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RECHERCHES EN SANTE MENTALE
L’exposé que les organisateurs de cette réunion m’ont demandé de vous donner, à savoir,
« Les enjeux d’une recherche compétitive en Santé Mentale » s’appuiera, dans une première
partie, sur quelques informations récentes, au niveau international et belge, en matière de
Politique de Santé Mentale, pour aboutir, ensuite, à quelques réflexions dans le domaine de
la recherche en Santé Mentale. Au début de cette année 2005, s’est tenue à Helsinki, du 12 au
15 janvier, une réunion particulièrement importante, dont les retombées devraient, à moyen
terme, conduire à d’importants développements : il s’agit de la réunion de l’ensemble des
Ministres de la Santé Publique des cinquante-deux régions d’Europe, sur le sujet de l’état des
lieux et des développements indispensables en matière de Politique de Santé Mentale. Une
déclaration commune et un plan d’action ont été définis.
Ces dernières semaines, la Commission Européenne, à son tour, a pris le relais de cet
important dossier, en vue de l’implémentation du plan d’action.
Au-delà des aspects symboliques de ces déclarations d’intention, auxquelles les Institutions
Internationales, en particulier de la santé, nous ont habitués, il y a donc, aujourd’hui,
réellement, une intention « de faire bouger les choses ».
Voici énumérés succinctement, les douze points du plan d’action /
1. Promote mental well-being for all
2. Demonstrate the centrality of mental health
3. Tackle stigma and discrimination
4. Promote activities sensitive to vulnerable life stages
5. Prevent mental health problems and suicide
6. Ensure access to good primary care for mental health problems
7. Offer effective care in community-based services for people with severe mental health
problems
8. Establish partnerships across sectors
9. Create a sufficient and competent workforce
10. Establish good mental health information
11. Provide fair and adequate funding
12. Evaluate effectiveness and generate new evidence
La recherche n’est pas absente puisque le douzième point la concerne explicitement, avec le
commentaire suivant :
Considerable progress is being made in research, but some strategies and interventions still
lack the necessary evidence based meaning that further investment is required. Furthermore,
investment in dissemination is also required, since the existing evidence concerning effective
new interventions and national and international examples of good practice are not known to
many policy-makers, managers, practitioners and researchers. The European research
community needs to collaborate to lay the foundations for evidence-based mental health
activities. Major research priorities include mental health policy analyses, assessment of the
impact of generic policies on mental health, evaluations of mental health promotion
programmes, a stronger evidence base for prevention activities and new service models and
mental health economics.
Parmi les multiples actions que les pays s’engagent à soutenir, on peut citer, par exemple :
1 Support national research strategy at a coordinated and national level
5 Bridge the knowledge gab between research and practice
6 Insure that research program include long-term evaluation
8 Invest in training in mental health research
1
En Santé Mentale, comme dans les autres disciplines médicales, il est bien évidemment
indispensable, en amont de la programmation des soins et de la recherché, de disposer d’un
minimum de données relatives à l’importance des problèmes de santé mentale existants, de la
nature de l’offre de soins qui tente d’y répondre et de la nature et de l’importance des
recherches qui sont développées dans une région donnée. En ce qui concerne l’importance des
problèmes en termes d’épidémiologie et de dispositif de soins disponibles en santé mentale,
on commence à avoir un descriptif relativement fiable : au départ d’informations fournies par
les différents pays européens, l’OMS a publié récemment la version 2005 de son Atlas de la
Santé Mentale (une première édition avait eu lieu en 2001). L’ Atlas 2005, intitulé « The
Mental Health Atlas 2005 - World Health – Genève » est beaucoup plus complet que le
précédent. D’une façon générale, les données qui ont été recueillies dans la plupart des pays
européens, apportent quelques bonnes nouvelles : intérêt et préoccupation grandissants de la
part des politiques et des organisations locales pour la santé mentale, pour une meilleure
organisation de celle-ci, eu égard aux besoins des populations et, surtout, pour la
dissémination d’informations dans le domaine thérapeutique, orientations thérapeutiques
basées sur des données scientifiquement validées. De moins bonnes nouvelles indiquent que,
dans la plupart des régions, y compris dans les pays occidentaux, d’importants
développements restent à faire car, l’offre de soins reste très éloignée des besoins de la
population et, particulièrement, de celle souffrant de pathologies mentales.
Au chapitre des bonnes nouvelles, on peut aussi relever que l’inventaire des Recherches en
Santé Mentale reste excessivement difficile à établir et on ne peut se baser que sur quelques
estimations parcellaires, comme on le verra plus loin. L’importance des problèmes de Santé
Mentale en Europe et leur répercussion sur le bien-être général des populations, a été déjà très
largement démontrée, par l’enquête européenne ESEMED. Tout récemment, l’ECNP Task
Force on “Size and Burden of Mental Disorders in Europe” a, de façon complémentaire,
confirmé largement ces informations. Dans les conclusions de cet important travail piloté par
le Professeur Wittchen, en Allemagne, on trouve que “during any given year, 82 million
people, i.e. 27 % of the EU population, experience at least one mental disorder such as
depression, bipolar disorder, schziophrenia, alcohol, drug dependence, social phobia, panic
disorders, generalized anxiety, obsessive-compulsive and somatoform disorders or dementia
(voir tableau n° 2 : 12-Month prevalence (%) and estimated number of people)”. Some people
are affected only for a few months, some episodically, other chronically from adolescence
through all their life. Although many mental disorders such as anxiety, somatoform and
substance dependence typically start in the first two decades of life, others show remarkably
different age periods of risks. The risk to suffer depressive episodes, for example, is almost
equally high in all age groups examined, whereas dementia typically, of course, does not
occur before the age of 60”. Par contre, show “increasing rates answer. Except for
depression and variations in drug use patterns, the Task Force finds little indirect
evidence that the prevalence of mental disorders overall has been increasing in the past
decade”. Some special aspects and findings are highlighted. Over 50 % of the mental
disorders are co-morbid. Most frequent are co-morbidity patterns like anxiety and depression,
anxiety and substance abuse or somatoform and depressive disorders. These co-morbid
patterns bear important implications for treatment disability and etiology”. All the findings are
that the “majority of mental disorders go unrecognized and untreated. With little variation of
country, only 26 % of all mental disorders receive any or even fewer adequate treatment.
Except for psychosis and the more severe depressions and those with complex co-morbid
patterns, many years and sometimes even decades go by before a first treatment is eventually
initiated. These alarmingly low treatment rates of mental disorders unseen for any other area
of medicine are unlikely to be explained entirely by effects of stigma still sometimes attached
2
to mental disorders. Concerning burden and costs there is gain to conclusion that all mental
disorders by their diagnostic definition are impairing and disabling, and the source of
subjective suffering and disruption. A specific problem is emerging : the bulk of the total
health economic costs of mental disorders is not in direct health care costs but in indirect costs.
Every year, in Europe, mental disorders cost almost 300 billion Euro in total costs, but the
majority of this cost 132 billion Euro is related to indirect costs : sick leave days, early
retirement, premature mortality and reduced work productivity due to mental health problems.
Let say also that drug treatment cost – as the most frequent type of treatment applied, only
accounts for 4 % of the total costs of mental disorders.
On peut aussi tenter, dans un pays particulier, d’estimer l’importance des investissements
financiers consentis dans ce pays, pour un problème particulier – comme la Santé –
comparativement au coût que représente ce problème pour la société, en terme de DALYS.
On peut ainsi s’intéresser à l’investissement financier global, d’une part, et, d’autre part, aux
contributions des divers secteurs de la société, à ces investissements. Si l’on recherche,
comme je l’ai fait, au niveau de l’Observatoire Européen des Statistiques qui s’appelle
l’EUROSTAT, on y apprend que les dépenses publiques, pour l’année 2002, par exemple, de
la Santé, représentent, en Belgique, 6,9.1 % ISY A PRECISER SPV du PIB. Tout
récemment, comme je vous l’ai déjà mentionné, la Commission Européenne, au niveau de sa
Direction Générale « Santé et Protection du Consommateur » s’est intéressée à la façon dont
on pourrait implémenter le Plan d’Action de l’OMS. Ce document est intitulé « Improving the
Mental Health of the Population : Towards a Strategy on Mental Health for the European
Union ». Dans ce document, on trouve l’importance de l’investissement financier de chaque
pays, en faveur de la Santé Mentale, dans le cadre global de la Santé Publique. En Belgique,
cette partie réservée à la Santé Mentale, représente 6 % de l’ensemble des dépenses en
matière de santé. A titre de comparaison, d’autres pays, comme le Luxembourg, l’Angleterre,
la Suède, l’Allemagne, la Hollande, le Danemark, et même la Lituanie, consacrent nettement
plus, pratiquement le double, puisqu’on arrive à des taux de 12%. Enfin, un dernier chiffre est
intéressant à connaître : l’importance du poids à supporter par la société, eu égard aux
maladies et, en particulier, les maladies mentales. Un travail très minutieux a été fait tout
récemment, par le MENTAL HEALTH ECONOMICS EUROPEAN NETWORK 1, intitulé
« FINANCING ARRANGEMENTS FOR MENTAL HEALTH CARE IN WESTERN
EUROPE ». Les experts sont relativement d’accord sur le fait que le poids du aux maladies
mentales représente, dans les pays d’Europe Occidentale, près de 20 % du poids global à
supporter du fait de l’ensemble des problèmes de santé. Rappelons que seuls 6 % de l’argent
public pour la santé, sont réservés à la santé mentale, en Belgique…
Si l’on veut se faire une idée des investissements en Recherche en Santé Mentale, l’exercice
devient beaucoup plus difficile car, comme je l’ai déjà signalé, on ne dispose pas en Belgique,
ni d’ailleurs dans les pays voisins, de relevé exhaustif de ces travaux. On peut tenter de se
faire une idée, approximative sans doute, mais indicative, en se basant sur un travail qui vient
d’être réalisé par nous-mêmes, en collaboration avec le Prof. De Ruyver de l’université de
Gand et le Prof. Casselmann de la KUL, dans le domaine des drogues. Ce travail, financé par
le Service Public de la Recherche Scientifique, est intitulé « La Drogue en chiffres, en
Belgique ». Il a nécessité deux années d’inventaire minutieux, en collectant l’ensemble des
fonds alloués aux problèmes de drogues, en Belgique, au niveau des dépenses publiques. Ces
données ont ensuite été validées par l’Observatoire Européen des Drogues à Lisbonne, dans
un rapport général intitulé « Public expenditure on drugs in the European Union 2000-2004 »1.
1
EMCDDA – Strategies and Impact Programme, July 2004
3
Les conclusions générales indiquent que, parmi le financement public global, dans le domaine
des drogues, 54 % sont attribués aux mesures judiciaires de contrôle et de circulation de la
drogue ; 38 % au traitement et à l’assistance aux personnes usagers de drogues ; 4 % à la
prévention ; 3 % à la réglementation et 1 % à la recherche. Si l’on prend en considération que
le domaine des drogues est une domaine quelque peu particulier, où les aspects sécuritaires de
répression sont relativement importants, on peut sans doute, pour le domaine plus général de
la santé mentale, doubler ce pourcentage et donc, avoir une estimation que, au niveau public
en tout cas, 2 % du budget global alloué à la santé mentale, sont réservés à la recherche.
Ce chiffre de 2 % du budget global alloué à la santé mentale est, semble-t-il, un indicateur
relativement fréquemment retrouvé dans d’autres domaines de la santé. Il est considéré
comme faible, compte tenu que la partie, rappelons-le, de la santé dédicacée à la santé
mentale (6 % du total). Enfin, pour en terminer avec les chiffres, une dernière information qui
peut être intéressante et que l’on retrouve également dans les statistiques d’EUROSTAT,
concerne la répartition, et donc l’investissement, dans la recherche et développement, en
termes de contribution des divers secteurs. A côté du secteur public, on trouve le secteur
universitaire et le secteur de l’entreprise. On constate que la plus grosse part
d’investissements est fournie par le secteur de l’entreprise, avec 71 % de l’ensemble ; le
secteur public ne représente que 7 % et le secteur universitaire, 22 %. Ces chiffres concernent,
bien évidemment, non pas la santé mentale, mais l’ensemble des travaux effectués dans le
secteur « Recherche et Développement » en Belgique.
« The Decade of the Brain », l’événement né aux Etats Unis, à l’initiative du Président
Georges Bush (le père de l’actuel), dans l’esprit de promotionner des travaux et des
recherches dans le domaine de la Santé Mentale. Cet événement s’est étendu par la suite aux
autres continents et à l’Europe, en particulier.
A la fin de cette période qu’i s’est étendue de 1990 à 2000, un certain nombre de
commentaires ont été faits.
Ainsi, dans une évaluation réalisée par la Society for Neuroscience et intitulée « The Best
Brain of the Decade », on trouve les commentaires suivants :
TABLEAU DU JOURNAL PUBLISHING HIGH IMPACT RESEARCH IN
NEUROSCIENCE 89/98
From the result of collection of 2.000 (two thousand) highly sciented neuroscience papers, ISI
identified the institutions, researches and journals that accounted for the greatest number of
high impact reports. Institutions appearing above ranked both by total citation to high impact
papers and by citation per paper. Researchers who published these twelve highly sciented
papers during the ten years period are ranked on the table to the right. It is interesting to see in
this ranking that journal most specifically related to psychiatry are the first one in the rank 9,
in the rank 12, in the rank 14, 15 and 17.
A la suite de ces développements particulièrement importants dans le domaine des
neurosciences, proches des préoccupations en Santé Mentale, de nombreux commentateurs
ont, toutefois, pointé le fait que la connaissance du phénomène de la conscience, n’avait pas,
malgré cela, fort avancé. Ainsi, on trouve « Left largely untouched was one of science's grand
challenges, ranking in magnitude with cosmologists' dream of finding a way to snap together
all the fundamental physical forces: we are still nowhere near an understanding of the nature
of consciousness. Getting there might require another century, and some neuroscientists and
philosophers believe that comprehension of what makes you you may always remain
unknowable. Pictures abound showing yellow and orange splotches against a background of
4
gray matter--a snapshot of where the lightbulb goes on when you move a finger, feel sad, or
add two and two. These pictures reveal which areas receive increased oxygen-rich blood flow.
But despite pretensions to latter-day phrenology, they remain an abstraction, an imperfect
bridge from brain to mind.
Neuroscience, the attempt to deduce how the brain works, has succeeded in unraveling critical
chemical and electrical pathways involved in memory, movement and emotion. But reducing
the perceptions of a John Coltrane solo or the palette of a Hawaiian sunset to a series of
interactions among axons, neurotransmitters and dendrites still fails to capture what makes an
event special. Maybe that's why neuroscience fascinates less than it should. Maybe that's also
why the Decade of the Brain passed with little notice. It's just too early to tackle this really big
question. Without doubt, we are on the good way.
The most important realization to emerge during the Brain Decade is that the brain being
feted is more changeable than we ever thought. Even in maturity, some areas of the brain
can renew themselves--a fact astonishingly contrary to a century of neurologists' dogma.
That certain areas of the adult brain can generate new cells holds important ramifications for
drug development and clinical practice. Careful reactivation of the molecules that foster
such neurogenesis might counter the death of neurons that occurs in Alzheimer's and
Parkinson's disease.
Effectively, neural plasticity is reality at any age.
Ceci confirme clairement, si besoin était, qu’en ce qui concerne les troubles mentaux, à côté
de la correction des troubles neurobiologiques par des agents pharmacologiques, une place
importante est à accorder, dans le même temps, à la rééducation de fonctions mentales
inhibées dans les troubles psychiques. Des interventions psychothérapeutiques additionnelles
prennent ainsi toute leur importance. La difficulté reste de poser correctement les indications
de psychothérapie et de faire le bon choix parmi les multiples interventions
psychothérapeutiques existantes.
La « Brain Decade » a également suscité de nombreux symposia virtuels où ,d’éminents
chercheurs travaillant sur des aspects pointus du fonctionnement mental, ont discuté. J’ai
épinglé un de ceux-ci, concernant les avancées en « Neurobiologie des Emotions », organisé
par « The Brasilian Society of Neuroscience and Behavior ».
Four basic questions were debated: 1) What are the most critical issues/questions in the
neurobiology of emotion? 2) What do we know for certain about brain processes involved in
emotion and what is controversial? 3) What kinds of research are needed to resolve these
controversial issues? 4) What is the relationship between learning, memory and emotion?
The focus was on the existence of different neural systems for different emotions and the
nature of the neural coding for the emotional states. Is emotion the result of the interaction of
different brain regions such as the amygdala, the nucleus accumbens, or the periaqueductal
gray matter or is it an emergent property of the whole brain neural network? The relationship
between unlearned and learned emotions was also discussed. Are the circuits of the former the
underpinnings of the latter? It was pointed out that much of what we know about emotions
refers to aversively motivated behaviors, like fear and anxiety. Appetitive emotions should
attract much interest in the future. The learning and memory relationship with emotions was
also discussed in terms of conditioned and unconditioned stimuli, innate and learned fear,
contextual cues inducing emotional states, implicit memory and the property of using this
term for animal memories. In a general way, and as a conclusion of all these eminent
5
experts, it could be said that learning modifies the neural circuits through which
emotional responses are expressed.
Ici également, on retrouve l’importance qu’il faut accorder, dans les traitements, à
l’apprentissage ou au réapprentissage d’expressions émotionnelles, bloquées et perturbées
fréquemment à l’occasion de pathologies mentales.
Un autre point qu’il est important de souligner, est le peu de dissémination, dans les milieux
cliniques – et même parfois, dans les milieux académiques – de résultats de recherches en
Santé Mentale parfaitement établis, et ce depuis souvent de nombreuses années, ce qui crée,
évidemment, un retard parfois important dans l’application de nouvelles stratégies
thérapeutiques, correctement formulées.
Comme on l’a vu, à de multiples reprises, il est recommandé de tenir compte, en santé
mentale, aujourd’hui aussi bien que hier, dans les traitements proposés, des résultats de
recherches basées sur les évidences : recherches existantes mais mal diffusées, rechercheaction à entreprendre, etc.
En Belgique, le recours à l’evidence-based medicine, dans le domaine de la psychiatrie, est en
voie de développement. Comme déjà mentionné, l’inventaire exhaustif des recherches dans ce
domaine n’est pas réalisé actuellement de façon optimale. Dans ces conditions, nous avons
installé au Conseil Supérieur d’Hygiène du Ministère de la Santé Publique, un groupe de
travail permanent, intitulé : « Recherches et Développements en Santé Mentale : inventaire,
analyse critique et recommandations ». Une des premières séances consacrées à l’application
de l’evidence-based medicine en Santé Mentale, a été introduite par notre collègue, le Dr
Guido Pieters, de la Clinique Universitaire Saint-Joseph à Kortenberg. Quelques aspects ont
été soulignés :
 Définition empruntée à Sackett (2000) : the conscientious explicite and judicious use of
the current based-evidence in making decisions about the care of individual patients.
 Contrairement à ce que l’on considère habituellement, une décision clinique basée sur
l’évidence, tient compte, d’une part, des données de recherche, mais aussi de l’expérience
clinique, et aussi des choix du patient (on pourrait aussi ajouter « des choix du thérapeute,
dans un certain nombre de cas »).
 La pratique d’utilisation de l’evidence-based peut être formulée de la façon suivante : à
l’occasion d’un problème clinique, on formule une question qui demande réponse ; on
recherche les évidences, à la fois dans des travaux scientifiques, et à la fois dans
l’expérience clinique ; on soumet ces évidences à un jugement critique ; enfin, on adapte
chaque fois que nécessaire, les évidences ainsi recueillies au patient considéré en
particulier ; et aussi, aux valeurs auxquelles il accorde de l’importance.
 Sont aussi prises en considération, à la suite de Fullford, « l’evidence-based practice »,
mais aussi la « practice-based evidence » et la « value-based medicine ».
Toutefois, en Santé Mentale, plus qu’en médecine somatique, l’evidence-based medicine, se
heurte souvent à des difficultés et à de grandes résistances :
 Il est parfois difficile de procéder à des essais contrôlés, du fait que les patients vivent
dans des environnements souvent très différents, et on sait combien l’impact des facteurs
d’environnement joue un rôle fondamental dans mes réactions individuelles de chaque
patient.
 D’autres résistances trouvent leur origine dans le fait qu’un certain nombre de praticiens
de la Santé Mentale ont, souvent, une formation théorique et pratique limitée à un modèle
psychopathologique et ont, de ce fait, difficile à prendre en considération les évidences
scientifiques issues d’autres modèles psychopathologiques.
6

Enfin, bon nombre de critiques sont émises du fait que l’on considère – erronément – que
l’evidence-based medicine prend en compte uniquement des aspects quantitatifs et
statistiques et non des aspects qualitatifs et subjectifs. Ceci n’est pas exact.
De fait, ces considérations, pour pertinentes qu’elles soient dans certains cas, n’enlèvent rien à
l’utilité d’une démarche basée sur les évidences en Santé Mentale comme en Médecine
Somatique.
Enfin, comme la plupart des recommandations actuelles l’indique, un aspect assez spécifique
à la Santé Mentale, réside dans le fait que si les problématiques de Santé Mentale se situent
bien évidemment au niveau des compétences de la Santé Publique, bon nombre des besoins
des patients, conséquents à la maladie mentale, se situent en-dehors des compétences de la
Santé Publique. Ceci concerne l’emploi, le logement et diverses assistances dont le malade
mental a besoin et auxquelles il a difficilement accès, vu la stigmatisation de la maladie
mentale. Certains pays ont sorti la Santé Mentale du domaine des compétences de la Santé
Publique et l’ont attribuée au Ministère des Affaires Sociales. Personnellement, je ne pense
pas que cette façon radicale soit un exemple à suivre. La Santé Mentale ressort, à la fois de la
Santé Publique et d’autres compétences connexes.
Enfin, et pour terminer, je voudrais rappeler, à titre exemplatif et très schématiquement, les
diverses étapes qu’il a fallu parcourir pour voir évoluer, plus adéquatement, la prise en charge
de patients atteints de schizophrénie. Bien évidemment, de multiples travaux de recherche ont
été nécessaires. Il a aussi fallu prendre en compte et améliorer les conditions de vie du patient,
soutenir son entourage, faire évoluer la représentation sociale de cette terrible maladie,
insuffler souvent de nouveaux concepts aux équipes soignantes ; enfin, influencer les
décideurs politiques pour accorder une plus grande attention à cette maladie et aux malades.
Ce schéma, je l’ai adapté d’une communication personnelle, faite par le Professeur Damien
Lecompte, un de nos meilleurs spécialistes dans le domaine.
En ce qui concerne les recherches fondamentales, on a évolué, depuis 1930 à nos jours, de
divers traitements de choc vers la découverte des récepteurs dopaminergiques et la mise au
point d’antipsychotiques conventionnels. Dans un deuxième temps, comme vous savez, on
s’est intéressé à un élargissement des sites de divers récepteurs, en particulier, des agonistes
partiels D2 et vers la mise au point de neuroleptiques dits « atypiques ». Aujourd’hui, les
nouvelles voies de recherche s’orientent vers l’identification de signaux de transduction
spécifiques, en complément de l’identification de récepteurs..
Au niveau pré-clinique et clinique, la préoccupation initiale était d’éliminer les symptômes
positifs, hallucinations et délires, gênants socialement. Plus récemment, l’action sur les
symptômes négatifs a été privilégiée, en même temps que s’ouvrait une voie d’intérêt
particulier, relative aux performances cognitives des patients et, bien évidemment, à la
réduction des effets secondaires, en particulier, de type extrapyramidal. En ce qui concerne
l’objectivation de l’efficacité des traitements et, ultérieurement de leur efficience, on connaît
la multitude de protocoles d’études cliniques qui ont été nécessaires, dans des conditions
contrôlées, mais aussi, dans des conditions de vie réelle. L’évaluation de l’efficience a
nécessité des études concernant la compliance, la tolérance, la sécurité d’usage des
traitements et l’amélioration de la qualité de vie.
Le caractère chronique de la maladie a, par ailleurs, nécessité de nouvelles stratégies
concernant l’accès au traitement, la continuité des soins et, bien évidemment, l’accessibilité
financière des traitements. On a pu distinguer, au cours de l’évolution des patients, ceux qui
sont stabilisés, et chez qui les symptômes positifs, même présents, n’ont plus d’impact sur
leur fonctionnement habituel et les patients en rémission, chez qui on ne peut plus distinguer
7
que quelques symptômes positifs ou autres. Enfin, certaines études évoquent la guérison
lorsqu’il n’y a plus aucune manifestation de symptômes positifs et que quelques autres
symptômes n’existent qu’à un niveau très faible et ce, pendant un minimum d’un an.
Il est peut-être surprenant de découvrir, à travers des méta-analyses, que des améliorations
fonctionnelles, de l’ensemble des conditions d’existence de patients schizophrènes peuvent se
faire. Certaines études citent des chiffres de 40 % de patients stabilisés, lorsque on suit des
cohortes de tels malades, pendant un minimum de 15 ans.
On voit ainsi, et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, que dans le domaine de la Santé
Mentale, beaucoup plus que dans le domaine de la Médecine Somatique, bien évidemment
des recherches fondamentales et cliniques sont des conditions indispensables, mais elles
doivent être accompagnées, par ailleurs, de toute une série de mesures favorables au niveau de
l’entourage direct du patient, de la société et des décideurs politiques, pour que, finalement,
les choses évoluent dans le bon sens.
Pouvoir faire, de façon régulière et systématique, des recherches de qualité, pouvoir discuter
entre spécialistes de sujets controversés, diffuser les résultats obtenus auprès d’acteurs de la
santé et d’autres secteurs moins spécialisés, susciter un climat de meilleure tolérance et
d’acceptation des personnes présentant des troubles psychiatriques, rendre plus facile l’accès
à la prise en charge de ces malades, sont tous des éléments qui, pour évidents qu’ils soient,
n’en nécessitent pas moins des investissements et une énergie de mobilisation constante pour
faire avancer les choses.
L’octroi de bourses de recherche permettant à de jeunes chercheurs de visiter d’autres
horizons que ceux auxquels ils sont habitués, est un bon exemple de ceci.
Je vous remercie de votre attention.
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