effectif de dividendes de la part de la filiale.
19
10
WEICHENRIEDER (1995) traite des pratiques de prix de transfert. Il montre que sous
certaines conditions, une augmentation des taxes sur les dividendes dans le pays de la filiale
conduit à une réduction du coût du capital de la société multinationale. Enfin, ALTSHULER
et FULGHIERI (1994) analysent les effets de la réforme fiscale réalisée en 1986 aux EtatsUnis sur le coût du capital des multinationales américaines. Cette réforme a conduit beaucoup
de ces sociétés multinationales dans une position « d’excess credit », augmentant de ce fait le
coût financier.
2.3. Un coût du capital différentié au niveau spatial
Une des principales faiblesses des modèles traditionnels de coût du capital réside dans
l’homogénéité supposée de l’espace de localisation des investissements. La productivité
marginale d’un investissement est supposée être identique quelle que soit sa localisation
géographique. Il s’agit évidemment d’une hypothèse simplificatrice. En réalité, les différences
régionales en matière d’infrastructure de transport ou de communication, de structures
industrielles, de dotations en facteurs de production, d’économie d’agglomération, etc.,
conduisent nécessairement à des productivités différentiées en fonction du lieu de localisation.
MIGNOLET (1998) dérive les expressions analytiques d’un coût du capital « spatialisé »,
capable de rendre compte des disparités régionales de productivité.
2.4. Le risque
L’incertitude entourant la valeur future de certains paramètres rend la décision d’investir
risquée. En particulier BULLOW et SUMMERS (1984) identifient deux types de risques.
D’une part, les auteurs définissent le risque de revenu, lorsque l’investisseur, incertain des
prix qui prévaudront plus tard sur les marchés, ne peut déterminer exactement son niveau de
revenu futur. D’autre part, l’investisseur ne connaît ni le taux d’usure physique de l’actif, ni
l’évolution du prix des biens en capital. Par conséquent, il fait face à une seconde incertitude,
relative cette fois au taux de dépréciation économique de son investissement. On parle alors
de risque de capital21.
Comment intégrer le risque dans le calcul du coût du capital ? Traditionnellement,
l’investisseur exige une prime de risque comme rémunération du risque qu’il accepte de
Le traitement fiscal des pertes de l’entreprise influence l’intensité du risque de revenu supporté par
l’investisseur. Le risque de revenu est couvert en tout ou en partie selon que l’autorité fiscale autorise
respectivement une compensation complète ou partielle des pertes. Le risque en capital n’est quant à lui jamais
couvert : le taux d’amortissement fiscal est définitivement fixé au moment de l’investissement et ne varie donc
pas avec le taux de dépréciation réel de l’actif.
21
11
supporter. Aussi, une méthode simple pour rendre compte du risque est-elle d’augmenter le
rendement de l’investissement et le taux de dépréciation économique d’une prime couvrant
respectivement le risque de revenu et le risque de capital. Par conséquent, l’incertitude et donc
le risque contribuent à alourdir le coût du capital. SHOVEN et TOPPER (1992) montrent à
cet égard combien la prime de risque peut être importante dans le calcul du coût du capital.
3. Applications aux régions belges
La méthodologie de calcul du coût du capital et d’imposition effective dérivée des travaux de
KING et FULLERTON (1984) ne constitue pas la seule approche d’estimation de l’impact de
la fiscalité sur les décisions d’investissement mais elle présente l’avantage d’être le mode de
calcul du coût du capital le plus couramment utilisé dans la littérature économique. Il est
devenu le modèle de référence dans le domaine de l’imposition effective de sorte que des
organisations internationales telles que l’OCDE ou la Commission Européenne l’ont adoptée
dans leur analyse de la fiscalité nationale et internationale. Les autorités fiscales nationales
recourent également de plus en plus à ces modèles afin de mesurer a priori les effets des
réformes fiscales ou encore d’estimer l’impact des politiques économiques sur la demande
d’investissement.
L’objet de cette troisième section est de présenter les principaux résultats des études de coût
du capital ou d’imposition effective qui se rapportent à la Belgique. Nous présentons d’abord
brièvement les résultats des analyses menées au niveau international. Nous décrivons ensuite
les études traitant spécifiquement du régime fiscal belge, des premiers travaux portant sur la
politique industrielle aux développements récents traitant entre autres de la distribution
spatiale des unités au sein des multinationales belges ou des dispositifs relatifs aux centres de
coordination. Une attention particulière sera accordée aux exercices différentiant les mesures
de coût du capital par Région.
3.1. Les études internationales : la Belgique dans l’OCDE et la CEE
Le coût du capital et le taux marginal effectif de taxation se sont progressivement imposés
comme mesures de référence des nombreuses études traitant de la comparaison des politiques
fiscales nationales. Entre autres études, les travaux de l’OCDE (1991) et de la Commission
Européenne (1992), qui traitent des pays développés ou encore les études de l’EBRD (1993)
et de BOADWAY et SHAH (1995) qui ont pour objet respectivement les pays dits en
12
transition et les pays en développement ont montré toute la pertinence de cette approche.
S’agissant de la Belgique, seuls les deux premiers travaux retiendront notre attention.
Le rapport de l’OCDE (1991) propose une comparaison internationale des régimes fiscaux
pesant sur les revenus des investissements domestiques et transnationaux. Reprenant les
méthodologies de KING et FULLERTON (1984) et d’ALWORTH (1988)22, l’OCDE (1991)
cherche à étudier l’impact des différents régimes fiscaux des pays membres sur les
mouvements de capitaux. Le rapport constate que dans une économie mondiale de plus en
plus intégrée, la charge fiscale effective pesant sur les revenus internationaux est
systématiquement plus élevée que celle pesant sur les investissements domestiques. Le
rapport met également en lumière l’absence de neutralité de la fiscalité envers les différentes
politiques de financement de la firme et les différentes catégories d’actifs. Enfin, l’absence de
coordination fiscale au niveau international, mise en évidence par la disparité des taux
effectifs d’imposition, conduit nécessairement, selon l’OCDE, à des pratiques d’évasion,
voire même de fraude fiscale internationale.
Le rapport de la Commission Européenne(1992), dit rapport RUDING, souligne également la
nécessité d’une harmonisation fiscale entre les pays membres de la Communauté Européenne.
Il apparaît en effet que les différences fiscales entre pays membres peuvent affecter les
décisions d’implantation de nouveaux investissements. Il risque d’en résulter une mauvaise
répartition des ressources à l’intérieur de la Communauté, entraînant in fine une réduction de
la productivité globale de cette dernière par rapport aux pays tiers23.
L’OCDE et le rapport RUDING montrent encore que, sans exception, les investissements
financés par émission d’actions se heurtent à un régime moins favorable que les
investissements financés par emprunt, car contrairement aux charges d’intérêts, le coût d’une
émission d’action n’est pas fiscalement déductible. De même, parce qu’il bénéficie souvent
d’un crédit d’impôt ou d’une déduction pour les dividendes distribués, le régime fiscal associé
à une politique de financement par émissions d’actions nouvelles est en moyenne plus
favorable que le recours aux bénéfices réservés.
L’absence de neutralité de l’impôt vis-à-vis des modes de financement de l’investissement est
illustrée par le tableau 1. Celui-ci mesure le coût brut du capital associé à une unité
d’investissement composé à raison de 50% de capital mobile, de 28% d’immobilisés et de
22
23
Dans une version quelque peu ajustée par KEEN (1990).
CEE (1992), p. 210.
13
22% d’avoirs en stock. Les estimations font référence aux dispositions fiscales d’application
dans les pays membres au 1er janvier 1991. Le taux d’intérêt réel et le taux d’inflation sont
fixés respectivement à 5% et 4,5%. L’exercice fait abstraction de la fiscalité sur les personnes
physiques24.
Le tableau 1 montre que, en moyenne, au sein de l’OCDE, lorsque le coût brut du capital
s’élève à 2,8% pour une entreprise qui recourt au financement de l’investissement par
emprunt, il se monte à 6,1% et 7,9% respectivement, lorsqu’elle fait appel à l’émission
d’actions nouvelles ou qu’elle prélève les ressources sur ses bénéfices réservés.
Tableau 1 : Coût du capital (%)
Pays
Bénéfices
réservés
9,0
7,3
7,1
8,1
7,5
8,0
7,3
9,5
7,3
8,0
5,5
9,1
9,0
8,1
7,1
8,3
10,0
7,5
7,8
6,6
6,6
9,8
7,7
7,6
7,9
Modes de financement
Nouvelles
Emprunt
actions
9,0
3,6
7,3
2,3
7,1
2,4
5,5
3,5
7,5
2,8
2,8
2,8
3,1
3,2
1,6
0,6
2,2
2,2
8,0
4,3
5,0
4,5
1,9
1,9
9,0
1,6
8,1
3,0
7,1
2,8
8,3
3,9
4,5
2,4
7,5
2,3
7,8
3,2
4,3
2,7
6,6
3,1
9,8
2,5
4,6
3,5
7,6
2,6
6,1
2,8
Moyenne (*)
Australie
7,1
Autriche
5,5
Belgique
5,4
Canada
6,2
Danemark
5,9
Finlande
5,6
France
5,4
Allemagne
5,6
Grèce
5,0
Islande
6,7
Irlande
5,1
Italie
5,9
Japon
6,4
Luxembourg
6,3
Pays-Bas
5,6
Nouvelle-Zélande
6,8
Norvège
6,8
Portugal
5,7
Espagne
6,2
Suède
5,0
Suisse
5,4
Turquie
7,2
Royaume-Uni
5,9
Etats-Unis
5,8
Moyenne
5,9
Source : OCDE (1991).
Notes : (*) Il s’agit d’une moyenne pondérée. L’investissement est composé à raison de 50% de capital mobile,
28% d’immobilisés et 22% de stock. Il est financé pour 55% par prélèvement sur les bénéfices réservés,
pour 10% par émission actions nouvelles et pour 35%par emprunt.
- taux d’intérêt réel = 5% ; taux d’inflation = 4,5% ; pas d’impôt des personnes physiques.
Enfin, l’estimation des coûts du capital réalisée par l’OCDE et la CEE indique que les
entreprises domestiques bénéficient toujours d’un régime fiscal plus favorable que les sociétés
non-résidentes. Le tableau 2 présentant le coût net du capital des investissements domestiques
Pour les autres paramètres définissant le scénario de l’exercice, nous renvoyons le lecteur au rapport de
l’OCDE (1991), aux pages 89 à 96.
24
14
et transnationaux associés à un taux d’intérêt réel de 5% le montre aisément. Les pays de
résidence de la maison mère apparaissent en ligne et les pays de localisation de la filiale, en
colonne. Cette dernière est financée à parts égales par bénéfices réservés, par apport en capital
de la maison mère et par prêt de la maison mère. Celle-ci se finance à son tour par bénéfices
réservés (55%), par émissions d’actions (10%) et par emprunt (35%). Le taux d’inflation est
fixé à 3,1%. Il n’est pas tenu compte de l’impôt des personnes physiques25.
La diagonale principale du tableau 2 (du coin supérieur gauche au coin inférieur droit) est
représentative des investissements domestiques26. La valeur du coût du capital qui est
enregistrée est à comparer à celles des autres lignes de la colonne, ces dernières valeurs
faisant état du coût du capital transnational. Le coût des investissements domestiques apparaît
être systématiquement inférieur à celui des investissements transnationaux. Par ailleurs, la
charge fiscale effective pesant sur les investissements réalisés en Belgique ou à l’étranger par
des sociétés belges apparaît parmi les moins élevées de la Communauté et proche de celle de
l’Irlande ou de la Grèce27. Ceci s’explique, non par un faible taux d’impôt des sociétés, mais
par l’ampleur des aides publiques octroyées, comme le montreront les études réalisées au
niveau belge (voir section 3.2.).
L’unité d’investissement porte sur un ensemble pondéré d’actifs : du matériel (50%), des immeubles (27%) et
des avoirs en stock (23%). Le régime fiscal est celui qui était d’application au 1 er janvier 1991. Le lecteur
trouvera les autres paramètres de l’exercice aux pages 74 à 78 du rapport de la CEE (1992).
26
Maisons mère et filiale étant dans le même pays.
27
La vague des réformes fiscales étant intervenue, dans les économies européennes, principalement au cours des
années 1980, ces conclusions demeurent pour l’essentiel (c'est-à-dire en termes relatifs) valables.
25
15
Tableau 2 : Coût net du capital (%)
Belgique
5,4
6,7
6,2
5,4
7,5
7,0
5,6
7,2
6,5
6,1
7,2
Danemark
6,6
5,8
6,1
6,5
5,6
6,5
5,3
6,7
6,4
5,9
5,7
Allemagne
7,7
7,5
5,5
4,9
7,2
7,7
6,1
9,5
6,9
7,4
8,1
Grèce
6,7
9,3
6,5
5,1
8,8
10,3
9,1
7,4
6,5
6,4
8,4
Espagne
6,6
6,7
6,4
6,5
6,1
7,2
6,7
7,0
6,7
6,3
6,0
France
6,2
6,0
5,2
6,0
7,2
5,4
5,4
6,7
6,5
6,2
6,5
Irlande
6,6
6,7
6,4
11,7
14,2
7,3
5,1
6,8
7,0
6,8
14,0
Italie
7,2
7,7
5,4
7,2
8,5
9,5
9,6
6,0
8,0
8,3
7,6
Luxembourg
6,4
6,5
6,4
6,5
7,0
7,0
5,5
7,1
6,2
6,3
7,7
Pays-Bas
6,1
6,2
6,4
5,7
7,0
7,0
5,5
6,3
6,7
5,7
8,4
Portugal
6,6
6,7
6,4
10,9
7,0
7,6
8,4
7,1
9,5
11,1
5,7
Royaume-Uni
5,9
6,0
5,9
5,9
6,9
7,0
7,0
6,1
6,5
6,2
6,6
Source: CEE (1992), p. 87.
Notes : - La filiale est supposée être financé pour 1/3 sur ses bénéfices réservés, pour 1/3 par des prêts de la
société mère et pour 1/3 par apport en capital de la société mère ;
- La société mère se finance pour 55% sur ses bénéfices réservés, pour 10% par émission d’actions et
pour 35% par emprunt ;
- L’unité d’investuissement est composé à raison de 50% de matériel, 27% d’immeubles et de 23%
d’avoirs en stock;
- Taux d’inflation = 3,1% ; taux d’intérêt réel = 5% ; pas d’impôt des personnes physiques.
3.2. Coût du capital et régime fiscal belge
3.2.1. Les travaux précurseurs en Belgique
Ce sont les travaux de M. GERARD qui font œuvre de pionniers dans l’application des
modèles de taxation effective à la Belgique. GERARD (1982), puis GERARD (1984)
mesurent l’impact du système fiscal belge sur le coût du capital, sur le mode de financement
et le volume des investissements. Ces travaux marquent un véritable progrès dans l’évaluation
des politiques fiscales en Belgique, en ce qu’ils reposent sur une approche chiffrée et
objective des effets de la fiscalité sur les investissements.
GERARD (1987) poursuit l’analyse par la mesure, a priori, des effets anticipés de la réforme
fiscale de 1988. L’auteur y analyse la pression fiscale effective associée au régime de
globalisation des revenus, d’une part, au régime de cédularité28, d’autre part.
Le régime de la globalisation conduit à appliquer un taux (marginal) d’imposition unique au montant total des
revenus individuels, les revenus des capitaux étant notamment additionnés aux revenus du travail. A l’inverse, le
28
16
RoyaumeUni
Portugal
Pays-Bas
Luxembourg
Italie
Irlande
France
Espagne
Grèce
Allemagne
Danemark
Résidence
Investissement
en provenance
de
Belgique
Pays de la filiale
6,4
5,9
6,9
7,0
6,7
6,4
7,3
9,0
6,2
6,2
7,0
5,9
de CALLATAY et GERARD (1990), comme de CALLATAY (1990), fournissent une
estimation du coût du capital pour la Belgique au cours des années 1980. Ils analysent en
particulier certaines mesures de politique industrielle, notamment les dispositions en faveur
du capital à risque. Cette analyse est approfondie par MIGNOLET et THIRION-MATHIEU
(1994).
Les méthodologies développées dans ces différentes études s’inspirent, dans leur esprit au
moins, des travaux de KING (1977) et surtout de KING et FULLERTON (1984). Dans la
suite de la section, la description de ce cadre analytique de référence précède la présentation
des principaux résultats des travaux menés en Belgique.
A. Le modèle de référence : KING et FULLERTON (1984)
KING et FULLERTON (1984), largement inspirés par KING (1977), dérivent une
méthodologie de calcul de la charge fiscale effective qui pèse sur les revenus d’un
investissement marginal domestique perçus par un apporteur de capital individuel (voir
schéma 1).
Schéma 1 : Le montage financier chez KING et FULLERTON (1984)
Apporteur de capitaux
personne physique
Entreprise
qui investit
Note : la flèche indique l’orientation du flux de financement.
L’apporteur de capital est indifférent quant à la forme de son apport : acquisition d’actions29,
souscription d’obligations ou rétention de profit dans l’entreprise. KING et FULLERTON
(1984) déterminent une expression du coût du capital pour chacun des ces trois modes de
financement. Contrairement à BOADWAY et SHAH (1995), l’investissement est ici
complètement financé par l’un ou l’autre mode de financement. Lorsque plusieurs sources de
régime de la cédularité attribue un taux (marginal) d’imposition spécifique à chaque catégorie de revenu de
l’individu.
Sous le régime de la globalisation, les précomptes mobiliers sur les intérêts et sur les dividendes ne sont qu’une
avance sur l’impôt définitif des personnes physiques. Aussi, lorsqu’en 1984, le gouvernement belge rendait le
précompte mobilier libératoire, il abandonnait par là même le principe de la globalisation au profit du régime de
la cédularité.
29
Le modèle suppose une économie fermée. L’avenir est connu avec certitude. Il n’y a donc pas de prime de
risque sur les apports en fonds propres.
17
fonds sont utilisées, KING et FULLERTON (1984) calculent, ex post, une moyenne pondérée
sur base des taux marginaux effectifs de taxation calculés.
La condition d’arbitrage qui sous-tend ce raisonnement porte soit sur la variable rg, soit sur la
variable r. Dans le premier cas, l’investissement marginal est supposé garantir un taux de
rendement constant avant tout prélèvement fiscal, quel que soit son mode de financement.
Dans le second cas, l’apporteur de capital attend de l’investissement un revenu après
imposition de la firme identique, quelle que soit la forme de son apport.
Enfin, le modèle de KING et FULLERTON (1984) rend compte des mécanismes
d’atténuation de la double imposition économique au travers d’une variable spécifique, .
Cette variable se définit comme le coût d’opportunité des bénéfices réservés en terme de
dividende brut perçu par l’actionnaire. En d’autres termes, lorsque la firme distribue un franc
supplémentaire de profit, l’actionnaire perçoit  franc : la charge fiscale effective est donc
égale à (1-). Lorsqu’il existe un mécanisme de prévention de la double imposition, le
paramètre  est supérieur à l’unité.
B. Les résultats
Les études relatives au coût du capital des investissements domestiques en Belgique font
apparaître une double influence du régime fiscal : sur les politiques de financement des
entreprises d’abord, sur le volume de l’investissement, ensuite.
(1) Le financement de l’investissement
Les premières estimations du coût du capital en Belgique confirment la discrimination fiscale
existant entre les divers modes de financement de l’investissement, en faveur de
l’endettement. GERARD (1987) et de CALLATAY et GERARD (1990) constatent que, tant
le principe de globalisation des revenus, inscrit dans la loi, que le régime de cédularité
observé de facto et qui résulte de l’absence de déclaration fiscale des revenus mobiliers par les
contribuables conduisent à défavoriser le financement par fonds propres. Cette discrimination
en faveur de l’emprunt s’est encore renforcée depuis 1984, avec le caractère libératoire du
précompte mobilier.
Le coût du capital pour la Belgique des années 1980 est reproduit dans le tableau 3. Pour cet
exercice, les auteurs font abstraction des aides publiques en faveur de l’investissement. Ils
supposent également que le taux d’inflation et le taux de dépréciation économique sont tous
18
deux égales à zéro. Le taux d’intérêt est fixé à 8%. Par ailleurs, pour les années 1980 à 1983,
il est fait une distinction entre le régime légal d’imposition – la globalisation – et la cédularité
que certains contribuables mettaient en œuvre de facto en omettant de déclarer leurs revenus
mobiliers à l’impôt des personnes physiques. Enfin, les estimations du coût du capital pour les
années 1990 à 1992 ont été obtenues en posant diverses hypothèses sur les paramètres fiscaux
attendus.
Tableau 3 : Le coût du capital en Belgique au cours des années 1980 à 1992 (%)
Modes de financement
Années
Emission d’actions
Emprunt
Bénéfices réservés
1980
10,53
8,00
7,42
(1980)
(15,38)
(8,00)
(12,31)
1981
15,30
8,00
7,42
(1981)
(15,38)
(8,00)
(12,31)
1982
10,53
8,00
7,23
(1982)
(15,38)
(8,00)
(12,31)
1983
10,32
8,00
6,87
(1983)
(14,55)
(8,00)
(11,64)
1984
14,55
8,00
10,91
1985
14,55
8,00
10,91
1986
14,55
8,00
10,91
1987
14,55
8,00
10,91
1988
14,04
8,00
10,53
1989
14,04
8,00
10,53
1990 (*)
13,56
8,00
10,17
1991 (*)
15,74
8,00
11,80
1992 (*)
14,77
8,00
11,08
Source : de CALLATAY et GERARD (1990), p. 178.
Notes : (…) précompte mobilier libératoire de facto ;
(*) Ces estimations – à l’inverse de celles qui concernent les années 1980 à 1989 – reposent sur diverses
hypothèses quant à la valeur attendue par les auteurs sur les paramètres fiscaux. Certaines de ces
hypothèses n’ont pas effectivement été observées dans la réalité ;
- Taux d’intérêt réel = 8% ; taux d’inflation = 0 ; taux d’usure de l’investissement = 0
- Pas d’incitants financiers ou fiscaux ;
Pour faire face à cette situation, les pouvoirs publics belges ont adopté de nombreuses
mesures visant à favoriser la formation du capital à risque : exonération partielle à l’impôt des
sociétés et à l’impôt des personnes physiques des revenus afférents à des actions nouvelles,
création de réserves immunisées et surtout les « aides à la recapitalisation » prévus par les
Arrêtés royaux n° 15 et 150. « Timides d’abord, et inefficaces par leur insuffisance même, ces
mesures ont fini par permettre le renversement de la discrimination à l’encontre des émissions
d’actions, lorsqu’elles sont devenues plus franches »30.
Le tableau 4 reproduit les coefficients de discrimination (en faveur du financement par
emprunt) pour différentes politiques de promotion du capital à risque. Le coefficient de
discrimination en faveur de l’emprunt rapporte le coût financier associé à une stratégie
19
financière particulière (émission d’actions ou prélèvement sur les bénéfices réservés) et celui
attaché au financement par emprunt. Lorsque le coefficient de discrimination est supérieur à
l’unité, le système fiscal favorise le financement par emprunt, lorsqu’il est inférieur à un le
recours à l’endettement est fiscalement défavorisé. Lorsque le coefficient égale l’unité, le
régime fiscal est neutre.
Analytiquement, les équations [5] à [7] nous permettent d’exprimer les coefficients de
discrimination de la façon suivante :
  (1  m g)
dd =
Nd
=
NE
(1  m d)
(1  )i

dg =
Ng
NE
=

1  mg
(1  )i
[11]
Sur un marché parfait des capitaux, l’apport en numéraire ou le prélèvement sur les réserves
doit être rémunérés de manière égale à la rémunération offerte par les placements alternatifs
offerts par le marché, c'est-à-dire l’acquisition d’obligation. Aussi, , le taux de rendement
nominal exigé après impôt par les nouveaux actionnaires et , le taux de rendement minimum
de l’actif total, après impôt, exigé par les actionnaires existants doivent tous deux être égaux à
(1-mi)i avec mi, le taux marginal effectif d’imposition des personnes physiques sur les
revenus d’intérêt31.
La situation de référence du tableau 4 correspond au régime fiscal ordinaire d’application
pour l’exercice 1982, sans dispositions correctrices particulières. Le taux marginal d’impôt
des personnes physiques est posé par hypothèse égal à 50%. On observe que le régime fiscal
de base, dépouillé de toutes aides publiques pénalise le financement par émission d’actions et
privilégie le recours à l’emprunt et aux bénéfices réservés. Pour ce dernier mode de
financement, ce résultat doit toutefois être considéré comme atypique et résultant des
hypothèses particulières de l’exercice32. En réalité, nous l’avons constaté à la lecture du
tableau 3, c’est l’ensemble du financement par fonds propres qui est généralement défavorisé
par le système d’imposition ordinaire.
Le reste du tableau 4 est consacré à l’étude de l’impact de trois mesures de promotion du
capital à risque. Premièrement, les détenteurs d’actions nouvelles émises entre mars 1977 et
décembre 1982 ont bénéficié d’une exonération à l’impôt des sociétés, pendant 5 ans et à
30
GERARD (1984), p. 221.
Sous le régime de la globalisation, les taux marginaux d’imposition des individus sur les revenus d’intérêts
(mi), sur les dividendes (md) et sur les gains en capitaux (mg) sont identiques et égaux au taux marginal d’impôt
des personnes physiques.
32
En particulier le taux marginal des personnes physiques.
31
20
raison de 5% de l’apport en numéraire libéré. Ensuite, une disposition prise au début 1981 et
abrogée un an plus tard, exonère les profits destinés à constituer une réserve d’investissement
appelée « réserve immunisée ». Enfin, en 1982 le gouvernement adopta plusieurs dispositifs
« d’aides à la recapitalisation », rendus d’application par les Arrêtés royaux nos 15 et 150. Ces
dispositions comprenaient un double volet: d’une part, le volet « Cooreman » accordait une
exonération de l’impôt des sociétés jusqu’à 13% des apports en numéraires pendant 9 à 10
années et, d’autre part, le volet « de Clercq » autorisait la déduction à l’impôt des personnes
physiques des montants affectés à l’achat d’actions33. Ces dispositifs sont considérés dans le
tableau 4, respectivement à travers les colonnes 3 à 7.
Tableau 4 : Coefficients de discrimination (en faveur de l’emprunt)
Situation de
référence
Exonération
partielle à
l’Isoc (1)
Réserves
immunisées
Volet
Cooreman
(2)
Volet
de Clercq
(3)
Volets
Cooreman et
de Clercq
Emission d’actions
1,316
1,080
1,316
0,870
0,645
0,470
Endettement
1
1
1
1
1
1
Bénéfices réservés
0,962
0,962
0,500
0,962
0,962
0,962
Source : GERARD (1984), p. 221.
Notes : (1) Exonération à l’impôt des sociétés, pendant 5 ans, à raison de 5% de l’apport en numéraire libéré ;
(2) Volet Cooreman : exonération de l’impôt des sociétés jusqu’à 13% des apports en numéraires
pendant 9 à 10 années ;
(3) Volet de Clercq : déduction à l’impôt des personnes physiques des montants plafonnés consacrés à
l’achat d’actions ; l’hypothèse retenue fait état d’un taux marginal des personnes physiques égal à 50%.
La lecture du tableau 4 montre clairement que l’application isolée d’un seul volet, Cooreman
ou de Clercq, permet de renverser la discrimination en faveur de l’emprunt. Pour les
émissions d’actions, le coefficient de discrimination devient inférieur à un : de 1,316 pour la
situation de référence, il tombe à 0.870 et 0,645, respectivement lorsque sont mis en œuvre les
dispositions des volets Cooreman et de Clercq. L’application conjointe de ces deux dispositifs
renverse totalement la discrimination en faveur de l’emprunt, rendant le financement par
actions plus de deux fois moins onéreux que l’emprunt.
En pratique, certaines politiques visant à renverser la discrimination à l’encontre des fonds
propres semblent donc avoir été mal ajustées et sont apparues trop généreuses, « les
gouvernements belges allant même, confondant l’industriel et le financier, jusqu’à favoriser
l’achat d’actions existantes. Cette dernière étape peut paraître aller "une étape trop loin" sauf à
préparer l'avènement d'un système d'impôt sur les dépenses plutôt que sur le revenu »34. Ces
33
34
Lesquels étaient plafonnés.
GERARD (1984), p. 245.
21
résultats, particulièrement cruciaux dans un contexte de rigueur budgétaire, illustrent l’intérêt
des analyses ex ante des mesures du coût financier du capital.
(2) Le volume de l’investissement
Outre les mesures visant à influencer les politiques financières des entreprises, les différents
gouvernements belges ont développé depuis les années 1950 un important arsenal de
politiques économiques ayant pour but d’encourager et d’orienter le volume de
l’investissement privé, via un abaissement du coût du capital. Cette insistance laisse
clairement apparaître le rôle privilégié attribué par les pouvoirs publics belges à la fiscalité au
sens large comme déterminant à l’investissement35.
L’objectif des pouvoirs publics est ici double : d’une part, encourager l’investissement dans
les régions du Royaume plus touchées par la crise économique et, d’autre part, orienter
l’investissement vers des secteurs d’activité réputés porteurs pour la croissance économique,
en particulier les secteurs de haute technologie.
de CALLATAY (1990), de CALLATAY et GERARD (1990) ou encore MIGNOLET et
THIRION-MATHIEU (1994)36 fournissent une mesure de l’effet incitatif des dispositions
fiscales d’encouragement à l’investissement en Belgique durant les années 1980. L’impact de
trois de ces politiques sur le coût du capital et le coin fiscal des entreprises domestiques fait
l’objet du tableau 5. Il s’agit des aides à la recapitalisation prévues par les A.R. nos 15 et 150
(voir section 3.2.1.), du statut de « sociétés novatrices », qui accorde à de sociétés nouvelles
développant des produits ou procédés inédits en Belgique une exonération à l’impôt des
sociétés de 13% pendant 10 ans et de la déduction pour investissement, qui réduit la base
imposable de la firme d’un certain pourcentage de la dépense d’investissement (5% en 1990).
Les paramètres macro-économiques et fiscaux sont ceux observés pour les années de
référence (1982 et 1990) : le taux d’intérêt nominal et le taux d’inflation s’élèvent
respectivement à 11,01% et 2,84%.
35
GERARD (1984), 246-247.
MIGNOLET et THIRION-MATHIEU (1994) reprennent la méthodologie d’IWAMOTO (1992), elle même
variante de l’approche de KING et FULLERTON (1984), et l’étendent à la fiscalité frappant l’apporteur de
capital personne physique.
36
22
Tableau 5 : Effets des politiques de soutien aux investissements menées en Belgique durant les années
1980 : coût du capital et le coin fiscal (%)
Année de référence 1982
Année de référence 1990
Situation de
référence
Aides à la
Situation de
Société novatrice Déduction pour
recapitalisation
référence
(2)
investissement
(1)
(3)
Coût du capital
18,17
-1,31
20,74
2,92
17,94
Coin fiscal
6,24
-63,24
11,43
-40,81
8,62
Source : MIGNOLET et THIRION-MATHIEU (1994), 237-237.
Notes : (1) Exonération de l’impôt des sociétés jusqu’à 13% des apports en numéraires pendant 9 à 10 années
et déduction à l’impôt des personnes physiques des montants plafonnés consacrés à l’achat d’actions ;
(2) Exonération de 13% à l’impôt des sociétés pendant 10 ans ;
(3) Déduction à l’impôt des sociétés de 5% de la dépense d’investissement ;
- Taux d’intérêt nominal : 11,01% ; taux d’inflation : 2,84%.
Le résultat de ces estimations permet d’appréhender l’ampleur, parfois considérable, de
certaines politiques d’aide. En particulier, l’application des aides à la recapitalisation37 et les
dispositifs relatifs aux sociétés novatrices induisent même un coin fiscal largement négatif. En
d’autres termes ces aides sont d’une telle importance qu’elles conduisent même à encourager
des investissements sous-productifs : l’investissement pourrait ne plus être entrepris dans un
objectif de production, mais uniquement pour des considérations financières. « Toutefois,
comme les investissements antémarginaux sont par définition plus rentables, (l’existence d’un
subside aux investissements marginaux) n’empêche pas le taux moyen d’imposition effective
d’être positif »38.
Signalons pour être complet – d’autres études en font état39 – que les études montrent que les
entreprises établies en Région flamande font un usage plus intensif des immunisations fiscales
que celles situées en Régions wallonne ou bruxelloise.
Le recours aux modèles de coût du capital fondés sur les théories de la taxation effective
permet de déterminer l’impact de la fiscalité sur les décisions d’investissement conçues par
les entreprises en Belgique. Ces modèles fournissent également une mesure de l’efficacité des
politiques industrielles menées depuis la moitié des années 1950. Toutefois, comme le
soulignent déjà de CALLATAY et GERARD (1990), la modélisation du coût du capital
nécessite d’être étendue, afin de rendre compte d’une gamme plus large de dispositifs fiscaux,
Le coin fiscal, négatif lorsque l’on ne considère que l’impôt des sociétés, devient très largement négatif
lorsque l’on intègre la fiscalité pesant sur l’apporteur de capital personne physique. Ceci confirme donc que le
seul volet des A.R. nos 15 et 150 traitant de l’impôt des sociétés (le volet Cooreman) constituait un incitant à
l’investissement suffisant. Comme le signalait déjà GERARD (1984), l’adoption du volet portant sur l’impôt des
personnes physiques (volet de Clercq) allaient une « étape trop loin ».
38
de CALLATAY et GERARD (1990), p. 184.
39
BINON, DEJARDIN, THIRION-MATHIEU (1997), p. 34.
37
23
d’une part, et des investissements réalisés par des entreprises multinationales, d’autre part.
C’est l’objet de la dernière section.
3.2.2. Investissements internationaux et coût du capital
L’édification de l’Union européenne et, plus largement, l’intégration croissante des marchés
financiers mondiaux, parce qu’elles augmentent la mobilité des capitaux, tendent à accentuer
la concurrence entre les régions pour la localisation des investissements internationaux. Ce
phénomène est d’autant plus sensible s’agissant d’une petite économie ouverte comme la
Belgique – et de ses Régions – dans laquelle les investissements transnationaux (d’origines
belge ou étrangère) occupent une place grandissante. Ainsi une large part des travaux menés
en Belgique a-t-elle pour objet l’étude du coût du capital associé aux décisions
d’investissements des sociétés multinationales.
MIGNOLET, PIRAUX et VEREECKE (1997a et b) étudient la charge fiscale grevant les
revenus d’investissement réalisés en Belgique par les multinationales américaines ou
allemandes. Les auteurs mesurent encore les effets d’un certain nombre d’aides publiques
incitatives dans diverses régions belges, britanniques, françaises et luxembourgeoises,
notamment les statuts d’objectifs 1 et 2. GUIOT et MIGNOLET (1995) réalisent le même
exercice pour les Antilles françaises et le Hainaut belge. MEUNIER (1998) discute de
l’efficacité des politiques de zones franches – ou tax holidays – en Belgique. PIERRE (1996)
analyse les stratégies de « treaty shopping » des groupes multinationaux. HESPEL,
MIGNOLET et PIERRE (1998), sur base de HESPEL (1997) montrent comment se modifie
la charge fiscale effective des revenus d’investissement réalisés par le biais d’une société
financière, un centre de coordination, par exemple.
Tous ces travaux se fondent sur le modèle d’ALWORTH (1988) déjà évoqué plus haut et que
nous nous proposons d’expliciter avant de parcourir les résultats.
A. Le modèle de référence : ALWORTH (1988)
Le modèle de coût du capital développé par ALWORTH (1988) constitue un outil précieux
pour évaluer l’efficacité relative des politiques d’incitants aux investissements internationaux.
Dans le calcul du coût du capital sont intégrées les matières de la taxation internationale et le
jeu complexe des mécanismes d’atténuation des impositions multiples inscrits dans les
24
régimes fiscaux nationaux. Il prend par ailleurs en compte les aides publiques, de nature
fiscale ou financière.
L’approche, explicitée dans la section 2.2, repose sur le schéma 2 associant une société
binationale.
Schéma 2 : la société binationale
Apporteur de capital
Personne physique
Pays de résidence
Maison mère
Pays de
résidence
Filiale
qui investit
Pays de la source
Note : les flèches indiquent le sens des flux financiers.
Le taux d’intérêt réel est déterminé sur les marchés des capitaux internationaux : il est donc
identique dans le pays de la maison mère et le pays de la filiale 40. Cette condition d’arbitrage
est le point d’ancrage du modèle d’ALWORTH (1988). Elle découle de la volonté de l’auteur
de mettre l’accent sur l’étude des flux financiers au sein de la multinationale et, plus
largement, de la formalisation des conventions fiscales bilatérales41.
L’approche d’ALWORTH (1988) permet de considérer une gamme élargie de politiques de
financement. Le modèle en considère essentiellement neuf. La stratégie de financement
réalisée par la filiale peut soit être autonome, soit dépendre de la maison mère. Le
financement autonome est identique aux politiques financières décrites par KING et
FULLERTON (1984) : la filiale emprunte, émet des actions ou prélève sur ses bénéfices
réservés. Les politiques financières associant la maison mère peuvent être de divers types. La
maison mère peut accorder un prêt ou acheter des actions directement à la filiale. Dans ce cas,
la maison mère se financera elle-même par prêt, émission d’actions ou rétention de profit.
Pour chaque mode de financement, ALWORTH (1988) dérive une expression du coût
financier.
Il s’agit de l’hypothèse d’un rendement r, avant imposition des personnes physiques, constant chez KING et
FULLERTON (1984).
41
D’autres hypothèses existent cependant. GERARD et VALENDUC (1990), par exemple, définissent une règle
d’arbitrage multilatérale ou « superarbitrage ». Ils supposent « que les taux internes des pays concernés
s’adaptent de manière à assurer un revenu identique quel que soit le lieu d’épargne ».[GERARD et VALENDUC
(1990), p. 91].
40
25
B. Les résultats
Dans quelle mesure le système fiscal belge au sens large ou encore les dispositifs d’aides
publiques à caractère régional sont-ils en mesure d’attirer les investissements directs
étrangers ? Quelle est l’efficacité relative des incitants fiscaux aux investissements étrangers
offerts par la Belgique, par rapport aux régimes d’imposition des lieux alternatifs de
localisation des multinationales ?
Des comparaisons internationales, réalisées sur base d’un calcul du coût du capital, il apparaît
que le régime fiscal est souvent plus favorable aux investisseurs étrangers en Belgique que
dans les pays limitrophes (GERARD et VALENDUC, 1990) ou même dans la plupart des
pays européens (OCDE, 1991 et CEE, 1992).
Les disparités observées dans les taux effectifs d’imposition trouvent, pour une large part, leur
source dans les différentes politiques nationales ou régionales d’incitant aux investissements.
MIGNOLET, PIRAUX et VEREECKE (1997a et b) mesurent les effets d’un certain nombre
d’aides publiques dans des régions européennes limitrophes : en Belgique, les régions
bruxelloise, flamande et wallonne, la région Nord-Pas-de-Calais en France, le South East
britannique et le Grand Duché de Luxembourg. La maison mère du groupe multinationale est
tantôt localisée aux Etats-Unis, tantôt en Allemagne, de façon à comparer deux régimes de
taxation internationale radicalement différents. Le tableau 6 reprend les principaux résultats
de MIGNOLET, PIRAUX et VEREECKE (1997a). L’année de référence de l’exercice est
1994 : par hypothèse, le taux d’inflation est fixé à 2% et le taux d’intérêt réel, à 5%42.
La Région wallonne semble offrir aux investisseurs étrangers le régime fiscal le plus
favorable des six régions considérées43. Par exemple, le fait d’établir une filiale en Wallonie
(hors objectif) plutôt que dans les Régions bruxelloise ou flamande permet à la firme
multinationale de réduire le coût brut du capital de son projet respectivement de 4,7% et
2,75%. Par ailleurs, le tableau 6 montre que la charge fiscale effective qui pèse sur les revenus
des investissements réalisés par les sociétés multinationales allemandes est systématiquement
plus faible que celle pesant sur les revenus des sociétés américaines.
Le lecteur trouvera les valeurs des paramètres de l’exercice, en particulier les nombreux dispositifs des aides
publiques régionales dans MIGNOLET, PIRAUX et VEREECKE (1997a).
43
Excepté lorsque les dispositions du statut d’Objectif 1 sont d’application.
42
26
Tableau 6 : Les aides à l’investissement dans 6 régions européennes : le coût brut du capital (%)
Filiale
Maison mère allemande
Belgique :
Région bruxelloise
23,17
Région wallonne
Hors objectif
18,47
Objectif 2
17,48
Objectif 1
15,65
Région flamande
Hors objectif
21,22
Objectif 2
20,77
France :
Nord-Pas-de-Calais
Zone PAT 0%
24,74
Zone PAT 17%
20,88
Obj. 2 (PAT 25%)
17,89
Obj. 1 (PAT 28%)
15,63
Grand Duché de Luxembourg
Zone sans aide
22,47
Zone blanche
20,90
Zone Nord
18,79
Zone Sud
18,27
Zone industrielle
17,21
Royaume-Uni (South East)
Zone sans aide
21,58
Zone aidée
n.c.
Source : MIGNOLET, PIRAUX et VEREECKE (1997a).
Notes : - Taux d’inflation = 2% ; taux d’intérêt réel = 5%.
Maison mère américaine
26,41
20,84
19,75
17,68
24,22
23,74
28,04
23,51
20,14
17,60
26,31
24,50
22,10
21,49
20,29
24,94
n.c.
Les résultats de MIGNOLET, PIRAUX et VEREECKE (1997a) soulignent l’impact
réellement significatif de ces politiques sur « l’attractivité » des régions d’investissement
considérées44. En particulier, la politique européenne des fonds structurels abaisse
significativement le coût du capital des sociétés multinationales. Cependant, « le jeu
complexe des divers systèmes de taxation des profits, tant à la charge des personnes morales
que des personnes physiques, et les méthodes préventives de la double imposition affectent
largement l’impact des incitants publics à l’investissement accordés dans le pays de la source
du profit. Tantôt l’avantage est atténué, tantôt il s’en trouve renforcé »45.
Parallèlement aux subventions en capital, certaines politiques d’aide publique prennent la
forme d’une réduction du taux de taxation. Cette réduction, totale ou partielle, souvent limitée
à une période initiale, porte le nom de « tax holidays » et est parfois traduit par « congés
fiscaux temporaires ». BOADWAY et SHAH (1995) déterminent une expression analytique
du coût du capital qui est associé à cette mesure. Quelle est l’efficacité de cet instrument de
44
Rappelons toutefois que pour être effectivement attractive, la baisse du coût du capital ne doit pas se trouver
être compensée par le différentiel de productivité entre la Région wallonne et les régions limitrophes. (voir
section 3.4).
45
GUIOT et MIGNOLET (1995).
27
politique économique ? La relation positive directe entre réduction du taux d’imposition et
baisse du coût du capital est, paradoxalement, loin d’être toujours acquise. Deux raisons
peuvent être avancées. D’une part, les revenus de l’investissement, peu ou pas taxés dans le
pays de la filiale, peuvent néanmoins faire l’objet, dans certains cas, d’une hausse de
l’imposition dans le pays de la maison mère46. MINTZ et TSIOPOULOS (1994) étudient cette
problématique dans le cas des multinationales américaines : les tax holidays tendent à réduire
de façon plus importante le coût du capital des entreprises en position « d’excess credit ».
D’autre part, la baisse des taux d’imposition entraîne une réduction de la valeur présente des
écritures d’amortissement et dans certains cas, une hausse du coût financier. MEUNIER
(1998) montre comment ce phénomène influe sur l’efficacité de la politique de tax holidays
menée en Belgique47. Le tableau 7 illustre l’effet de ce régime d’exonération totale temporaire
à l’impôt des sociétés sur le coût net du capital pour un groupe de sociétés belge et une
multinationale américaine. Les paramètres fiscaux correspondent à l’exercice d’imposition
1997. Le taux d’intérêt réel et le taux d’inflation s’élèvent respectivement à 5% et 3%. Les
entreprises établies dans une zone d’emploi bénéficient d’une exonération totale de l’impôt
des sociétés pendant les 10 premières années de leur activité48.
Tableau 7 : Les zones d’emploi et le coût du capital (%)
Maison mère belge
Situation de
Zone
référence
d’emploi (1)
Maison mère américaine
Situation de
Zone
référence
d’emploi
Financement autonome de la filiale
Par emprunt
Par bénéfices réservés :
4,77
8,4
5,12
4,98
4,78
8,03
4,83
7,74
La maison mère prête à la filiale
La maison mère se fiance par emprunt
La maison mère se finance par émission d’actions
La maison mère utilise ses bénéfices réservés
4,77
12,19
8,26
5,12
9,61
6,89
4,78
10,2
8,24
4,83
9,84
7,78
La maison mère capitalise la filiale
La maison mère prête à la filiale
4,94
2,99
5,52
5
La maison mère se finance par émission d’actions
12,36
7,24
10,95
9,99
La maison mère utilise ses bénéfices réservés
8,4
4,98
8,88
7,91
Source : MEUNIER (1998).
Notes : (1) Exonération totale à l’impôt des sociétés pendant les dix premières années de l’activité de la firme ;
- Taux d’inflation = 3%, taux d’intérêt réel = 5%.
C’est le cas lorsque, les revenus de l’investissement bénéficient d’un crédit d’impôt dans le pays de la maison
mère (système d’imputation), pour un taux d’impôt domestique supérieur au taux de taxation étranger.
47
Il s’agit ici de la politique visant à créer des zones franches. En Belgique, le régime a été d’application dans les
zones d’emploi, en application de l’Arrêté royal n°118, du 22 décembre 1982.
48
Les entreprises installées dans une zone d’emploi avant 1991 bénéficiaient également de l’octroi d’un
précompte mobilier fictif.
46
28
Le calcul du coût du capital met en évidence certains résultats surprenants. Pour deux modes
de financement, l’emprunt direct de la filiale et le double emprunt, le coût du capital d’une
firme bénéficiant d’une exonération totale est plus important que celui qui découle du régime
ordinaire de taxation. Ce résultat s’explique par la perte de l’avantage fiscal associé à la
déductibilité des charges d’intérêt de la filiale à l’impôt des sociétés 49. MIGNOLET (1998)
montre que, pour la même raison, l’octroi d’une subvention en capital constitue un instrument
(relativement) plus efficace qu’une réduction équivalente du taux de taxation, quel que soit le
système de prévention de la double imposition ou le mode de financement de la firme
multinationale. Ce résultat revêt une importance particulière en Belgique où, si la politique
fiscale demeure une compétence fédérale (taux et base de l’imposition), l’octroi de
subventions en capital est une compétence des Régions.
Initialement limité aux seuls investissements directs dans ALWORTH (1988), le coût du
capital rend compte également à présent des stratégies des firmes multinationales qui
impliquent le recours à une (ou plusieurs) société(s) intermédiaire(s). Deux applications sont
particulièrement intéressantes : le treaty shopping et l’intermédiation de sociétés financières.
La pratique du treaty shopping naît de l’hétérogénéité des traitements fiscaux des revenus
étrangers entre les différents pays. Cette stratégie consiste pour la multinationale à interposer
une ou plusieurs sociétés intermédiaires dans un ou plusieurs pays disposant de conventions
de double imposition favorables, dans le but de réduire la charge fiscale totale du groupe.
PIERRE (1996) développe le modèle d’ALWORTH (1988) pour tenir compte des effets de ce
type de montages financiers.
Outre les pratiques de treaty shopping, les stratégies fiscales internationales ont également tiré
avantage des régimes favorables accordés par certains pays européens aux centres financiers
et aux quartiers généraux des firmes multinationales. HESPEL (1997) évalue le gain qui
résulte d’une politique de financement mettant en œuvre un centre de coordination belge.
Reprenant cette méthodologie, HESPEL, MIGNOLET et PIERRE (1998a et b) étendent
l’analyse aux principales structures de financement en Europe : les centres de coordinations
belges, les sociétés financières irlandaises (IFSC) et néerlandaises et les sociétés
luxembourgeoises disposant d’une succursale suisse.
Le tableau 8 illustre l’intérêt pour une société mère américaine d’abandonner une politique de
financement direct de la filiale au profit d’un montage financier qui interpose entre la maison
Par ailleurs, l’avantage fiscal octroyé par le régime des zones d’emploi semble être relativement faible pour
l’investisseur américain. En réalité, les revenus de la filiale, exonérés d’impôt en Belgique, sont frappés
49
29
mère et la filiale une société de financement bénéficiant d’avantages fiscaux. Le tableau 8
distingue deux hypothèses : d’une part, lorsque la maison mère prête directement les fonds à
la filiale et, d’autre part, lorsque la maison mère capitalise une société de financement (soit,
dans l’exercice, un centre de coordination, une IFSC, une société luxembourgeoise disposant
d’une succursale suisse ou une société de financement néerlandaise), qui prête à son tour les
fonds à la filiale. L’évaluation fait référence aux paramètres fiscaux d’application au 31 juillet
1996. Le taux d’intérêt réel égale 6% et le taux d’inflation s’élève à 2%.
La base imposable du centre de coordination correspond à un pourcentage de ses frais de
fonctionnement, hors frais de personnel et charges financières. Le centre est exonéré de
précompte mobilier mais doit acquitter d’une taxe forfaitaire de 400 000 francs par travailleur.
L’IFSC bénéficie d’un taux d’impôt des sociétés réduit à 10% pour les opérations menées en
monnaies étrangères. Les montages financiers mettant en œuvre une société luxembourgeoise
disposant d’une succursale financière en Suisse connaissent quant à eux ces dernières années
une popularité grandissante. L’avantage fiscal est double : d’une part, l’autorité fiscale du
Grand Duché accorde une large exonération (95%) de l’impôt sur les revenus de la succursale
suisse et, d’autre part, cette dernière est soumise à un taux de taxation réduit, proche du
régime fiscal des banques suisses50. Enfin, la société de financement néerlandaise est
autorisée à déduire de sa base imposable jusqu’à 80% des revenus des opérations de
financement intra-groupe, au titre de provision pour risque de change et de défaut de
paiement.
d’imposition aux Etats-Unis, le régime fiscal d’application étant l’imputation.
50
Le régime fiscal de la société luxembourgeoise disposant d’une succursale suisse est réglé par une convention
fiscale de janvier 1994 conclue entre ces deux pays. Pour un aperçu plus large du régime d’imposition de ce type
de structure, nous renvoyons le lecteur à HESPEL, MIGNOLET et PIERRE (1998a).
30
Tableau 8 : Coût du capital d’une société multinationale américaine intégrant une société de financement
– centre de coordination, IFSC, société luxembourgeoise disposant une succursale suisse et
société de financement néerlandaise (%)
Pays de la filiale
ALLEMAGNE PAYS-BAS
Financement direct de la filiale : la maison mère prête les fonds à la filiale
La maison mère se finance par emprunt
5,87
5,92
La maison mère se finance par émission
12,40
11,48
d’actions
La maison mère utilise ses bénéfices réservés
10,27
9,49
ITALIE
BELGIQUE
5,79
13,81
5,89
11,99
11,45
9,92
Financement indirect de la filiale : la maison mère capitalise la société intermédiaire, qui à son tour, prête
à la filiale
Utilisation d’un centre de coordination belge (1), d’une société financière irlandaise (IFSC) (2) ou d’une société
luxembourgeoise disposant d’une succursale en Suisse (3)
La maison mère se finance par emprunt
5,87
5,92
5,79
5,89
La maison mère se finance par émission
12,40
11,48
13,81
11,99
d’actions
La maison mère utilise ses bénéfices réservés
10,27
9,49
11,45
9,92
Utilisation d’une société de financement néerlandaise (4)
La maison mère se finance par emprunt
6,89
6,95
6,89
6,93
La maison mère se finance par émission
14,18
13,11
15,87
13,70
d’actions
La maison mère utilise ses bénéfices réservés
12,48
11,46
12,97
10,02
Source : HESPEL, MIGNOLET, PIERRE (1998b).
Notes : (1) Imposition sur base d’un pourcentage du montant des frais de fonctionnement, hors frais de
personnel, ce à quoi s’ajoute une taxe forfaitaire de 400 000 francs par travailleur ;
(2) Taux d’imposition réduit à 10% sur les opérations menées en monnaies étrangères ;
(3) La société luxembourgeoise est exonérée (à 95%) d’impôt sur les revenus provenant de la
succursale suisse ; cette dernière est imposée à un taux réduit ;
(4) Exonération de 80% des revenus générés par les opérations de financement intra-groupe ;
- Taux d’intérêt réel = 6% ; taux d’inflation = 2%.
Lorsque la société mère est établie aux Etats-Unis, le recours à un centre de coordination, à
une IFSC ou à une société luxembourgeoise (détenant une succursale en Suisse) procure le
même avantage fiscal. Ce résultat est la conséquence du mécanisme d’allégement de la double
taxation internationale appliqué par le Département du Trésor américain. En effet, les firmes
qui ne sont pas en position d’excess credit sont, en définitive, taxées au taux d’impôt
américain51. Ainsi, l’utilisation d’un centre financier par une multinationale américaine
« permet uniquement d’éviter les situations d’excess credit fréquentes étant donné les hauts
taux d’imposition appliqués par la plupart des pays européens »52. De façon plus générale, les
résultats montrent que, si, dans la majorité des cas, l’intermédiation de centres de financiers
Ce n’est pas le cas pour les montages impliquant une société de financement néerlandaise. En effet, dans ce
cas, si la société de financement bénéficie d’une exonération partielle, elle demeure soumise à un taux de
taxation supérieur à celui des Etats-Unis.
52
HESPEL, MIGNOLET et PIERRE (1998b), p. 393.
51
31
permet de réduire le coût du capital des investissements, l’avantage dépend néanmoins du lieu
de localisation de la filiale et du régime fiscal en application dans le pays de la maison mère.
4. Conclusion
Le coût du capital représente un déterminant significatif de la demande d’investissement des
entreprises. Défini comme le taux de rendement minimum requis par l’apporteur de capital
pour que l’investissement soit mis en œuvre, le concept de coût du capital intègre tout à la fois
le coût financier du projet et la dépréciation économique. Il comprend également la pression
fiscale pesant sur les revenus de l’investissement et les avantages associés aux incitants
publics. L’objet de ce chapitre était double : d’une part, présenter un survol de la littérature
économique traitant du coût du capital et, d’autre part, illustrer l’utilité d’une telle statistique
pour l’évaluation de la politique de soutien aux investissements.
La littérature économique – en particulier les auteurs anglo-saxons – accorde une attention
importante à l’étude du coût d’usage du capital. Cet intérêt se reflète dans le grand nombre de
recherches visant à développer les modèles de référence de JORGENSON (1965) ou de
KING (1977). Dans un premier temps, les travaux de BOADWAY et SHAH (1995) nous ont
permis de dériver l’expression canonique du coût du capital. Dans un second temps, nous
avons vu comment l’analyse pouvait être étendue à la charge fiscale pesant sur les revenus des
investissements des sociétés multinationales. La prise en compte de l’hétérogénéité de
l’espace, en terme de productivité notamment, et la mesure du risque supporté par
l’investisseur, deux autres développements récents, permettent encore d’affiner le calcul du
coût du capital.
Les mesures du coût du capital ou du taux marginal effectif d’imposition se révèlent être de
précieux instruments pour évaluer les politiques de soutien de l’investissement. La section 3
présente une petit aperçu des nombreux résultats de recherches, en particulier ceux qui ont
pour terrain d’application la Belgique et ses régions. Les conclusions de ces études, largement
commentées à la section précédente, ne sont plus ici reproduites en détails. Rappelons
seulement que ces travaux ont entre autres montré que les régimes fiscaux ordinaires
favorisent généralement le recours au financement par fonds de tiers sur l’utilisation de fonds
propres. Plutôt que de rechercher une neutralité fiscale entre les formes de financement, le
législateur a préféré recourir ponctuellement à des mesures d’exception. Celles-ci ont le plus
souvent renversé la discrimination fiscale au bénéfice de l’émission d’actions et parfois même
32
dans une mesure exagérée. Parallèlement, d’autres études ont cherché à évaluer les effets
incitatifs des politiques régionales sur le volume de l’investissement privé et leur localisation
dans l’espace. Si la mise en œuvre des aides publiques conduit généralement à une réduction
significative du coût du capital, ce résultat doit néanmoins être nuancé lorsque
l’investissement est réalisé par une entreprise multinationale. Dans ce cas, en effet, l’avantage
fiscal est tantôt atténué, tantôt renforcé, en fonction des systèmes d’imposition nationaux et
des méthodes préventives de la double imposition.
Les études exposées à la section 3, si elles se fondent sur une analyse micro-économique
rigoureuse, ne peuvent cependant être dissociées du contexte qui prévalait lors de leur
réalisation. Aussi, si certaines conclusions demeurent valables à l’heure actuelle, d’autres
demandent néanmoins à être actualisées. Ces travaux, plus anciens, gardent cependant leur
intérêt. Ils montrent combien sont pertinents les modèles de coût du capital dans l’évaluation
a priori de la politique économique.
Initialement limités au seul facteur capital, les modèles de taxation effective font aujourd’hui
l’objet d’extensions au coût du travail et plus généralement au coût de production. En
particulier, McKENZIE, MINTZ et SCHARF (1992 et 1997)53 mesurent l’impact des taxes
frappant les différents facteurs de production au travers de la variation du coût marginal de
production. Cette approche permet d’élargir le champ des politiques d’incitations, notamment
de prendre en compte les politiques de l’emploi, comme le montrent pour la Belgique
MEUNIER et MIGNOLET (1999). Ces contributions ouvrent assurément des perspectives
prometteuses de nature à mieux évaluer l’efficacité des actions publiques.
53
Une approche alternative est développée par GERARD, BEAUCHOT, JAMAELS et VALENDUC (1997).
33
Bibliographie
ALTSHULER R. and FULGHIERI P. (1994), Incentive Effects of Foreign Tax Credits on
Multinational Corporations, National Tax Journal, vol. XL, VII, 2, 349-362.
ALWORTH J.S. (1988), The Finance, Investment and Taxation Decisions of Multinationals, Basil
Blackwell, Oxford.
BINON F., DEJARDIN M. et THIRION-MATHIEU A. (1997), Etude des disparités de stratégie
fiscale entre sociétés belges au travers de leurs bordereaux fiscaux (1990-1993), Bulletin de
Documentation du Ministère des Finances, mai-juin, 3-35.
BOADWAY R. (1987), The Theory and Measurement of Effective Tax Rates, in J.M. MINTZ et D.
PURVIS (eds.), The Impact of Taxation on Business Activity, Kingston, Queen’s University,
John Deutsch Institute for the Study of Economic Policy, 61-98.
BOADWAY R., BRUCE N. and MINTZ J. (1984), Taxation, Inflation and the Effective Marginal Tax
Rate on Capital in Canada, Canadian Journal of Economics, 17, 62-79.
BOADWAY R. and SHAH A. (1995), Perspectives on the Role of Investment Incentives in
Developing Countries, in SHAH A. (ed.), Fiscal Incentives for Investment and Innovation,
Oxford University Press, Oxford, 31-136.
BRADFORD D. and STUART Ch. (1986), Issues in the Measurement and Interpretation of Effective
Tax Rates, NBER Working Paper, 1975.
BULOW J.I. and SUMMERS L.H. (1984), The Taxation of Risky Assets, Journal of Political
Economy, 92, 20-39.
CEE (1992), Rapport du comité de réflexion des experts indépendants sur la fiscalité des entreprises,
Mars, Bruxelles.
CHIANG A.C. (1984), Fundamental Methods of Mathematical Economics, Third Edition, McGrawHill International Edition.
CHIRINKO R.S. (1993), Econometric Models and Empirical Findings for Business Investment,
Financial Markets Institutions and Instruments, Blackwell Cambridge (Mass.).
CHIRINKO R.S., FAZZARI S.M. et MEYER A.P. (1999), How Responsive is Business Capital
Formation to its User Cost ? An Exploration with Micro Data, Journal of Public Economics,
74, 53-80.
COHEN D., HASSET K.A. and HUBBARD R.G. (1997), Inflation and the User Cost of Capital: Does
inflation Still Matter?, NBER Working Paper, 6046.
de CALLATAY E. (1990), Le taux marginal effectif d’imposition des revenus de l’investissement,
Reflets et perspectives de la vie économique, tome XXIX, 4, 307-318.
de CALLATAY E. et GERARD M. (1990), la taxation effective des revenus de l’investissement en
Belgique, Bulletin de Documentation du Ministère des Finances, avril, 170-193.
E.B.R.D. (European Bank for Reconstruction and Development) (1993), Progress in reform, EBRD
Economic Outlook, 46-54.
FELDSTEIN M.S. (1987), Tax Rates and Business Investment : Reply, Journal of Public Economics,
32, 389 – 396.
GERARD M. (1982), Le Financement des Investissements, leur Volume et l’Impôt, Presses
Universitaires de Namur, Namur.
34
GERARD M. (1984), Fiscalité, finances publiques et initiative industrielle privée, le dire de
l’économique et les pratiques belges, 6ème Congrès des Economistes Belges de Langue
Française, Commission 3, CIFOP, Rapports préparatoires, 169-266.
GERARED M. (1987), Autour du débat fiscal belge : neutralité à l’égard des choix financiers et
l’imposition effective des revenus de l’investissement, Cahier économique de Bruxelles, 116,
25-63.
GERARD M., BEAUCHOT L., JAMAEL S. et VALENDUC C. (1997), MESC (Marginal Effective
Statutory Charge), an extension of King-Fullerton Methodology, XXXIIIème Colloque de
l’ASRDLF, Lille, 1-3 septembre.
GERARD M. et VALENDUC C. (1990), La taxation marginale effective des revenus de
l’investissement transfrontalier, 9ème congrès des économistes belges de langue française, les
Régions et l’Europe, Rapport préparatoire à la commission 1, 85-113.
GUIOT S. et M. MIGNOLET (1995), La politique régionale européenne et le coût du capital :
application à la Martinique et au Hainaut d’un modèle de taxation internationale, Revue
d’économie régionale et urbaine, 2, 283- 300.
HESPEL A. (1997), Les centres de coordination et la taxation internationale: un modèle de calcul,
Mémoire de fin d’études, Faculté des Sciences économiques, sociales et de gestion, Namur.
HESPEL A. and MIGNOLET M. (1999), Cost of Capital and Effective Tax Rates : a Survey Article,
in S. B. DAHIYA, (eds.), The Current State of the Economic Science, Spellbound Publications
Pvt. Ltd., Rohtak, volume 4, 1845-1868.
HESPEL A., MIGNOLET M. and PIERRE I. (1998a), The Multinational Companies Cost of Capital
and some Financial Tax-Aided Structures, Cahier de la faculté des sciences économiques,
sociales et de gestion de Namur, n°202.
HESPEL A., MIGNOLET M. et PIERRE I. (1998b), Les structures de financement au sein des
sociétés multinationales : localisation et régimes d’exception, Rapport préparatoire de la
Commission 2 du XIIIème Congrès des Economistes Belges de Langue Française, 367-395,
Charleroi, 26-27 novembre 1998.
HINES J.R. (1994), Credit and Deferral as International Investment Incentives, Journal of Public
Economics, 55, 323-347.
IWAMOTO Y. (1992), Effective Tax Rates and Tobin’s q, Journal of Public Economics, 48, 225-237.
JORGENSON D. (1963), Capital Theory and Investment Behaviour, American Economic Review, 53,
247-259.
KEEN M. (1990), Corporation Tax, Foreign Direct Investment and the Single Market, mimeo,
University of Essex.
KING M.A. and FULLERTON D., (eds), (1984), The Taxation of Income from Capital, NBER,
University of Chicago Press, Chicago.
McKENZIE K.J., MINTZ J.M. and SCHARF K. (1992), Differential Taxation of Canadian and U.S.
Passenger Transportation, in Directions, Royal Commission on national passenger
transportation, Final Report, vol. 4, 1645-1698.
McKENZIE K.J., MINTZ J.M. and SCHARF K. (1997), Measuring Effective Tax Rates in the
Presence of Multiple Inputs: A Production based Approach, International Tax and Public
Finance, 4, 337-359.
MEUNIER O. (1998), La taxation effective et les zones franches : le cas de la Belgique, Mémoire de
fin d’étude, Faculté de Sciences économiques, sociales et de gestion, Namur.
MEUNIER O. et MIGNOLET M. (1999), Coût marginal de facteur de production : les disparités
interrégionales, XXXVème Colloque de l’ASRDLF, Hyères, 1-3 septembre.
35
MIGNOLET M. (1998), Towards a "Spatialized" Cost of Capital Concept, in D. GRIFFITH, C.G.
AMRHEIN and J.M. HURIOT (eds.), Advances in Spatial Modelling and Methodology:
Essays in Honor of Jean Paelinck, Kluwer Academic Publishers, Advanced Studies in
Theoretical and Applied Econometrics, Dordrecht, 175-188.
MIGNOLET M. (1998), The Multinational Companies Cost of Capital and Regional Policy: Tax Cut
or Capital Grant?», Cybergeo, European Journal of Geography, n°50, 1-36.
MIGNOLET M., PIRAUX T et VEREECKE A. (1997a), le coût du capital et les politiques
régionales : une application à six régions européennes, Cahiers économiques de Bruxelles,
153, 51-115.
MIGNOLET M., PIRAUX T., VEREECKE A. (1997b), Localisation, coût du capital, politique
régionale et taxation, in SACHTER H. et VEREZ J.-C., Développement économique et
reconversion industrielle, Artois Presses Université, Arras, 201-245,1997.
MIGNOLET M. et THIRON-MATHIEU A. (1994), La politique fiscale et ses incidences régionales,
in DESCHAMPS R., JACQUEMIN J.-C. et MIGNOLET M. (eds.), Finances publiques
régionales et fédéralisme fiscal, PUN, Namur, 225-245.
MINTZ J. M. and TSIOPOULOS T. (1994), The Effectiveness of Corporate Tax Incentives for
Foreign Investment in the Presence of Tax Crediting, Journal of Public Economics, 55, 233255.
OECD (1991), L’imposition des bénéfices dans une économie globale, Paris.
PIERRE I. (1996), Le treaty shopping, la taxation effective et le coût du capital des sociétés
multinationales, Bulletin de Documentation du Ministère des Finances, 1, Janvier-février, 83150.
SAVIOZ M. (1992), New Issues in the Theory of Investment : Modernization and Persistence Effects,
Springler-Verlag, Berlin.
SINN H.-W. (1991), The Vanishing Harberger Triangle, Journal of Public Economics, 45, 271-300.
SINN H.-W. (1993), Taxation and the Birth of Foreign Subsidiaries, in H. HERBERG and N.V.
LONG (eds.), Trade, Welfare and Economic Policies: Essays in honor of Murray C. KEMP,
325-352, Ann Arbor : University of Michigan Press.
SHOVEN J.B. and TOPPER M. (1992), The Cost of Capital in Canada, the United States and Japan,
in J.B. SHOVEN and J. WHALLEY (eds.), Canada-U.S. Tax Comparisons, NBER,
University of Chicago Press, 217-235.
WEICHENRIEDER A.J. (1995), Transfer Pricing, Double Taxation and the Cost of Capital, CES
Working Paper, July, Munich.
WEICHENRIEDER A.J. (1996), Anti-Tax Avoidance Provisions and the Size of Foreign Direct
Investment, International Tax and Public Finance 3, 67-81.
36
Téléchargement