de proœmes d'Aristote : «L'Ame» et «Ethique», soit les deux - proœme de Thomas d’Aquin et
commentaire du proœme d’Aristote - : «Physique», «Politique» et «Métaphysique».
3°) Mais nous entendons aussi par «significatif» que ce texte soit parlant pour le lecteur. Et là, pensons-
nous, se trouve notre valeur ajoutée. Le fil directeur de ce travail fut constamment de ne livrer du texte latin
que la richesse de la pensée, sans l'obscurcir par un jargon inconnu de tout dictionnaire français. Les
traductions littérales, bien que souvent émaillées d'inventions de vocabulaire et d’incongruités
grammaticales, ont leur pleine justification comme documents de travail. Thomas d’Aquin a lui-même fondé
ses commentaires philosophiques sur ce genre de textes. Reste qu'elles sont tout à fait indigestes pour le
profane, même cultivé.
S'il n'a pas prétention à la science, le traducteur peut, semble-t-il, ne pas se soucier de la technique,
lorsqu'elle alourdit le style, sachant que l'étude rigoureuse d'une pensée ne peut se faire que dans sa
langue originelle. Nous avons donc supprimé ce qui, chez les thomistes, existe au moins autant que chez
les philosophes germanisants : tout un apparat de mots consacrés et d'expressions intraduisibles, qui ne
devraient pas avoir le droit de franchir les murs des écoles. Plus encore, nous avons souvent abrégé, voire
omis, des passages de Thomas d’Aquin correspondant à la technique du commentaire : rappels du plan,
situations des extraits commentés, références ... Nous avons enfin essayé de trouver une expression qui
fasse bon ménage avec les usages de la langue française, sans trahir les auteurs.
Dans cette optique, il a fallu souvent supprimer des répétitions logiquement nécessaires, mais
désagréables, et à l'inverse, gloser là où la concision latine pouvait être obscure. Le choix du vocabulaire
fut aussi un problème épineux. Si certains mots latins sont difficilement traduisibles autrement que par leur
calque français (genre, âme, substance, puissance, …), il a fallu d'abord éviter de recopier
systématiquement le latin (le terme latin perfectum a un sens différent du mot français parfait), mais nous
avons dû tout autant nous défendre contre le refus systématique de calquer ce même latin, sous prétexte
de déontologie.
Un même mot est souvent traduit de façons différentes, soit parce que le sens latin, trop riche, ne trouve
pas son correspondant français (ratio, ars, habitus, ...), et il est alors rendu, selon le contexte, par des
synonymes plus limités, soit parce que la répétition, fréquente chez Thomas d’Aquin, nuirait au style. Mais
ce que l'on gagne en précision ou en art, on le perd en technicité, et surtout en élévation de pensée. C’est
la marque en effet d’une intelligence profonde, de voir sous un même concept - et donc sous un même
mot -, une multiplicité de concepts inférieurs, dans leur communauté de racine. Rectitude et profondeur ne
sont pas des traits de génie de la langue française, qui est plus celle de dialecticiens et de poètes que de
philosophes.
L’usage du mot «proœme» est une des rares concessions au vocabulaire scolastique, faite par goût
d'exotisme, plutôt que par souci de rigueur. «Habitus» est le seul mot dont la traduction ne nous a jamais
vraiment satisfait. Sa signification la plus exacte serait : «caractère acquis», mais cette expression relève
d’un autre jargon, scientifique celui-là, et nous ne l'utiliserons pas.
Enfin certaines traductions font appel, dans une faible mesure, au vocabulaire scientifique moderne, afin
de mettre en relief, tant que cela est légitime, l’actualité de la pensée des auteurs. Elles « tirent» parfois le
texte, pour exprimer de façon plus concrète ce qui n'est qu'implicite et virtuel. Nous avons cependant
l'impression de rester fidèle à Thomas d'Aquin, qui donne justement ce processus comme définition du
progrès de la connaissance.
Ces choix nous paraissent d'autant plus légitimes qu'il s'agit d'introductions. Nous n'aurions certainement
pas conçu ainsi la traduction du corps des commentaires scientifiques de st Thomas, où la rigueur
d'organisation, de progression et d'expression est extrême, et ne peut être levée sans remettre en cause
la consistance même du savoir qu'il offre.
Il n'en est pas de même ici, car ces textes sont par définition : «pré-scientifiques», au moins du point de
vue du lecteur, et leur rigueur, quoique réelle, est d'un ordre différent. Elle s'appuie essentiellement sur
l'expérience courante, le bon sens humain, l’histoire, les comparaisons, et s'exprime souvent dans des