Le «joual» galope toujours au Québec
Les Québécois parlent «joual». Ils pensent «joual». Ils écrivent «joual». Bref, le «joual» les
caractérise du primaire à l’université. Le «joual» les singularise à la maison, à l’école, au travail,
dans leurs loisirs. Le «joual» galope toujours au Québec, entretenu par une télévision bâtarde où
abondent les onomatopées, les phrases syncopées, les mauvaises intonations, les mots
entrecoupés de sacres et de blasphèmes. Les Québécois aiment parler «joual». Ils le pratiquent par
osmose. Entre «jouaux», ils arrivent à se reconnaître dans l’écurie.
Il est facile de reconnaître le «joual» québécois. Les syllabes sont mangées. Le vocabulaire est
tronqué ou imprécis. Les phrases sont boiteuses. Même la voix participe à l’affaissement du
niveau de la langue. Entre eux, les jeunes ne conversent plus. Ils lancent des cris, des jappements
gutturaux, des hennissements dignes de leur appartenance. Les professeurs, l’âme désarmée, les
imitent pour ne pas les contredire, parlent comme eux pour ne pas les frustrer, copient leur
langage afin de les garder dans le clos animalier.
Les cégépiens et les universitaires viennent d’une contrée où ils ont réussi à composer avec leur
incompétence et à gravir un nouvel échelon qui consacre leur ignorance. Ils étudient Voltaire,
Rousseau, Goethe, Molière, Rabelais et quelques autres. Ils lisent ces auteurs par obligation et se
fichent éperdument d’en cueillir un vernis de culture. Les engins de recherche sur Google
permettent à ces jeunes ignares, dorlotés par le système, de produire un copier-coller que
l’enseignant arrive difficilement à déchiffrer. Les douze milliards du Ministère de l’éducation
servent à engraisser un système qui produit des diplômés gonflés à l’hélium. Bouche bée, la
Ministre de l’éducation trouve la situation inacceptable.
L’étalon de la langue québécoise c’est «le joual» et il galope toujours dans les prés asséchés de
l’indifférence du plus grand nombre. Cette langue désossée, où les consonnes sont escamotées,
où les locutions négatives colorent sans cesse le discours, où le critère de base est la
compréhension familière entre «jouaux», continue à se perpétuer dans les écoles du Québec. Tous
les colloques politiques, les forums linguistiques, les ateliers et les rencontres pédagogiques du
corps enseignant n’arriveront jamais à sauver la langue française. Que faire alors? Les politiciens
(surtout péquistes) parlent de renforcer la loi 101. La loi est un garde-fou. Elle n’indique pas le
chemin pour atteindre le but. Si le Québec vit «joual», parle «joual» et pense «joual», c’est parce
qu’il lui manque ce supplément d’âme qui le fait se déprécier dans ses racines les plus profondes.
Le parler «joual» signifie le mépris, le reniement de quelque chose dans l’être.
En 1960, le frère Untel proposait de travailler à la hache pour corriger une situation qu’il trouvait
déjà inacceptable. A la suite de son appel vibrant, personne n’a vraiment travaillé à la hache. On a
utilisé le bistouri, les calmants de circonstances, les somnifères des réformes successives. Un
remède de cheval s’imposait hier et s’impose toujours aujourd’hui pour remettre l’animal sur le
piton. La tronçonneuse devrait remplacer la hache proposée jadis par un humble frère enseignant.
Rien de tout cela. Le climat d’indifférence est généralisé et pour comble, les étudiants se rabattent
sur le correcteur 101 pour régler leurs problèmes de syntaxe et de vocabulaire. La technique
engendre l’inculture généralisée.
Quelles actions faut-il poser, dans l’immédiat, pour sauver cette langue en état de composition?
Contrôle absolu de la radio et de la télévision. Défense à tous les employés - je dis bien : tous les
employés – d’enfourcher quotidiennement le «joual», de le parler et d’en faire volontairement ou