La poésie engagée et la langue ANNEXE VI But : Faire le portrait de la critique linguistique au Québec Préambule : Tout le monde en parlait, Les artistes et l’affirmation du joual, 24 juin 2008 George Dor : 2008 Anna braillé ène shot (résumé) Le français n'est certes pas une langue morte, et la langue parlée au Québec a fait couler beaucoup d'encre depuis plus de trente ans: pour ou contre le joual? Y a-t-il une parlure proprement québÉcoise? Est-ce renier la langue de nos pères et de nos mères que de revendiquer une certaine qualité de la langue parlée ici au Québec? Georges Dor lance à nouveau le débat, conscient qu'il peut rouvrir des blessures anciennes ou réanimer de vieux démons. Mais c'est à ce prix qu'il faut avancer si nous voulons un jour remplacer le «Chu» par un «Je suis» non équivoque et voir figurer le Québec parmi le concert des nations. Jean-Paul Desbiens : 1960 Les insolences du Frère Untel (résumé) Dans cette critique virulente de la société québécoise, Jean-Paul Desbiens, alias le frère Untel, dénonce l'obscurantisme religieux, la pauvreté de la pensée et du langage, et propose des pistes pour réformer le système d'éducation. Ce pamphlet annonce les grands bouleversements de la Révolution tranquille. Yvon Deschamps : La langue française (U.S. qu’on s’en va), http://www.youtube.com/watch?v=o7CdnPkdXII Jim Corcoran : 1990 Je me tutoie Je me tutoie depuis déjà longtemps Je me serre, je me sors Je me berce, je me borde Et je m'endors Fatigué de moi je rêve à toi Je te majuscule Je te point d'exclame Je te vouvoie Mais lorsque je nous trait d'union Ça me réveille Or je me minuscule Je me rendors Point. Loco Locass : 2010 Langage-toi Le verbe faire est un verbe qui se perd L’inaction est une aire de repos Où plus d’un se perd Oublie père et mère et monde et tout propos À propos de propos, j’essaie d'être pro-propos Mais c'est dur d'hurler sur les mots D'une société rongée par le pire des maux Ce fléau qu'est la perte de mots je hausse le toposémantique Dans un but typiquement didactique Ma dactylo buccale fait Tic! Tac! C'est une tactique phonétique pour faire contact Titiller tes synapses, Snap! Mets tes verres de contact Mon frère, langage-toi et constate Que le verbe faire est un verbe qui se perd Langagetoi Le décompte goûte amer Quand au comptegouttes Tu tombes et devient goutte D'eau dans l'amère Amérique La clepsydre sonne moins cinq C'est l'heure de se mettre à la .5 Coincé entre deux cultures Au fur et à mesure à l'usure Sois-en sûr, c'est la plus FAT ASS des deux qui perdure La cure c'est de ne pas s'enmurmurer vivant Tant et tant de gens se terrent et se taisent de mon vivant Tant et tant d'argent te v'là coi -quoi?- à terre, à l'aise et content Sûr d'être vivant, survivant... sursis Je te susurre ceci: Contemple le montant de ton bâillon C'est comme signer son bail-bye pour l'autoextermination Croisen ma parole, la parole est un geste, mieux une action Si tu parles, n'aie crainte: l'on t'entend longtemps... temps... temps L'écho des mots lointains ne s'éteint pas Si au relais, tu es là J'entends du fin fond des temps Les rebonds de mon nom taper mes tympans Ça sonne comme l'homme qui nomme, se nomme lui-même autonome, autochtone de sa propre personne Il se somme de donner des mots la somme de sa propre donne-toi comme lui-sir De mettre au repos l'oisiveté Ce rouage de la fuite du langage-toi contre le tangage d'une langue qui ne s'arrime à rien Et mène à un genre d'espèce de Moyen-Âge... Tsé qu'ess j'veux dire... Euh... Le politically correctness, ça m'agresse Ça fait de tout de rien un Loch Ness... pas là que le bât blesse? À trop vouloir louvoyer, voyez-vous, le verbe est vérolé Pour répondre au besoin de l'éthique ethnique Pour pallier la panique de la fuite du fric -Hystérique crise de nerf de l'Amérique- Le politique 2? se pique de poétique Incivique suicide Inique... ta mère, ton père Par en avant, par arrière En vers libres, mon frère, je me fraye un chemin dans la terre de ta tête Et prêche cette prière: langage-toi Et fais du verbe faire, un verbe qui s'opère LANGAGE-TOI Yves Duteil : 1970 C’est une langue belle C´est une langue belle avec des mots superbes Qui porte son histoire à travers ses accents Où l´on sent la musique et le parfum des herbes Le fromage de chèvre et le pain de froment Et du Mont-Saint-Michel jusqu´à la Contrescarpe En écoutant parler les gens de ce pays On dirait que le vent s´est pris dans une harpe Et qu´il en a gardé toutes les harmonies Dans cette langue belle aux couleurs de Provence Où la saveur des choses est déjà dans les mots C´est d´abord en parlant que la fête commence Et l´on boit des paroles aussi bien que de l´eau Les voix ressemblent aux cours des fleuves et des rivières Elles répondent aux méandres, au vent dans les roseaux Parfois même aux torrents qui charrient du tonnerre En polissant les pierres sur le bord des ruisseaux C´est une langue belle à l´autre bout du monde Une bulle de France au nord d´un continent Sertie dans un étau mais pourtant si féconde Enfermée dans les glaces au sommet d´un volcan Elle a jeté des ponts par-dessus l´Atlantique Elle a quitté son nid pour un autre terroir Et comme une hirondelle au printemps des musiques Elle revient nous chanter ses peines et ses espoirs Nous dire que là-bas dans ce pays de neige Elle a fait face aux vents qui soufflent de partout, Pour imposer ses mots jusque dans les collèges Et qu´on y parle encore la langue de chez nous C´est une langue belle à qui sait la défendre Elle offre les trésors de richesses infinies Les mots qui nous manquaient pour pouvoir nous comprendre Et la force qu´il faut pour vivre en harmonie Et l´Île d´Orléans jusqu´à la Contrescarpe En écoutant chanter les gens de ce pays On dirait que le vent s´est pris dans une harpe Et qu´il a composé toute une symphonie Et de l´Île d´Orléans jusqu´à Contrescarpe En écoutant chanter les gens de ce pays On dirait que le vent s´est pris dans une harpe Et qu´il a composé toute une symphonie.